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Date : 20160408


Dossier : A-122-15

Référence : 2016 CAF 109

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

THE ONE GROUP LLC

appelante

et

GOUVERNEUR INC.

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 mars 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

 

 


Date : 20160408


Dossier : A-122-15

Référence : 2016 CAF 109

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

THE ONE GROUP LLC

appelante

et

GOUVERNEUR INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

[1]               Je suis d’avis que cet appel doit être accueilli.

[2]               La décision qui a donné naissance à cet appel émane d’un agent d’audience de la Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (le registraire) qui a refusé de radier l’enregistrement de la marque STK de l’appelante en raison de son non-usage dans les trois ans précédant la demande de preuve d’utilisation présentée aux termes de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi).

[3]               The One Group LLC (l’appelante) est une compagnie qui exploite plusieurs restaurants haut de gamme sous la bannière STK. Le 4 septembre 2008, elle a enregistré la marque de commerce STK en relation avec des « services de bar, restaurants » en prévision de l’ouverture d’un restaurant à Toronto.

[4]               Au cours des trois années qui ont suivi l’enregistrement de sa marque de commerce, l’appelante a successivement engagé des pourparlers avec une première chaine d’hôtels, et ensuite avec une deuxième, en vue de conclure une entente pour détenir un emplacement pour son restaurant dans un des hôtels qui devaient être construits. Dans les deux cas, les promoteurs ont, un à la suite de l’autre, renoncé à leur projet de construire un hôtel. L’appelante a donc dû reprendre ses démarches au cours du reste de la période requise et elle a entamé des discussions avec des promoteurs immobiliers et d’autres chaînes d’hôtels pour trouver un emplacement pour son restaurant. Le 3 octobre 2011, au moment du dépôt de l’avis aux termes de l’article 45 de la Loi, l’appelante se disait sur le point de conclure une entente avec une chaîne d’hôtels de luxe pour y situer son restaurant à Toronto.

[5]               Vu ces faits, le registraire a conclu qu’il n’y avait pas lieu de radier la marque de commerce de l’appelante puisqu'il existait des circonstances spéciales qui justifiaient le non-usage de la marque STK.

[6]               Pour en venir à cette conclusion, le registraire s’est référé à la décision de cette Cour dans Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd., [1985] A.C.F. no 226, 60 N.R. 380 (C.A.F.) (QL). Il a identifié les trois critères suivants qui s’appliquent pour déterminer s’il était en présence de circonstances spéciales qui justifiaient de ne pas radier la marque du registre :

1)        la durée de la période de non-emploi de la marque de commerce;

2)        les raisons du non-emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit de la marque;

3)        l’intention sérieuse de reprendre à brève échéance l’emploi de la marque.

[7]               Par ailleurs, le registraire a souligné que la décision de cette Cour dans Scott Paper Limited c. Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 291 D.L.R. (4th) 660 (QL) [Scott Paper] avait clarifié la portée de l’analyse relative aux trois critères identifiés ci-haut. En l’espèce, le deuxième critère serait déterminant selon lui. Quant aux deux autres critères, ils ne peuvent justifier à eux seuls de conclure à la présence de circonstances spéciales. Le registraire a tenu compte des enseignements de l’arrêt Scott Paper et a conclu :

[21]           Par conséquent, à mon avis, les circonstances de l’espèce, de par leur nature cumulative, sont « inhabituelles, peu courantes et exceptionnelles » et constituent des « circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi de la marque » (voir Scott Paper, précité).

[8]               En appel, la juge de la Cour fédérale a décrit le contexte et résumé les motifs de la décision du registraire. Ensuite, elle a précisé que la norme de la décision raisonnable s’appliquait à la décision du registraire.

[9]               Puisqu’il était allégué que le registraire avait commis une erreur de droit, la juge s’est référée aux principes énoncés dans la jurisprudence et a conclu que même si le registraire avait erronément décrit le test, il avait néanmoins appliqué les bons principes de droit.

