Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150223


Dossier : A-170-14

Référence : 2015 CAF 52

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

PAUL MATTHEW JOHNSON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 novembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 février 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20150223


Dossier : A-170-14

Citation : 2015 CAF 52

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

PAUL MATTHEW JOHNSON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La Cour est saisie d’un appel visant la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (dossier de la Cour canadienne de l’impôt : 2012-4902(GST)G) a radié les paragraphes de l’avis d’appel que M. Johnson a déposé devant elle et qui concernent l’objet pour lequel, selon lui, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une cotisation en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la Loi), la conduite de celui-ci en ce qui concerne la cotisation et le recouvrement de sommes au titre de cette cotisation, et son retard à répondre à l’avis d’opposition de M. Johnson.

[2]               M. Johnson a également interjeté appel de la décision par laquelle la Cour fédérale (2013 CF 1032) a rejeté sa demande de contrôle judiciaire à l’endroit des décisions du ministre liées à ces mesures en matière de cotisation et de recouvrement. L’inconduite reprochée au ministre est la même que celle que décrivent les paragraphes de l’avis d’appel adressé à la Cour canadienne de l’impôt et que le juge de cette cour a radiés. Le jugement et les motifs concernant l’appel relatif à la décision du juge de la Cour fédérale ont pour référence 2015 CAF 51. Les faits y sont exposés.

[3]               Dans l’arrêt Main Rehabilitation Co. c. R. (2004 CAF 403, 247 D.L.R. (4th) 597) (autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada refusée ([2005] S.C.C.A. no 37)), la Cour a formulé les commentaires suivants :

6          Quoi qu’il en soit, il est également évident et manifeste que la Cour de l’impôt n’a pas compétence pour statuer qu’un avis de cotisation est nul parce qu’il constitue un abus de procédure reconnu en common law ou en violation de l’article 7 de la Charte.

7          Comme le signale à juste titre le juge [sic] la Cour de l’impôt, même si cette cour a compétence pour suspendre une procédure constituant un abus de ses procédures (voir à titre d’exemple Yacyshyn c. Canada, 1999 D.T.C. 5133 (C.A.F.)), il est de jurisprudence constante qu’on ne peut tenir compte des actions de l’ADRC dans le cadre d’appels interjetés à l’encontre d’un avis de cotisation.

8          Il en est ainsi parce que l’appel interjeté sur le fondement de l’article 169 met en cause la validité de la cotisation, et non du processus ayant conduit à l’établir (voir à titre d’exemple Canada c. The Consumers’ Gas Company Ltd., 87 D.T.C. 5008 (C.A.F.), à la page 5012). Autrement dit, il ne s’agit pas de déterminer si les fonctionnaires de l’ADRC ont correctement exercé leurs pouvoirs, mais plutôt de déterminer si les montants pouvaient valablement être cotisés sous le régime de la Loi (Ludco Enterprises Ltd. c. R., [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.), à la page 84).

[4]               La question sur laquelle la Cour canadienne de l’impôt sera appelée à statuer dans ce cas est de savoir si les sommes réclamées au titre de la Loi dans chacune des cotisations établies en vertu de celle-ci, et qui font l’objet de l’appel dont elle est saisie, correspondent aux montants de taxe nette dus par la personne visée par la cotisation. Les raisons pour lesquelles le ministre a établi ces cotisations et les mesures de recouvrement qu’il a prises à cet égard ne sont pas pertinentes au regard de cette question.

[5]               Au paragraphe 25 de sa décision, le juge de la Cour de l’impôt a décrit ainsi les paragraphes de l’avis d’appel qu’il radiait :

         le paragraphe 19 concerne l’acte administratif par lequel le ministre a établi un compte de TPS et les mesures de recouvrement qu’il a prises;

  • les paragraphes 22, 23, 28, 32 et 33 concernent des mesures de recouvrement de l’ARC;
  • le paragraphe 37 concerne le délai qu’a mis le ministre à répondre à l’avis d’opposition de l’appelant et les mesures de recouvrement qu’il a prises;
  • les paragraphes 43 et 44 concernent un soi-disant abus de procédure regardant la délivrance de l’avis de cotisation. Lus en conjonction avec les faits plaidés, ces paragraphes se rapportent aussi aux mesures de recouvrement de l’ARC.

[6]               M. Johnson peut contester l’existence d’un partenariat, l’identité des partenaires (le cas échéant) et les fournitures taxables effectuées durant les périodes de déclaration visées. La Cour canadienne de l’impôt pourrait examiner toutes ces questions au moment de décider si les cotisations établies reflètent exactement les sommes dues au titre de la Loi par la personne visée par l’avis. Cependant, les mesures de recouvrement prises par le ministre n’intéressent pas la question de savoir si les cotisations (dont découle la mesure de recouvrement) sont justes.

[7]               Je conviens avec le juge de la Cour de l’impôt que les paragraphes précités devraient être radiés de l’avis d’appel adressé à cette cour.

[8]               M. Johnson interjette appel également de la décision du juge de la Cour de l’impôt d’accorder au ministère public une prorogation de délai pour déposer une réponse. M. Johnson a par ailleurs réclamé un jugement par défaut ou, à titre subsidiaire, une ordonnance portant que les allégations de fait contenues dans l’avis d’appel sont réputées vraies. Ces requêtes sont fondées sur le fait que le ministère public n’a pas déposé de réponse dans le délai prescrit par les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688 (les Règles).

