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Date : 20170811


Dossier : A-445-15

Référence : 2017 CAF 168

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

ÉDOUARD ROBERTSON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Québec (Québec), le 21 mars 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 août 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y A (ONT) SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 


Date : 20170811


Dossier : A-445-15

Référence : 2017 CAF 168

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

ÉDOUARD ROBERTSON

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]               M. Robertson (ou l’appelant), un Indien au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5 (la LI), opère une entreprise de fabrication et de vente d’articles confectionnés à partir de fourrures sous la raison sociale « René Robertson fourrures EDA » au moins depuis 1996. Il a contesté devant la Cour canadienne de l’impôt, sans succès, une cotisation émise par le ministre du Revenu du Québec, agissant à titre de mandataire du ministre du Revenu national (au nom de Sa Majesté la Reine, intimée, représentée par le Procureur général du Canada); cette cotisation résulte du défaut par l’appelant de percevoir et de remettre la taxe sur les produits et services (la TPS) établie par la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15 (la LTA) pour la période du 1er juin 1996 au 31 mai 2002 (la période en litige). Il se pourvoit maintenant devant cette Cour à l’encontre de cette décision, en invoquant un certain nombre d’arguments de nature constitutionnelle qui ont tous été rejetés par la Cour canadienne de l’impôt.

I.                   Historique

[2]               L’appelant est membre de la bande montagnaise de Mashteuiatsh du Lac St-Jean. Comme son père avant lui et ses autres ascendants depuis quatre générations, il opère sur la réserve de Mashteuiatsh une entreprise de fabrication et de vente de fourrures. Après avoir acheté l’entreprise de son père en juin 1996 (à l’exception du volet de la vente et de l’achat de peaux brutes, qu’il n’a acquis qu’en 2001), le chiffre d’affaires n’a cessé d’augmenter, passant de 400 000$ en 1996 à 1 264 223,60$ pour l’exercice financier 2001-2002. Le nombre d’employés a suivi la progression du chiffre d’affaires, passant de quatre à une vingtaine au cours de la même période. Les clients de l’entreprise sont principalement des non-Indiens, dans une proportion d’environ 80%.

[3]               La preuve révèle que l’entreprise de l’appelant est passablement diversifiée. Tel que noté au paragraphe 59 des motifs du juge de première instance, l’appelant vend des chapeaux, mitaines, bottes, mocassins, articles d’artisanat, manteaux de fourrure neufs et usagés, manteaux de fourrure remodelés, des animaux naturalisés et des peaux, en plus d’effectuer des ventes en gros, ainsi que des services de nettoyage, de réparations et d’entreposage de manteaux de fourrure. À partir des années 2000-2001, l’appelant vendait même des chandails en polar et des cols roulés en coton (Témoignage de M. Robertson du 27 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet A aux pp. 247-251).

[4]               D’autre part, la preuve révèle aussi que la plus grande partie du chiffre d’affaires de l’entreprise de l’appelant au cours de la période en litige découle d’un contrat avec la compagnie Kanuk, aux termes duquel elle confectionnait la bande de fourrure devant ultimement être apposée sur le capuchon des manteaux de cette compagnie (Témoignage de M. Robertson du 27 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet A aux pp. 221-226; Témoignage de M. Robertson du 28 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet B aux pp. 10-12). L’entreprise de monsieur Robertson utilisait des peaux de coyotes sauvages provenant dans une proportion de 90% du Canada, ainsi que des peaux de renard argenté; le principal fournisseur de ces peaux était la société Roberge Fourrures, une entreprise non autochtone située à Montréal. L’appelant achetait aussi des fourrures finies de Roberge Fourrures ainsi que de fournisseurs finlandais et norvégiens, et faisait tanner ses peaux par la société Vaudry, une autre entreprise non autochtone.

[5]               La confection et le remodelage des manteaux de fourrure étaient par ailleurs effectués par une entreprise de Montréal, Fourrures Micheline Inc. (Micheline Inc.), dans laquelle M. Robertson avait acquis 49% des actions en 1998.

