Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160405


Dossier : A-130-15

Référence : 2016 CAF 101

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SYLVIO THIBEAULT

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 23 novembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160405


Dossier : A-130-15

Référence : 2016 CAF 101

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SYLVIO THIBEAULT

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

I.                   Introduction

[1]               M. Sylvio Thibeault (l’appelant) interjette appel d’un jugement d’un juge de la Cour fédérale (le juge) rendu le 9 février 2015 (2015 CF 162).  Le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant. Ce dernier cherchait à faire annuler un ordre ministériel du ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités (le ministre) en date du 16 mai 2013. L’ordre ministériel somme l’appelant de retirer dans les vingt-quatre (24) heures son installation flottante située à l’entrée de la rivière Chaudière au motif que cette installation ne correspond pas à un « ouvrage » approuvé par le ministre en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22 (la Loi) en vigueur lors de l’émission de l’ordre ministériel.

[2]               Dans un autre jugement relié à cette affaire et portant le numéro de référence 2015 CF 163, le juge a également rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant qui cherchait à faire annuler trois approbations ministérielles données en vertu de la Loi eu égard à des « ouvrages » connus comme étant le quai « B », le quai « D » et l’aire de mouillage - zone 4 de la Marina de la Chaudière Inc. (la Marina).

[3]               Devant notre Cour, les deux appels ont été joints et entendus le même jour. Ils font toutefois l’objet de décisions distinctes. La décision de notre Cour relative à l’appel eu égard aux trois approbations ministérielles porte le numéro de référence 2016 CAF 102.

[4]               La présente décision ne porte que sur l’appel eu égard à l’ordre ministériel en date du 16 mai 2013. Les références contenues dans les présents motifs renvoient aux dispositions applicables lors de l’émission de cet ordre ministériel.

[5]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel doit être rejeté.

II.                Les faits

[6]               Les faits pertinents reliés à la présente affaire ne sont pas contestés.

[7]               Le 20 avril 2013, le public est informé par un avis publié dans la Gazette du Canada que la Marina a fait une demande auprès du ministre pour obtenir l’approbation de trois quais flottants dans la rivière Chaudière ainsi que des zones de mouillage dans le fleuve Saint-Laurent et dans la rivière Chaudière. Suivant la publication de l’avis, toute personne peut adresser des commentaires par écrit sur l’incidence des ouvrages proposés sur la navigation maritime. C’est ce que fait l’appelant.

[8]               Plus particulièrement, le 13 mai 2013, l’appelant fait parvenir une mise en demeure – comportant cinq annexes – à M. Richard Jones, le gestionnaire du Programme de protection des eaux navigables (gestionnaire du PPEN). Celle-ci est traitée comme une opposition à la demande d’approbation ministérielle de la Marina. L’appelant informe le gestionnaire du PPEN qu’il est le propriétaire ou le locataire exclusif du lit de la rivière Chaudière où les quais B et D et les bouées d’amarrage de la zone 4 seront installés par la Marina. Selon l’appelant, le ministre n’a pas le pouvoir d’émettre les approbations demandées par la Marina puisque les quais flottants en cause doivent être considérés comme des « bateaux » et non comme des « ouvrages » au sens de la Loi. L’appelant informe également le gestionnaire du PPEN « qu’il a placé un navire à l’ancre (sic) aux environs de l’endroit prévu par la Marina pour l’emplacement du ponton « B », soit sur la parcelle C dont il a la propriété exclusive, et ce, pour effectuer des travaux sur son terrain » (Dossier d’appel, vol. 3 aux pp 612-642).

[9]               À la même date, soit le 13 mai 2013, la Marina fait parvenir une plainte au gestionnaire du PPEN. Dans sa plainte, la Marina cherche à savoir si la structure flottante installée par l’appelant a été autorisée.

