Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150723


Dossier : A‑242‑13

Référence : 2015 CAF 171

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

APOTEX INC. et APOTEX FERMENTATION INC.

appelantes

et

MERCK & CO., INC. et MERCK CANADA INC.

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), les 14 et 15 janvier 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20150723


Dossier : A‑242‑13

Référence : 2015 CAF 171

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

APOTEX INC. et APOTEX FERMENTATION INC.

appelantes

et

MERCK & CO., INC. et MERCK CANADA INC.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               La principale question soulevée dans le présent appel est de savoir si, lorsqu'on calcule des dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet, il convient de tenir compte du fait que le contrefacteur aurait pu avoir recours à des produits de substitution non contrefaits. Pour les motifs qui suivent, j'ai conclu que la possibilité de recourir à des produits de substitution non contrefaits est une considération juridique pertinente. La question s'inscrit dans le contexte suivant : Apotex a été jugée coupable de contrefaçon de brevet. Pour ce qui est de la réparation, Apotex fait valoir que les dommages‑intérêts devraient être réduits parce qu'elle avait accès à un produit de substitution non contrefait qu'elle aurait pu utiliser et qu'elle aurait utilisé. Compte tenu de la preuve, je ne suis pas d'accord. Je suis donc d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

I.                   Le contexte factuel

[2]               Merck & Co. Inc. (Merck & Co.) est titulaire du brevet canadien no 1 161 380. Le brevet concerne une revendication de produit par le procédé pour le médicament anti‑cholestérol lovastatine (le procédé AFI‑1). Le brevet a été délivré à Merck & Co. en 1984 et a expiré le 31 janvier 2001. Merck Canada Inc. (Merck Canada) ou l'entreprise à laquelle elle a succédé vend la lovastatine au Canada sous le nom commercial de MEVACOR depuis 1988 sous licence de Merck & Co.

[3]               Merck & Co. et Merck Canada sont appelées collectivement Merck ou les intimées dans les présents motifs.

[4]               En 1993, Apotex Inc. a demandé au ministre de la Santé un avis de conformité qui lui permettrait de commercialiser une version générique de la lovastatine au Canada. Elle alléguait qu'elle ne contreferait pas le brevet puisqu'elle emploierait un procédé de production de la lovastatine échappant au champ d'application du brevet (le procédé AFI‑4).

[5]               Un avis de conformité a été délivré à Apotex le 27 mars 1997.

[6]               En 1997, Merck a intenté une action contre Apotex Inc. et Apotex Fermentation Inc. (AFI) (les appelantes ou Apotex) en invoquant la contrefaçon de brevet. Après un long procès, une juge de la Cour fédérale a conclu que le brevet était valide et avait été contrefait (2010 CF 1265).

[7]               Plus précisément, la juge a estimé que le brevet avait été contrefait à deux égards. Premièrement, aux environs de novembre 1996, un lot de lovastatine a été fabriqué par AFI à Winnipeg (le lot CR0157) à l'aide du procédé breveté. Deuxièmement, en 1997, Apotex a transféré la production de la lovastatine d'AFI (à Winnipeg) à Qingyuan Blue Treasure Pharmaceutical Co. Ltd. (Blue Treasure), coentreprise chinoise dont AFI détenait 42,5 p. 100 des actions. Le transfert de la technologie et du procédé AFI‑4 à Blue Treasure a été effectué à la condition que celle‑ci vende à Apotex de la lovastatine exclusivement produite à l'aide du procédé AFI‑4. La juge a cependant conclu qu'après mars 1998 et jusqu'à environ mars 2000, Blue Treasure a produit 294 lots de lovastatine à l'aide du procédé breveté.

[8]               La juge a estimé que cette violation était importante. Environ 60 p. 100 des ventes d'Apotex entre mars 1997 et la date d'expiration du brevet concernaient de la lovastatine contrefaite. En termes de volume, environ 71 p. 100 de la lovastatine fournie en vrac à Apotex Inc. par AFI (directement ou par l'intermédiaire de Blue Treasure) était contrefaite.

[9]               La juge a également conclu que les intimées avaient droit à des dommages‑intérêts compensatoires plutôt qu'à une remise des profits.

[10]           Après l'épuisement de tous les droits d'appel relatifs à l'étape de la responsabilité, la juge s'est attelée à une longue analyse visant à fixer les dommages‑intérêts de Merck.

[11]           En résumé, pour les motifs exposés dans 2013 CF 751, la juge a conclu que Merck avait droit à des dommages‑intérêts totaux de 119 054 327 $, plus les intérêts antérieurs et postérieurs au jugement. Les dommages‑intérêts se répartissaient comme suit :

i)        62 925 126 $ pour la perte de bénéfices de Merck Canada au titre des ventes de remplacement avant l'expiration (terme défini dans les motifs de la Cour fédérale);

ii)      51 290 364 $ pour la perte de bénéfices de Merck & Co. au titre des ventes de remplacement avant l'expiration;

iii)    2 696 963 $, somme fondée sur le calcul d'une redevance raisonnable au titre des ventes sur le marché intérieur de produits contrefaits après l'expiration du brevet;

iv)    2 141 874 $, somme fondée sur le calcul d'une redevance raisonnable au titre des ventes à l'exportation de produits contrefaits.

[12]           Le calcul de ces dommages‑intérêts tenait compte du fait que la juge a rejeté l'argument, invoqué par Apotex Inc. et AFI, selon lequel l'existence de lovastatine non contrefaite devait entrer en ligne de compte pour l'évaluation des dommages‑intérêts.

II.                Les questions

[13]           Dans leur mémoire des faits et du droit, les appelantes ont affirmé que la juge avait commis un certain nombre d'erreurs de droit susceptibles de contrôle, notamment en adjugeant des intérêts antérieurs au jugement à un taux supérieur au taux d'escompte. À l'audition de l'appel, elles ont fait savoir qu'elles ne donneraient pas suite à cet argument. Les autres questions sont toujours en litige.

[14]           Comme je l'ai indiqué précédemment, la juge a, à mon avis, commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il n'était pas pertinent en droit de tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits pour le calcul des dommages‑intérêts compensatoires pour contrefaçon de brevet. Le fait de reconnaître la pertinence en droit d'un procédé non contrefaisant n'aide toutefois pas en soi les appelantes. Il convient de régler une question supplémentaire sur le fondement de la preuve : Apotex a‑t‑elle réussi à démontrer, dans les faits, le bien‑fondé de sa cause?