[6]               Pour ce qui est des fourrures brutes, l’appelant les achetait de son père, qui lui-même les acquérait de trappeurs. Ces fourrures étaient par la suite vendues à Micheline Inc. et à d’autres manufacturiers non autochtones pour la confection de manteaux. D’après la preuve, les peaux achetées par l’appelant de trappeurs autochtones représentaient 10% de son volume de peaux de fourrure. De ce 10%, seulement la moitié correspondait à des activités de trappage effectuées par des Montagnais. Le pourcentage du chiffre d’affaires annuel associé à la vente d’articles confectionnés à partir de fourrures provenant de trappeurs Montagnais du Lac Saint-Jean représentait donc un pourcentage infime du chiffre d’affaires total de l’entreprise de l’appelant (entre 0,50% et 0,78% pour la période en litige; voir notamment États des résultats de « René Robertson Fourrures EDA », Dossier d’appel, vol. 7, onglet C, Pièce I-1, onglet 24 aux pp. 1, 10, 14 et 19 et onglet 25 à la p. 18; Témoignage de M. Robertson du 28 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet B aux pp. 12-13).

[7]               En mars 2000, Revenu Québec a demandé pour la première fois à l’appelant de vérifier ses livres et registres pour déterminer s’il était redevable pour des sommes non perçues de TPS. À cette époque, des négociations tripartites étaient en cours entre les gouvernements du Canada et du Québec ainsi que le Conseil tribal Mamuitun mak Nutakuan (regroupant les Premières Nations d’Essipit, de Mashteuiatsh et de Nutakuan) pour déterminer les pouvoirs économiques et politiques de ce dernier. Ces négociations ont abouti à une entente de principe ratifiée par les parties en 2004 qui prévoit la rédaction et la conclusion éventuelles d’un traité au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 (Loi constitutionnelle de 1982). L’entente comprend notamment un chapitre sur la fiscalité, et un mécanisme de taxation directe des membres autochtones par leurs assemblées législatives respectives.

[8]               Vu l’état des négociations, l’appelant n’a pas donné suite à cette première demande de vérification de ses registres. Il a plutôt invité Revenu Québec à communiquer directement avec ses représentants politiques locaux pour toute question relative à ses obligations fiscales. Après plusieurs tractations entre l’appelant, le Conseil des Montagnais et les autorités fiscales, Revenu Québec a transmis à l’appelant un premier projet de cotisation et un avis de cotisation au titre de la TPS et de la taxe de vente du Québec (TVQ) le 5 août 2002. Cette cotisation visait la période du 1er juin 1993 au 31 mai 2002.

[9]               Malgré les demandes répétées du Conseil des Montagnais au ministre du Revenu du Québec pour qu’il suspende les mesures de recouvrement contre l’appelant en attendant que l’entente de principe tripartite soit signée et ratifiée, la division du recouvrement de Revenu Québec a transmis à l’appelant le 25 septembre 2002 un avis final de paiement totalisant 1 591 519,64$ en TPS et TVQ, et a fait parvenir à l’institution financière de l’appelant le 31 janvier 2003 un ordre de payer un montant de 783 191,34$ (représentant les redevances au titre de la TPS seulement) en vertu de l’article 317 de la LTA. Revenu Québec a fait valoir que les lois fiscales s’appliquent à tous tant et aussi longtemps que l’entente tripartite n’était pas dûment ratifiée (Lettre du 2 octobre 2002 de Mme Francine Martel-Vaillancourt, Dossier d’appel, vol. 7, onglet C, Pièce I-1, onglet 13). Suite au refus par l’appelant de respecter l’avis final de la demande de paiement, Revenu Québec s’est prévalu de l’article 316 de la LTA et a fait enregistrer au greffe de la Cour fédérale un certificat ayant le même effet qu’un jugement rendu contre l’appelant, le condamnant à payer 783 734$ à Revenu Québec pour non-paiement de la TPS.

[10]           En avril 2003, l’appelant a offert pour la première fois sa collaboration à Revenu Québec. Suite aux vérifications de ses livres et registres, Revenu Québec a été en mesure de réviser les sommes dues et a transmis à l’appelant un nouveau projet de cotisation et avis de cotisation pour la période du 1er juin 1993 au 31 mai 2002. La somme revendiquée s’établissait maintenant à 514 172,81$, correspondant à 334 438,97$ en TPS, 102 554,04$ en pénalités et 77 179,80$ en intérêts. Cet avis avait pour effet de remplacer celui qui avait été émis à l’appelant en août 2002. Le 29 mai 2003, l’appelant a signifié un avis d’opposition à cette nouvelle cotisation en bonne et due forme.

