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Date : 20170705


Dossier : A-132-16

Référence : 2017 CAF 145

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

SIMON JAMES ELLIOTT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 


Date : 20170705


Dossier : A-132-16

Référence : 2017 CAF 145

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

SIMON JAMES ELLIOTT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]  La Cour est saisie de l’appel d’une ordonnance de la Cour fédérale (référence 2016 CF 281), sous la plume du juge Bell, qui a rejeté la requête de l’appelant qui sollicitait la prorogation du délai de dépôt d’un avis de demande de contrôle judiciaire. La Cour a également rejeté l’appel de l’appelant à l’égard de l’ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière (tel était alors son titre), qui avait rejeté la demande d’autorisation de déposer des documents supplémentaires et avait accueilli les deux requêtes de l’appelant à l’égard de la dispense de droits de dépôt particuliers.

[2]  En guise de contexte, l’appelant avait été déclaré coupable d’infractions en vertu du Code criminel, L.R.C (1985), ch. C-46, et avait été condamné à une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier fédéral. À son arrivée à l’Établissement d’Edmonton, un rapport sur le profil criminel a été préparé et daté du 26 mai 2011 par l’agent de libération conditionnelle affecté à M. Elliott (le rapport de 2011). (Je remarque que le rapport est incorrectement daté du 26 mars 2011 dans l’affidavit de la Couronne.) Un rapport sur le profil criminel comprend, notamment, le casier judiciaire du détenu, les circonstances de sa condamnation, tout antécédent de surveillance en établissement ou dans la collectivité ainsi que le niveau de risque posé par le détenu.

[3]  Lors de l’examen des circonstances de la condamnation, l’agent a conclu que l’appelant avait causé un [traduction] « grave dommage psychologique » à une victime. C’est ce rapport, daté du 26 mai 2011, et cet énoncé particulier qui figure dans le rapport, que l’appelant cherche à faire annuler si l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire est accordée. Même si l’énoncé de l’agent figurait dans le rapport, il était indiqué dans la section sur les critères de détention du rapport que les conditions énoncées au sous-alinéa 129(2)a)(i) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20, qui autorise le maintien en incarcération d’un détenu après la date prévue pour la libération d’office, n’étaient [traduction] « pas respectées à ce moment-là ».

[4]  Lors du transfèrement de l’appelant à l’Établissement de Stony Mountain, une recommandation découlant du deuxième examen préliminaire en vue du maintien en incarcération a été formulée en prévision de la date prévue pour la libération d’office de l’appelant, qui approchait. La recommandation précisait qu’il n’y avait pas de déclaration de la victime pour étayer de grave dommage psychologique. Les responsables du Service correctionnel du Canada ont indiqué dans leur recommandation qu’il n’y avait pas de raison de maintenir le détenu en incarcération après la date prévue pour sa libération d’office. L’appelant est devenu admissible à la libération d’office le 19 septembre 2016.

[5]  Quand elle a examiné la requête, la Cour fédérale a déterminé que les critères en matière de prorogation de délai étaient ceux énoncés par la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 [arrêt Larkman] – l’existence d’une intention constante de poursuivre la demande, le fait que la demande a un certain fondement, le fait que la Couronne a subi ou non un préjudice en raison du retard et une explication raisonnable pour justifier le retard.

[6]  Étant donné qu’il s’agit d’un appel d’une décision discrétionnaire, la Cour n’interviendra que dans le cas d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste et dominante dans l’évaluation de la preuve : Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215. D’après le dossier dont disposait la Cour au moment où la requête a été entendue, je ne constate aucune erreur dans la façon dont les critères pertinents énoncés dans l’arrêt Larkman ont été pris en compte et appliqués.

[7]  L’appelant prétend que le juge a commis une erreur quand il a conclu qu’il n’y avait pas d’explication raisonnable pour justifier le retard dans la présentation de la demande de contrôle judiciaire du rapport de 2011. L’appelant affirme que l’explication pour le retard est énoncée dans les affidavits supplémentaires que le protonotaire a refusé au dossier. Cependant, la décision du protonotaire a été confirmée en appel par la Cour fédérale et n’a pas été soulevée comme motif d’appel dans l’avis d’appel que l’appelant a déposé devant la Cour.

