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Date : 20160106


Dossiers : A-416-14

A-429-14

Référence : 2016 CAF 1

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Dossier : A-416-14

ENTRE :

GUY GERVAIS

Appelant

Et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

Dossier : A-429-14

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

Appelante

Et

LYSANNE GENDRON

Intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 octobre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT:

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT:

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160106


Dossiers : A-416-14

A-429-14

Référence : 2015 CAF 1

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Dossier : A-416-14

ENTRE :

GUY GERVAIS

Appelant

Et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

Dossier : A-429-14

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

Appelante

Et

LYSANNE GENDRON

Intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]               La Cour est saisie de deux appels à l'encontre d’une décision d’un juge de la Cour canadienne de l’impôt (le juge) rendue le 2 septembre 2014 (2014 CCI 119) par laquelle le juge a, d’une part, rejeté l’appel des nouvelles cotisations de M. Guy Gervais pour les années d’imposition 2002 et 2003 et, d’autre part, accueilli l’appel de Mme Lysanne Gendron concernant les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

[2]               Devant notre Cour, M. Gervais est lappelant dans le dossier A-416-14 et le ministre du Revenu national (le ministre) est l’intimé. Dans le dossier A-429-14, c’est le ministre qui porte la décision du juge en appel et Mme Gendron, la conjointe de M. Gervais, est l’intimée.

[3]               Les deux dossiers ont été instruits successivement par ordonnance d'un juge de cette Cour en date du 4 décembre 2014.

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir l’appel de M. Gervais dans le dossier A-416-14 et de rejeter l’appel du ministre dans le dossier A-429-14.

I.                   Les faits

[5]               Les faits pertinents dans ces deux dossiers ne sont pas contestés. En voici un bref rappel qui permet de saisir les enjeux en cause.

[6]               Vulcain Alarme Inc. (Vulcain) est une entreprise familiale constituée en 1968 sous le régime de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec (RLRQ chapitre C-38). Basée à Delson au Québec, elle fabrique notamment des moniteurs de gaz toxiques. Au cours de l’année 2002, une société de Calgary, BW Technologies Ltd. (BW Technologies), présente une offre d’achat dans le but d’acquérir Vulcain. À cette époque, M. Gervais et son frère sont les deux seuls actionnaires de Vulcain. Mme Gendron, la conjointe de M. Gervais, travaille pour Vulcain depuis 1992 mais n’en est pas actionnaire lorsque BW Technologies communique son offre d’achat.

[7]               Le 12 juin 2002, une entente de confidentialité intervient entre BW Technologies et Vulcain. Environ trois mois plus tard, l’offre d’achat de la totalité du capital-actions est acceptée par les actionnaires, le tout devant être finalisé le 7 octobre 2002. Dans les semaines précédant cette date, M. Gervais et Mme Gendron prennent la décision d’obtenir des conseils en fiscalité d’une firme d’avocats eu égard à l’offre d’achat en cause.

[8]               Il s’ensuit une série d’opérations relativement au capital-actions de l'entreprise Vulcain, le tout avant la date prévue pour la finalisation de la vente à BW Technologies. Pour les fins des dossiers en cause, les deux transactions suivantes sont pertinentes.

[9]               La première transaction est celle du 26 septembre 2002 par laquelle M. Gervais vend à sa conjointe, Mme Gendron, 1 043 889 actions au montant de 1 043 889 $. Eu égard à cette transaction, M. Gervais opte, dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2002, de ne pas se prévaloir des dispositions prévues au paragraphe 73(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). En d’autres termes, il n’y a pas eu de roulement des conséquences fiscales issues de la transaction entre M. Gervais et sa conjointe, Mme Gendron. Ainsi, le prix de base rajusté des actions étant de 43 889 $, M. Gervais déclare un gain de 1 000 000 $. Quant au prix de base rajusté des actions achetées par Mme Gendron, il s’établit à 1 043 889 $.

[10]           La deuxième transaction d’intérêt survient quatre jours plus tard, le 30 septembre 2002. Lors de cette transaction, M. Gervais donne 1 043 889 de ses actions à titre gratuit à Mme Gendron. Cette fois-ci, M. Gervais ne fait pas le choix de soustraire cette opération au paragraphe 73(1) de la Loi. Il y a donc roulement de sorte que M. Gervais est réputé avoir disposé des actions au prix de base rajusté, soit 43 889 $ et, Mme Gendron est réputée les avoir acquises au même prix.

