Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20151218


Dossier : A-46-15

Référence : 2015 CAF 290

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

RED LABEL VACATIONS INC. s/n REDTAG.CA ou REDTAG.CA VACATIONS ou les deux

appelante

et

411 TRAVEL BUYS LIMITED s/n 411TRAVELBUYS.CA et CARLOS MANUEL LOURENCO

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 novembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

MOTIFS CONCOURANTS :

LA JUGE DAWSON

 


Date : 20151218


Dossier : A-46-15

Référence : 2015 CAF 290

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

RED LABEL VACATIONS INC. s/n REDTAG.CA ou REDTAG.CA VACATIONS ou les deux

appelante

et

411 TRAVEL BUYS LIMITED s/n 411TRAVELBUYS.CA et CARLOS MANUEL LOURENCO

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               Il s'agit d'un appel de la décision du juge Manson du 7 janvier 2015 (2015 CF 18). Le juge de la Cour fédérale a rejeté les demandes de Red Label Vacations Inc. (Red Label) présentées aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, et de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13; il a également rejeté la demande reconventionnelle de 411 Travel Buys Limited (411 Travel Buys) présentée aux termes de la Loi sur les marques de commerce. Red Label a interjeté appel du rejet de ses demandes. 411 Travel Buys n'a pas interjeté appel du rejet de sa demande reconventionnelle.

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis de rejeter l'appel de Red Label.

Le contexte

[3]               Red Label et 411 Travel Buys offrent toutes deux des services de voyages à des clients qui se trouvent principalement au Canada. Red Label appartient à Vincenzo Demarinis et a commencé à exercer ses activités en 2004. Cette société a depuis lors utilisé trois marques de commerce déposées, soit « redtag.ca », « redtag.ca vacations » et « Shop. Compare. Payless!! Guaranteed ». Les clients pouvaient faire des réservations en ligne ou parler au téléphone à un représentant.

[4]               411 Travel Buys a été constituée en société en 2008 par l'intimé Carlos Manuel Lourenco. M. Lourenco avait travaillé dans le secteur du voyage pendant plusieurs années, mais il n'avait pas d'expérience dans la conception et la création d'une page Web. Il a retenu les services d'Aniema Ntia, une stagiaire et plus tard une employée, et il l'a chargée de créer le site Web de 411 Travel Buys et de le mettre à jour. M. Lourenco a signalé à Mme Ntia un certain nombre de sites Web à titre d'exemples de ce qu'il estimait donner de bons résultats, y compris itravel2000.com et redtag.ca. M. Lourenco a finalement retenu les services de Nhu Train pour qu'il aide Mme Ntia à améliorer le site Web de façon à augmenter le nombre des visiteurs de ce site.

[5]               La présente affaire découle du fait que des balises « méta », ou « métabalises », tirées du site Web de Red Label ont été copiées au site Web de 411 Travel Buys. Dans British Columbia Automobile Association c. Office and Professional Employees' International Union, Local 378, 2001 BCSC 156, le juge Sigurdson a décrit les balises méta de la façon suivante :

[TRADUCTION]

Les balises méta

32        Une balise méta est une partie d'un site Web qui n'est pas normalement affichée automatiquement sur l'écran de l'ordinateur de l'utilisateur lorsque celui‑ci se rend à ce site Web. Le propriétaire du site Web ajoute la balise méta à son site de façon à fournir des renseignements clés sur le site Web. Le créateur d'un site Web peut, grâce aux balises méta, décrire ce qu'offre ce site particulier ou y insérer d'autres renseignements. Une balise méta est rédigée en HTML.

33        Lorsque les moteurs de recherche recueillent des renseignements, ils recherchent les balises méta et en tirent des renseignements. La plupart des répertoires et moteurs de recherche utilisent les balises méta pour obtenir des renseignements, indexer un site Web et comparer le site Web aux mots clés qui se trouvent dans l'interrogation de l'utilisateur. Cela permet d'obtenir des résultats qui correspondent à l'interrogation de l'utilisateur. Il est fréquent d'utiliser des balises méta pour préciser les mots clés qui seront comparés aux mots clés saisis par la personne qui effectue une recherche.

