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Date : 20170331


Dossier : A-45-16

Référence : 2017 CAF 67

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

JEAN FILION

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Québec (Québec), le 23 mars 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 mars 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20170331


Dossier : A-45-16

Référence : 2017 CAF 67

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

JEAN FILION

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

[1]  Monsieur Jean Filion (l’appelant) se pourvoit en appel à l’encontre d’un jugement rendu le 14 janvier 2016 (2015-3504(IT)I) par Ouimet J. (le Juge) de la Cour canadienne de l’impôt. Le Juge lui a refusé la déduction des frais judiciaires déboursés entre 1999 et 2003 contre une allocation de retraite de 29 699,08 $ reçue en 2013 aux termes de l’alinéa 60(o.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1(5e suppl.) (la LIR).

[2]  La question soulevée par cet appel est de savoir si le Juge a erré en concluant comme il l’a fait que l’appelant ne pouvait pas bénéficier de la déduction prévue aux termes de l’alinéa 60(o.1) de la LIR.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le Juge n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de notre Cour. Je rejetterais donc cet appel.

I.  Les faits

[4]  Il n’est pas contesté que l’appelant a payé une somme de 35 813,78 $ en frais judiciaires entre 1999 et 2003 afin de se défendre dans une poursuite au criminel pour abus de confiance et fraude au détriment du Gouvernement du Québec. Par ailleurs, il a parallèlement entamé une poursuite au civil en 2001 afin de récupérer une allocation de transition de l’Assemblée nationale. Cette poursuite fut suspendue jusqu’en 2009 en attendant l’issue du dossier au criminel. Suite à une audition en 2012, un juge de la Cour supérieure a rendu jugement en 2013 et lui a accordé une allocation partielle de 29 699,08 $ et 5 317,36 $ en intérêts, totalisant ainsi 35 016,44 $.

II.  La décision contestée

[5]  Le Juge a conclu que l’appelant n’avait pas droit de réclamer une déduction de 35 813,78 $ contre son allocation partielle de 35 016,44 $ puisque ses frais judiciaires n’avaient pas été déboursés à l’intérieur du délai de sept ans prévu par l’alinéa 60(o.1) de la LIR. Le Juge a aussi indiqué qu’il n’avait pas à déterminer si les frais judiciaires encourus l’ont été véritablement pour recouvrer un droit à une allocation de retraite.

III.  La position de l’appelant

[6]  L’appelant a fait valoir que le Juge aurait dû interpréter généreusement l’alinéa 60(o.1) et considérer que vu la suspension de son recours civil, il était dans l’impossibilité d’obtenir l’allocation de transition à l’encontre de laquelle il pouvait déduire les frais judiciaires qu’il a payés. Le Juge aurait donc dû exclure le délai durant lequel la poursuite civile était suspendue comme s’il s’agissait d’une interruption de la prescription de sept ans prévue à cet alinéa de la LIR.

[7]  Subsidiairement, l’appelant attaque la constitutionnalité de l’alinéa 60(o.1) en plaidant que le délai prévu à cette disposition empêche la déduction de frais judiciaires lorsque la durée d’un recours civil excède sept années, ce qui, selon lui, constitue une atteinte à l’indépendance judiciaire et à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 (la Charte). Il plaide qu’un contribuable impliqué dans une instance civile pendant plusieurs années ne devrait pas être pénalisé et privé de cette déduction en raison des délais judiciaires rencontrés en cours de route.

[8]  Finalement, l’appelant reprend l’argument présenté devant le Juge voulant que les frais judiciaires payés pour se défendre des accusations dans la poursuite au criminel lui ont permis de préserver les éléments de preuve essentiels pour établir son droit à une allocation de transition dans son action au civil.

IV.  La norme de révision

[9]  Les normes de contrôle édictées dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S 235 s’appliquent ici.

V.  Analyse

[10]  L’alinéa 60(o.1) de la LIR permet la déduction, dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, des frais judiciaires ou extrajudiciaires payés par le contribuable pour recouvrer une allocation de retraite ou une prestation de retraite à laquelle il avait droit, jusqu’à concurrence du montant reçu (en l’occurrence 35 016,44 $). La loi prévoit que le contribuable ne pourra déduire lesdits frais que s’ils ont été payés dans l’année d’imposition ou dans l’une des sept années d’imposition précédentes et ce, jusqu’à concurrence du montant reçu.

[11]  L’appelant ne satisfait pas aux critères énoncés à cet alinéa. Il n’a pas perçu de revenu d’allocation ou de prestation de retraite duquel il aurait pu déduire les frais judiciaires déboursés dans les sept années d’imposition suivant la date de leur paiement. Ce manquement s’avère fatal.

[12]  Les critères énoncés à cette disposition sont clairs. L’interprétation téléologique de cette disposition confirme qu’elle ne comporte aucune ambiguïté qui permettrait de tenir compte d’une interruption dans la computation des sept années d’imposition prévues dans la LIR, contrairement à la prétention de l’appelant.

[13]  L’appelant a signifié et déposé un avis de question constitutionnelle attaquant la constitutionnalité de l’alinéa 60(o.1) de la LIR et demande à cette Cour de déclarer inopérant le délai énoncé à cette disposition pour effectuer une déduction de frais judiciaires. Or, cet argument n’a pas été plaidé devant le Juge.

[14]  Il est vrai qu’une cour d’appel a toujours la discrétion de se pencher sur une question constitutionnelle même lorsque les parties ne l’ont pas invoquée en première instance : voir Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3 aux paragraphes 32 à 35. Encore faut-il qu’il y ait une bonne raison de ce faire. En l’occurrence, l’appelant n’a évoqué aucune circonstance justifiant que cette Cour exerce sa discrétion. Qui plus est, les tribunaux hésitent généralement à examiner la validité constitutionnelle d’une disposition législative en l’absence d’un contexte factuel suffisant et d’une preuve permettant d’évaluer la raisonnabilité de cette disposition au regard de l’article premier de la Charte. Quoi qu’il en soit, l’argument de l’appelant apparaît dénué de tout fondement, dans la mesure où il a été incapable de démontrer, ne serait-ce que prima facie, que la distinction qu’opère l’alinéa 60(o.1) repose sur un motif énuméré à l’article 15 de la Charte ou sur un motif analogue. Par conséquent, je suis d’avis qu’il serait inopportun et injustifié de se prononcer sur la question constitutionnelle soulevée tardivement par l’appelant.

[15]  Pour toutes ces raisons, je suis d’avis de rejeter cet appel sans frais.

« A.F. Scott »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-45-16

 

INTITULÉ :

JEAN FILION c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 mars 2017

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE Gauthier

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 mars 2017

 

 

COMPARUTIONS :

Jean Filion

 

Pour l'appelant

(se représentant lui-même)

 

Claude Lamoureux

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l'intimée

 

 

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