[11]           Un nouvel ordre de payer a été communiqué à l’institution financière de l’appelant en juillet 2003. Quelques mois plus tard, Revenu Québec a révoqué le certificat d’inscription délivré en vertu de la  Loi sur la taxe de vente du Québec (L.R.Q., c. T-0.1), l’obligeant à cesser immédiatement l’exploitation de son commerce. L’appelant a déposé en Cour supérieure du Québec une demande d’injonction interlocutoire afin d’obtenir le sursis de l’avis de révocation de son certificat d’inscription. Les parties se sont éventuellement entendues pour suspendre les procédures interlocutoires en attendant que soit tranchée la question de la validité des avis de cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt. L’appelant a par ailleurs obtenu un numéro d’inscription pour la TPS le 22 octobre 2003; comme il n’en avait jamais fait la demande auparavant, Revenu Québec a fait émettre à l’appelant un numéro d’inscription avec effet rétroactif à l’année 1993.

[12]           En janvier 2004, Revenu Québec a répondu à l’avis d’opposition de l’appelant et a révisé la période d’exploitation de l’entreprise en faveur de l’appelant. Contrairement à ce qui avait été tenu pour acquis jusque là, Revenu Québec a accepté que la période de cotisation commence à courir à compter du 1er juin 1996 plutôt que du 1er juin 1993. Une nouvelle cotisation a donc été établie en février 2004, pour un montant total de 302 690,20$, incluant pénalités et intérêts. C’est de cet avis de cotisation que M. Robertson s’est pourvu en appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Cette cotisation ne vise que les ventes effectuées à des non-Indiens, et ne porte pas sur des peaux brutes, comme ces ventes ne relevaient pas de l’entreprise de l’appelant mais plutôt de celle de son père (Témoignage de Céline Rathé du 29 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet C aux pp. 65 et 141-142).

II.                La décision contestée

[13]           Au terme de neuf journées d’audience, le juge a rejeté l’appel interjeté par l’appelant. Dans une décision de 40 pages, il a écarté tous les arguments qu’avait fait valoir l’appelant à l’encontre de la validité de sa cotisation de février 2004, à savoir (1) l’existence de droits ancestraux; (2) l’incompatibilité entre la LTA et la LI; (3) l’application discriminatoire de la LTA en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (la Charte); (4) l’absence d’équité procédurale; et (5) la prescription et la surestimation de la cotisation en litige. Ce dernier argument n’a pas été repris en appel. Je résumerai brièvement les motifs du juge dans les paragraphes qui suivent.

[14]           Dans un premier temps, le juge s’est attardé aux témoignages des experts retenus par les deux parties. Monsieur Claude Gélinas, historien et anthropologue, a témoigné pour le compte de l’appelant sur la base d’un rapport d’expertise intitulé « Les Montagnais du Lac Saint-Jean et leur tradition de commerce des fourrures ». D’après le sommaire qu’en fait le juge, il existerait une tradition de commerce chez les autochtones de cette région depuis la préhistoire. Cette pratique s’exerçait dans un contexte de pleine autonomie politique et narrative, et s’inscrivait dans le cadre de réseaux d’échange étendus à grande échelle; les peuples autochtones de la région échangeaient avec des populations avoisinantes dans une perspective de subsistance et de bonification de leur qualité de vie, et ce le plus souvent avec des fourrures.

[15]           De son côté, Monsieur Alain Beaulieu, historien, a témoigné à l’invitation de l’intimée. Dans son rapport d’expertise intitulé « Commerce, Structure politique et changements sociaux : le cas des Montagnais du Lac Saint-Jean, 1600-1950 », dont le juge cite de larges extraits dans ses motifs, il fait état du rôle joué par les Montagnais du Lac Saint-Jean dans le commerce des fourrures. Il confirme dans une certaine mesure le commerce auquel se livraient les nations autochtones du nord-est de l’Amérique avant l’arrivée des Européens, mais insiste sur le fait que leurs activités marchandes s’inscrivent dans une économie de subsistance centrée sur la satisfaction des besoins des familles et de la communauté plutôt que dans une logique d’économie marchande et d’accumulation de surplus. Le cumul serait en effet impensable dans une société comme celle des Montagnais, où la mobilité est primordiale. L’expert souligne également que leur position stratégique à l’embouchure de la rivière Saguenay leur permet de s’imposer comme des intermédiaires obligés entre les Amérindiens de l’intérieur des terres et les marchands européens, mais que cette hégémonie sera progressivement remplacée au cours du XVIIe siècle par l’implantation d’un nouveau monopole commercial créé par l’État français.

