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Date : 20150311


Dossiers : A-191-14

A-192-14

Référence : 2015 CAF 68

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

ENTRE :

 

LOVING HOME CARE SERVICES LTD.

 

appelante

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET LA‑TOYA LANA BURT

 

intimés

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 9 mars 2015.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 11 mars 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20150311


Dossiers : A-191-14

A-192-14

Référence : 2015 CAF 68

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

ENTRE :

 

LOVING HOME CARE SERVICES LTD.

 

appelante

 

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET LA‑TOYA LANA BURT

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La Cour est saisie d'appels des jugements du juge Boyle (2014 CCI 71) relatifs aux appels interjetés par Loving Home Care Services Ltd. (Loving Home Care) sur le fondement de la Loi sur l'assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, et du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8. Aux termes d'une ordonnance du 18 juin 2014, les appels dans les dossiers A‑191‑14 et A‑192‑14 ont été réunis, l'appel dans le dossier A‑191‑14 étant désigné appel principal. Les présents motifs seront versés dans le dossier A‑191‑14, et une copie de ceux‑ci sera versée dans le dossier A‑192‑14.

[2]               La Cour canadienne de l'impôt était appelée à déterminer si six personnes dont Loving Home Care avait retenu les services étaient des employées ou des entrepreneuses indépendantes. Le juge Boyle a conclu qu'elles étaient des employées, et Loving Home Care a interjeté appel de sa décision.

[3]               Loving Home Care ne fait pas valoir en l'espèce que le juge de la Cour de l'impôt a appliqué le mauvais critère juridique, mais plutôt qu'il a fait erreur en tirant certaines conclusions de fait. Plus précisément, Loving Home Care soutient que le juge de la Cour de l'impôt n'aurait pas dû conclure que l'annexe jointe au contrat non signé produit en ce qui concerne l'une des travailleuses (Mme Burt) s'appliquait à toutes les travailleuses. Certaines clauses qui figuraient à l'annexe jointe au contrat non signé concernant Mme Burt ne se trouvaient pas dans l'annexe jointe aux formulaires utilisés pour les autres travailleuses.

[4]               Dans l'arrêt Zsoldos c. Procureur général du Canada, 2004 CAF 338, [2004] A.C.F. no 1658 (QL), aux paragraphes 11 et 12, notre Cour a confirmé que les questions de fait soulevées dans des appels comme ceux dont nous sommes saisis, interjetés en vertu du paragraphe 27(1.2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, sont assujetties à la même norme de contrôle que celle qui s'applique aux questions de fait tranchées par la Cour canadienne de l'impôt sous le régime de la procédure générale. C'est donc la norme énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, qui s'applique. Les questions de fait, y compris les inférences factuelles, sont assujetties à la norme de l'erreur manifeste et dominante.

[5]               En l'espèce, Loving Home Care a produit six documents en preuve — un pour chaque travailleuse. Chacun de ces documents était intitulé [TRADUCTION] « Contrat de sous‑traitance de Loving Home Care Services Ltd. ». Cinq des documents comportaient une courte annexe A, intitulée [TRADUCTION] « Description des tâches et responsabilités », qui ne comptait que trois courts paragraphes. L'annexe A qui était jointe au document concernant Mme Burt renfermait en plus une phrase à la fin du premier paragraphe et deux courts paragraphes supplémentaires. La plupart des documents ainsi que l'annexe A étaient signés par les deux parties.

[6]               Le juge de la Cour de l'impôt a exprimé ses préoccupations au sujet des contrats au paragraphe 15 de ses motifs :

15        La datation des contrats, qu'ils aient été signés ou pas, n'est ni claire ni complète, et ce point reste discutable. Les préoccupations de la Cour relatives à la datation des contrats produits en preuve a fait l'objet d'une discussion exhaustive avec l'avocat de l'appelante lors de l'audience. Les formulaires préimprimés comportant des espaces à remplir portent la mention de l'année 2010. Au moins un de ces formulaires donnait à entendre qu'il avait été rempli avant cette date. Certaines dates apparaissant sur les horaires de travail ne correspondaient pas aux dates des contrats auxquels ces horaires avaient été annexés. Les travailleuses ne se souvenaient pas toutes de la date à laquelle elles avaient signé leur contrat, qui marquait le début de leur relation de travail avec Loving Home Care. Les travailleuses n'ont pas toutes pu fournir de réponses claires et satisfaisantes en ce qui concerne la datation, la signature et le renouvellement de ces contrats. Une travailleuse a dû modifier la réponse claire et sans équivoque qu'elle avait donnée à cette question quand sa réponse a été contestée lors du contre-interrogatoire. Il semble que les contrats aient été « renouvelés » à la demande de Loving Home Care en 2012, à l'exception de celui de l'intervenante, Mme Burt, qui ne travaillait alors plus pour Loving Home Care. La procédure relative aux décisions rendues à l'égard du statut de ces travailleuses a été entamée en 2012.

