Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150216


Dossier : A‑219‑14

Référence : 2015 CAF 47

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

NEWCO TANK CORP.

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 février 2015.

Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 16 février 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RYER

 


Date : 20150216


Dossier : A‑219‑14

Référence : 2015 CAF 47

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

NEWCO TANK CORP.

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 16 février 2015.)

LE JUGE RYER

[1]               La Cour est saisie d'un appel interjeté par Newco Tank Corp. à l'égard d'une décision par laquelle le juge Mosley, de la Cour fédérale (2014 CF 287, [2014] A.C.F. n° 300 (QL)), a rejeté son appel, formé en vertu de l'article 48.5 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, relativement à une décision d'un conseil de réexamen (le conseil) concernant la validité des revendications 12, 13 et 14 (les revendications) du brevet canadien no 2 421 384 (le brevet).

[2]               Le conseil a réexaminé les revendications à la lumière des antériorités citées par la personne ayant demandé le réexamen. Il a conclu que les revendications étaient invalides pour cause d'évidence compte tenu des six brevets américains cités en tant qu'antériorités, de sorte qu'elles ne respectaient pas l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Le conseil a donc délivré, en vertu du paragraphe 48.4(1) de la Loi sur les brevets, un constat portant rejet des revendications.

[3]               Newco Tank Corp. a interjeté appel de la décision du conseil devant la Cour fédérale, qui a confirmé la décision. Ce faisant, le juge de la Cour fédérale a d'abord déterminé que la démarche qu'il convenait de suivre lors de l'examen relatif à l'évidence était la démarche à quatre volets énoncée dans l'arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 R.C.S. 265, 2008 CSC 61, que le conseil avait utilisée et qui est décrite comme suit :

[67]      Lors de l'examen relatif à l'évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d'abord énoncée par le lord juge Oliver dans l'arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d'objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l'a récemment reformulée dans l'arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :

[TRADUCTION] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l'arrêt Windsurfing :

(1)        a)         Identifier la « personne versée dans l'art »;

b)         Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)        Définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

(3)        Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)        Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent‑elles quelque inventivité? [Je souligne.]

La question de l'« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l'évidence.

[4]               Le juge de la Cour fédérale a indiqué qu'il convenait avec les parties que les questions soulevées dans l'appel étaient assujetties à la norme de la décision raisonnable. En appliquant cette norme aux questions en litige et en concluant que l'appel devait être rejeté, le juge de la Cour fédérale a tiré un certain nombre de conclusions au sujet de ces questions.

[5]               Plusieurs de ces conclusions sont pertinentes aux fins du présent appel. D'abord, le juge de la Cour fédérale a jugé raisonnable la conclusion factuelle du conseil selon laquelle les renseignements présentés à titre contextuel dans le brevet faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, compte tenu de la déférence due au conseil en raison de l'expérience que celui‑ci possède dans le domaine des brevets. Le juge de la Cour fédérale a également jugé raisonnable la conclusion factuelle du conseil selon laquelle le problème de l'inefficacité de la méthode de chauffage du réservoir de pétrole décrite dans le mémoire descriptif du brevet faisait partie des connaissances générales courantes. Enfin, le juge de la Cour fédérale a jugé raisonnable la conclusion du conseil selon laquelle la présentation du problème de l'inefficacité du chauffage sous le titre [TRADUCTION] « Résumé de l'invention » dans le mémoire descriptif du brevet faisait néanmoins partie de la mise en contexte plutôt que de l'invention revendiquée.

[6]               Insatisfaite de la décision du juge de la Cour fédérale, l'appelante a déposé le présent appel. Dans son mémoire, elle soutient que la question à trancher est de savoir si le conseil a commis une erreur de droit susceptible de contrôle judiciaire en concluant que, selon son interprétation du mémoire descriptif du brevet, la présentation du problème que celui‑ci visait à résoudre constituait une reconnaissance que le problème faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. L'appelante ajoute qu'en raison de cette erreur d'interprétation du mémoire descriptif, la Cour d'appel fédérale devrait infirmer la décision du conseil.