[11]           Les actions de Mme Gendron acquises par achat le 26 septembre 2002 et par donation le 30 septembre 2002 sont ensuite vendues à BW Technologies le 7 octobre 2002.

[12]           Au final, dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2002, Mme Gendron, en application du mécanisme prévu à l’article 47 de la Loi, déclare un gain en capital de 1 000 000 $ et se prévaut de l’exonération prévue au paragraphe 110.6(2.1) de la Loi au montant de 250 000 $. De son côté, M. Gervais réclame aussi une exonération au montant de 158 720 $ pour gain en capital correspondant à la somme maximale disponible qu’il pouvait réclamer à ce titre lorsqu’il a vendu ses actions à Mme Gendron. Il résulte des opérations du 26 et du 30 septembre 2002 que Mme Gendron ne paye aucun impôt sur sa disposition des actions et la moitié du gain est attribuée à M. Gervais.

[13]           Or, le ministre considère que ce résultat n’est pas conforme à la Loi. Il refuse les avantages fiscaux découlant de la vente des actions de Mme Gendron à BW Technologies et de nouvelles cotisations sont émises à cet effet. Le ministre établit ainsi une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Gendron au motif que son gain en vendant ses actions est un revenu. De façon concomitante, le ministre établit une nouvelle cotisation pour M. Gervais en appliquant la Règle générale anti-évitement (RGAÉ) pour réattribuer la plus-value réalisée par Mme Gendron, pour laquelle elle avait réclamé l’exemption de gain en capital, dans le revenu de M. Gervais en tant que gain en capital.

[14]           M. Gervais et Mme Gendron font appel des nouvelles cotisations du ministre devant la Cour canadienne de l’impôt.

II.                La décision de la Cour canadienne de l’impôt

[15]           Dans un premier temps, le juge fait un exposé exhaustif des faits et de l’historique ayant mené à la vente et à la donation d’actions préalablement à la vente de ces actions à BW Technologies par Mme Gendron.

[16]           Le juge débute ensuite son analyse en choisissant d’examiner le dossier de Mme Gendron. Selon le juge, si tout le gain réalisé par Mme Gendron devait être attribuable à M. Gervais, il s’ensuit que logiquement M. Gervais n’a pu avoir reçu un avantage fiscal au sens de l’article 245 de la Loi et, par conséquent, la RGAÉ ne peut recevoir application.

[17]           Le juge poursuit son analyse en abordant la jurisprudence relativement à la vente d’actions de M. Gervais à Mme Gendron et leur revente subséquente à BW Technologies. Pour le juge, si des actions (ou des obligations) détenues à long terme peuvent donner lieu à l’acquisition d’une immobilisation qui génère un gain en capital au moment de leur vente, il se dit plutôt d’avis que, dans les circonstances, les actions acquises et revendues par Mme Gendron à BW Technologies étaient incompatibles avec un investissement (motifs du juge aux paragraphes 91 et 92).

[18]           Pour en arriver à cette conclusion, le juge distingue la décision Irrigation Industries Ltd. v. Canada (Ministry of National Revenue – M.N.R.), [1962] S.C.R. 346 [Irrigation Industries] de la présente affaire. Il précise notamment que : (i) les actions achetées par Mme Gendron avaient été émises, ce qui n’était pas le cas dans Irrigation Industries; et (ii) il existait des indications « claires » que la revente d’actions avait été « programmée » avant l’achat (motifs du juge au paragraphe 121). En conséquence, le juge conclut qu’il a devant lui une affaire à caractère commercial et le gain sur la vente des actions achetées par Mme Gendron doit donc être qualifié de revenu d’entreprise et non pas de gain en capital.

[19]           Dans un deuxième temps, le juge aborde la question des actions que Mme Gendron a reçues à titre de donation à titre gratuit. Il établit d’emblée une distinction entre recevoir une donation ou un héritage et l’achat d’un bien pour le revendre. Sur cette base, le juge qualifie la vente à BW Technologies des actions acquises par voie de donation par Mme Gendron de gain en capital et non pas de revenu d’entreprise.

