Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160330


Dossier : A­319­15

Référence : 2016 CAF 100

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

1455257 ONTARIO INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 17 février 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 mars 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20160330


Dossier : A­319­15

Référence : 2016 CAF 100

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

1455257 ONTARIO INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Une seule question est en litige dans le présent appel : la Cour canadienne de l'impôt a‑t‑elle eu tort de conclure que l'appelante, en tant que société dissoute, ne pouvait intenter un appel à la Cour canadienne de l'impôt à l'encontre d'une cotisation établie contre elle en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi)? En raison de cette conclusion, la Cour canadienne de l'impôt a ajourné l'appel pendant 60 jours afin de donner à l'appelante l'occasion de prendre des mesures pour rétablir sa constitution en société. L'appelante n'a pas choisi de se prévaloir de cette possibilité. Au lieu de cela, elle a interjeté appel de l'ordonnance de la Cour canadienne de l'impôt devant notre Cour. Il s'agit du présent appel.

[2]               Pour les motifs suivants, je conclus que la Cour canadienne de l'impôt a eu raison. Cependant, je parviens à cette conclusion au moyen d'une analyse qui diffère de celle menée par la Cour canadienne de l'impôt.

I.                   Les faits

[3]               Les faits sont simples et non contestés.

[4]               L'appelante a été constituée en société en l'an 2000, conformément aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. B.16 (la LSA de l'Ontario). La société a été dissoute et son certificat de constitution a été annulé au début 2007.

[5]               Le 18 octobre 2010, le ministre du Revenu national a établi un avis de cotisation à l'égard de l'appelante, en vertu de l'article 160 de la Loi, en ce qui concerne la dette fiscale d'une société liée. L'appelante s'est opposée à la cotisation; cependant, le ministre a ratifié sa cotisation.

[6]               Par la suite, l'appelante a déposé un avis d'appel à la Cour canadienne de l'impôt. L'intimée a alors présenté une requête en ajournement de l'appel afin de permettre à l'appelante de rétablir sa constitution en société. Pour les motifs énoncés sous la référence 2015 CCI 173, la Cour canadienne de l'impôt a accueilli la requête de l'intimée.

II.                Les dispositions légales pertinentes

[7]               Les dispositions pertinentes de la LSA de l'Ontario sont les paragraphes 241(5) et 242(1), qui abordent la reconstitution de sociétés dissoutes et les instances judiciaires intentées par une société ou contre elle après sa dissolution :

241(5) En cas de dissolution d'une société aux termes du paragraphe (4) ou d'une disposition qu'il remplace, le directeur peut, à la demande de toute personne intéressée et à sa discrétion, reconstituer la société aux conditions qu'il estime opportunes. Dès lors, sous réserve des conditions que le directeur impose et des droits éventuels acquis par toute personne après la dissolution, la société est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute.

[...]

 

241(5) Where a corporation is dissolved under subsection (4) or any predecessor of it, the Director on the application of any interested person, may, in his or her discretion, on the terms and conditions that the Director sees fit to impose, revive the corporation; upon revival, the corporation, subject to the terms and conditions imposed by the Director and to the rights, if any, acquired by any person during the period of dissolution, shall be deemed for all purposes to have never been dissolved.

. . .

 

242(1) Malgré la dissolution d'une société aux termes de la présente loi :

a) les actions ou instances de nature civile, pénale ou administrative introduites par la société ou contre elle avant sa dissolution peuvent être poursuivies comme si la dissolution n'avait pas eu lieu;

b) des actions ou instances de nature civile, pénale ou administrative peuvent être introduites contre la société comme si la dissolution n'avait pas eu lieu;

c) les biens qui auraient servi à satisfaire à un jugement, à une ordonnance ou à un ordre, si la société n'avait pas été dissoute, restent disponibles à cette fin;

d) le titre d'un bien‑fonds qui appartenait à la société immédiatement avant sa dissolution peut être vendu par suite d'une instance visant l'exercice d'un pouvoir de vente.

[Non souligné dans l'original.]

242(1) Despite the dissolution of a corporation under this Act,

(a) a civil, criminal or administrative action or proceeding commenced by or against the corporation before its dissolution may be continued as if the corporation had not been dissolved;

(b) a civil, criminal or administrative action or proceeding may be brought against the corporation as if the corporation had not been dissolved;

(c) any property that would have been available to satisfy any judgment or order if the corporation had not been dissolved remains available for such purpose; and

(d) title to land belonging to the corporation immediately before the dissolution remains available to be sold in power of sale proceedings.