[15]           Je formulerais donc les questions en litige comme suit :

i)        La juge a‑t‑elle commis une erreur de droit en rejetant la pertinence juridique de l'existence de lovastatine non contrefaite pour le calcul des dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet?

ii)      Dans l'affirmative, Apotex a‑t‑elle réussi à démontrer le bien‑fondé de sa cause sur le fondement de l'existence de lovastatine non contrefaite?

iii)    La juge a‑t‑elle commis une erreur en déterminant le taux de redevance applicable aux ventes de produits contrefaits avant la date d'expiration du brevet?

iv)    La juge a‑t‑elle commis une erreur en déterminant le taux de redevance applicable aux ventes de produits contrefaits après la date d'expiration du brevet?

v)      La juge a‑t‑elle commis une erreur en concluant que Merck & Co. avait qualité pour faire une demande de dommages‑intérêts en vertu de son contrat de licence exclusive avec Merck Canada?

III.             La norme de contrôle

[16]           La norme de contrôle applicable aux questions soulevées en l'espèce est décrite par la Cour suprême dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. La norme applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte. Les conclusions et inférences de fait doivent être contrôlées selon la norme de l'erreur manifeste et dominante. Les conclusions mixtes de fait et de droit doivent être contrôlées selon la même norme déférente, à moins qu'il ne soit possible de faire la preuve de l'existence d'une erreur de droit isolable, auquel cas cette erreur sera contrôlée selon la norme de la décision correcte.

[17]           Nous analyserons au besoin plus en détail la norme de contrôle lors de l'examen de chacune des questions soulevées par les appelantes.

IV.             La décision de la Cour fédérale

A.                La pertinence de l'existence de produits de substitution non contrefaits

[18]           La juge a analysé cette question aux paragraphes 26 à 121 de ses motifs. Elle a commencé par exposer brièvement les thèses respectives des parties.

[19]           Merck Canada réclamait des pertes de bénéfices à l'égard des comprimés de MEVACOR qu'elle aurait vendus sur le marché intérieur en remplacement de chaque comprimé d'Apo‑lovastatine vendu sur ce marché avant la date d'expiration du brevet. La juge a décrit ces comprimés et ces ventes comme les comprimés et ventes antérieurs à l'expiration du brevet (paragraphe 11 des motifs).

[20]           Les appelantes ont de leur côté fait valoir que, exception faite des comprimés faisant partie du lot de produits contrefaits CR0157 préparés à Winnipeg, Merck Canada ne devrait avoir droit qu'à une redevance raisonnable parce qu'elle n'était pas en mesure de démontrer qu'il y avait un « dommage que cette contrefaçon [lui] a fait subir », comme l'exige le paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4 (la Loi) (paragraphe 32 des motifs).

[21]           Cet argument reposait sur le fait que, dès mars 1997, Apotex avait accès à des produits de substitution non contrefaits en raison de son procédé AFI‑4. Apotex a fait valoir que le critère de la condition essentielle, c'est‑à‑dire la question de savoir si le préjudice n'aurait pas eu lieu « n'eût été » la contrefaçon, suppose que l'on doive tenir compte du fait que, dès réception de l'avis de conformité, Apotex avait le droit et la capacité de produire tous les comprimés de remplacement vendus au Canada avant la date d'expiration du brevet. Il s'ensuivait, selon Apotex, que Merck Canada n'était pas en mesure de démontrer que ses pertes étaient attribuables à l'usage fautif par Apotex de son procédé AFI‑1. Il s'ensuivait également que les dommages‑intérêts de Merck Canada devaient se limiter à une redevance raisonnable au titre de toutes les ventes avant l'expiration.

[22]           Merck a répondu que le droit canadien ne reconnaît pas la pertinence de l'existence de produits de substitution non contrefaits.

[23]           Après avoir exposé les thèses opposées, la juge a passé en revue les principes généraux applicables à l'évaluation des dommages‑intérêts visés au paragraphe 55(1) de la Loi (paragraphe 41 des motifs).

[24]           La juge a ensuite examiné le principe de l'indemnisation au moyen de dommages‑intérêts et le fardeau dont Merck Canada devait s'acquitter, à savoir démontrer que, n'eût été la contrefaçon, elle aurait fait les ventes en question (paragraphe 42 des motifs).

[25]           Elle a rejeté l'argument des appelantes selon lequel Merck n'était pas en mesure de prouver que Merck Canada aurait vendu des comprimés de remplacement avant l'expiration du brevet n'eût été la contrefaçon parce qu'Apotex avait accès à une solution de rechange non contrefaisante. Selon elle, si les appelantes n'avaient pas contrefait le brevet, Merck Canada aurait réalisé toutes les ventes de remplacement qui ont eu lieu avant l'expiration du brevet (paragraphe 56 des motifs).

[26]           La juge a fourni quatre motifs à l'appui de sa conclusion :

i)        La question de la causalité a été correctement examinée quand elle a conclu que Merck ne saurait être indemnisée pour les ventes manquées lorsqu'Apotex employait le procédé non contrefaisant AFI‑4 (paragraphe 52 des motifs).

ii)      L'argument des appelantes confondait la question de la causalité et la fixation subséquente des dommages‑intérêts (paragraphe 53 des motifs).

iii)    En droit de la responsabilité délictuelle, l'analyse de la causalité vise la situation initiale du demandeur. Par conséquent, le comportement hypothétique d'Apotex elle‑même n'était pas pertinent (paragraphe 54 des motifs).

iv)    La juge a établi une distinction entre l'affaire dont elle était saisie et l'arrêt Cadbury Schweppes Inc. c. Aliments FBI Ltée, [1999] 1 R.C.S. 142, invoqué par Apotex. À son avis, cette dernière affaire concernait un abus de confiance et renvoyait à des principes d'equity qui n'étaient pas applicables dans le cas des dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet (paragraphe 55 des motifs).

[27]           La juge s'est ensuite penchée sur la jurisprudence canadienne et britannique et a conclu que, dans l'état actuel du droit canadien, l'existence de produits de substitution non contrefaits n'est pas pertinente pour l'évaluation des dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet (paragraphes 57 à 76 des motifs).

[28]           La juge a rejeté quatre arguments avancés par les appelantes à l'appui de l'affirmation selon laquelle le droit canadien relatif à la pertinence de l'existence de produits de substitution non contrefaits avait changé ou devrait changer :

        i)            À son avis, la Cour suprême n'a pas modifié la jurisprudence dans Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902. La question en litige était la remise des profits. Rien n'indiquait que les principes applicables à la remise des profits pourraient ou devraient s'appliquer à l'évaluation des dommages‑intérêts (paragraphes 77 à 82 des motifs).

      ii)            La juge a admis que l'existence d'une solution non contrefaisante a une pertinence juridique en droit américain, mais les dispositions légales des États‑Unis sont très différentes de celles du Canada et du Royaume‑Uni (paragraphes 91 à 97 des motifs).

    iii)            Les articles de doctrine du professeur Norman Siebrasse n'ont pas force de précédent. Il n'a fait que souhaiter que le droit canadien reconnaisse le moyen de défense de l'existence de produits de substitution non contrefaits. Par ailleurs, selon l'aveu même d'Apotex, le professeur Siebrasse est une [TRADUCTION] « voix qui prêche dans le désert » (paragraphes 98 à 106 des motifs).

    iv)            Les arguments relatifs à l'existence d'une solution non contrefaisante ont été admis dans le cas du calcul des dommages‑intérêts en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, mais cette approche n'est pas applicable au calcul des dommages‑intérêts au titre du paragraphe 55(1) de la Loi (paragraphes 107 à 112 des motifs).