[6]               Lorsque le site Web de 411 Travel Buys est entré en ligne le 5 janvier 2009, les balises méta figurant sur 48 pages du site Web de 411 Travel Buys avaient été copiées à partir du site Web de Red Label, qui comprenait près de 180 000 pages. Les balises méta copiées comprenaient les expressions « Red Tag Vacations » et « shop, compare, & pay less ». Aucune des balises méta copiées n'apparaissait sur les pages visibles du site Web de 411 Travel Buys lorsqu'une personne se rendait à ce site Web. À l'audience, Red Label a présenté une copie d'une page du résultat d'une recherche Google pour « site://411travelbuys.ca/ ». Cet extrait était tiré de la 7e page de la recherche Google, qui contenait les sites Web classés du 61e au 70e rang dans la recherche. Le site Web de 411travelbuys.ca se trouvait au 70e rang et ce site Web était décrit en partie de la façon suivante :

Save on your Hola Sun Holidays Packages from Canada. Book Online with Red Tag Vacations & Pay Less Guaranteed!

[TRADUCTION] Économisez sur les forfaits de vacances Hola Sun à partir du Canada. Réservez en ligne avec Red Tag Vacations et payez moins, promis!

[7]               Les expressions « Red Tag Vacations » et « Pay Less Guaranteed » (« payez moins, promis! ») figuraient dans cette description, mais il n'existe aucune preuve établissant que ces mots figuraient sous cette forme sur les pages Web que verrait la personne qui se rendait au site Web de 411travelbuys.ca. Il convient également de noter qu'en faisant référence à « Red Tag Vacations », la description invitait les visiteurs à [TRADUCTION] « réservez en ligne avec Red Tag Vacations », ce qui indiquait au client éventuel qu'il devait se rendre sur un autre site Web pour effectuer une réservation.

[8]               Le 26 février 2009, Red Label a constaté que 411 Travel Buys utilisait des balises méta qui semblaient avoir été copiées de son site Web. Le 10 mars 2009, M. Demarinis a appelé M. Lourenco pour se plaindre de l'utilisation des balises méta de Red Label par 411 Travel Buys et pour exiger que 411 Travel Buys cesse immédiatement de le faire. Le même jour, le site Web de 411 Travel Buys a été entièrement fermé et n'a été rétabli qu'après que le contenu susceptible de constituer une contravention eut été entièrement retiré. Il convient également de noter qu'au cours de la brève période pendant laquelle le site Web de 411 Travel Buys a été en place, du 5 janvier 2009 au 10 mars 2009, il n'était pas possible d'effectuer des achats sur ce site. Toute personne intéressée à acheter les services offerts par 411 Travel Buys devait appeler son centre d'appel, où les personnes qui répondaient aux appels téléphoniques se présentaient comme faisant partie de 411 Travel Buys.

La décision de la Cour fédérale

[9]               Red Label soutenait qu'elle détenait le droit d'auteur à l'égard des balises méta et que 411 Travel Buys avait violé ce droit d'auteur en utilisant ses balises méta sur son site Web. Red Label a également soutenu que 411 Travel Buys avait violé le droit d'auteur en utilisant ses feuilles de style en cascade ou en copiant la « présentation » de son site Web.

[10]           Red Label a également allégué qu'il y avait eu violation du droit du propriétaire de la marque de commerce, commercialisation trompeuse et dépréciation de l'achalandage en violation des alinéas 7b) et 7c) et des articles 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce en raison de l'emploi par 411 Travel Buys des marques de commerce déposées de Red Label (ou de marques de commerce causant de la confusion avec les marques de commerce déposées de Red Label).

[11]           Red Label sollicitait des dommages‑intérêts pour les gains perdus ainsi que des dommages‑intérêts punitifs et alléguait également que M. Lourenco était personnellement responsable des dommages‑intérêts réclamés.

