Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170112


Dossier : A‑169‑16

Référence : 2017 CAF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :  LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

KAREN GRANT

défenderesse

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 janvier 2017.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 janvier 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170112


Dossier : A‑169‑16

Référence : 2017 CAF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :  LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

KAREN GRANT

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 janvier 2017.)

LA JUGE GLEASON

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision du 29 avril 2016 par laquelle la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la Commission) a accueilli trois griefs déposés par la défenderesse à l’encontre de décisions de l’employeur de la suspendre sans traitement, de révoquer sa cote de fiabilité et de la licencier. La Commission a fait droit à ces trois griefs dans un seul exposé des motifs : Grant c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 37 (affiché sur CanLII).

[2]  La Commission a d’abord conclu que le sous‑alinéa 209(1)c)(i) et l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la Loi) lui conféraient compétence sur les trois décisions attaquées. La Commission a donc jugé qu’elle pouvait examiner, au titre du sous‑alinéa 209(1)c)(ii) de la Loi, la suspension de la fonctionnaire s’estimant lésée et la révocation de sa cote de fiabilité afin de déterminer si ces actes étaient raisonnablement nécessaires pour assurer la sécurité de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), où travaillait cette fonctionnaire. La Commission a conclu que l’ASFC n’avait pas prouvé qu’il était raisonnablement nécessaire de suspendre la fonctionnaire s’estimant lésée ni de révoquer sa cote de fiabilité pour des raisons de sécurité. La Commission a également examiné les mêmes actes, ainsi que le licenciement, sur le fondement de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, pour conclure qu’ils constituaient des mesures disciplinaires déguisées. Elle a donc accueilli les griefs pour deux motifs, fondés l’un sur le sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi et l’autre sur l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

[3]  En l’espèce, le demandeur soutient que la décision de la Commission est déraisonnable parce que l’interprétation que fait la Commission du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi irait à l’encontre de sa jurisprudence de longue date. La Commission, fait valoir le demandeur, aurait par conséquent dû conclure que ce sous‑alinéa ne permettait pas le renvoi à l’arbitrage des griefs contestant le bien‑fondé des décisions de suspendre la plaignante pour des raisons de sécurité et de révoquer sa cote de fiabilité. Le demandeur soutient que la manière dont la Commission a examiné les questions disciplinaires était déraisonnable, étant donné qu’elle a omis d’examiner s’il y avait eu inconduite et, le cas échéant, si cette inconduite justifiait les sanctions infligées. Enfin, le demandeur soutient que la Commission a porté atteinte au droit de l’ASFC à l’équité procédurale parce qu’elle a tranché la question des mesures de réparation sans entendre l’ASFC à ce sujet, après avoir annoncé que l’instruction serait scindée.

[4]  Nous n’avons pas à décider en l’espèce si la Commission a commis une erreur susceptible de révision en concluant que le sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi lui donnait compétence pour examiner le bien‑fondé des décisions de l’ASFC de suspendre la plaignante et de révoquer sa cote de fiabilité, puisqu’elle assoit sa décision sur un autre fondement, à savoir que les décisions de l’ASFC constituaient des mesures disciplinaires déguisées. Notre Cour aussi bien que la Commission reconnaissent depuis longtemps la compétence de cette dernière pour examiner les actes de cette nature afin de déterminer s’ils constituent des mesures disciplinaires déguisées et, de fait, le demandeur ne conteste pas cette compétence.

[5]  S’agissant maintenant de savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de révision dans son examen de la question disciplinaire, nous pensons que, lus objectivement, les motifs montrent qu’elle a examiné si les décisions attaquées étaient justifiées et a conclu que l’ASFC ne les avait pas justifiées. Nous convenons avec la défenderesse que la partie des motifs traitant de la question disciplinaire ne peut se lire isolément du reste des motifs, desquels il ressort clairement que la Commission a conclu à l’absence de justification des actes contestés, au motif que l’ASFC n’avait pas établi qu’ils étaient raisonnablement nécessaires. La Commission disposait de nombreux éléments de preuve propres à la conduire à cette conclusion, de sorte qu’on ne peut considérer celle‑ci comme étant déraisonnable.

[6]  Enfin, nous concluons qu’il n’y a pas eu manquement au droit de l’ASFC à l’équité procédurale. S’il est vrai que la Commission a effectivement déclaré au départ qu’elle scinderait l’instruction pour examiner séparément le fond et les mesures de réparation, elle a plus tard changé d’avis, et l’ASFC a pu présenter des observations sur ces dernières, notamment sur le manque à gagner en heures supplémentaires. L’ASFC a adopté dans les observations présentées à la Commission la thèse subsidiaire que la réintégration serait une mesure appropriée, et elle n’a jamais avancé d’argument contraire ni indiqué quels éléments de preuve elle essaierait de produire pour convaincre la Commission de refuser, contrairement à sa pratique habituelle, de prononcer la réintégration. Si c’était là l’intention de l’ASFC, ses observations, comme le demandeur l’a admis avec franchise, auraient pu être beaucoup plus claires. Selon nous, une partie qui souhaite voir la Commission tenir d’autres audiences et entendre d’autres témoignages doit le demander en termes clairs. L’ASFC n’ayant pas clairement exprimé sa position, nous ne pensons pas que la Commission avait l’obligation de tenir une autre audience. Étant donné ce qui précède et le fait que l’ordonnance sur les mesures de réparation ne met pas en jeu d’autres calculs que les paramètres pour la quantification du manque à gagner en heures supplémentaires, nous ne pensons pas que la Commission ait violé le droit de l’ASFC à l’équité procédurale. En outre, si l’ASFC et la fonctionnaire s’estimant lésée ne peuvent s’entendre sur la quantification de l’indemnité afférente au manque à gagner en traitement et avantages sociaux, point sur lequel la Commission n’a pas encore été appelée à se prononcer, l’ASFC aura la possibilité d’exprimer son opinion sur ce sujet devant la Commission, puisque celle‑ci a précisé dans sa décision qu’elle restait saisie des questions d’exécution.

[7]  En conséquence, nous rejetons la présente demande avec dépens, que nous fixons à 3 600 $, tout compris.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑169‑16

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION (2016 CRTEFP 37) RENDUE LE 29 AVRIL 2016 PAR MME MARIE‑CLAIRE PERRAULT, MEMBRE DE LA COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL ET DE L’EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. KAREN GRANT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JANVIER 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JANVIER 2017

 

COMPARUTIONS :

Sean Kelly

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Erin Hallock

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

McMahon Morrison Watts

Avocats

Hamilton (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.