[29]           Enfin, aux paragraphes 113 à 120 de ses motifs, la juge fournit quatre raisons de politique générale pour rejeter la pertinence juridique de l'existence de produits de substitution non contrefaits :

i)        Le titulaire du brevet ne serait pas suffisamment indemnisé.

ii)      L'existence d'une solution non contrefaisante est un élément qui a déjà été pris en considération parce que Merck ne pouvait pas réclamer de bénéfices perdus à l'égard des ventes perdues à l'Apo‑lovastatine non contrefaite.

iii)    La reconnaissance de la pertinence de l'existence d'une solution non contrefaisante créerait une incitation à la contrefaçon.

iv)    La reconnaissance de la pertinence de l'existence d'une solution non contrefaisante serait incompatible avec le fait que le Canada a mis fin au régime obligatoire de délivrance de licences et serait incompatible avec les obligations internationales du Canada (plus précisément le paragraphe 1709(10) de l'Accord de libre‑échange nord‑américain et l'article 31 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).

B.                 Le calcul d'une redevance raisonnable pour les ventes de produits contrefaits avant l'expiration du brevet

[30]           La juge a estimé que, si elle avait tort au sujet de la pertinence de l'existence de produits de substitution non contrefaits, il y avait lieu de fixer une redevance raisonnable au titre de toutes les ventes manquées sur le marché intérieur où Apotex aurait pu faire concurrence sans contrefaire le brevet, soit au titre des comprimés et ventes antérieurs à l'expiration du brevet.

[31]           Sans calculer le montant de la redevance, la juge a proposé un cadre de négociation hypothétique d'une somme forfaitaire. La redevance se situerait entre la disposition maximale des appelantes à payer (soit le montant maximal pour lequel Apotex aurait intérêt à obtenir une licence) et la disposition minimale des intimées à accepter (en deçà du seuil où Merck n'accepterait pas le montant proposé) (paragraphes 166 et 167 des motifs).

[32]           J'ai conclu que bien qu'il soit pertinent en droit de tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits, les appelantes n'ont pas réussi à prouver qu'elles auraient pu se prévaloir de cette possibilité ni qu'elles l'auraient fait. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner plus avant les motifs de la juge à cet égard.

C.                 Le calcul d'une redevance raisonnable pour les ventes de produits contrefaits après l'expiration du brevet

[33]           Pendant la durée de vie du brevet, Apotex a stocké de la lovastatine contrefaite en vrac, puis l'a vendue sous forme de comprimés après l'expiration du brevet. Les parties et la juge ont estimé que les dommages‑intérêts seraient fondés sur une redevance raisonnable au titre de ces ventes (paragraphes 185 à 189 des motifs).

[34]           La juge a calculé une redevance raisonnable selon la méthode proposée par l'expert de Merck. La redevance a été calculée en multipliant le montant au milieu de la fourchette des économies estimées réalisées par kilogramme par Apotex grâce à l'usage du procédé de contrefaçon par le poids de la lovastatine contrefaite vendue après l'expiration du brevet (paragraphes 191 et 199 des motifs).

D.                Les bénéfices perdus de Merck É.‑U.

[35]           Merck É.‑U. a réclamé des dommages‑intérêts pour ventes manquées parce que Merck Canada était tenue de lui acheter sa lovastatine en vrac. Apotex a soutenu que Merck É.‑U. n'avait droit à aucuns dommages‑intérêts importants étant donné qu'elle avait conclu un contrat de licence exclusive avec Merck & Co en 1992. Merck É.‑U. serait donc un titulaire de brevet symbolique sans aucun droit de tirer un bénéfice du brevet.

[36]           La juge a rejeté cet argument. Selon elle, l'octroi d'une licence exclusive pour utiliser l'invention ne confère ni intérêt ni droit de propriété à l'égard du brevet et n'interdit pas au titulaire du brevet de réclamer ses propres dommages‑intérêts en raison de la contrefaçon du brevet (paragraphes 241 à 244 des motifs).

[37]           Maintenant que j'ai formulé les questions et résumé les réponses de la Cour fédérale, je vais analyser les questions en litige.

V.                Analyse des questions en litige

A.                La juge a‑t‑elle commis une erreur de droit en rejetant la pertinence juridique de l'existence de lovastatine non contrefaite pour le calcul des dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet?

[38]           On dit que les brevets sont « d'origine législative » (Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, paragraphe 45 (au sujet du sildénafil); voir aussi Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, paragraphe 37 (au sujet de l'AZT)). Le fondement légal d'une demande de dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet se trouve au paragraphe 55(1) de la Loi :

55. (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l'octroi du brevet. [Je souligne.]

55. (1) A person who infringes a patent is liable to the patentee and to all persons claiming under the patentee for all damage sustained by the patentee or by any such person, after the grant of the patent, by reason of the infringement. [emphasis added]

[39]           La question à laquelle il faut répondre dans le présent appel est de savoir si l'exigence que le dommage subi découle de la contrefaçon est, comme l'a conclu la juge, de quelque manière limitée, de sorte qu'une cour ne doive pas tenir compte de la concurrence légitime d'un contrefacteur. Subsidiairement, la concurrence légitime potentielle du contrefacteur est‑elle un élément d'analyse juridiquement pertinent? Il s'agit d'une question d'interprétation de la loi susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[40]           Si le paragraphe 55(1) autorise l'une ou l'autre interprétation, j'estime que toute ambiguïté est réglée une fois que l'objet et le contexte légal de la disposition sont examinés.

[41]           L'octroi de dommages‑intérêts a pour objet d'indemniser un titulaire de brevet (ou toute personne s'en réclamant) qui a subi des pertes en raison de la contrefaçon du brevet. Le principe de l'indemnisation exclut aussi bien la sous‑indemnisation que la surindemnisation.

[42]           La Loi dans son ensemble vise à favoriser la recherche et le développement et à encourager l'activité économique en général (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, paragraphe 42). « C'est un moyen d'encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d'une durée limitée » (AZT, paragraphe 37). Au cœur de ce marché avec l'inventeur et au cœur même de la Loi, il y a la notion d'équilibre entre l'avantage qu'en tire la population grâce à la divulgation d'une nouvelle invention utile et l'avantage qu'en tire l'inventeur grâce à l'octroi d'un monopole. Par conséquent, lorsqu'il y a contrefaçon, la sous‑indemnisation de l'inventeur aurait pour effet de décourager la recherche et le développement ainsi que la divulgation d'inventions utiles. De la même façon, la surindemnisation de l'inventeur aurait pour effet de décourager la concurrence éventuelle si un contrefacteur éventuel ne serait pas sûr de la portée et de la validité d'un brevet. L'équilibre prévu par la Loi suppose une indemnisation parfaite.