[10]           Le 14 mai 2013, M. Richard Doyon (l’agent inspecteur) se rend sur les lieux pour procéder à l’inspection visuelle de la structure flottante installée par l’appelant et prendre des photos. Le rapport d’inspection indique que « [c]ette structure ressemble à une plate-forme et est à effleurement de l’eau […]. Cette structure pourrait être une obstruction hasardeuse le soir si son éclairage faisait défaut ou surtout qu’elle est à effleurement de l’eau et peu apparente » (Rapport d’inspection et notes, Dossier d’appel, vol. 3 à la p. 651).

[11]           Le 16 mai 2013, le ministre émet un ordre ministériel ordonnant à l’appelant d’enlever son installation flottante des eaux navigables en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi car, il s’agit d’un « ouvrage non-autorisé » susceptible de nuire à la navigation.  C’est cet ordre ministériel que conteste l’appelant en l’espèce.

[12]           L’appelant ne fait pas de demande afin de surseoir à l’exécution de l’ordre ministériel. Il dépose plutôt un avis de demande de contrôle judiciaire pour le faire casser. Devant le refus de l’appelant d’obtempérer à l’ordre ministériel dans les délais impartis, le ministre fait retirer « l’ouvrage non-autorisé » le 7 juin 2013.

[13]           Le 9 février 2015, le juge rejette la demande de contrôle judiciaire de l’appelant. Le juge conclut que le ministre avait compétence pour émettre l’ordre ministériel contesté et qu’il était raisonnable d’ordonner à l’appelant d’enlever son installation flottante.

[14]           Les dispositions pertinentes de la Loi dans le cadre du présent appel sont les suivantes :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

2. In this Act,

« bateau » Toute construction flottante conçue ou utilisée pour la navigation en mer ou dans les eaux internes, qu’elle soit pourvue ou non d’un moyen propre de propulsion. Est compris dans la présente définition tout ce qui fait partie des machines, de l’outillage de chargement, de l’équipement, de la cargaison, des approvisionnements ou du lest du bateau.

[…]

“vessel” includes every description of ship, boat or craft of any kind, without regard to method or lack of propulsion and to whether it is used as a sea-going vessel or on inland waters only, including everything forming part of its machinery, tackle, equipment, cargo, stores or ballast;

« ouvrage » Sont compris parmi les ouvrages :

“work” includes

a) les constructions, dispositifs ou autres objets d’origine humaine, qu’ils soient temporaires ou permanents, susceptibles de nuire à la navigation;

(a) any man-made structure, device or thing, whether temporary or permanent, that may interfere with navigation; and

b) les déversements de remblais dans les eaux navigables ou les excavations de matériaux tirés du lit d’eaux navigables, susceptibles de nuire à la navigation.

(b) any dumping of fill in any navigable water, or any excavation of materials from the bed of any navigable water, that may interfere with navigation.

2.1 La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.

2.1 This Act is binding on Her Majesty in right of Canada or a province.

5. (1) Il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers celles-ci à moins que, préalablement au début des travaux, l’ouvrage ainsi que son emplacement et ses plans n’aient été approuvés par le ministre.

[…]

5. (1) No work shall be built or placed in, on, over, under, through or across any navigable water without the Minister’s prior approval of the work, its site and the plans for it.

6. (1) Dans les cas où un ouvrage visé par la présente partie est construit ou placé sans avoir été approuvé au titre de la présente loi ou est construit ou placé sur un emplacement non approuvé au titre de celle-ci ou n’est pas construit ou placé conformément aux plans et conditions approuvés au titre de la présente loi et aux règlements ou, après avoir été construit ou placé conformément à l’approbation, n’est pas entretenu, exploité, utilisé ou enlevé conformément à ces plans et conditions et aux règlements, le ministre peut :

6. (1) If any work to which this Part applies is built or placed without having been approved under this Act, is built or placed on a site not approved under this Act, is not built or placed in accordance with the approved plans and terms and conditions and with the regulations or, having been built or placed as approved, is not maintained, operated, used or removed in accordance with those plans, those terms and conditions and the regulations, the Minister may

a) ordonner au propriétaire de l’ouvrage de l’enlever ou de le modifier;

