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Date : 20150127


Dossier : A-208-14

Référence : 2015 CAF 21

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

ENTRE :

TONG SANG LAI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 27 janvier 2015.

Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 27 janvier 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

 


Date : 20150127


Dossier : A-208-14

Référence : 2015 CAF 21

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

ENTRE :

 

TONG SANG LAI

 

appelant

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 27 janvier 2015).

LA JUGE DAWSON

[1]               Un commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a déterminé que l’appelant était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Le commissaire estimait qu’il y avait des motifs raisonnables de croire ce qui suit :

a)      l’appelant était membre de la triade Shui Fong à Macao;

b)      il y avait des motifs raisonnables de croire que la triade Shui Fong se livrait ou s’était livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration hors du Canada d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation.

[2]               Pour les motifs répertoriés sous la référence 2014 CF 258, un juge de la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de cette décision. Le juge a certifié la question suivante :

[traduction] À l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’expression « ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction » requiert‑elle la preuve des éléments constitutifs d’une infraction commise à l’étranger, une analyse d’équivalence et une conclusion de double criminalité entre l’infraction à l’étranger et l’infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation?

[3]               À notre avis, la question déterminante que soulève le présent appel est celle de savoir si le juge a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en matière de certification. Par une directive en date du 8 janvier 2015, le juge en chef a demandé aux avocats des parties d’être prêts à présenter, au début de l’audience, des observations sur la pertinence de la question certifiée.

[4]               Il est bien établi qu’une question ne devrait être certifiée que s’il s’agit d’une question grave de portée générale qui permettrait de trancher l’appel. La jurisprudence de la Cour établit qu’une question certifiée doit avoir été soulevée devant la Cour fédérale et que celle-ci doit s’être prononcée sur sa certification; la certification d’une question ne doit pas servir de renvoi à notre Cour (Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, 318 N.R. 365; et Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129).

[5]               Dans l’arrêt Brannson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] 2 C.F. 141, 34 N.R. 411 (C.F. 1re inst.), notre Cour a examiné la façon dont le décideur doit procéder pour établir l’équivalence entre une infraction commise à l’étranger et une infraction à une loi fédérale pour déterminer s’il y a interdiction de territoire pour criminalité.

[6]               Le juge Urie a commencé son analyse en faisant remarquer que le décideur doit être convaincu, eu égard à la preuve, que les éléments d’une infraction commise à l’étranger constitueraient une infraction punissable au Canada (suivant les dispositions législatives applicables qui étaient alors en vigueur). Le juge Urie a ajouté que, de par leur nature, certaines infractions ne nécessiteraient qu’une preuve restreinte.

[7]               Dans le même ordre d’idées, le juge Urie fait observer, dans l’arrêt Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] A.C.F. no 47, 1 Imm. L.R. (2d) (C.F. 1re inst.), que la Cour, dans l’arrêt Brannson, « n’a pas restreint l’appréciation de la soi‑disant [traduction] “équivalence” du paragraphe de notre Code, contestée dans cette espèce, aux éléments essentiels de quelque infraction expressément définie dans la loi qui lui était comparée ».

[8]               En l’espèce, le juge a conclu que la Section de l’immigration est tenue de « prendre en considération l’équivalence entre le droit applicable dans le pays étranger où l’infraction reprochée a été commise et les lois applicables au Canada ». Le juge a ensuite précisé que « [t]outefois, lorsque les infractions reprochées sont d’une gravité telle que, peu importe le pays, la plupart des nations civilisées auraient des lois pour condamner la conduite ainsi prohibée, il serait ridicule de s’attendre à ce qu’une preuve d’expert s’impose dans un tel cas » (motifs, au paragraphe 20).

[9]               Quant à l’affaire dont il était saisi, le juge a conclu que le dossier dont disposait la Section de l’immigration « révèle une preuve abondante selon laquelle les triades à Macao se sont livrées à diverses activités que tout pays civilisé trouverait illégales et criminelles, notamment le meurtre commis de sang‑froid en public, l’extorsion, l’agression et plus encore. Une analyse distincte était donc inutile » (motifs, au paragraphe 25). Nous souscrivons à cette conclusion et sommes d’avis que celle‑ci est conforme à la jurisprudence de notre Cour.

[10]           Dans les circonstances, la question certifiée par le juge ne saurait, à notre avis, être déterminante quant à l’issue du présent appel. Un point qui n’a pas à être tranché, soit, en l’espèce, l’analyse comparative distincte des éléments particuliers des infractions commises à l’étranger et au Canada, ne saurait jamais soulever une question dûment certifiée.

[11]           Suivant l’alinéa 74d) de la Loi, le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel devant notre Cour que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle‑ci. En conséquence, à défaut d’une telle question, la condition préalable à l’existence d’un droit d’appel n’est pas remplie et l’appel doit être rejeté pour ce motif (l’arrêt Varela, au paragraphe 43).

[12]           Par conséquent, l’appel sera rejeté.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-208-14

INTITULÉ :

TONG SANG LAI c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2015

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE DAWSON

COMPARUTIONS :

Peter A. Chapman

POUR L’Appelant

Keith Reimer

Timothy E. Fairgrieve

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chen & Leung

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR L’APPELANT

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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