[43]           Cela dit, il convient maintenant de s'interroger sur l'interprétation du paragraphe 55(1) qui pourrait donner lieu à une indemnisation parfaite. En prévoyant que le dommage doit découler de la contrefaçon, la Loi renvoie au principe de causalité. Il est donc nécessaire de comprendre le rôle de la causalité pour fixer les dommages‑intérêts compensatoires.

[44]           La Cour suprême a expliqué que la causalité est l'expression du rapport qui doit être constaté entre l'acte délictueux du défendeur et le préjudice causé au demandeur pour justifier l'indemnisation du demandeur par le défendeur (Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311, page 326). À la page 328, la Cour suprême déclare que la causalité n'a pas à être déterminée avec une précision scientifique et qu'il s'agit [TRADUCTION] « essentiellement [d']une question de fait pratique à laquelle on peut mieux répondre par le bon sens ordinaire ».

[45]           Le critère juridique permettant d'établir le lien de causalité est celui de la condition essentielle : le demandeur doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que, « n'eût été » le comportement répréhensible du défendeur, il n'aurait pas subi de perte. Il s'agit d'une question de fait fondée sur la preuve. Le critère de la condition essentielle doit être appliqué de « manière décisive et logique » (Clements c. Clements, 2012 CSC 32, [2012] 2 R.C.S. 181, aux paragraphes 8 et 9).

[46]           Ces principes ne sont pas controversés et ont été acceptés par la juge (paragraphe 49 des motifs). Appliquant ces principes, la juge a accepté que si le défendeur pouvait prouver qu'un tiers concurrent aurait été en mesure de prendre une partie du marché de la lovastatine, le demandeur n'aurait pas droit à une indemnité pour perte de bénéfice, mais simplement à une redevance raisonnable (paragraphe 115 des motifs).

[47]           Cela dit, la juge a refusé d'appliquer le principe de la causalité aux actions d'Apotex, rejetant « le scénario fictif selon lequel la défenderesse aurait pu recourir à une solution non contrefaisante (à laquelle elle n'a pas en fait recouru) » et concluant qu'« il n'y a rien de punitif dans le fait d'indemniser Merck de sa perte de profits sachant que les défenderesses auraient pu recourir (mais ne l'ont pas fait) à une solution non contrefaisante » (paragraphes 115 et 116 des motifs). Comme je l'expliquerai, j'estime que la juge a commis une erreur lors de l'application du principe de la causalité. Elle a également commis une erreur en confondant la pertinence du produit de substitution non contrefait et la disponibilité de ce produit dans les faits.

[48]           La difficulté que soulève le raisonnement de la juge est que, si l'on calcule les dommages‑intérêts pour la perte de bénéfice sans jamais tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits, il peut arriver que le titulaire du brevet se retrouve dans une situation plus intéressante que s'il n'y avait pas eu contrefaçon du brevet. La raison en est la suivante. Lorsqu'un défendeur peut fabriquer et vendre un produit de substitution non contrefait, le brevet ne confère pas de monopole complet au titulaire du brevet : il lui confère plutôt une partie du marché. Dans ces circonstances, si, au lieu d'utiliser un produit de substitution non contrefait, le défendeur viole le brevet, il s'agit de savoir si, « n'eût été » la contrefaçon, le défendeur ne serait pas entré en concurrence avec le titulaire du brevet. La concurrence licite du défendeur dans cette situation hypothétique pourrait avoir privé le titulaire du brevet de certaines ventes.

[49]           Autrement dit, dans les cas où, dans cette situation hypothétique, le contrefacteur aurait pu fabriquer et vendre un produit de substitution non contrefait et l'aurait fait, ces ventes auraient pu en fait réduire celles du titulaire du brevet. L'octroi systématique de dommages‑intérêts intégraux au titre de la perte de bénéfices aura donc parfois pour effet de surindemniser le titulaire de brevet.

[50]           L'indemnisation parfaite suppose de tenir compte i) du produit de substitution non contrefait éventuel que le défendeur ou d'autres concurrents auraient pu vendre, et auraient vendu, « n'eût été » la contrefaçon du brevet, ii) de la mesure dans laquelle une concurrence licite aurait réduit les ventes du titulaire du brevet.

[51]           Je trouve de quoi appuyer cette analyse dans la jurisprudence américaine et dans l'arrêt Monsanto de la Cour suprême.

[52]           La jurisprudence américaine a tendance à appliquer le critère de la condition essentielle de façon semblable. Selon la législation américaine relative aux dommages‑intérêts pour contrefaçon de brevet (35 U.S. Code § 284 (2011)), pour recouvrer les bénéfices perdus, le titulaire d'un brevet doit faire la preuve d'un lien de causalité dans les faits en montrant que, « n'eût été » la contrefaçon, il aurait réalisé plus de profits (King Instruments Corp. v. Perego, 65 F. 3d 941, page 952 (Fed. Cir. 1995)). Lorsque le titulaire d'un brevet demande une indemnisation pour les bénéfices perdus en raison de ventes manquées, il doit s'acquitter du fardeau initial de prouver la probabilité raisonnable qu'il aurait effectué les ventes « n'eût été » la contrefaçon. Cela fait, le fardeau de la preuve bascule du côté du contrefacteur présumé, qui doit prouver que le lien de causalité n'est pas raisonnable à l'égard de certaines ou de l'ensemble des ventes manquées (Rite‑Hite Corp. v. Kelley Co. Inc., 56 F. 3d 1538, pages 1544 et 1545 (Fed. Cir. 1995 (en banc)).

[53]           Selon la jurisprudence américaine actuelle, si un produit de substitution non contrefait auquel le défendeur aurait pu avoir recours et aurait eu recours, n'eût été la contrefaçon, est aussi bon que le produit breveté et qu'il aurait permis de remplacer toutes les ventes des produits contrefaits, la contrefaçon n'entraîne pas de préjudice pour le titulaire du brevet.

[54]           Dans la décision Grain Processing Corporation v. American Maize‑Products Company, 185 F.3d 1341, pages 1350 et 1351 (Fed. Cir. 1999), le juge Rader (tel était alors son titre), se prononçant pour la Cour, a expliqué les deux principales raisons de tenir compte de l'existence d'un produit de substitution non contrefait.

[55]           Premièrement, le titulaire d'un brevet qui demande à être indemnisé est tenu de décrire le marché hypothétique pour projeter des résultats économiques qui n'ont pas eu lieu. Il s'agit d'une entreprise hypothétique. Pour [TRADUCTION] « éviter que l'hypothèse devienne pure spéculation », les tribunaux exigent de solides preuves économiques de la nature du marché et des résultats probables compte non tenu de la contrefaçon. C'est dans ce cadre que le titulaire d'un brevet est autorisé à proposer des reconstitutions théoriques du marché susceptibles de prouver toutes les façons dont il s'en serait mieux sorti dans cette situation hypothétique. Une reconstitution équitable et exacte de cette situation doit aussi tenir compte des autres mesures pertinentes que le contrefacteur aurait pu logiquement prendre ou aurait prises s'il n'avait pas contrefait le brevet.