[7]               Le juge de la Cour de l'impôt a tiré l'inférence en litige dans le présent appel au paragraphe 16 de ses motifs :

16        La différence notable et significative entre le contrat de Mme Burt et les contrats renouvelés de 2012 réside dans le fait que les clauses vii) et viii) reproduites ci‑dessus, relatives à la planification des jours de congé, que ce soit pour des raisons familiales ou pour des vacances, et aux rapports quotidiens à Loving Home Care au moyen du journal détaillé, n'apparaissent pas dans les contrats de 2012. Au vu de l'ensemble de la preuve relative à ces contrats et à leur renouvellement, y compris de mes doutes quant à la crédibilité des témoins, et compte tenu de l'écart apparent dans le calendrier de renouvellement de 2012, l'appelante n'a certainement pas été capable de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d'éléments de preuve crédibles, que les contrats qui ont été produits devant la Cour étaient ceux qui étaient en vigueur pendant la période en cause. De manière générale, je conclus que Loving Home Care et ses travailleuses n'ont pas signé ces contrats avant de commencer à travailler ensemble, que les contrats n'avaient pas été nécessairement remplis ou signés à la date où on a affirmé qu'ils l'avaient été, ou ne l'avaient pas été du tout, et que, dans le cas des travailleuses visées par les décisions en cause, pendant les périodes pertinentes en cause, tous les contrats comprenaient les mêmes dispositions relatives à la planification que celles qui apparaissaient dans le contrat de Mme Burt.

[Italique et caractères gras ajoutés]

[8]               Par suite de cette inférence, le juge a conclu que les modalités supplémentaires suivantes faisaient partie des contrats de toutes les travailleuses concernées :

                     L'entrepreneur décrit les devoirs et les responsabilités, qui peuvent faire l'objet de modifications compte tenu de la description de travail.

                     En cas de vacances ou d'absence pour raisons familiales, l'entrepreneur exige un préavis écrit d'au moins deux semaines.

                     La sous‑traitante tient l'entrepreneur au courant de la vie quotidienne des patients au moyen du journal, en y consignant des renseignements sur leur état de santé, la tenue de la maison et d'autres renseignements pertinents.

[9]               Loving Home Care soutient que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que les modalités susmentionnées faisaient partie de tous les contrats pertinents.

[10]           Dans l'arrêt H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, le juge Fish, au nom des juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, a précisé ce qui suit :

74        Je m'explique. Il n'est pas rare que des inférences différentes puissent raisonnablement être tirées des faits que le juge de première instance a tenus pour directement établis. L'examen en appel consiste à déterminer si les inférences du juge sont « raisonnablement étayées par la preuve ». Si elles le sont, le tribunal de révision ne peut soupeser la preuve à nouveau en substituant à l'inférence raisonnable retenue par le juge sa propre inférence tout aussi convaincante, sinon plus. Là encore, cette règle fondamentale est parfaitement compatible avec les motifs majoritaires et ceux de la minorité dans Housen.

[11]           En l'espèce, il incombait à Loving Home Care d'établir, selon la prépondérance des probabilités, quelles étaient les modalités applicables à chacune des travailleuses. Ce n'est pas parce qu'elle n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour s'acquitter de ce fardeau que Loving Home Care devrait avoir gain de cause. Le juge de la Cour de l'impôt a tiré l'inférence susmentionnée parce que la preuve portant sur les contrats et les modalités figurant dans chacun d'eux était sommaire et incohérente. Comme cette inférence est raisonnablement étayée par la preuve, je ne peux conclure que, ce faisant, le juge a commis une erreur. Il n'appartient pas à notre Cour d'apprécier à nouveau la preuve et de substituer une inférence à celle que le juge de la Cour de l'impôt a tirée.

[12]           L'avocat de Loving Home Care a soutenu que, si le juge de la Cour de l'impôt n'avait pas commis l'erreur de conclure que l'annexe A du contrat de Mme Burt s'appliquait à toutes les travailleuses, il n'aurait pas tiré, à partir des éléments de preuve dont il disposait, les conclusions auxquelles il est parvenu en ce qui concerne les facteurs énoncés dans la décision Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), [1986] 3 C.F. 553. Vu ma conclusion concernant l'annexe A, rien ne me permet de remettre en question la conclusion du juge de la Cour de l'impôt concernant ces facteurs.

[13]           Par conséquent, je rejetterais les appels avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIERS :

A-191-14 et A-192-14

 

INTITULÉ :

LOVING HOME CARE SERVICES LTD. c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET LA‑TOYA LANA BURT

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :

lE 9 MARS 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

DATE DES MOTIFS :

LE 11 MARS 2015

COMPARUTIONS :

Daniel L. Kiselbach

Ryan Adkin

POUR L'APPELANTE

Perry Derksen

Amandeep Sandhu

POUR L'INTIMÉ

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Droit fiscal Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR L'APPELANTE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

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