[9]               M. Johnson cite les articles 44 et 63 des Règles qui prévoient notamment :

(1) La réponse à l’avis d’appel doit être déposée au greffe dans les 60 jours suivant la signification de l’avis d’appel, à moins que :

a) l’appelant ne consente, avant ou après l’expiration de ce délai, au dépôt de la réponse dans un délai déterminé suivant l’expiration de celui-ci;

b) la Cour ne permette, sur demande présentée avant ou après l’expiration de ce délai, le dépôt de la réponse dans un délai déterminé suivant l’expiration de celui-ci.

(2) Si la réponse n’est pas déposée dans le délai applicable prévu au paragraphe (1), les allégations de fait énoncées dans l’avis d’appel sont réputées vraies aux fins de l’appel.

[…]

(1) L’appelant peut, par voie de requête, demander qu’un jugement soit prononcé à l’égard des conclusions recherchées dans l’avis d’appel, si une réponse à l’avis d’appel n’a pas été déposée et signifiée dans les délais applicables prévus à l’article 44.

(2) Lorsqu’elle est saisie d’une requête pour l’obtention d’un jugement, la Cour peut :

(a) ordonner l’audition de l’appel;

(b) accueillir l’appel si les faits allégués dans l’avis d’appel donnent à l’appelant le droit d’obtenir les conclusions recherchées;

(c) donner toute autre directive appropriée, y compris une directive portant sur le paiement des frais.

[10]           La réponse n’a pas été déposée dans le délai de 60 jours prévu à l’article 44 des Règles. Le juge de la Cour de l’impôt a accordé une prorogation du délai pour déposer une réponse, comme l’autorise l’alinéa 44(1)b) des Règles. Il s’agissait là d’une décision discrétionnaire. Comme le notait la Cour dans l’arrêt Prasad c. Canada (Ministre de l’Emploi et du Développement social), 2015 CAF 22 :

[traduction
6          La Cour ne peut modifier la décision discrétionnaire du juge que s’il s’est fondé sur un principe de droit erroné, s’il a accordé un poids insuffisant à des facteurs pertinents, s’il a mal apprécié les faits ou si une injustice manifeste en résulterait autrement (voir Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, au paragraphe 15).

[11]           En l’espèce, rien ne justifie de modifier la décision discrétionnaire du juge de la Cour de l’impôt d’accorder une prorogation du délai prescrit pour le dépôt de la réponse.

[12]           Dans l’arrêt Canada c. Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, [2007] A.C.F.no 526, le juge Noël (tel était alors son titre), s’exprimant au nom de la Cour, déclarait :

37        Comme l’a fait remarquer le juge Paris dans la décision Telus Communications (Edmonton) Inc. c. La Reine (no 2), [2003] G.S.T.C. 183-1 (aux paragraphes 5 et 6) :

L’allusion, dans le paragraphe 44(2), au « délai applicable prévu au paragraphe (1) » se rapporte à l’une des trois périodes suivantes : les 60 jours suivant la signification de l’avis d’appel, la période précisée dans le consentement de l’appelant ou la période permise par la Cour pour le dépôt de la réponse.

Cela signifie que le paragraphe 44(2) ne s’applique que si une réponse est produite en dehors de la période de 60 jours et si l’appelant ne consent pas, ou si aucune ordonnance de la Cour ne prolonge cette période. Étant donné l’ordonnance que j’ai rendue pour prolonger la période du dépôt de la réponse, le paragraphe 44(2) ne s’applique pas.

38        Je souscris à l’interprétation que fait le juge Paris du paragraphe 44(2). Puisque, en l’espèce, le juge Little a prorogé le délai dans lequel la réponse pouvait être déposée, il ne pouvait pas rendre d’ordonnance portant que les allégations de fait énoncées dans l’avis d’appel étaient réputées vraies.

[13]           Par conséquent, l’octroi d’une prorogation du délai prescrit pour le dépôt de la réponse a annulé tout droit que pouvait avoir M. Johnson d’obtenir une ordonnance portant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont réputés vrais.

[14]           D’autre part, selon l’article 63 des Règles, l’appelant ne peut présenter une requête en jugement que si « une réponse à l’avis d’appel n’a pas été déposée et signifiée dans les délais applicables prévus à l’article 44 ». La mention de « délais » au pluriel indique clairement que cette disposition ne s’applique que dans les conditions déjà énoncées quant au paragraphe 44(2) des Règles. L’octroi d’une prorogation par le juge de la Cour de l’impôt accordait un nouveau délai pour déposer la réponse au titre de l’article 44 des Règles et annulait le droit de M. Johnson, prévu à l’article 63 des Règles, de « demander qu’un jugement soit prononcé à l’égard des conclusions recherchées dans l’avis d’appel ».

[15]           Par conséquent, je rejetterais avec dépens l’appel visant l’ordonnance par laquelle le juge de la Cour de l’impôt a radié certains paragraphes de l’avis d’appel et a rejeté la requête de M. Johnson concernant les ordonnances qu’il a sollicitées.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. ».

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. ».

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-170-14

 

 

INTITULÉ :

PAUL MATTHEW JOHNSON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 NOVEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Allistair G. Campbell

Michelle Moriartey

 

POUR L’appelant

 

David Everett

Melissa Nicolls

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Legacy Tax + Trust Lawyers

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L’appelant

 

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.