[12]           Le juge de la Cour fédérale a résumé les témoignages présentés par les divers témoins et il a ensuite rejeté toutes les demandes de Red Label. Red Label a interjeté appel devant la Cour des conclusions tirées par le juge de la Cour fédérale.

Les normes de contrôle

[13]           Les normes de contrôle sont les normes exposées dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Les conclusions de fait (y compris les inférences de fait) subsisteront à moins qu'il ne soit établi que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante. Quant aux questions mixtes de fait et de droit, la norme de la décision correcte s'appliquera à toute question de droit qui est isolable, sinon ce sera la norme de l'erreur manifeste et dominante. Une erreur est manifeste si elle est évidente, et elle est dominante si elle a pour effet de changer le résultat.

Les questions en litige

[14]           Red Label a soulevé un certain nombre de questions dans le présent appel, qui peuvent pour l'essentiel se formuler comme étant les questions de savoir si le juge de la Cour fédérale a commis une erreur :

a)             en appliquant le critère de la violation d'une marque de commerce aux termes de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce;

b)            en appliquant le critère en matière de commercialisation trompeuse selon l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

c)             en appliquant le critère de la dépréciation de l'achalandage aux termes de l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce;

d)            en concluant que les balises méta de Red Label n'étaient pas visées par un droit d'auteur et, si cela était le cas, en arrivant à ses autres conclusions concernant la demande fondée sur la violation du droit d'auteur;

e)             en omettant de conclure que Carlos Lourenco était personnellement responsable des dommages‑intérêts réclamés par Red Label;

f)             en accordant les dépens à 411 Travel Buys pour le rejet des demandes de Red Label et en n'accordant pas les dépens à Red Label pour le rejet de la demande reconventionnelle.

La violation

[15]           Red Label soutient que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur dans l'application du critère de la violation prévu à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce en y ajoutant l'élément de la tromperie tiré du critère en matière de commercialisation trompeuse lorsqu'il a conclu que 411 Travel Buys n'avait pas violé les marques de commerce de Red Label. Cette affirmation s'appuie sur le rejet sommaire des demandes de Red Label fondées sur la violation par le juge de la Cour fédérale au paragraphe 121 de ses motifs :

121      Pour les raisons que j'ai données plus tôt à propos de la probabilité de méprise dans le cadre d'une commercialisation trompeuse, je conclus que l'emploi du nom commercial ou des marques de commerce de la demanderesse dans des métabalises ne constitue pas une usurpation de marque de commerce.

[16]           Je ne souscris pas à l'interprétation des motifs du juge de la Cour fédérale présentée par Red Label. Au paragraphe 118 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale expose les éléments à établir lors d'une demande fondée sur la violation aux termes de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce selon l'ouvrage de Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition (version à feuilles mobiles, 4e édition, Toronto, Carswell, 2014). Red Label ne conteste pas l'exactitude de l'exposé des éléments à établir pour obtenir gain de cause dans une demande fondée sur la violation d'une marque de commerce.

[17]           Au paragraphe 119 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale reproduit l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce et, au paragraphe 120, il déclare :

120      Aux termes du paragraphe 4(2) de la Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[18]           Il n'est pas contesté que le juge de la Cour fédérale a énoncé, au paragraphe 118 de ses motifs, le critère applicable en matière de violation, qui, en l'espèce, obligeait Red Label à établir que 411 Travel Buys avait vendu ou annoncé des services en utilisant une marque de commerce créant de la confusion. Au paragraphe 120 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale a repris les exigences prévues par le paragraphe 4(2) de la Loi sur les marques de commerce pour qu'une marque de commerce soit réputée être employée en liaison avec des services. Il en résulte, à mon avis, qu'il convient de comprendre le paragraphe 121 à la lumière des paragraphes qui le précèdent immédiatement. Par conséquent, la référence que fait le juge de la Cour fédérale aux raisons qu'il avait « données plus tôt à propos de la probabilité de méprise dans le cadre d'une commercialisation trompeuse » ne renvoie qu'à la partie de ses motifs qui concerne l'emploi des marques de commerce de Red Label (ou de marques de commerce créant de la confusion avec celles de Red Label) par 411 Travel Buys à l'égard de l'exécution ou de l'annonce de ses services. Il n'incorporait pas au critère de la violation d'une marque de commerce prévu à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce l'élément de tromperie exigé en matière de commercialisation trompeuse.