[emphasis added]

III.             La décision de la Cour canadienne de l'impôt

[8]               La Cour canadienne de l'impôt a commencé son analyse, au paragraphe 16, en faisant remarquer que la requête portait principalement sur l'interprétation correcte de l'alinéa 242(1)b) de la LSA de l'Ontario et sur ce que la Cour a qualifié de la jurisprudence contradictoire qui a examiné cette disposition. Parmi ces décisions était la décision de la Cour dans R. c. 495187 Ontario Ltd. (1993), 156 N.R. 398, 94 D.T.C. 6229 (C.A.F.) (187 Ontario).

[9]               Dans la décision 187 Ontario, un avis de nouvelle cotisation a été établi après la dissolution de la société. La société a interjeté un appel à l'encontre de la nouvelle cotisation à la Cour de l'impôt, en vain, puis a tenté de faire appel de la décision de la Cour de l'impôt à notre Cour par voie de procès de novo. Notre Cour a conclu que la société dissoute pouvait interjeter appel pour les motifs exposés par le juge en chef adjoint Jerome dans la décision 460354 Ontario Inc. c. La Reine, [1992] A.C.F. no 805 (QL) (C.F. 1re inst.) (354 Ontario).

[10]           Dans 354 Ontario, le juge en chef adjoint Jerome a examiné la disposition légale qui était alors pertinente et qui était essentiellement semblable au paragraphe 242(1) actuel de la LSA de l'Ontario. Selon lui, la thèse selon laquelle la société dissoute ne pouvait pas se défendre lors des « actions ou recours de nature civile, pénale ou administrative » intentés contre elle après sa dissolution « ne peut être accueillie ».

[11]           Le juge en chef adjoint Jerome a rejeté la thèse selon laquelle l'appel de la demanderesse à la Cour fédérale à l'encontre de la décision de la Cour canadienne de l'impôt constituait l'introduction d'une nouvelle procédure judiciaire. Selon lui, une fois que le ministre établit un avis de cotisation, le contribuable doit pouvoir exercer les droits d'appel prévus par la Loi. Même si l'appel à la Cour fédérale a été fait par voie de procès de novo, cet appel ne constituait pas l'introduction d'une action. Il s'agissait plutôt de l'étape finale de la procédure d'appel. Par conséquent, on a jugé que la société dissoute avait la capacité requise pour mener une action contestant la cotisation et la nouvelle cotisation établies par le ministre.

[12]           La Cour de l'impôt a établi une distinction avec les décisions 187 Ontario et 354 Ontario au motif qu'après ces décisions, la LSA de l'Ontario avait été modifiée pour prévoir qu'après sa reconstitution, « la société est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute », ce qui est différent du libellé antérieur.

[13]           Ayant établi une distinction avec la jurisprudence de la Cour, la Cour de l'impôt a examiné la jurisprudence contradictoire des cours de l'Ontario et une décision antérieure de la Cour de l'impôt. En fin de compte, la Cour de l'impôt a préféré la jurisprudence qui étayait le point de vue selon lequel, jusqu'à sa reconstitution, une société dissoute n'a pas la capacité d'interjeter appel d'une cotisation à la Cour de l'impôt.

IV.             La norme de contrôle

[14]           J'accepte le point de vue des parties selon lequel la question de savoir si l'appelante, en tant que société dissoute, a la capacité juridique d'interjeter appel et de continuer la procédure d'appel à la Cour de l'impôt est une question de droit, susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

V.                Application de la norme de contrôle

[15]           À mon avis, la Cour de l'impôt a commis une erreur dans son évaluation de l'incidence de la modification apportée au paragraphe 241(5) de la LSA de l'Ontario.

[16]           Au moment où notre Cour a rendu la décision 187 Ontario, la disposition de la LSA de l'Ontario traitant de la reconstitution se lisait comme suit :

241(5) En cas de dissolution d'une société aux termes du paragraphe (4) ou d'une disposition qu'il remplace, le directeur peut, à sa discrétion, si une personne qui avait un intérêt dans la société immédiatement avant sa dissolution lui présente une demande à cet effet dans les cinq ans de la dissolution, rétablir la société aux conditions qu'il estime opportunes. Dès lors, la société, sous réserve des conditions que le directeur impose et des droits acquis par toute personne après la dissolution, recouvre son statut juridique, ainsi que ses biens, droits, privilèges et concessions et est assujettie de la même manière et dans la même mesure aux obligations, contrats, incapacités et dettes qui existaient à la date de la dissolution que si celle‑ci n'avait pas eu lieu.

