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Date : 20170623


Dossier : A-407-16

Référence : 2017 CAF 136

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

 

 

LAWRENCE MPAMUGO

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 6 juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 juin 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170623


Dossier : A-407-16

Référence : 2017 CAF 136

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

 

 

LAWRENCE MPAMUGO

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’égard de l’ordonnance rendue par le juge Graham (le juge de la Cour canadienne de l’impôt) qui annule l’appel de M. Mpamugo auprès de la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) (2016 TCC 215).

[2]  M. Mpamugo a été accusé de fraude en 1999 relativement à l’exploitation de Credit Valley Institute of Business and Technology et a été déclaré coupable en 2004. Après son accusation, il a fait l’objet de nouvelles cotisations en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (LIR) pour les années 1998 (le 23 mars 2000) et 1999 (à quatre reprises, la dernière cotisation ayant été établie le 8 mars 2001) parce qu’il avait omis de déclarer des revenus d’environ 6,8 millions de dollars. Il a également fait l’objet de nouvelles cotisations pour les années 2000 à 2002, mais les sommes étaient relativement petites pour ces années. La dernière cotisation pour les années 2000 à 2002 a été établie le 2 juillet 2008.

[3]  M. Mpamugo a tenté d’interjeter appel des nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 1998 à 2002 en déposant un avis d’appel auprès de la Cour de l’impôt le 21 août 2015. La Couronne a présenté une requête en vue de faire annuler cet appel pour le motif que M. Mpamugo n’avait pas signifié un avis d’opposition valide avant de déposer son avis d’appel. M. Mpamugo a bel et bien fait parvenir à l’Agence du revenu du Canada (ARC) un document daté du 24 juin 2014 qui a été désigné comme un avis d’opposition. Cependant, selon les dates des avis de nouvelle cotisation, ce document a été soumis longtemps après l’expiration du délai pour :

  • a) signifier un avis d’opposition en vertu du paragraphe 165(1) de la LIR;

  • b) demander, en vertu de l’article 166.1 de la LIR, une prorogation du délai pour signifier un avis d’opposition;

à l’égard des années d’imposition 1998 à 2002.

[4]  En réponse à la requête présentée par la Couronne en vue de faire annuler son avis d’appel, M. Mpamugo a évoqué pour la première fois la possibilité que les avis de nouvelle cotisation ne lui aient pas été envoyés par la poste. Il n’avait toutefois pas fait mention de cette possibilité dans le document qu’il a envoyé à l’ARC en 2014 en guise d’avis d’opposition ni dans l’avis d’appel qu’il a déposé auprès de la Cour de l’impôt en 2015. Ce point est pertinent puisque, conformément au paragraphe 165(1) de la LIR, le délai de prescription pour le dépôt d’un avis d’opposition commence à la date d’envoi d’un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation. La LIR a été modifiée en 2010; les mots « mise à la poste » ont été remplacés par les mots « date d’envoi ».

[5]  Après avoir entendu l’ensemble de la preuve, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que M. Mpamugo n’était pas un témoin crédible (au paragraphe 32 de ses motifs). Il a ensuite déterminé qu’il n’y avait aucun élément de preuve qui permette de conclure que les avis de nouvelle cotisation (qui étaient nombreux) ont été envoyés à la mauvaise adresse ou n’ont pas été reçus. En conséquence, il a conclu que rien ne permettait de croire que les avis de nouvelle cotisation n’avaient pas été envoyés à M. Mpamugo aux dates indiquées dans les avis.

[6]  Dans son appel, M. Mpamugo a d’abord tenté de contester l’admissibilité à l’audience de la Cour de l’impôt de certains documents utilisés pour mettre en doute sa crédibilité pendant son contre-interrogatoire. Ces documents comprenaient deux affidavits de M. Mpamugo : un daté du 22 avril 2007 et un daté de novembre 2004. Toutefois, la question de l’admissibilité de ces documents à l’audience de la Cour de l’impôt n’a pas été soulevée par M. Mpamugo dans l’avis d’appel qu’il a déposé devant cette Cour ni dans son mémoire des faits et du droit. Il était trop tard au moment de l’audition du présent appel pour soulever cette nouvelle question. De toute façon, il est difficile de savoir selon quel fondement l’affidavit antérieur d’un témoin ne peut pas être déposé, pendant le contre-interrogatoire de ce témoin, pour mettre en doute sa crédibilité.