[19]           Pour ce qui est de l'emploi des marques de commerce de Red Label (ou de marques de commerce créant de la confusion avec les marques de commerce de Red Label), Red Label soutient que, quoi qu'il en soit, l'emploi de ces marques de commerce par 411 Travel Buys dans ses balises méta permet de fonder une demande en raison de la violation aux termes de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce et que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en ne tirant pas cette conclusion.

[20]           Dans Compagnie Générale des Établissements Michelin—Michelin & Cie c. Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA‑Canada), [1997] 2 C.F. 306, [1996] A.C.F. no 1685 (QL), le juge Teitelbaum a expliqué le sens du mot « emploi » à l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce :

26        Je suis convaincu que l'analyse classique faite dans Clairol de l'emploi sous le régime de l'article 20 fait encore partie de notre droit. Le critère de l'« emploi » de l'article 20 exige l'établissement de deux éléments distincts tirés de l'article 2 et de l'article 4. En effet, le premier élément provient de l'article 4 : (1) les défendeurs ont‑ils établi une liaison entre leurs services et les marques de commerce de la demanderesse? Le second élément est tiré de l'article 2 : (2) les défendeurs ont‑ils employé la marque de commerce pour distinguer ou identifier leurs services en liaison avec les marchandises et services de la demanderesse?

[21]           En l'espèce, le juge de la Cour fédérale a conclu, au paragraphe 116 de ses motifs, qu'« aucune des marques de commerce ou aucun des noms commerciaux de la demanderesse n'a été utilisé dans la partie visible du site Web des défendeurs ». Red Label a soutenu que les balises méta étaient visibles, mais elle n'a pas renvoyé notre Cour à des éléments de preuve démontrant que la personne qui se rendait au site Web de 411 Travel Buys pouvait voir une des marques de commerce de Red Label (ou une marque de commerce créant de la confusion avec ces marques). Comme cela a été mentionné ci‑dessus, pour ce qui est des balises méta visibles, Red Label a renvoyé la Cour aux résultats d'une recherche Google pour « site://411travelbuys.ca/ » qui indiquait que le 70e résultat de cette recherche était le site Web de 411 Travel Buys.

[22]           À mon avis, il ressort implicitement des motifs du juge de la Cour fédérale qu'il a conclu qu'en l'espèce, 411 Travel Buys n'avait utilisé aucune des marques de commerce de Red Label (ou une marque de commerce créant de la confusion avec ces marques de commerce) afin de distinguer ou d'identifier les services offerts par 411 Travel Buys en liaison avec les services de Red Label. Dans le seul cas qui a été mentionné à la Cour par Red Label, la référence à [TRADUCTION] « Red Tag Vacations et payez moins, promis! » se trouvait dans une phrase qui disait aux intéressés : [TRADUCTION] « Réservez en ligne avec Red Tag Vacations et payez moins, promis! ». Étant donné que personne ne pouvait effectuer une réservation en ligne au site Web de 411 Travel Buys, cette référence avait en réalité pour effet de diriger les clients éventuels vers le site Web de Red Label. Dans certains cas, le fait d'insérer une marque de commerce déposée (ou une marque de commerce créant de la confusion avec une marque de commerce déposée) dans une balise méta peut constituer une annonce de services sur laquelle pourrait se fonder une demande en raison de la violation; en l'espèce, cette référence à [TRADUCTION] « Réservez en ligne avec Red Tag Vacations » ne peut être considérée comme une annonce des services de 411 Travel Buys en liaison avec les services offerts par Red Label.