[Non souligné dans l'original.]

241(5) Where a corporation is dissolved under subsection (4) or any predecessor thereof, the Director on the application of any interested person immediately before the dissolution, made within five years after the date of dissolution, may, in his or her discretion, on such terms and conditions as the Director sees fit to impose, revive the corporation and thereupon the corporation, subject to the terms and conditions imposed by the Director and to any rights acquired by any person after its dissolution, is restored to its legal position, including all its property, rights and privileges and franchises, and is subject to all its liabilities, contracts, disabilities and debts, as of the date of its dissolution, in the same manner and to the same extent as if it had not been dissolved.

[emphasis added]

[17]           Pour en faciliter la consultation, je cite de nouveau le paragraphe 241(5) de la loi actuelle :

241(5) En cas de dissolution d'une société aux termes du paragraphe (4) ou d'une disposition qu'il remplace, le directeur peut, à la demande de toute personne intéressée et à sa discrétion, reconstituer la société aux conditions qu'il estime opportunes. Dès lors, sous réserve des conditions que le directeur impose et des droits éventuels acquis par toute personne après la dissolution, la société est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute.

[Non souligné dans l'original.]

241(5) Where a corporation is dissolved under subsection (4) or any predecessor of it, the Director on the application of any interested person, may, in his or her discretion, on the terms and conditions that the Director sees fit to impose, revive the corporation; upon revival, the corporation, subject to the terms and conditions imposed by the Director and to the rights, if any, acquired by any person during the period of dissolution, shall be deemed for all purposes to have never been dissolved.

[emphasis added]

[18]           Si on les compare, il n'existe pas de différence substantielle entre le libellé « de la même manière et dans la même mesure [...] que si celle‑ci n'avait pas eu lieu » et le libellé « est réputée à toutes fins ne jamais avoir été dissoute ». Il s'ensuit qu'on ne peut établir de distinction avec la décision 187 Ontario et la situation dont était saisie la Cour de l'impôt. Ainsi, la Cour de l'impôt aurait dû conclure qu'elle était liée par la décision 187 Ontario, puisqu'elle avait été rendue par notre Cour, tout en expliquant pourquoi cette décision présentait des problèmes (Canada c. Craig, 2012 CSC 43, [2012] 2 R.C.S. 489, au paragraphe 21).

[19]           La situation de notre Cour est différente, puisque la Cour peut s'écarter de ses décisions antérieures lorsque des circonstances spéciales le justifient.

[20]           Écarter une décision de la Cour est une question grave. Dans l'arrêt Craig, le juge Rothstein, rédigeant les motifs de la Cour suprême, a cité et approuvé, au paragraphe 26, le passage suivant tiré de l'arrêt Queensland v. Commonwealth, [1977] HCA 60, 139 C.L.R. 585 :

[TRADUCTION]

Nul juge ne peut ignorer les décisions et le raisonnement de ses prédécesseurs et arriver à ses propres conclusions comme si la jurisprudence n'existait pas, ou qu'une décision cessait d'être opposable dès l'ajournement d'une session. Contrairement au législateur, le juge ne peut entreprendre une réforme qui réduit à néant les décisions antérieures et les principes établis précédemment. Ce n'est qu'après avoir examiné la décision antérieure de la cour le plus attentivement et le plus respectueusement possible, et après avoir dûment considéré toutes les circonstances, que le juge peut faire primer sa propre opinion sur elle.

[21]           Ainsi, dans l'arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, la Cour a jugé que pour assurer la certitude et la cohérence, elle n'écartera l'une de ses décisions antérieures que si elle est convaincue que la décision antérieure est manifestement erronée.

[22]           En l'espèce, je suis convaincue que la décision 187 Ontario n'est plus valable. J'en arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

[23]           Comme cela est indiqué ci‑dessus, la justification de la décision 187 Ontario de la Cour se trouve dans les motifs du juge en chef adjoint Jerome dans la décision 354 Ontario, dans laquelle le juge s'est fondé sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Johnson c. Canada (Ministre du revenu national), [1948] R.C.S. 486, pour faire valoir qu'un appel judiciaire à l'encontre d'une cotisation vise toujours la cotisation. En se fondant sur cette thèse, il a soutenu que lorsqu'un appel est interjeté à la Cour, l'appel ne constitue pas une nouvelle procédure. La procédure judiciaire est plutôt « l'étape finale de la procédure d'appel » introduite en présentant un avis d'opposition.