(a) order the owner of the work to remove or alter the work;

b) lorsque le propriétaire de l’ouvrage n’obtempère pas à un ordre donné sous le régime de l’alinéa a), enlever et détruire l’ouvrage et aliéner — notamment par vente ou don — les matériaux qui le composent;

(b) where the owner of the work fails forthwith to comply with an order made pursuant to paragraph (a), remove and destroy the work and sell, give away or otherwise dispose of the materials contained in the work; and

c) enjoindre à quiconque d’arrêter la construction de l’ouvrage lorsqu’il est d’avis qu’il gêne ou gênerait la navigation ou que sa construction est en contravention avec la présente loi.

(c) order any person to refrain from proceeding with the construction of the work where, in the opinion of the Minister, the work interferes or would interfere with navigation or is being constructed contrary to this Act.

III.             Questions en litige

[15]           Les questions en litige sont les suivantes :

A.       Le juge a-t-il erré en décidant que le ministre pouvait raisonnablement conclure que l’installation flottante de l’appelant était un « ouvrage » au sens de la Loi et que le ministre avait donc compétence pour ordonner à l’appelant de le retirer des eaux navigables?

B.       Le juge a-t-il erré en décidant qu’il était raisonnable que le ministre ne considère pas l’Arrêté sur les ouvrages et les eaux secondaires?

C.           Le juge a-t-il commis une erreur en décidant que le ministre n’a pas fait preuve de partialité?

IV.             Analyse

[16]           Dans le cadre d’un appel d’un jugement en contrôle judiciaire, cette Cour s’assure d’abord que le juge de première instance a correctement identifié la norme de contrôle applicable et qu’il l’a bien appliquée. En fait, la Cour doit se mettre dans les « chaussures » du juge de la Cour fédérale et rendre la décision que ce dernier aurait dû rendre (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 au para. 46).

[17]           Les parties soumettent que le juge a identifié les normes de contrôle appropriées et qu’il n’a pas commis d’erreur à cet égard. L’intimé est également d’avis que le juge les a correctement appliquées. L’appelant est toutefois en désaccord sur ce point et soumet que le juge a erré dans son application des normes de contrôle.

[18]           Relativement aux deux premières questions en litige qui relèvent de questions mixtes de fait et de droit, la norme applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.S.C. 190 au para. 47). En ce qui concerne la troisième question, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique dans la mesure où la crainte raisonnable de partialité a été abordée pour la première fois par le juge et soulève essentiellement une question de droit : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 aux paras 8 et 9.

[19]           J’aborderai à ce stade-ci chacune des questions en litige.

A.                Le juge a-t-il erré en décidant que le ministre pouvait raisonnablement conclure que l’installation flottante de l’appelant était un « ouvrage » au sens de la Loi et que le ministre avait donc compétence pour ordonner à l’appelant de le retirer des eaux navigables?

[20]           À titre de remarque liminaire, je soulignerais que les représentations des parties lors de l’audition ont été inutilement complexifiées. Après étude du dossier, la présente affaire est somme toute beaucoup plus simple que la présentation qui en a été faite à la Cour.

[21]           Devant le juge, l’appelant alléguait que son installation flottante constituait un « navire ponton » et donc un « bateau » au sens de l’article 2 de la Loi et qu’il était déraisonnable qu’elle ait été qualifiée d’« ouvrage » dans l’ordre ministériel suivant les articles 5 et 6 de cette même Loi.

[22]           En analysant l’argument de l’appelant dans le cadre de la procédure en contrôle judiciaire intentée par ce dernier, le juge a d’emblée très bien cerné au paragraphe 13 de ses motifs la problématique qui se posait dans cette affaire :

[…] La Cour n’a donc pas à se demander si la structure flottante qui a été enlevée est un « bateau », mais doit plutôt se demander si la qualification ministérielle d’« ouvrage non approuvé » est raisonnable en l’espèce.