[23]           Je ne suis pas convaincu que le juge de la Cour fédérale ait commis une erreur manifeste et dominante en concluant implicitement que 411 Travel Buys n'avait utilisé aucune des marques de commerce de Red Label (ou aucune marque de commerce créant de la confusion avec ces marques de commerce) de façon à étayer une action en violation aux termes de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce.

La commercialisation trompeuse

[24]           Red Label reconnaît que le juge de la Cour fédérale a correctement exposé les éléments de la commercialisation trompeuse au sens de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, mais elle conteste la conclusion du juge de la Cour fédérale selon laquelle il n'y avait pas de probabilité de méprise. Cette conclusion est toutefois une conclusion de fait et Red Label n'a pas démontré que le juge de la Cour fédérale avait commis une erreur manifeste et dominante en tirant cette conclusion.

La dépréciation de l'achalandage

[25]           Au paragraphe 123 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale expose le critère applicable en matière de dépréciation de l'achalandage. Red Label ne conteste pas que cette formulation soit correcte. Red Label énonce dans son mémoire que :

[TRADUCTION]

76.       Le juge de première instance a également rejeté la demande de la demanderesse fondée sur la dépréciation de l'achalandage pour le motif que les marques de commerce de la demanderesse n'étaient pas « visibles » et que, par conséquent, l'emploi qu'en faisaient les défendeurs ne pouvait nuire à l'achalandage de la demanderesse.

[26]           Au paragraphe 124 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale rejette la demande de Red Label fondée sur la dépréciation de l'achalandage. Ce paragraphe est reproduit ci‑dessous :

124      Le mot « employer » à l'article 22 implique l'emploi des marques de commerce déposées de la demanderesse. Il n'y a pas eu de tel emploi en l'espèce, et l'article 22 ne s'applique donc pas. Par ailleurs, même si l'on pourrait prétendre que l'on a employé d'une certaine façon « redtag.ca » en employant « red tag », cet emploi ne figurait dans aucune partie visible du site Web 411 Travel Buys; c'était plutôt dans les métabalises. Il n'y a pas de lien entre les services en ligne de 411 Travel Buys qui sont fournis sur son site Web et les services que fournit la demanderesse sur le site Web 411 Travel Buys.

[27]           Le juge de la Cour fédérale a rejeté la demande présentée par Red Label pour dépréciation de l'achalandage au motif que 411 Travel Buys n'avait pas employé les marques de commerce déposées de Red Label. À titre subsidiaire, il a rejeté la demande pour le motif que l'expression « red tag » n'était pas visible. Étant donné que Red Label n'a pas contesté le principal motif pour lequel le juge de la Cour fédérale a rejeté sa demande, elle ne peut obtenir gain de cause en appel sur ce point et il n'est pas nécessaire d'examiner le motif subsidiaire auquel a fait référence le juge de la Cour fédérale. De toute façon, il s'agirait de conclusions de fait et Red Label n'a pas démontré que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante.

Le droit d'auteur

[28]           Red Label ne conteste pas qu'un droit d'auteur n'existe que si l'œuvre en question n'a été produite que grâce au talent et au jugement de son auteur. Red Label conteste toutefois la conclusion suivante qu'a tirée le juge de la Cour fédérale :

101      En l'espèce, il y a peu de preuve d'un degré suffisant de talent et de jugement dans la création de ces métabalises, comme l'exige le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt CCH, précité, ou de l'originalité requise dans le cadre de la compilation de données ou d'autres compilations, comme l'a expliqué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Tele‑Direct. Même s'il peut y avoir, dans certains cas, assez d'originalité dans des métabalises pour qu'elles bénéficient de la protection du droit d'auteur lorsqu'on les considère globalement, le fond des métabalises que revendique la demanderesse en l'espèce ne satisfait pas au seuil requis pour acquérir la protection que confère le droit d'auteur au Canada.