[20]           Vu sa conclusion à l’effet que la disposition des actions achetées donne lieu à un revenu et que la disposition des actions reçues comme don donne lieu à du gain en capital, le juge exclut l’application de l’article 47 de la Loi portant sur les biens identiques et, conformément à l’article 74.2 de la Loi, il attribue à M. Gervais le gain subséquemment réalisé lors de la vente à BW Technologies des actions acquises par voie de donation par Mme Gendron. En attribuant ainsi la totalité du gain de Mme Gendron à M. Gervais, le juge conclut qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur l’application de la RGAÉ car M. Gervais n’a pas bénéficié d’un avantage fiscal au sens de cette dernière.

III.             La question en litige

[21]           La question à trancher dans le cadre du présent litige est de savoir si le juge a erré en qualifiant la vente des actions acquises par Mme Gendron par voie d’achat de revenu et en qualifiant la vente des actions acquises par Mme Gendron par voie de donation de gain en capital.

[22]           La norme applicable est celle consacrée dans la décision Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Les conclusions de fait doivent être examinées suivant la norme de l'erreur manifeste et dominante. Les conclusions du juge sur les questions de droit sont susceptibles de contrôle suivant la norme de la décision correcte. Les questions de fait et de droit sont soumises également à la norme de l'erreur manifeste et dominante, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur de droit isolée, auquel cas c'est la norme de la décision correcte qui s'applique.

IV.             Les prétentions des parties

[23]           Dans le dossier A-416-14, M. Gervais allègue que le juge a erré en décidant que la vente des actions achetées par Mme Gendron donnaient lieu à du revenu d'entreprise. Il fait plutôt valoir que la totalité des actions détenues par Mme Gendron était des biens de nature capitale. Plus particulièrement, la disposition des actions achetées par Mme Gendron s'inscrivait dans un contexte plus large d'un bien donnant également lieu à du gain en capital au même titre que les actions acquises par Mme Gendron par voie de donation. Selon M. Gervais, l’article 47 de la Loi s’applique et les nouvelles cotisations émises à son endroit, qui s’appuient essentiellement sur la RGAÉ, sont non-fondées.

[24]           Aux antipodes de M. Gervais, le ministre soutient dans le dossier A-429-14 que la vente de la totalité des actions détenues par Mme Gendron constituait plutôt une affaire à caractère commercial. Le ministre invite donc notre Cour à conclure que les actions acquises par voie de donation à titre gratuit visaient également la réalisation d'un bénéfice et revêtaient un caractère commercial, au même titre que les actions achetées par Mme Gendron. Le ministre soumet de plus que si notre Cour devait conclure que la totalité du gain résultant de la vente des actions de Mme Gendron à BW Technologies constitue un gain en capital, la RGAÉ s’applique et le gain est celui de M. Gervais.

V.                L’analyse

A.                Les actions achetées par Mme Gendron et revendues à BW Technologies

[25]           Dans son analyse relativement aux actions achetées par Mme Gendron et revendues à BW Technologies, le juge s’est penché sur l’intention de Mme Gendron pour conclure que la transaction était une affaire commerciale et en conséquence donnait lieu à du revenu.

[26]           Dans cette perspective, le juge a retenu plusieurs faits : (i) préalablement au 26 septembre 2002, Mme Gendron n’était pas actionnaire mais elle connaissait toutefois l’existence de l’offre d’achat qui avait été déposée par BW Technologies et son acceptation subséquente par les actionnaires de Vulcain; (ii) Mme Gendron connaissait aussi le prix de vente négocié, de même que l’échéance fixée pour la vente des actions de Vulcain à BW Technologies; (iii) elle savait qu’un bénéfice important serait réalisé lors de la vente des actions à BW Technologies; et (iv) Mme Gendron a participé en compagnie de M. Gervais aux réunions de planification fiscale qui ont eu lieu dans un cabinet d’avocats.

[27]           Bien que le juge note au passage que « [t]raditionnellement, la nature du bien en question, des actions, est considérée comme un indice d’un investissement » – qui donne lieu à un gain en capital – il note en revanche trois indices qui sont à son avis incompatibles avec cette présomption (motifs du juge au paragraphe 94) :

a)         Avant même que Mme Gendron ait acquis ses actions, elle avait l’intention de les revendre à très court terme.

b)         Les actions n’ont produit aucun revenu pendant qu’elle les a détenues.

c)         Les actions ont été revendues moins de deux semaines après leur acquisition.