[56]           Deuxièmement, ce n'est qu'en comparant l'invention brevetée et les produits de substitution non contrefaits qu'un tribunal peut se faire une idée de la valeur marchande du droit exclusif du titulaire d'un brevet et, par conséquent, ce qu'il peut en espérer en termes de bénéfices ou d'avantages. Le juge Rader a cité en l'approuvant John W. Schlicher, auteur de l'ouvrage Patent Law: Legal and Economic Principles (Thomson West, New York, 1997), pour affirmer que [TRADUCTION] « à moins que la législation vise à avantager systématiquement et excessivement les titulaires d'inventions brevetées, il faut s'interroger sur la nature et la valeur du produit que le contrefacteur aurait pu produire s'il n'avait contrefait le brevet ».

[57]           Il est donc clair que, selon la jurisprudence américaine, le lien de causalité fondé sur la condition essentielle suppose l'examen des produits de substitution non contrefaits, faute de quoi les titulaires de brevet pourraient être surindemnisés.

[58]           Avant d'examiner l'affaire Monsanto, je rappelle, pour situer l'affaire, que les recours pécuniaires habituels pour contrefaçon de brevet sont les dommages‑intérêts et la remise des profits. La Loi ne prévoit pas explicitement la remise des profits, mais elle y renvoie à l'alinéa 57(1)b), qui autorise le tribunal, dans une poursuite pour contrefaçon, à rendre une ordonnance « pour les fins et à l'égard de l'inspection ou du règlement de comptes ». La jurisprudence indique clairement qu'on peut demander ce recours plutôt que des dommages‑intérêts.

[59]           Dans l'affaire Monsanto, le titulaire du brevet poursuivait le défendeur pour contrefaçon de brevet et voulait obtenir une remise des profits. Analysant la demande de réparation et citant Lubrizol Corp. c. Compagnie Pétrolière Impériale Ltée, [1997] 2 C.F. 3 (C.A.F.), la Cour suprême a rappelé qu'il était bien établi en droit que le titulaire d'un brevet n'a droit qu'à la remise de la portion des profits réalisés par le contrefacteur qui a un lien de causalité avec l'invention. La Cour suprême a ensuite expliqué que la méthode privilégiée de calcul des profits est celle du « profit différentiel », qui requiert une comparaison entre les profits réels du contrefacteur et ce que ces profits auraient été s'il n'avait pas contrefait le brevet (Monsanto, paragraphes 101 à 105).

[60]           La juge a bien compris que l'arrêt Monsanto ne changeait rien au droit actuel concernant le mode de calcul des bénéfices perdus du titulaire du brevet. Toutefois, l'importance de l'arrêt Monsanto tient au fait que, si un tribunal peut, pour le calcul des profits du contrefacteur, tenir compte du recours à des produits de substitution non contrefaits, il n'y a aucune raison en principe de ne pas en tenir compte lors du calcul des ventes manquées du titulaire du brevet, notamment lorsque :

[TRADUCTION]

Le problème que soulève le calcul des profits perdus sans tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits est que [...] le titulaire du brevet s'en tire mieux que s'il n'y avait pas eu contrefaçon. (De la même façon, si l'on ne tient pas compte des produits de substitution non contrefaits lors du calcul des profits du défendeur, celui‑ci se retrouve dans une situation pire que s'il n'y avait pas eu contrefaçon.) [Souligné dans l'original.]

(Thomas F. Cotter, Comparative Patent Remedies: A Legal and Economic Analysis, Oxford University Press, New York, 2013, pages 189 et 190).

[61]           Avant de clore cette question, je tiens à revenir sur le renvoi de la juge à The United Horse Shoe and Nail Company, Limited v. Stewart and Company (1888), 5 R.P.C. 260, 13 A.C. 401 (Ch. des lords), et sur les considérations de politique générale qui, selon elle, étayaient l'approche consistant à ne pas tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits.

[62]           Dans l'arrêt United Horse Shoe, la Chambre des lords a jugé que l'existence de produits de substitution non contrefaits n'était jamais pertinente. Cette décision a été par la suite suivie par les tribunaux du Royaume‑Uni et de certains pays du Commonwealth.

[63]           Il est juste de dire que la Chambre des lords a rejeté l'approche consistant à tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits pour des considérations de politique générale. Aucun lord juge n'a procédé à une analyse du lien de causalité, et les motifs de chacun d'eux traduisent l'opprobre jeté par la Cour sur le comportement du contrefacteur. Par exemple, le lord chancelier a écrit que [TRADUCTION] « toute vente de biens fabriqués, sans licence, par un appareil faisant l'objet d'un brevet est et doit être traitée comme une opération illicite à l'égard du titulaire du brevet » (United Horse Shoe, page 267).

[64]           L'arrêt United Horse Shoe a peu d'emprise en droit canadien. Les avocats n'ont pu recenser que deux causes où il a été cité : Domco Industries Ltd. c. Armstrong Cork Canada Ltd., [1983] A.C.F. no 1182 (QL), 76 C.P.R. (2d) 70, page 73 (C.F. 1re inst., protonotaire), inf. pour d'autres motifs, [1986] A.C.F. no 319 (QL), 10 C.P.R. (3d) 53, 3 F.T.R. 289 (C.F. 1re inst.); Jay‑Lor International Inc. c. Penta Farm Systems Ltd., 2007 CF 358, paragraphe 116.

[65]           La décision Domco était un renvoi sur le recouvrement de pertes subies en raison de la contrefaçon du brevet. Dans cette affaire, le protonotaire a jugé non pertinente l'existence d'une solution non contrefaisante. Il n'a pas fourni d'analyse détaillée, mais a déclaré que l'argument [TRADUCTION] « n'est d'aucune pertinence considérant ce qui s'est effectivement produit et tend de plus à masquer la question réelle, soit la contrefaçon continue commise par la défenderesse » (Domco, par. 106 (QL), page 91 (C.P.R.)).

[66]           En appel, le juge Collier a confirmé l'approche selon laquelle l'existence d'une solution non contrefaisante n'est pas pertinente. Il a appliqué l'arrêt United Horse Shoe avec peu d'analyse.

[67]           Dans la décision Jay‑Lor, au paragraphe 116, le juge a cité l'arrêt United Horse Shoe en l'approuvant dans des remarques incidentes au sujet de principes généraux.

[68]           Aucune de ces décisions ne lie la Cour, et je refuse de les suivre. J'estime qu'elles ne répondent pas à l'exigence du paragraphe 55(1) de la Loi, à savoir que le contrefacteur est responsable du dommage « que cette contrefaçon [...] a fait subir ».