[10]           La juge a reconnu ensuite que son rôle ne lui permettait pas de réévaluer les éléments de preuve et de substituer son appréciation à celle du registraire et que le fardeau de preuve n’était pas lourd. Elle a conclu néanmoins que les éléments de preuve ne permettaient pas de soutenir la décision du Registraire.

[11]           La juge a donc accueilli l’appel et ordonné au registraire de radier la marque STK portant le numéro TMA 722,923 du registre des marques de commerce (2015 CF 128).

[12]           La juge ayant identifié la bonne norme de contrôle applicable, cette Cour doit se pencher sur la décision du registraire pour déterminer si la juge a appliqué correctement la norme de la décision raisonnable (Monster Cable Products, Inc. c. Monster Daddy, LLC, 2013 CAF 137 au paragraphe 4 ; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 aux paragraphes 45 à 47).

[13]           Tout comme la juge de la Cour fédérale, je ne suis pas convaincu que le registraire a commis une erreur de droit dans son application des critères jurisprudentiels. Bien que son énoncé des principes applicables manque quelque peu de clarté, il m’apparaît manifeste qu’il a tenu compte de la jurisprudence applicable et qu’il a porté son attention sur la véritable question en litige, à savoir s’il était en présence de circonstances spéciales qui justifiaient le défaut d’emploi de la marque.

[14]            Même si la jurisprudence a précisé les critères à analyser, il faut se rappeler que le registraire applique sa loi constitutive et qu’il faut présumer son expertise en matière de marque de commerce. Il faut donc faire preuve de déférence à l’endroit des conclusions de fait qu’il tire des éléments de preuve qui lui sont présentés. Cela est d’autant plus vrai, vu la teneur du paragraphe 45(3) de la Loi qui ne définit pas les termes « circonstances spéciales », laissant ainsi une vaste discrétion au registraire afin qu’il puisse tenir compte des éléments de preuve propres à chaque situation :

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

Trade-marks Act, R.S.C., 1985, c. T-13

45. […]

45.

(3) Lorsqu’il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des produits ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’un de ces produits ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the goods or services specified in the registration or with respect to any of those goods or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.

[Mes soulignements]

[My emphasis]

[15]           Malgré les nombreux arguments présentés par l’intimée à l’encontre de la décision du registraire, lorsqu’il s’agit d’appliquer la norme de la décision raisonnable, je ne suis pas convaincu que le registraire a commis des erreurs dans son appréciation des éléments de preuve au dossier qui justifiaient une intervention de la juge.

[16]           Les éléments de preuve pouvaient soutenir la conclusion du registraire voulant que l’appelante se soit déchargée de son fardeau d’établir l’existence de circonstances spéciales qui l’avait empêchée d’employer sa marque de commerce à aucun moment, au cours des trois ans précédant le 3 octobre 2011. Le registraire a reconnu que la période de non-emploi était d’une durée minimale. Il a également pris en compte l’entente imminente avec une chaîne hôtelière. Finalement, il a déterminé que les circonstances dans ce dossier répondaient à la précision apportée par la décision Scott Paper, les circonstances spéciales expliquent le non-usage et en sont la cause. De plus, le non-usage n’était pas tributaire de la seule volonté du détenteur de la marque. Ayant constaté que son analyse tient compte de chacun des facteurs retenus par la jurisprudence et qu’elle repose sur tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, j’estime que le registraire en a tiré une conclusion qui fait partie des issues possibles.

[17]           Pour ces motifs, je suis d’avis qu’il y a lieu d’accueillir l’appel et de rendre la décision que la juge aurait dû rendre, soit de confirmer la décision du registraire de maintenir la marque de commerce STK portant le numéro TMA 722,923 au registre, le tout avec dépens.

« A.F. Scott »

j.c.a.

«Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a.»

«Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a.»


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-122-15

INTITULÉ :

THE ONE GROUP LLC c. GOUVERNEUR INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 MARS 2016

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 AVRIL 2016

 

 

COMPARUTIONS :

Me Peter Choe

 

pour l’APPELANTE

 

Me Marcel Naud

 

pour l’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Toronto (Ontario)

pour l’APPELANTE

 

ROBIC, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

pour l’INTIMÉE

 

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