[28]           Malgré ces trois indices, le juge est toutefois d’avis qu’un aspect « semble manquer » pour caractériser la vente des actions de revenu : Mme Gendron n’a réalisé aucun bénéfice en vendant les actions achetées.

[29]           Au terme de son analyse et après avoir pesé et soupesé les indices entourant la transaction, le juge décide que la vente des actions achetées par Mme Gendron relève d’une affaire à caractère commercial donnant lieu à du revenu: « [b]ien qu’il n’y ait ni gain, ni perte sur la disposition des actions achetées, les indices penchent très fortement en faveur d’une caractérisation de la vente comme un revenu » (motifs du juge au paragraphe 101).

[30]           Pour justifier cette conclusion, le juge souligne que même si la revente des actions achetées par Mme Gendron n’a donné lieu à aucun bénéfice, cette transaction a néanmoins donné lieu à un avantage financier qui s’est étalé sur quelques années car Mme Gendron a remboursé M. Gervais sur une période de 5 ans. Mme Gendron a ainsi obtenu le bénéfice d’un flux net de trésorerie très avantageux (motifs du juge aux paragraphes 95-98). Pour le juge, cet avantage financier est suffisant pour conclure que la transaction a donné lieu à du revenu et ce, malgré l’absence de bénéfice. Avec respect, je ne peux souscrire à l’analyse du juge sur ce point.

[31]           D’une part, l’introduction par le juge de la notion d’avantage financier par rapport à la notion bien établie de bénéfice n’est appuyée par aucune décision à cet effet. D’autre part, la jurisprudence retient le critère d’expectative raisonnable de bénéfice pour conclure à un projet comportant un risque ou une affaire commerciale. Par exemple, dans l’affaire Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, [1995] A.C.S. no 71 (QL) [Friesen], la Cour suprême du Canada, en faisant référence à un projet comportant un risque ou une affaire commerciale, a indiqué au paragraphe 16 que « [l]e contribuable doit avoir l'intention légitime de tirer un bénéfice de l'opération » (voir aussi Canada c. Loewen, [1994] 3 C.F. 83 (C.A.) (QL) aux paragraphes 22-24).

[32]           Or, ici, non seulement la vente des actions par Mme Gendron n’a donné lieu à aucun bénéfice, cette dernière n’avait aucune expectative raisonnable de bénéfice. Ayant acheté les actions de M. Gervais, la convention d’achat d’actions prévoyait qu’elle ne pouvait vendre ses actions sans l’autorisation de M. Gervais. La vente par Mme Gendron des actions achetées par cette dernière était prédéterminée et elle les a vendues au même prix qu’elle les avait acquises de M. Gervais ne réalisant ainsi aucun bénéfice sur la transaction. Dans ces circonstances, bien que la vente des actions ait été « programmée d’avance » comme le mentionne le juge, il m’apparaît pour le moins incongru d’imputer à Mme Gendron une expectative raisonnable de bénéfice et de qualifier cette transaction de projet comportant un risque ou une affaire commerciale.

[33]           En l’absence d’expectative raisonnable de bénéfice et au regard de l’affaire Friesen, j’estime que le juge a erré en concluant que cette transaction donnait lieu à du revenu. Avec égard, la distinction qu’il établit entre la décision Irrigation Industries et la présente affaire, et qui a pour conséquence d’écarter la forte présomption qu’une vente d’actions d’une entreprise donne lieu à l’acquisition d’une immobilisation qui génère un gain en capital au moment de la vente des actions, n’est pas justifiée en l’espèce.

[34]           À mon avis, n’eut été des erreurs qu’il a commises, le juge n’aurait pu faire autrement que de conclure que les actions achetées et vendues par Mme Gendron donnent lieu à un gain en capital et non à un revenu.

[35]           J’aborderai maintenant la deuxième transaction intervenue le 30 septembre 2002 relativement à la vente par Mme Gendron des actions acquises par voie de donation.

B.                 Les actions acquises par Mme Gendron à titre de donation et vendues à BW Technologies

[36]           Le 30 septembre 2002, soit quatre jours après avoir effectué l’achat d’actions, Mme Gendron reçoit de M. Gervais une donation d’actions à titre gratuit au sens de l’article 1806 du Code civil du Québec. Aux fins de cette transaction, M. Gervais se prévaut cette fois-ci du roulement prévu à l’article 73 de la Loi avec la conséquence qu’il ne réalise pas de gain contrairement à la transaction du 26 septembre 2002. Mme Gendron est donc réputée avoir acquis les actions pour le prix de base rajusté de M. Gervais. Comme l’indique le juge, ce prix est pour ainsi dire minime.