[8]  L’appelant a aussi inclus des faits supplémentaires dans l’affidavit qu’il a déposé devant la Cour en ce qui concerne sa requête en renonciation des frais de dépôt. Ces faits supplémentaires, y compris des allégations sur le moment où l’appelant a été informé pour la première fois de l’allégation contestée figurant dans son rapport sur le profil criminel, n’ont pas été dûment soumis à la Cour puisqu’il n’y a eu aucune requête en vertu de l’article 351 pour l’admission d’un nouvel élément de preuve.

[9]  La Couronne a demandé que le présent appel soit rejeté pour le motif que la conclusion de dommage grave a été retirée du rapport de 2011 le 17 décembre 2015, rendant ainsi l’appel théorique. Je ne peux pas souscrire à cet argument. L’appelant prétend que la déclaration existe toujours dans le Système de gestion des délinquants, ce que la Couronne reconnaît. L’appelant, qui est encore détenu, affirme que la déclaration lors de l’examen de son cas en vue d’un éventuel maintien en incarcération avant la date de sa libération d’office et qu’il sera par conséquent maintenu en incarcération jusqu’à la date d’expiration du mandat. La Couronne ne conteste pas la possibilité de ce scénario et reconnaît donc que l’objection relative au caractère théorique n’est pas fondée.

[10]  Il est évident, en fonction des arguments présentés par les parties devant la Cour, qu’il existe une autre raison pour laquelle la requête en autorisation pour prorogation de délai devrait être rejetée. L’appelant disposait d’une voie de recours adéquate dont l’existence fait obstacle à l’accueil d’une demande de contrôle judiciaire.

[11]  Les paragraphes 24(1) et 24(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition indiquent ce qui suit :

24 (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24 (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

[12]  L’appelant a déposé un grief, qui a été rejeté, devant le commissaire du Service correctionnel concernant l’inclusion de la phrase offensante dans le rapport de 2011. Il n’a pas présenté de demande de contrôle judiciaire à l’égard du rejet de son grief, même si cette option lui était offerte : Charalambous c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 177. Bien que cet élément n’ait pas été soulevé par la Couronne dans les arguments écrits ou oraux qu’elle a présentés à la Cour, la loi donne à l’appelant une voie de recours qui doit être épuisée avant qu’il puisse demander un contrôle judiciaire. Même si le délai pour demander le contrôle judiciaire de la décision de rejeter le grief semble être écoulé, étant donné que l’appelant exerçait le même recours par l’intermédiaire d’un moyen différent, il lui est permis de demander que le délai de présentation d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard du rejet de son grief soit prolongé.

[13]  À ce sujet, je remarque que la Couronne ne s’est pas opposée devant la Cour ni devant la Cour fédérale au fait que le rapport sur le profil criminel constitue [traduction] « une décision ou une ordonnance » qui s’inscrit dans la portée de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7. Étant donné que cet élément n’a pas été soulevé, je ne veux pas qu’on considère que ces motifs ont répondu à la question, d’une manière ou d’une autre.

[14]  Je ne peux pas conclure sur ces motifs sans commenter l’affidavit déposé par la Couronne en réponse à la requête. Bien que l’article 81 des Règles des Cours fédérales permette le dépôt d’affidavits sur des éléments tenus pour véridiques sur la foi de renseignements dans le cadre de requêtes, des exigences et des normes doivent tout de même être respectées. Elles ne l’ont pas été en l’espèce.

[15]  L’affidavit a été fait sous serment par une parajuriste du ministère de la Justice qui ne connaissait pas personnellement la question en litige. La déposante n’a pas déclaré que les éléments de preuve étaient fondés sur des éléments tenus pour véridiques sur la foi de renseignements. La déposante a déclaré à tort qu’elle avait eu personnellement connaissance de tous les faits, s’est trompée dans une date particulièrement importante pour l’appelant et a témoigné que celui-ci avait reçu le rapport sur le profil criminel, alors qu’elle n’en a jamais eu personnellement connaissance. Le moment où l’appelant a reçu le rapport sur le profil criminel est un fait essentiel en ce qui concerne la question de la prorogation du délai. La Couronne n’a fait aucun effort pour expliquer la raison pour laquelle l’agent de libération conditionnelle ne pouvait pas témoigner. L’affidavit ne satisfait pas aux exigences prévues par la jurisprudence aux termes de l’article 81.

[16]  Je rejetterais l’appel, sans dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LA COUR FÉDÉRALE LE 7 MARS 2016, DOSSIER NO T-2049-15

Dossier :

A-132-16

INTITULÉ :

SIMON JAMES ELLIOTT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 5 JUILLET 2017

COMPARUTIONS :

Simon James Elliott

l’appelant

Beth Tait

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

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