[16]           Après avoir rappelé certains principes directeurs de la LTA eu égard à la TPS, notamment l’obligation pour toute personne effectuant une fourniture taxable de percevoir la taxe à laquelle est tenue l’acquéreur de cette fourniture et de remettre cette somme au Receveur général conformément aux paragraphes 221(1), 228(1) et 228(2) de la LTA, le juge s’est penché sur le droit ancestral au commerce de la fourrure revendiqué par l’appelant. Appliquant les critères dégagés par la jurisprudence relativement à la reconnaissance d’un droit ancestral (notamment les arrêts R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, 137 D.L.R. (4e) 289 [Van der Peet] et Bande indienne des Lax Kw’alaams c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 56, [2011] 3 R.C.S. 535 [Lax Kw’alaams]) et s’appuyant sur la preuve soumise, le juge n’a eu aucune difficulté à conclure que l’appelant avait établi une pratique, tradition ou coutume pré-contact qui faisait partie intégrante de la société autochtone distinctive avant l’arrivée des Européens. C’est au chapitre de la continuité raisonnable entre le droit contemporain revendiqué et la pratique ancestrale que le juge a rejeté les prétentions de l’appelant. Il s’est plutôt dit d’avis que les activités faisant partie du commerce de l’appelant étaient trop différentes de celles faisant partie du commerce de fourrures tel que pratiqué par les ascendants de l’appelant. Voici comment il s’exprime sur cette question:

[103] […] L’appelant n’effectue aucune activité de trappage qui était la pratique sans laquelle les Montagnais du Lac Saint-Jean n’auraient pu exploiter leur commerce de fourrures. La preuve démontre également que l’objet principal du commerce de fourrures pratiqué par les ascendants de l’appelant était les peaux brutes alors que les principaux articles du commerce de fourrures pratiqué par l’appelant sont les manteaux de fourrures remodelés et ceux fabriqués sur une base industrielle avec les peaux brutes d’animaux provenant à 90% de producteurs non autochtones dont plusieurs sont des producteurs étrangers. Selon la preuve, seulement 5% des peaux brutes utilisées par l’appelant provient de trappeurs Montagnais.

[104] Sur la base de ces données, j’estime que la revendication du droit de faire le commerce de fourrures sur une base élargie comme le fait l’appelant ne faisait pas partie intégrante de la société des Montagnais au cours de la période précontact avec les Européens. Le droit ancestral reconnu aux fins des présentes de faire le commerce de fourrures doit être limité aux ventes de peaux brutes d’animaux provenant d’activités de trappage (par opposition aux peaux brutes d’animaux d’élevage). Il y a lieu de rappeler ici qu’aux fins de la cotisation en litige, les ventes de peaux brutes ont été considérées comme des ventes non taxables.

[17]           En ce qui a trait à la revendication de l’appelant à un droit ancestral à l’autonomie gouvernementale, le juge a noté que cette revendication devait aussi être appréciée à l’aune des critères dégagés dans l’arrêt Van der Peet. Autrement dit, l’activité doit être un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive des Montagnais pour constituer un droit ancestral. Appliquant ce critère, le juge a déterminé que l’exercice de l’autorité gouvernementale sur le commerce des fourrures pendant la période précontact se limitait à l’attribution des territoires de chasse aux familles, et n’impliquait pas un droit exclusif de taxer des transactions commerciales. Pour le juge, la reconnaissance d’un pouvoir exclusif de taxation au peuple montagnais remettrait en cause la souveraineté de la Couronne.

[18]           Compte tenu de ses conclusions quant à l’inexistence des droits ancestraux revendiqués par l’appelant, le juge n’était pas tenu de trancher la question de savoir si l’obligation de percevoir et remettre la TPS au Receveur général du Canada portait atteinte à ces droits. Le juge n’en a pas moins choisi d’ajouter que les dispositions de la LTA n’imposaient tout au plus qu’un « simple inconvénient administratif » à l’appelant (Motifs au para. 116). Quant à la cotisation émise à l’appelant pour les montants non perçus de TPS, le juge a refusé d’y voir l’équivalent d’une taxe sur ses biens situés dans une réserve ou une taxe à l’égard de laquelle il a été assujetti relativement à ses biens, suivant en cela une jurisprudence bien établie de cette Cour et de plusieurs autres cours d’appel provinciales (voir par ex. Obonsawin c. Canada, 2011 CAF 152, 423 N.R. 241; Pictou c. Canada, 2003 CAF 9, 299 N.R. 329; R. v. Johnson (1993), 120 N.S.R. (2e) 414, [1994] 1 C.N.L.R. 129 (C.A.); Chehalis Indian Band v. B.C. (1988), 53 D.L.R. (4e) 761, 31 B.C.L.R. (2e) 333 (C.A.)).