[24]           Dans l'arrêt Johnson, le juge Rand, en s'exprimant au nom de la majorité des juges, a déclaré à la page 489 :

[TRADUCTION]

Bien qu'il soit question, au paragraphe 63(2), d'une action prête pour l'instruction ou audition, l'instance est un appel à l'encontre de la cotisation, et comme l'impôt est fondé sur certains faits et certaines dispositions légales, ce sont soit les faits en question soit l'application de la loi que l'on conteste. Tout fait que détermine ou que suppose le répartiteur ou le ministre doit donc être accepté de la façon dont ces personnes en ont traité, à moins que l'appelant ne le mette en doute. Si le contribuable en l'espèce avait eu l'intention de contester le fait qu'il subvenait aux besoins de son épouse comme le prévoient les dispositions susmentionnées, il aurait dû soulever la question dans ses actes de procédure, et il lui aurait incombé, comme à tout autre appelant, de faire la preuve que la conclusion tirée par les décideurs de rang inférieur n'était pas justifiée.

[25]           Deux points ressortent de ce passage. Premièrement, la Cour suprême n'a pas conclu que l'appel d'un contribuable aux tribunaux était la suite de la procédure administrative qui commence lorsque le ministre établit une cotisation ou une nouvelle cotisation. Le juge Rand a expliqué que c'est plutôt le résultat de la cotisation qui est en cause dans un appel aux tribunaux.

[26]           Deuxièmement, le juge Rand a statué sur l'argument du contribuable au sujet du fardeau de la preuve. L'arrêt Johnson s'applique toujours en ce qui concerne la partie à qui incombe le fardeau de la preuve.

[27]           En outre, l'arrêt Johnson a soulevé la question de l'interprétation juste d'une annexe à la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, L.R.C. 1927, ch. 97. Ce qui est pertinent au présent appel est la différence entre le régime de cette Loi et celui qui existe aujourd'hui et qui existait également lorsque la décision 354 Ontario a été rendue. En vertu de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, une personne qui s'opposait à une cotisation pouvait interjeter appel de la cotisation au ministre. Si le ministre rejetait l'appel, le contribuable pouvait envoyer au ministre un « avis de mécontentement ». Dans cet avis, le contribuable devait indiquer qu'il souhaitait que son appel soit inscrit au rôle. Le contribuable devait transmettre avec l'avis de mécontentement un énoncé définitif des autres faits, des dispositions légales et des motifs qu'il comptait invoquer à la Cour à l'appui de l'appel et qui n'étaient pas énoncés dans l'avis d'appel initial déposé au ministre. Subsidiairement, le contribuable pouvait résumer les faits, les dispositions légales et les motifs énoncés dans l'avis d'appel, ainsi que les autres faits, dispositions et motifs que le contribuable avait l'intention d'invoquer à la Cour à l'appui de l'appel.

[28]           Le ministre était ensuite tenu de répondre à l'avis de mécontentement, puis de transmettre à la Cour de l'Échiquier la déclaration de revenus, l'avis de cotisation, l'avis d'appel, la décision du ministre, l'avis de mécontentement, la réponse du ministre à l'avis de mécontentement et tous les autres documents pertinents à la cotisation faisant l'objet de l'appel. Selon la loi, « l'affaire est alors censée une action en ladite cour prête pour l'instruction ou audition ».

[29]           Cette procédure diffère considérablement de celle aujourd'hui en place et de celle qui existait lorsque la décision 354 Ontario a été rendue (ce dont le juge en chef adjoint Jerome n'a pas tenu compte).

[30]           En vertu de l'article 17.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T‑2, une procédure est intentée devant la Cour de l'impôt en déposant « un acte introductif d'instance », comme le prescrivent les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90‑688a. La procédure est réputée « introduite » le jour où l'acte introductif d'instance est reçu au greffe de la Cour de l'impôt. Contrairement à la situation dont était saisie la Cour suprême dans l'arrêt Johnson, le ministre ne joue aucun rôle dans l'introduction de l'instance. Les éléments dont dispose le ministre ne sont pas transmis directement à la Cour de l'impôt par celui‑ci. Il n'existe aucune disposition selon laquelle l'affaire est réputée être une action ou un recours.