[23]           En dépit du désaccord de l’appelant, je suis d’avis que la preuve au dossier appuie la conclusion du gestionnaire du PPEN à savoir que l’installation flottante de l’appelant constituait un « obstacle à la navigation » et donc un ouvrage au sens de l’article 2 de la Loi.

[24]           Plus particulièrement, l’inspection visuelle effectuée par l’agent inspecteur le 14 mai 2013 et consignée dans le rapport d’inspection le 17 mai 2013 mentionne ce qui suit :

Cette structure ressemble à une plate-forme et est à effleurement de l’eau. Nous ne savons pas de quoi elle est constituée (bois, métal ou autres matériaux ???). Elle est munie d’une très petite lumière rouge clignotant à son extrémité Nord et d’une lumière blanche fixe à son extrémité Sud. Deux ballons jaunes sont aussi fixés à son extrémité Sud. Cette structure pourrait être une obstruction hasardeuse le soir si son éclairage faisait défaut et surtout qu’elle est à effleurement de l’eau et peu apparente. (Dossier d’appel, vol. 3 à la p. 651)

[25]           De plus, au soutien du rapport d’inspection, des photos prises de la dite installation flottante ont aussi été annexées et comme l’indique le juge « corrobor[ai]ent les observations de l’agent [inspecteur] dans le rapport ministériel » (motifs du juge au para. 17).

[26]           Je suis donc d’avis que le ministre pouvait raisonnablement conclure qu’il s’agissait d’un « ouvrage » au sens de la Loi et non pas d’un « bateau ». Il ne disposait d’aucune preuve sérieuse appuyant les prétentions de l’appelant.

[27]           Je ne crois pas non plus qu’il soit utile de se pencher sur la jurisprudence invoquée par l’appelant à l’appui de sa prétention selon laquelle son installation flottante doit être définie comme un « bateau » sauf, peut-être, en ce qui a trait à la décision 3897121 Canada Inc. c. Marina de la Chaudière Inc., 2012 CF 889 (T-895-12) [3897121 Canada] sur laquelle il a insisté.

[28]           Il convient tout d’abord de rappeler que la décision 3897121 Canada a été rendue par un juge de la Cour fédérale dans le cadre d’une requête en radiation en vertu de la règle 221a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Plus précisément, l’appelant allègue que le juge de la Cour fédérale dans cette affaire a considéré que certains quais de la Marina étaient « de la nature d’un navire au sens de la LCF » (Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7). Partant, pour l’appelant, il va de soi que les quais (pontons) B, C et D de la Marina « ont tous les mêmes caractéristiques, tout comme le navire ponton de l’appelant » (mémoire de faits et de droit de l’appelant aux para. 69 et 70).

[29]           Or, il n’en est rien. Une lecture attentive de ladite décision me confirme que l’appelant tente d’extrapoler et d’établir un parallèle à partir d’une décision qui ne dit pas ce qu’il tente de lui faire dire. En effet, le juge ne s’est pas prononcé sur la définition du terme « bateau » prévue à la Loi dans le contexte des quais de la Marina. Il n’a pas non plus conclu, comme le laisse entendre l’appelant, que lesdits quais étaient des « navires » au sens de la Loi sur les Cours fédérales. En somme, je ne peux retenir l’interprétation tortueuse soumise par l’appelant et cette décision ne lui est d’aucun secours.

[30]           Pour toutes ces raisons, ce moyen d’appel doit être rejeté.

B.                 Le juge a-t-il erré en décidant qu’il était raisonnable que le ministre ne considère pas l’Arrêté sur les ouvrages et les eaux secondaires?

[31]           De façon subsidiaire, l’appelant soumet que son ouvrage était visé par l’exception prévue à l’article 5.1 de la Loi. Cette exception est mieux connue sous le régime d’exception relativement aux « petits quais » dont l’approbation par le ministre n’est pas nécessaire.

[32]           L’appelant soutient que l’emplacement de son installation flottante respecte en tous points les conditions de l’Arrêté et que le ministre avait donc l’obligation d’analyser le régime d’exception relatif aux « petits quais » pour son installation flottante.