[19]           L’appelant avait également prétendu que la LTA est incompatible avec la LI, dans la mesure où la LTA fait de lui un mandataire et un fiduciaire de la Couronne fédérale alors même qu’en vertu de la LI il ne jouit que d’une capacité juridique limitée. Le juge a rejeté sommairement cet argument, en faisant valoir que l’appelant opérait maintenant son commerce depuis une dizaine d’années tout en respectant ses obligations en vertu de la LTA.

[20]           Le juge n’a pas retenu davantage l’argument de l’appelant fondé sur l’article 15 de la Charte, suivant lequel il faisait l’objet d’un traitement inégal par rapport aux commerçants non-Indiens dans la mesure où il ne pouvait obtenir le crédit nécessaire pour rembourser les montants de TPS revendiqués. De fait, l’article 89 de la LI empêche les institutions financières de saisir les biens d’un Indien situés sur une réserve, ce qui est susceptible de restreindre l’accès au crédit ou à tout le moins d’en augmenter le coût. Le juge a noté que cette disposition n’a pas comme conséquence de désavantager les autochtones ou de créer un quelconque préjudice, mais plutôt de leur assurer une certaine protection au niveau de leurs actifs. Partant, cette disposition ne peut être considérée comme discriminatoire au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. Au surplus, le juge a mentionné que l’article 89 de la LI ne pouvait trouver application dans le cadre d’opérations se situant dans le marché commercial ordinaire dans la mesure où cette disposition n’avait pas été conçue pour procurer un avantage concurrentiel aux autochtones qui choisissent de se lancer en affaires.

[21]           Le juge n’a pas retenu les prétentions de l’appelant eu égard à un quelconque manquement aux obligations d’équité procédurale. Il a plutôt attribué les délais relatifs au traitement des avis d’opposition à la conduite de l’appelant, tout en notant que ce dernier aurait pu exercer ses droits d’appel à la Cour canadienne de l’impôt en l’absence de réponse des autorités fiscales pendant plus de 180 jours (voir LTA, art. 306). En ce qui concerne la prescription, le juge a déterminé que le délai de quatre ans contenu au sous-alinéa 298(1)(a)(i) de la LTA n’était pas expiré. Il s’est rangé à la position de l’intimée, selon laquelle la période de prescription n’avait jamais commencé à courir parce que l’appelant n’avait pas produit de déclaration de taxes. Enfin, le juge a relevé que les pénalités et intérêts prévus par le paragraphe 280(1) de la LTA s’appliquaient automatiquement en cas de non-production de déclarations de taxes, sauf en cas de diligence raisonnable; en l’occurrence, il s’est dit incapable de conclure que l’appelant avait fait preuve de diligence raisonnable. Tel que préalablement mentionné, les arguments portant sur la prescription et la surestimation de la cotisation en litige n’ont pas été repris en appel et je n’en traiterai donc pas dans les présents motifs.

III.             Questions en litige

[22]           Les parties s’entendent sur les points en litige, que je reformulerais de la façon suivante:

a)             Le juge a-t-il erré en déterminant que le commerce de fourrures tel qu’exercé par l’appelant ne faisait pas partie intégrante de la société des Montagnais avant son contact avec les Européens et que le droit ancestral ne vise que la vente de peaux brutes d’animaux provenant d’activités de trappage?

b)             Le juge a-t-il erré en déterminant que l’appelant n’avait pas démontré l’existence d’un pouvoir exclusif de taxer les transactions commerciales impliquant des fourrures?

c)             Le juge a-t-il erré en concluant qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la LTA et la LI qui aurait pour effet de rendre inapplicable à l’appelant l’obligation de percevoir et remettre la TPS?

d)            Le juge a-t-il erré en concluant que l’application de la LTA ne contrevient pas à l’article 15 de la Charte?

e)             Le juge a-t-il erré en concluant que les autorités fiscales n’ont pas manqué aux exigences de l’équité procédurale?