[37]           Dans ses motifs, le juge distingue la transaction d’achat d’actions du 26 septembre 2002 de la transaction de donation d’actions du 30 septembre 2002 et conclut que la vente des actions acquises à titre de donation, contrairement à la vente des actions achetées, donne lieu à un gain en capital (motifs du juge aux paragraphes 125 et 126). Les parties n’ont pas contesté que M. Gervais a fait don d’une partie de ses actions à Mme Gendron et cet aspect n’a pas été remis en question devant notre Cour. Bien que je n’endosse pas l’intégralité du raisonnement du juge sur cette question, j’entérine sa conclusion à l’effet que la vente des actions reçues par Mme Gendron et vendues à BW Technologies doit être qualifiée de gain en capital.

[38]           Puisque les deux transactions donnent lieu à du gain en capital, la question qui demeure à ce stade-ci est celle de savoir si l’utilisation des règles de calcul du coût de biens identiques prévue à l’article 47 de la Loi laquelle, conjuguée à l’effet des règles d’attribution prévues aux articles 73, 74.2 et 74.5 et de l’exonération du gain en capital sous le paragraphe 110.6(2.1) donne lieu à un résultat qui pourrait contrevenir à l’objet et à l’esprit de la Loi.

[39]           La RGAÉ a été adoptée par le législateur dans le but de régler le genre de questions soulevées par les parties lorsqu’il n’y a pas d’autres dispositions anti-évitement qui trouveraient application (Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, Toronto, Carswell, 2009 à la page 806; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 à la page 614 [Trustco]). Les trois étapes que comporte l’application de la RGAÉ mentionnées à l’article 245 de la Loi permettent à mon avis de solutionner le problème dans le contexte des faits de la présente affaire et de l’agencement de la Loi (Trustco aux paragraphes 16 et 17). Dans le contexte de la présente affaire, le traitement des questions soulevées par les parties est propice à un examen s’inscrivant sous cette égide : la RGAÉ est partie intégrante de ce litige et le ministre a campé sa position sur l’application de cette dernière. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur la RGAÉ que le ministre a cotisé M. Gervais.

[40]           Plus précisément, l’application de la RGAÉ permettra d’examiner les transactions indépendamment afin de prendre en compte l’effet juridique véritable résultant de chacune d’elles et leur donner effet (Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, [2001] 2 R.C.S. 1046).

VI.             Conclusion

[41]           Puisque je conclus que la plus-value réalisée suite à la vente des actions achetées et reçues à titre de donation par Mme Gendron constitue un gain en capital, il s’ensuit que le juge aurait dû examiner la question de l’application de la RGAÉ prévue à l’article 245 de la Loi. J’ai envisagé la possibilité de procéder à l’analyse moi-même, mais dans les circonstances, je conclus qu’il est préférable de renvoyer l’affaire à la Cour canadienne de l’impôt en lui donnant pour directive d’examiner précisément l’application de la RGAÉ aux faits de la présente affaire.

[42]           Je propose donc que l'appel de M. Gervais dans le dossier A-416-14 soit accueilli avec dépens et que l’appel du ministre dans le dossier A-429-14 soit rejeté avec dépens. Je retournerais les deux dossiers devant le juge ou à un autre juge à être désigné par le juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt afin que l’application de la RGAÉ soit examinée et déterminée.

[43]           Ces motifs seront déposés dans le dossier A-416-14 et copie d’iceux sera déposée dans le dossier A-429-14 pour y valoir comme motifs du jugement.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Marc Nadon j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-416-14

 

INTITULÉ :

GUY GERVAIS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 octobre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JANVIER 2016

COMPARUTIONS :

Me Serge Fournier

Pour l'appelant

Me Josée Tremblay

Me Mélanie Sauriol

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

Pour l'appelant

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-429-14

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. LYSANNE GENDRON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 octobre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JANVIER 2016

COMPARUTIONS :

Me Josée Tremblay

Me Mélanie Sauriol

Pour l'appelantE

Me Serge Fournier

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l'appelantE

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

Pour L’INTIMÉE

 

 

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