[31]           À mon avis, lorsque ce régime légal est pris en compte, il n'est plus exact d'affirmer que le dépôt d'un avis d'appel à la Cour de l'impôt ne constitue pas l'introduction d'un recours judiciaire. Le dépôt d'un avis d'appel à la Cour de l'impôt constitue l'introduction d'un recours judiciaire. Le fait que le recours judiciaire vise la cotisation du ministre est une question distincte qui ne contredit pas la conclusion selon laquelle le dépôt d'un avis d'appel à la Cour de l'impôt introduit un recours judiciaire.

[32]           Le paragraphe 242(1) de la LSA de l'Ontario n'autorise pas une société dissoute à engager une procédure au civil. Il s'ensuit que la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur en ajournant l'appel et en demandant à l'appelante de rétablir sa constitution en société afin qu'elle puisse continuer la procédure d'appel.

[33]           Comme je l'ai déjà expliqué, je suis parvenue à cette conclusion en me fondant sur ce qui était en cause dans l'arrêt Johnson et sur le changement important apporté à la procédure après la décision de la Cour suprême. Cela dit, cette interprétation évite le méfait qui préoccupait la Cour de l'impôt. La préoccupation de la Cour de l'impôt était de savoir qui avait le droit de retenir les services d'un avocat pour la société dissoute et qui était responsable des honoraires de l'avocat et de l'utilisation de l'actif de la société avant sa dissolution pour payer les frais juridiques et les autres dépenses nécessaires.

[34]           Enfin, au cours de sa plaidoirie orale, l'avocat de l'appelante a fait valoir que les sociétés ontariennes dissoutes ne peuvent pas toutes être reconstituées. Ainsi, l'appelante a soutenu que certaines sociétés dissoutes ne pourront pas interjeter appel à l'encontre d'avis de cotisation et d'avis de nouvelle cotisation établis contre elles, sauf si les sociétés dissoutes sont autorisées à interjeter appel et à poursuivre leurs appels à la Cour de l'impôt.

[35]           Étant donné qu'il s'agissait d'un argument inédit et important, la Cour a demandé et a reçu des observations supplémentaires sur ce point.

[36]           Vu ces observations, j'accepte le fait que la disposition touchant la reconstitution figurant au paragraphe 241(5) de la LSA de l'Ontario s'applique uniquement aux sociétés qui ont été dissoutes par le directeur nommé en vertu de cette loi parce qu'elles ne se sont pas conformées à certaines obligations précises. Par conséquent, les sociétés qui ont demandé à être dissoutes, les sociétés qui sont dissoutes pour des motifs suffisants ou les sociétés dissoutes il y a plus de 20 ans ne peuvent pas être reconstituées en vertu de la disposition administrative figurant dans la LSA de l'Ontario.

[37]           Cependant, je suis convaincue que, dans le cas peut‑être peu probable où une partie souhaiterait intenter une instance contre une telle société dissoute, un mécanisme permettant d'effectuer la reconstitution existe. Lorsque la société ne peut être reconstituée en vertu du paragraphe 241(5) de la LSA de l'Ontario, elle peut être reconstituée au moyen d'une loi d'intérêt privé de l'Assemblée législative de l'Ontario. Ce droit est réel et non illusoire, car l'Assemblée législative de l'Ontario examine souvent des projets de lois d'intérêt privé pour reconstituer des sociétés.

[38]           Par conséquent, je rejette l'affirmation selon laquelle il n'est pas possible de reconstituer des sociétés qui ne peuvent pas être reconstituées de façon administrative.

VI.             Conclusion

[39]           Il s'ensuit que je suis d'avis de rejeter l'appel, avec dépens. Je poursuivrais l'ajournement de l'appel en instance ordonné par la Cour de l'impôt pendant 60 jours supplémentaires à compter de la date du jugement de la Cour afin de permettre à l'appelante de rétablir son statut de société.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

D. G. Near, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A­319­15

 

 

INTITULÉ :

1455257 ONTARIO INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 17 février 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2016

 

COMPARUTIONS :

Domenic Marciano

Raphel Retman

 

Pour l'appelante

 

Craig Maw

Christa Akey

 

Pour l'INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marciano Beckenstein LLP

Avocats

Concord (Ontario)

 

Pour l'appelante

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Pour l'INTIMÉE

 

 

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