[69]           La juge a invoqué quatre considérations d'intérêt général pour rejeter la pertinence juridique de l'existence d'une solution non contrefaisante (paragraphes 113 à 120 des motifs). Les deux premières sont que le titulaire du brevet ne serait pas suffisamment indemnisé et que l'existence de produits de substitution non contrefaits avait déjà été prise en compte à l'étape du procès sur l'établissement de la responsabilité, lorsque la juge avait conclu qu'une partie de la lovastatine d'Apotex avait été fabriquée selon un procédé qui ne contrefaisait pas le brevet.

[70]           Selon moi, ces préoccupations ne résistent pas à l'examen. Comme je l'ai déjà expliqué, la prise en compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits qui étaient ou auraient pu être disponibles suffit à compenser pleinement le titulaire du brevet. Le calcul des ventes de produits non contrefaits n'a rien à voir avec l'évaluation du préjudice découlant de la contrefaçon.

[71]           La troisième considération mentionnée par la juge est que le fait de tenir compte de l'existence de produits de substitution non contrefaits reviendrait à inciter à la contrefaçon. J'estime que la disponibilité d'autres réparations, comme l'imposition de dépens élevés, une injonction pour le reste de la durée de vie du brevet, la remise des profits du contrefacteur et les dommages‑intérêts punitifs (voir, par exemple, Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 219), fait contrepoids à l'éventualité d'un incitatif à la contrefaçon.

[72]           La dernière considération d'intérêt général invoquée par la juge est le fait que la reconnaissance juridique de l'existence d'une solution non contrefaisante serait contraire à l'obligation internationale du Canada d'éliminer le système de licence obligatoire pour les inventions pharmaceutiques brevetées. Par contre, le versement d'une redevance raisonnable à titre de dommages‑intérêts n'est l'équivalent de l'octroi d'une licence obligatoire que s'il n'existe pas de produits de substitution non contrefaits. Dans ce cas, le contrefacteur obtiendrait tous les avantages de l'invention sans avoir à indemniser intégralement un titulaire de brevet qui ne lui aurait pas accordé de licence de son propre gré. Cependant, lorsqu'il existe des produits de substitution non contrefaits, rien n'empêche le contrefacteur de les utiliser, et le titulaire du brevet ne peut prétendre que la concurrence légitime de la part du contrefacteur est équivalente à l'acquisition d'une licence obligatoire par le contrefacteur. Le fait de rétablir le titulaire du brevet à cette position théorique n'est pas l'équivalent de l'octroi d'une licence obligatoire. De plus, après une conclusion de contrefaçon, les tribunaux accordent habituellement une injonction permanente. Le titulaire du brevet est intégralement indemnisé, et toute contrefaçon ultérieure est passible de sanctions pour outrage au tribunal.

B.                     Apotex a‑t‑elle fait la preuve de la pertinence de l'existence d'une solution non contrefaisante en raison de l'existence de la lovastatine non contrefaite?

[73]           Toute cour invitée à examiner les effets d'une concurrence légitime par un défendeur commercialisant un produit de substitution non contrefait est tenue de se poser au moins les questions de fait suivantes :

i)        Le produit non contrefaisant proposé offre‑t‑il un véritable produit de substitution et donc un véritable choix?

ii)      Le produit non contrefaisant proposé constitue‑t‑il un véritable choix, en ce sens qu'il est économiquement viable?

iii)    Au moment de la contrefaçon, le contrefacteur avait‑il une réserve suffisante du produit de substitution non contrefait pour remplacer les ventes de produits non contrefaits? Autrement dit, le contrefacteur aurait‑il pu vendre le produit de substitution non contrefait?

iv)    Le contrefacteur aurait‑il effectivement vendu le produit de substitution non contrefait?

[74]           Selon les principes généraux, c'est au défendeur qu'incombe la responsabilité de prouver, selon la prépondérance des probabilités, la pertinence factuelle de l'existence d'un produit non contrefaisant. En fait, Apotex a reconnu, dans son argumentation orale, qu'il lui fallait convaincre le tribunal, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle aurait utilisé le produit de substitution non contrefait. Voilà qui est conforme à la jurisprudence, par exemple dans l'arrêt Rainbow Industrial Caterers Ltd. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1991] 3 R.C.S. 3.

[75]           Avant d'examiner l'état de la preuve, il convient de revenir sur les conclusions de la juge aux paragraphes 34 à 37 de ses motifs, à savoir :

         Selon toute vraisemblance, les défenderesses auraient fabriqué et vendu des comprimés d'Apo‑lovastatine non contrefaits à la place des comprimés contrefaits.

         Apotex avait effectivement accès au produit de substitution non contrefait.

[76]           Ces conclusions s'appuyaient uniquement sur un paragraphe de l'entente écrite signée par les parties avant le procès, que la juge a appelée l'« accord de rationalisation ». Au paragraphe 19, les parties se sont entendues sur ce qui suit :

[TRADUCTION]

19.       Les défenderesses avaient les moyens et la capacité de fabriquer et de vendre des comprimés de lovastatine non contrefaits à partir de l'ingrédient actif lovastatine fabriqué à l'aide du procédé AFI‑4 à l'usine d'AFI à Winnipeg en quantité suffisante pour répondre à la demande du marché dès réception de l'avis de conformité délivré à Apotex le 26 mars 1997, et en tout temps par la suite grâce à la quantité réelle de l'ingrédient actif lovastatine fabriqué à l'usine d'AFI à Winnipeg et à la quantité livrée à AFI par Qingyuan Blue Treasure Pharmaceuticals Co. Ltd., comme on l'a conclu au procès relatif à la responsabilité, en remplaçant toutes les ventes de comprimés d'Apo‑lovastatine contrefaits selon l'un ou l'autre des quatre scénarios suivants :

[...]

Il est entendu que le présent accord n'empêche aucunement les demanderesses de faire valoir ou de présenter des éléments de preuve visant à démontrer qu'il n'était pas certain que les défenderesses auraient été en mesure de répondre à la demande du marché pour la lovastatine avec des comprimés de lovastatine non contrefaisants en utilisant l'ingrédient actif lovastatine fabriqué à l'aide du procédé AFI‑4 à l'usine d'AFI à Winnipeg.

[77]           Je suis d'accord avec la juge que les parties se sont entendues pour dire que, dès la réception de l'avis de conformité par Apotex et en tout temps par la suite, les défenderesses ont eu la capacité de fabriquer et de vendre de la lovastatine non contrefaite en quantité suffisante. Toutefois, comme l'a concédé Apotex dans son argumentation orale, l'accord de rationalisation n'abordait pas la question de ce qui se serait passé « n'eût été » la contrefaçon. La juge a commis une erreur en tirant des conclusions, à partir de cette déclaration sur la capacité, au sujet de ce qu'Apotex aurait pu faire ou aurait fait n'eût été la contrefaçon.

