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Date : 20151104


Dossier : A-6-15

Référence : 2015 CAF 243

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION LISTUGUJ MI'GMAQ

demandeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2015.

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20151104


Dossier : A-6-15

Référence : 2015 CAF 243

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION LISTUGUJ MI'GMAQ

demandeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2015)

LA JUGE GLEASON

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur cherche à faire annuler une partie de l'ordonnance de redressement rendue le 10 décembre 2014 par le Conseil canadien des relations industrielles (le CCRI ou le Conseil). Dans sa décision, le CCRI a conclu que le demandeur avait contrevenu à l'obligation de négocier de bonne foi dont il est question à l'alinéa 50a) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le Code), puisqu'il n'avait pas communiqué les motifs de sa décision de ne pas ratifier un projet de convention collective avant le début des audiences du Conseil, et, encore là, en ne faisant part d'une raison importante du refus que dans le témoignage de l'un de ses témoins, qui fut présenté plusieurs mois après le début de l'audience. Cette raison supplémentaire portait sur le désir apparent du chef et du conseil de bande du demandeur d'obtenir l'autorisation de renvoyer sommairement tout membre de l'unité de négociation si un membre de la Première Nation était disponible et avait les compétences nécessaires pour occuper un emploi au sein de l'unité de négociation.

[2]               Le CCRI a rendu une ordonnance de redressement détaillée selon laquelle le demandeur devait notamment fournir à la défenderesse une explication écrite de sa position sur les articles du projet de convention collective auxquels il s'opposait, en plus de soumettre ses propositions pour ces articles; les parties devaient par la suite se rencontrer pour reprendre les négociations, puis, si les parties n'étaient pas parvenues, après 60 jours, à s'entendre sur l'article 5 portant sur la priorité d'emploi accordée aux membres de la bande, la défenderesse pouvait renvoyer l'affaire devant le Conseil, qui rendrait alors une ordonnance au titre de l'alinéa 99(1)b.1) du Code portant sur l'application d'une méthode exécutoire de règlement pour les modalités de l'article 5.

[3]               La norme de contrôle applicable à la décision du Conseil, y compris le redressement qu'il a accordé, est celle de la décision raisonnable : Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, [1996] A.C.S. no 14 (QL), au paragraphe 36 (Royal Oak).

[4]               Dans son mémoire, le demandeur fait valoir que la partie de l'ordonnance du Conseil prévoyant le règlement de l'article 5 de la convention collective par l'application d'une méthode exécutoire (le cas échéant) est déraisonnable pour quatre raisons : premièrement, parce qu'elle va à l'encontre des objectifs du Code et qu'elle représente une entrave indue à la libre négociation collective; deuxièmement, parce qu'il n'y a aucun lien rationnel entre la plainte, le manquement à l'obligation de négocier de bonne foi et la partie contestée de l'ordonnance rendue; troisièmement, parce que la partie de l'ordonnance contestée par le demandeur contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11; quatrièmement, parce que la réparation contestée est de nature punitive.

[5]               Nous ne reconnaissons aucune valeur à ces arguments.

[6]               La revendication fondée sur la Charte peut être rejetée d'emblée parce que le demandeur a omis de fournir l'avis requis conformément à l'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, parce qu'il n'a pas soulevé la question devant le CCRI, et parce qu'il n'y a pratiquement aucune preuve dans le dossier dont nous sommes saisis qui se rapporte à la revendication fondée sur la Charte.

[7]               Pour ce qui est des autres motifs, l'alinéa 99(1)b.1) du Code confère compétence au CCRI, lorsqu'il estime qu'il y a manquement à l'obligation de négocier de bonne foi, d'ordonner l'application d'une méthode exécutoire de règlement des points en litige, « s'il est d'avis que ces mesures sont nécessaires pour remédier aux effets de la violation ». Cette disposition autorise le CCRI à exercer un large pouvoir discrétionnaire pour rendre précisément le type d'ordonnance qui a été rendue en l'espèce. Qui plus est, comme l'a fait remarquer le juge Cory, s'exprimant au nom de la majorité des juges de la Cour suprême dans Royal Oak, au paragraphe 58, la recherche de redressement fait appel « aux connaissances spécialisées et à la vaste expérience » du Conseil. Une mesure corrective comme celle qu'il a prise en l'espèce fait donc l'objet d'une déférence considérable.

[8]               En l'espèce, nous estimons qu'il n'y a rien de déraisonnable dans la partie contestée de l'ordonnance de redressement rendue par le CCRI, et qu'elle est liée aux manquements constatés par le Conseil; au lieu de porter atteinte à la négociation collective, elle pourrait en fait avoir incité les parties à conclure une entente dans les 60 jours prévus par l'ordonnance. Plus particulièrement, comme l'a fait remarquer la défenderesse avec raison, la position du demandeur sur l'article 5 est si inhabituelle qu'il serait difficile pour n'importe quel syndicat d'y consentir. Compte tenu de cela, et étant donné la perspective d'un arbitrage exécutoire en l'absence d'accord entre les parties, l'ordonnance de redressement rendue par le Conseil a peut‑être même facilité l'obtention d'un compromis et donc favorisé le processus de négociation collective. De plus, l'ordonnance n'était nullement de nature punitive; elle visait les gestes du demandeur, qui a soulevé une question nouvelle et très litigieuse comme obstacle à la conclusion d'une convention, et ce, plusieurs mois après que le projet de convention collective eut été conclu.

[9]               Le Conseil aurait pu, dans ses motifs, expliquer plus clairement les raisons pour lesquelles il a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire en application de l'alinéa 99(1)b.1) du Code, mais cela ne fait pas en sorte que son ordonnance de redressement soit déraisonnable, parce qu'il n'est pas nécessaire que les motifs soient parfaits et parce qu'ils doivent être lus à la lumière du dossier dont le Conseil est saisi, comme l'a fait remarquer la Cour suprême dans Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708. Selon les faits dont le Conseil était saisi, il lui était tout à fait justifié d'accorder la réparation qu'il a octroyée. La partie contestée de l'ordonnance du Conseil est donc raisonnable.

[10]           Par conséquent, nous rejetterions la demande avec dépens.

« Mary J.L. Gleason » 

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-6-15

 

INTITULÉ :

CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION LISTUGUJ MI'GMAQ c. ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 4 novembre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Amy R. Gough Farnworth

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrew Raven

Michael Fisher

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cox & Palmer

Avocats

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raven Cameron Ballantyne & Yazbeck

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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