[33]           Cette prétention de l’appelant est dénuée de fondement. 

[34]           D’une part, dans sa lettre du 13 mai 2013, l’appelant a avisé le ministre qu’il avait installé « un navire à l’ancre » et non un « petit quai ». Mais de façon plus importante, les photos prises au soutien du rapport d’inspection montrent une installation flottante constituée de planches de bois à effleurement de l’eau, en partie immergée et à peine perceptible. Une simple consultation des photos annexées aux présents motifs, ne laisse planer aucun doute et aucune ambiguïté et s’avère amplement suffisante pour justifier que le gestionnaire du PPEN n’ait pas cru opportun de considérer l’Arrêté dans les circonstances. (Dossier d’appel, vol. 2 aux pp. 351-353).

[35]           Pour ces motifs, il était raisonnable pour le juge de conclure comme il l’a fait et ce moyen d’appel doit donc également être rejeté.

C.                 Le juge a-t-il commis une erreur en décidant que le ministre n’a pas fait preuve de partialité?

[36]           Sur cette dernière question, l’appelant soumet plusieurs arguments dont certains recoupent les questions précédentes. Essentiellement, l’appelant allègue que le ministre aurait fait preuve de partialité en faveur de la Marina à plusieurs reprises: (i) l’ordre ministériel aurait été émis uniquement parce qu’une plainte a été formulée par la Marina; (ii) la considération du bail de location exclusive aurait été sciemment ignorée par le gestionnaire du PPEN et; (iii) le délai de 20 jours qui s’est écoulé entre l’émission de l’ordre ministériel et l’enlèvement de l’installation flottante de l’appelant aurait eu pour but de favoriser la Marina parce que le document d’approbation du ponton B allait être émis le 14 juin 2013.

[37]           Une allégation de partialité est une sérieuse allégation et doit être étayée par une preuve substantielle et, en l’espèce, l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau. Je fais miens les motifs du juge et je rejette l’ensemble des arguments de l’appelant sur cette question. Plus particulièrement, je retiens le passage suivant au paragraphe 35 des motifs du juge :

D’autre part, il n’existe aucune preuve de mauvaise foi. Le demandeur [l’appelant] n’a pu démontrer en l’espèce que l’ordre ministériel a été émis par complaisance, tout simplement parce que c’est ce que la Marina désirait. Il fallait bien que le ministre examine le mérite de la plainte de la Marina. Le ministre a commencé le processus dès qu’il a été mis au courant de l’existence d’un ouvrage non approuvé dans la rivière Chaudière. Dans certains documents du dossier certifié, les représentants du ministre réfèrent au fait qu’une demande pour le quai B est en cours, mais aucunement au fait que cette demande avait déjà été ou allait être approuvée.  De plus, contrairement aux prétentions du demandeur [de l’appelant], rien dans la Loi n’indique que le ministre doit prendre en considération la propriété ou la location exclusive dans la considération des ouvrages non autorisés.

[38]            L’appelant ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur en affirmant que ce dernier n’a pas démontré qu’une «  […] personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » aurait lieu de craindre que la décision [d’émettre l’ordre ministériel a] été prise de façon partiale (Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394 » (motifs du juge au para. 36).

[39]           Ce dernier moyen d’appel doit donc, lui aussi, être rejeté.

V.                Conclusion

[40]           Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que le juge n’a pas commis d’erreur dans l’application des normes de contrôle retenues et je propose donc que l’appel soit rejeté avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny j.c.a. »


ANNEXE

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-130-15

(APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE MARTINEAU DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA DATÉ DU 9 FÉVRIER 2015, N° DU DOSSIER T-884-13.)

INTITULÉ :

SYLVIO THIBEAULT c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 novembre 2015

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 AVRIL 2016

 

 

COMPARUTIONS :

Isabelle Pillet

Jacques Demers

 

Pour l'appelant

 

Mariève Sirois-Vaillancourt

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

De Man Pillet

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelant

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l'intimé

 

 

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