[78]           Compte tenu des éléments de preuve produits au procès, je suis d'avis qu'Apotex ne s'est pas acquittée de son obligation de démontrer, indépendamment de sa capacité de fabrication, qu'elle aurait pu vendre et aurait vendu de la lovastatine non contrefaite à la place de la lovastatine contrefaite.

[79]           Au sujet de la question de savoir si Apotex aurait pu vendre de la lovastatine non contrefaite, Merck fait valoir que le produit de substitution aurait dû effectivement être disponible pour remplacer les ventes contrefaisantes effectuées au jour le jour par Apotex. Sinon, c'est Merck, et non Apotex, qui aurait remplacé ces ventes. Je crois que cet argument est valable en fait et en droit. Dans la décision Advanced Building Systems Pty Ltd et al. v. Ramset Fasteners (Aust) Pty Ltd, [2001] FCA 1098, 52 I.P.R. 305, la Cour fédérale d'Australie a rejeté la pertinence de l'existence de produits de substitution non contrefaits, mais elle a jugé que, si cette preuve était pertinente, elle n'était valable que [TRADUCTION] « si, au moment de la contrefaçon [...] le produit de substitution approprié était disponible immédiatement » dans le marché hypothétique. Je suis d'accord.

[80]           Avant de passer à autre chose, je tiens à rappeler que le juge a, dans cette affaire, fait remarquer que le droit australien n'adopte pas le critère de savoir si le préjudice n'aurait pas eu lieu « n'eût été » l'acte fautif et applique plutôt [TRADUCTION] « une approche fondée sur le bon sens » (Advanced Building Systems, paragraphe 124).

[81]           Merck ajoute qu'Apotex ne disposait pas de lovastatine non contrefaite pour remplacer les ventes de produits contrefaits. À cet égard, les ventes de produits contrefaits de Blue Treasure ont commencé en octobre 1998, et les ventes de produits non contrefaits ont pris fin en février 1999. Dans l'accord de rationalisation, les parties se sont entendues sur le fait qu'Apotex aurait manqué de réserves de lovastatine non contrefaite le 28 octobre 1998.

[82]           Comme le fait valoir également Merck, pour fabriquer des comprimés de lovastatine non contrefaite, il aurait fallu qu'Apotex réactive les activités de fermentation à l'usine d'AFI. Il lui aurait donc fallu procéder à la fermentation de lovastatine non contrefaite, expédier de la lovastatine de qualité commerciale à Toronto et la transformer en comprimés. Cela aurait pris au moins trois semaines, parce qu'il faut au moins onze jours pour la fermentation, et M. Sherman a témoigné qu'il faut d'une à deux semaines pour fabriquer des comprimés à partir du produit en vrac. Par conséquent, lors des ventes de produits contrefaits, Apotex n'était pas en mesure de les remplacer par des ventes de lovastatine non contrefaite.

[83]           À l'audition de l'appel, Apotex a répondu que des produits de substitution non contrefaits étaient disponibles au moment où elle a vendu des comprimés de lovastatine contrefaits fabriqués par Blue Treasure. Elle a renvoyé aux pages 554 et 557 du dossier d'appel pour faire valoir que, puisqu'elle avait vendu 61,91 kg de lovastatine non contrefaite en juillet 1998, cela prouvait que cette lovastatine était disponible pour remplacer les ventes de produits contrefaits.

[84]           Cet argument n'est pas recevable pour les raisons suivantes.

[85]           Premièrement, la quantité de lovastatine non contrefaite vendue au cours d'une période quelconque n'a rien à voir avec la question des réserves de lovastatine non contrefaite d'Apotex. Le fait qu'Apotex ait vendu 61,91 kg de lovastatine non contrefaite en juillet 1998 n'a rien à voir avec la question de savoir si elle avait encore de la lovastatine non contrefaite pour remplacer les ventes de produits contrefaits en octobre 1998 ou ultérieurement.

[86]           Deuxièmement, ce n'est pas la situation en juillet 1998 qu'il faut examiner pour savoir s'il restait de la lovastatine non contrefaite pour remplacer les ventes de produits contrefaits. Si l'on fait abstraction de l'entente des parties selon laquelle Apotex aurait épuisé ses réserves de lovastatine non contrefaite le 28 octobre 1998, la période de référence applicable est celle au cours de laquelle Apotex a vendu à la fois de la lovastatine contrefaite et de la lovastatine non contrefaite. Selon les données auxquelles renvoie Apotex, entre octobre 1998, soit le début des ventes de produits contrefaits, et février 1999, soit la fin des ventes de produits non contrefaits, Apotex a vendu 60,88 kg de lovastatine non contrefaite. En janvier 1999, Apotex a vendu 0,49 kg de lovastatine non contrefaite, et, après janvier 1999, les ventes de lovastatine non contrefaite ont cessé. On peut donc déduire qu'Apotex disposait, en octobre 1998, tout au plus de 60,88 kg de lovastatine non contrefaite pour remplacer les ventes de produits contrefaits. En novembre 1998, selon les données sur ses ventes, Apotex disposait tout au plus de 29,89 kg de lovastatine non contrefaite. En décembre 1998, elle disposait tout au plus de 5,17 kg de lovastatine non contrefaite. Enfin, en janvier 1999, elle n'en avait plus que 0,49 kg. Si Apotex disposait de 60,88 kg de lovastatine non contrefaite en octobre 1998 et avait utilisé toute cette quantité pour remplacer les ventes de produits contrefaits, toute sa réserve de lovastatine non contrefaite aurait été épuisée dès la mi‑novembre 1998. La question de savoir si Apotex aurait pu se réapprovisionner en comprimés non contrefaits dès décembre 1998 ne trouve aucune réponse dans le dossier de preuve.

[87]           Enfin, dans le monde réel, toute la réserve de lovastatine non contrefaite d'Apotex a été vendue. Au paragraphe 22 de l'accord de rationalisation, les parties se sont entendues pour dire que la taille du marché de la lovastatine était la même dans la situation hypothétique et dans le monde réel. Comme le fait valoir Merck, si Apotex avait utilisé des comprimés non contrefaits pour remplacer les ventes de produits contrefaits dans la situation hypothétique, Merck se serait emparée des ventes de produits de substitution non contrefaits.

[88]           Par conséquent, je conclus qu'Apotex n'a pas démontré qu'elle aurait pu remplacer l'ensemble de ses ventes de produits contrefaits par des ventes de lovastatine non contrefaite.

[89]           Cela règle l'appel à cet égard, mais je conclus également qu'Apotex n'a pas fait la preuve qu'elle aurait effectivement remplacé ses ventes de produits contrefaits, et ce, pour les raisons suivantes.

[90]           Premièrement, comme Apotex l'a concédé dans son argumentation orale :

         Le monde réel est à la base de la construction de la situation hypothétique.

         Le comportement dans le monde réel est « très important » au regard de ce qui se serait passé dans la situation hypothétique.

         Les conclusions de fait découlant du jugement sur la responsabilité sont pertinentes pour la construction de la situation hypothétique.