[7]               La conclusion déterminante que le conseil a tirée consistait à dire que [TRADUCTION] « [...] les renseignements contextuels figurant dans le brevet lui‑même » faisaient partie des connaissances générales de la personne versée dans l'art (voir le dossier d'appel, à la page 102).

[8]               Devant la Cour fédérale, l'appelante a soutenu que cette conclusion était une conclusion de fait déraisonnable. Devant notre Cour, l'appelante a formulé l'argument différemment en disant qu'il s'agissait d'une interprétation erronée du brevet ayant donné lieu à une erreur de droit qui est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte.

[9]               L'appelante fait valoir que le conseil a commis une erreur de droit en concluant que par son mémoire descriptif du brevet, l'appelante admettait que la personne versée dans l'art saurait en quoi consistait « le problème ». Essentiellement, l'appelante affirme que le conseil a commis une erreur en ne concluant pas que l'invention décrite dans la revendication 12 englobait tant l'appareil de chauffage qui y est décrit que la reconnaissance de l'inefficacité de la méthode et du dispositif qui servaient à chauffer les réservoirs de stockage de liquide sur les sites de forage avant la délivrance du brevet.

[10]           Nous estimons que ces arguments ne sont pas fondés. Nous ne souscrivons pas à la thèse selon laquelle, en tirant sa conclusion au sujet de ce qui faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, le conseil s'est livré à un exercice d'interprétation du brevet. À notre avis, lorsqu'il a conclu que [TRADUCTION] « les renseignements contextuels figurant dans le brevet lui‑même » faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, le conseil a simplement énoncé une conclusion de fait qu'il devait tirer afin de satisfaire à l'exigence du facteur 1b) énoncé dans l'arrêt Sanofi.

[11]           Lors de l'examen d'une décision dans laquelle la Cour fédérale a pour sa part procédé à l'examen de la décision d'un organisme administratif, comme le conseil, notre Cour cherche à savoir si le tribunal d'instance inférieure a choisi la norme de contrôle appropriée à l'égard de la question qu'il devait trancher et l'a appliquée correctement (voir Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47).

 

[12]           La question déterminante qui se pose dans le présent appel est de savoir si la décision du conseil au sujet du facteur 1b) énoncé dans Sanofi — les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art — peut se justifier. Le juge de la Cour fédérale a déterminé qu'il s'agissait d'une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Nous sommes d'avis qu'il a choisi la bonne norme de contrôle (voir Amazon.com, Inc. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 328, [2012] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 19).

[13]           En ce qui concerne l'application de cette norme, nous sommes d'avis que le juge de la Cour fédérale a décidé à juste titre que la conclusion de fait en question relevait du domaine d'expertise du conseil et qu'il avait droit à une grande déférence. Le juge de la Cour fédérale a conclu que le conseil n'était pas tenu de décrire plus précisément les connaissances générales présumées de la personne versée dans l'art, et que le conseil pouvait conclure qu'il était raisonnable de décrire les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art par renvoi aux renseignements présentés à titre de contexte dans le brevet. À notre avis, pour arriver à ces conclusions, le juge de la Cour fédérale a appliqué correctement la norme de la décision raisonnable lors de l'examen de cette conclusion cruciale tirée par le conseil.

[14]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, et malgré les arguments valables de l'avocat de l'appelante, il y a lieu de rejeter l'appel avec dépens.

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A‑219‑14

APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE MOSLEY, DE LA COUR FÉDÉRALE, LE 24 MARS 2014 DANS LE DOSSIER NO T‑194‑13

INTITULÉ :

NEWCO TANK CORP. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 16 FÉVRIER 2015

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LE JUGE RYER

COMPARUTIONS :

Christopher J. Kvas

Adrian Lambert

POUR L'APPELANTE

Jacqueline Dais‑Vasca

James Elford

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Piasetski Nenniger Kvas LLP

Toronto (Ontario)

Lambert Intellectual Property Law

Edmonton (Alberta)

POUR L'APPELANTE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ

 

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