[29]           Il s'agit là d'une conclusion de fait et Red Label n'a pas démontré que le juge de la Cour fédérale avait commis une erreur manifeste et dominante en tirant cette conclusion. Étant donné que cet aspect justifie le rejet de l'appel de Red Label portant sur la violation du droit d'auteur, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres motifs fournis par le juge de la Cour fédérale pour rejeter la demande de Red Label en matière de violation du droit d'auteur.

La responsabilité personnelle de Carlos Lourenco

[30]           Étant donné que je suis d'avis de rejeter l'appel de Red Label pour ce qui est des demandes fondées sur la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d'auteur, 411 Travel Buys n'a aucune responsabilité et, par conséquent, la responsabilité personnelle de Carlos Lourenco n'est pas engagée.

Dépens adjugés ou non adjugés par le juge de la Cour fédérale

[31]           Les dépens relèvent du pouvoir discrétionnaire du juge de la Cour fédérale et je ne suis pas convaincu que la Cour soit justifiée d'intervenir dans l'adjudication des dépens contre Red Label pour ce qui est de ses demandes ni dans le refus d'adjuger des dépens contre 411 Travel Buys à l'égard de ses demandes reconventionnelles.

Dispositif

[32]           Je suis par conséquent d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

C. Michael Ryer, j.c.a. »


LA JUGE DAWSON (motifs concourants)

[33]           Je suis également d'avis de rejeter l'appel avec dépens. J'en arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

[34]           L'appelante affirme que le juge a commis une erreur :

                    i.               en rejetant la demande fondée sur la violation d'une marque de commerce;

                  ii.               en rejetant la demande fondée sur la commercialisation trompeuse;

                iii.               en rejetant la demande fondée sur la dépréciation de l'achalandage;

                iv.               en rejetant la demande fondée sur la violation du droit d'auteur;

                  v.               en omettant de conclure que le défendeur Carlos Lourenco était personnellement responsable;

                vi.               en omettant d'accorder des dommages‑intérêts punitifs;

              vii.               en adjugeant les dépens dans l'action principale aux défendeurs, tout en omettant d'adjuger les dépens à l'appelante (la demanderesse en première instance) à l'égard de la demande reconventionnelle des défendeurs que le juge a rejetée.

[35]           Pour ce qui est de la violation de la marque de commerce, au paragraphe 118 de ses motifs, le juge expose correctement le critère applicable à la violation aux termes de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13.

[36]           D'après la preuve présentée, le juge a conclu que l'emploi des marques de commerce de la demanderesse dans les balises méta se trouvant au site Web de 411 Travel Buys ne créait pas de confusion pour ce qui était de la source des services fournis à ce site Web. Le juge a ensuite conclu que, d'après la preuve présentée, l'emploi des marques de commerce de la demanderesse ne créait pas de confusion parce que cet emploi n'incitait pas le consommateur à se rendre au site Web de 411 Travel Buys. En fait, le consommateur pouvait toujours choisir le site Web qu'il consulterait (motifs, paragraphes 115 et 116). L'appelante n'a pas démontré qu'il y avait eu une erreur de fait ou de droit qui viciait les conclusions du juge. Ces conclusions ne permettent pas de trancher la demande de l'appelante fondée sur la violation d'une marque de commerce.

[37]           Pour ce qui est de la commercialisation trompeuse, le juge expose correctement, au paragraphe 108 de ses motifs, les trois éléments qu'il faut établir dans une action fondée sur l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

[38]           Au paragraphe 115 de ses motifs, le juge a écrit que « l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial d'un concurrent dans des métabalises ne constitue pas, en soi, le fondement d'une [conclusion relative à une] probabilité de confusion, car il est encore loisible au consommateur de faire un choix et d'acheter les biens ou les services auprès du site Web qu'il cherchait au départ ». Au paragraphe suivant, le juge a conclu qu'il n'y avait aucune probabilité de méprise quant à la source des services fournis au site Web de 411 Travel Buys et qu'« il [était] loisible au client de réorienter ses recherches vers le site Web de la demanderesse ». Il n'a pas été établi que cette conclusion était viciée par une erreur manifeste et dominante; elle permet donc de trancher la demande fondée sur la commercialisation trompeuse.