         Lorsque la contrefaçon est « flagrante » dans le monde réel, il devient très difficile de prouver que le défendeur aurait eu recours au produit de substitution non contrefait dans la situation hypothétique.

[91]           À l'étape de l'établissement de la responsabilité, la juge a conclu, au paragraphe 309 de ses motifs (2010 CF 1265), que, si Blue Treasure avait utilisé le procédé de fermentation de la lovastatine non contrefait, elle aurait perdu beaucoup d'argent pour chaque kilogramme de produit expédié à AFI. Cela dit, Apotex savait que, dès que Blue Treasure s'est mise à utiliser le procédé censément non contrefait, elle est devenue rentable. On peut donc en déduire qu'Apotex savait que Blue Treasure se servait en fait du procédé contrefait et qu'elle n'en a pas moins utilisé le produit en vrac pour fabriquer et vendre ses comprimés de lovastatine.

[92]           Il convient également de signaler que, du 1er janvier 1997 au 1er janvier 2001, Apotex croyait que le brevet de Merck n'était pas valide.

[93]           Apotex n'a pas réussi à prouver qu'elle aurait vendu de la lovastatine non contrefaite lorsqu'on considère les éléments suivants : l'ampleur de la contrefaçon; la probabilité qu'Apotex savait que Blue Treasure l'approvisionnait en lovastatine contrefaite; sa conviction que le brevet de Merck n'était pas valide; son omission d'appeler un témoin d'AFI à la barre pour confirmer que, si elle avait su que le produit était contrefait, elle aurait relancé les activités à l'usine d'AFI de Winnipeg; enfin, le fait que la juge a conclu que les déclarations du seul témoin des faits produit par Apotex étaient, quoiqu'à d'autres égards, sans fondement et intéressées.

[94]           Même si l'on accepte le fait que les parties se sont entendues pour dire dans l'accord de rationalisation qu'Apotex avait la capacité de fabriquer de la lovastatine non contrefaite et que l'entreprise aurait réalisé des profits en produisant des comprimés non contrefaits, il reste qu'Apotex n'a pas prouvé qu'elle aurait opté pour cette solution dans la situation hypothétique. Plus précisément, Apotex n'a rien produit qui puisse faire la preuve que les profits qu'elle aurait réalisés dans ce cas auraient été supérieurs aux pertes associées aux autres scénarios envisagés (par exemple, les activités de recherche et de développement perdues en raison de la réorientation de l'usine de Winnipeg). Ainsi, peu importe la question de savoir si elle avait la capacité de fabriquer le produit non contrefait, Apotex ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, dans les faits, qu'elle aurait produit de la lovastatine non contrefaite.

[95]           Pour conclure à cet égard, je suis d'avis que la juge aurait dû considérer comme pertinente l'existence d'un produit non contrefaisant, mais qu'Apotex n'a pas réussi à prouver qu'elle aurait produit de la lovastatine non contrefaite dans la situation hypothétique. Il s'ensuit qu'il n'y a aucune raison de modifier la décision de la juge concernant les bénéfices perdus dont Merck Canada doit être dédommagée à l'égard des ventes antérieures à l'expiration du brevet. Il s'ensuit également qu'il n'est pas nécessaire de chercher à savoir si la juge a commis une erreur en calculant le taux de redevance qui se serait appliqué aux ventes effectuées pendant la durée de vie du brevet si l'existence de produits de substitution non contrefaits avait été établie.

C.        La juge a‑t‑elle commis une erreur en déterminant le taux de redevance applicable aux ventes de produits contrefaits après la date d'expiration du brevet?

[96]           Comme on vient de le voir, pendant la durée de vie du brevet, Apotex a stocké de la lovastatine contrefaite en vrac, puis l'a vendue sous forme de comprimés après la date d'expiration du brevet. Les parties et la juge s'entendaient pour dire que les dommages‑intérêts à l'égard de ces ventes devraient être fondés sur une redevance raisonnable.

[97]           La juge a calculé une redevance raisonnable à l'aide de la méthode proposée par l'expert de Merck. La redevance a été calculée en multipliant le montant au milieu de la fourchette des économies estimées réalisées par kilogramme par Apotex grâce à l'usage du procédé contrefaisant par le poids de la lovastatine contrefaite vendue après l'expiration du brevet.

[98]           Au procès, Apotex a proposé un taux de redevance de minimis de 1 p. 100 sur les ventes effectuées après l'expiration du brevet. La juge a rejeté la proposition aux paragraphes 192 à 198 de ses motifs.

[99]           En appel, Apotex a fait valoir que la juge avait mal compris sa position : elle n'avait pas correctement tenu compte du fait qu'Apotex aurait simplement acheté de la lovastatine « contrefaite » en vrac sur le marché ouvert après l'expiration du brevet et n'aurait pas utilisé la lovastatine indûment stockée. La juge a toutefois rejeté le scénario de « mise au rebut » au motif que cette affirmation n'était pas étayée. Il convient de faire preuve de retenue à l'égard de cette conclusion de fait, et aucune erreur manifeste et dominante n'a été démontrée.

D.        La juge a‑t‑elle commis une erreur en concluant que Merck & Co. avait qualité pour faire une demande de dommages‑intérêts en vertu de son contrat de licence exclusive avec Merck Canada?

[100]       Comme je l'ai déjà expliqué, Merck É.‑U. a demandé des dommages‑intérêts au titre des ventes perdues parce que Merck Canada était tenue de lui acheter sa lovastatine en vrac. Au procès, Apotex a déclaré que Merck É.‑U. n'avait pas droit à des dommages‑intérêts substantiels parce qu'elle avait conclu un contrat de licence exclusive avec Merck & Co. en 1992. Selon Apotex, Merck É.‑U. était donc un titulaire de brevet symbolique sans aucun droit de tirer un bénéfice du brevet.

[101]       En appel, Apotex a de nouveau fait valoir que, comme Merck É.‑U. n'avait pas le droit de tirer de recettes du brevet, elle n'avait pas non plus le droit de réclamer des dommages‑intérêts.

[102]       La juge a examiné attentivement cet argument aux paragraphes 239 à 246 de ses motifs. Apotex n'a pas réussi à démontrer que l'analyse effectuée par la juge comportait des erreurs.

VI.       Conclusion

[103]       Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Richard Boivin, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑242‑13

 

 

INTITULÉ :

APOTEX INC. et APOTEX FERMENTATION INC. c. MERCK & CO., INC. et MERCK CANADA INC.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LES 14 ET 15 JANVIER 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 JUILLET 2015

COMPARUTIONS :

Andrew Brodkin

Harry Radomski

Mark Dunn

Jordan Scopa

John Meyers

 

POUR LES APPELANTES

 

Steven Mason

Andrew Reddon

David Tait

Brooke MacKenzie

POUR LES INTIMÉES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

Taylor McCaffrey LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES APPELANTES

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.