[7]  M. Mpamugo a modifié quelque peu son premier argument en affirmant que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en fondant sa conclusion quant à sa crédibilité en partie sur son contre-interrogatoire concernant ses affidavits antérieurs. Cependant, l’utilisation de déclarations antérieures incompatibles (en particulier de déclarations sous serment antérieures) pour mettre en doute (ou tenter de mettre en doute) la crédibilité d’un témoin est une tactique courante dans tout litige, y compris dans les litiges fiscaux. Le juge de la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en permettant le contre-interrogatoire de M. Mpamugo relativement à ses affidavits antérieurs ou en fondant sa conclusion quant à la crédibilité de M. Mpamugo sur l’incompatibilité entre son témoignage de vive voix et ses affidavits antérieurs.

[8]  Après une lecture objective des motifs du juge de la Cour de l’impôt, il ressort qu’il a fondé sa conclusion quant à la crédibilité de M. Mpamugo non seulement sur les déclarations incompatibles de ce dernier, mais aussi sur l’improbabilité de sa version des faits. Dans le présent appel, M. Mpamugo n’a mis de l’avant aucun argument qui justifierait de modifier la conclusion du juge de la Cour de l’impôt quant à sa crédibilité.

[9]  M. Mpamugo a également fait valoir que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en s’appuyant sur les éléments de preuve présentés par la Couronne concernant la question de savoir si les avis de nouvelle cotisation avaient été envoyés par la poste. Le juge de la Cour de l’impôt a fait remarquer que l’affidavit de M. Costigan, un agent des litiges de l’ARC, ne répondait pas aux exigences du paragraphe 244(10) de la LIR. Il a également déclaré, au paragraphe 30 de ses motifs, qu’il n’accorderait pas beaucoup de poids aux déclarations de M. Costigan au sujet de l’envoi des avis de nouvelle cotisation par la poste.

[10]  Toutefois, après avoir évalué l’ensemble de la preuve, ce qui était son rôle, le juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’il était plus probable que les avis de nouvelle cotisation aient été envoyés à M. Mpamugo par la poste. Le juge de la Cour de l’impôt a noté que M. Mpamugo avait reconnu que s’il déterminait que les avis de nouvelle cotisation avaient bel et bien été envoyés par la poste, il aurait alors conclu qu’ils avaient été envoyés aux dates indiquées par la Couronne. Je ne suis pas convaincu que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que les avis de nouvelle cotisation ont été envoyés par la poste à M. Mpamugo aux dates indiquées par la Couronne.

[11]  La Couronne a soulevé une question relativement aux quatre étapes que le juge de la Cour de l’impôt a décrites au paragraphe 6 de ses motifs comme étant les étapes que doit suivre un contribuable qui allègue qu’un avis de nouvelle cotisation ne lui a pas été envoyé. La première étape consiste pour le contribuable à affirmer que l’avis de nouvelle cotisation ne lui a pas été envoyé. La deuxième étape, après cette affirmation, est la production d’éléments de preuve par le ministre pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’avis de nouvelle cotisation a été envoyé. Or, le juge de la Cour de l’impôt a conclu au paragraphe 10 de ses motifs que l’évaluation de la crédibilité du contribuable doit se faire à la deuxième étape. C’est cette conclusion que conteste la Couronne.

[12]  Je suis d’accord avec l’argument de la Couronne selon lequel un juge de la Cour de l’impôt ne commet pas d’erreur s’il évalue d’abord la crédibilité d’un contribuable qui soutient qu’il n’a pas reçu un avis de nouvelle cotisation (et s’il met ensuite en doute l’envoi dudit avis). Si un juge de la Cour de l’impôt déterminait que la déclaration du contribuable selon laquelle il n’a pas reçu un avis de nouvelle cotisation n’était pas crédible, il me semble que le juge de la Cour de l’impôt conclurait directement ou indirectement que le contribuable a reçu l’avis de nouvelle cotisation. Si l’avis a été reçu, il doit avoir été envoyé. Si une telle conclusion était tirée, il ne serait pas nécessaire de produire d’autres éléments de preuve relativement à l’envoi de l’avis de nouvelle cotisation. Bien entendu, toute conclusion quant à la crédibilité ne peut être rendue qu’après que la preuve a été entendue.

[13]  Je rejetterais l’appel, avec dépens.

« Wyman W. WEBB »

j.c.a

« Je suis d’accord.

D. G. NEAR j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. GLEASON j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-407-16

APPEL D’UNE DÉCISION DU 28 SEPTEMBRE 2016 DE L’HONORABLE JUGE GRAHAM DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DOSSIER NO 2015-3908(IT)(G)

INTITULÉ :

LAWRENCE MPAMUGO c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

Le 23 juin 2017

COMPARUTIONS :

LAWRENCE MPAMUGO (non représenté)

Pour l’appelant

Craig Maw

Tony Cheung

Pour l’intimée

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

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