[39]           Au paragraphe 123 de ses motifs, le juge a exposé correctement les quatre éléments à établir lorsqu'il est allégué qu'il y a eu dépréciation de l'achalandage aux termes de l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce.

[40]           Au paragraphe 124 de ses motifs, le juge a conclu que la demanderesse n'avait pas établi que ses marques de commerce avaient été employées d'une façon susceptible d'avoir un effet sur l'achalandage associé aux marques de commerce. Cette conclusion a entraîné le rejet de la demande de la demanderesse et il n'a pas été établi qu'elle reflétait une erreur manifeste et dominante.

[41]           Au paragraphe 91 de ses motifs, le juge cite l'arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut‑Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, pour affirmer que l'expression d'une idée n'est protégée par un droit d'auteur que si elle exige l'exercice de talent et de jugement.

[42]           Au paragraphe 100, le juge a ensuite conclu que les balises méta de la demanderesse qui auraient été copiées par les défendeurs « ont été en grande partie dérivées d'une liste de mots clés de Google, qui ont ensuite été intégrés dans de courtes phrases décrivant, dans l'industrie du voyage, des types de voyage, des lieux, ainsi que des rabais ou de bonnes affaires pour les clients ». Il a ensuite déclaré qu'il n'y avait pas suffisamment de preuve démontrant que la création des balises méta en question exigeait un degré suffisant de talent et de jugement et qu'il n'y avait pas non plus suffisamment de preuve de l'originalité exigée lorsqu'il s'agit de la compilation de données ou d'autres compilations. Aucune erreur concernant ces conclusions qui ont pour effet de disposer de la demande fondée sur la violation du droit d'auteur n'a été établie.

[43]           Il résulte des motifs qui précèdent et de la conclusion selon laquelle il y a lieu de rejeter l'appel qu'il n'est pas nécessaire d'examiner l'observation de l'appelante selon laquelle le juge a commis une erreur en omettant de déclarer le défendeur Carlos Lourenco personnellement responsable d'un quelconque préjudice et en omettant d'accorder des dommages‑intérêts punitifs.

[44]           En général, les dépens suivent l'issue de la cause et il n'a pas été établi que l'adjudication par le juge des dépens aux défendeurs ayant obtenu gain de cause dans l'action principale soit erronée. Le juge a rejeté sommairement la demande reconventionnelle en huit lignes dans ses motifs, en déclarant que les défendeurs n'avaient pas présenté de preuve concernant le préjudice et avaient présenté une preuve insuffisante relative à l'achalandage pour pouvoir établir la commercialisation trompeuse. Dans ces circonstances, l'appelante n'a pas démontré que l'omission de la part du juge d'adjuger les dépens à l'égard de la demande reconventionnelle était erronée.

[45]           En conclusion, il convient de lire la décision de la Cour fédérale à la lumière des faits dont elle était saisie. La mesure dans laquelle une marque de commerce peut être employée dans des balises méta sans violation dépend nécessairement des faits. Il ne convient pas de voir dans les présents motifs l'approbation des remarques du juge concernant la « confusion d'intérêt initiale », ni l'approbation de tous les motifs subsidiaires pour lesquels le juge a rejeté l'action.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-46-15

APPEL DU JUGEMENT DE L'HONORABLE JUGE MANSON DU 7 JANVIER 2015, NUMÉRO DE DOSSIER T‑1399‑09.

INTITULÉ :

RED LABEL VACATIONS INC. s/n REDTAG.CA OU REDTAG.CA VACATIONS OU LES DEUX c. 411 TRAVEL BUYS LIMITED s/n 411TRAVELBUYS.CA et CARLOS MANUEL LOURENCO

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 16 NOVEMBRE 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

MOTIFS CONCOURANTS :

LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

David K. Alderson

Robert Kalanda

Dina Peat

POUR L'APPELANTE

Evan L. Tingley

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gilbertson Davis LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE

Baldwin Sennecke Halman LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

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