Étant donné ma conclusion selon laquelle l’obligation de percevoir et de remettre la TPS ne porte aucunement atteinte au droit que revendique l’appelant de faire le commerce des fourrures, la réponse à la première question ne saurait être déterminante pour l’issue du litige. J’estime cependant nécessaire d’en traiter pour clarifier certains propos énoncés par le juge de première instance.

IV.             Analyse

[23]           Il est bien établi que l’existence, l’étendue ainsi que la nature des droits autochtones sont des questions de droit soumises à la norme de contrôle de la décision correcte (voir R. v. Lefthand, 2007 ABCA 206 au para. 18, [2007] 10 W.W.R. 1 [Lefthand], citant Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). Les deux premières questions doivent donc être assujetties à cette norme, de la même façon que la question de savoir s’il a été porté atteinte à ces droits. Les troisième et quatrième questions sont également de nature juridique et font intervenir la norme de la décision correcte. Enfin, il est de jurisprudence constante que les obligations découlant de l’équité procédurale sont appréciées en fonction de la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24 au para. 79, [2014] 1 R.C.S. 502; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 au para. 43, [2009] 1 R.C.S. 339).

A.                Le juge a-t-il erré en déterminant que le commerce de fourrures tel qu’exercé par l’appelant ne faisait pas partie intégrante de la société des Montagnais avant son contact avec les Européens et que le droit ancestral ne vise que la vente de peaux brutes d’animaux provenant d’activités de trappage?

[24]           L’appelant soutient que le juge a erré en concluant que le commerce de fourrures qu’il exerce ne faisait pas partie intégrante de la société des Montagnais du Lac Saint-Jean au cours de la période pré-contact avec les Européens, malgré qu’il ait reconnu dans un premier temps l’existence d’un droit ancestral de ces mêmes Montagnais au commerce des fourrures. En limitant l’exercice de ce droit à la vente de peaux brutes provenant d’activités de trappage, le juge n’aurait pas suivi les enseignements de la Cour suprême quant au caractère évolutif des droits ancestraux. Ce qui est revendiqué, de dire l’appelant, n’est pas le droit de trapper mais bien le droit de faire le commerce des fourrures. Et l’appelant d’ajouter (au paragraphe 73 de son mémoire):

Dans le même sens, l’appelant soumet qu’il existe un lien rationnel évident entre le commerce de peaux brutes exercés [sic] par ses ascendants et la vente actuelle de manteaux et autres articles faits à partir de peaux brutes. Il s’agit là d’un exemple d’évolution d’un droit ancestral, selon l’appelant;

[25]           Bref, l’appelant soutient que la vente d’articles confectionnés avec de la fourrure constitue un prolongement logique de la pratique traditionnelle du commerce des fourrures, et que le mode d’exercice de ce droit a changé pour s’adapter au nouveau contexte socio-économique de la communauté et à la rareté des ressources fauniques.

[26]           Il est maintenant bien établi que pour établir l’existence d’un droit ancestral au terme du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, un demandeur autochtone doit prouver qu’une activité relève d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone en cause (Van der Peet au para. 46). Dans cette affaire, ainsi que dans l’arrêt Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, 153 D.L.R. (4e) 193, la Cour suprême a dégagé certains facteurs à prendre en considération dans l’application du critère de la partie intégrante d’une culture distinctive. Voici comment elle les a résumés dans l’arrêt Mitchell c. M.R.N., 2001 CSC 33 au para. 12, [2001] 1 R.C.S. 911 [Mitchell, 2001]:

[…] Au strict essentiel, le demandeur autochtone doit établir l’existence d’une pratique, tradition ou coutume moderne qui a un degré raisonnable de continuité avec les pratiques, traditions ou coutumes qui existaient avant le contact avec les Européens. La pratique, coutume ou tradition doit avoir « fait…partie intégrante de la culture distinctive » autochtone, au sens où elle doit avoir distingué ou caractérisé leur culture traditionnelle et avoir été au cœur de leur identité. Elle doit être une « caractéristique déterminante » de la société autochtone, de sorte que la culture en cause serait « fondamentalement modifiée » sans elle. Il doit s’agir d’une caractéristique qui a une « importance fondamentale » dans la culture du peuple autochtone, qui « véritablement faisait de la société ce qu’elle était » (Van der Peet, précité, par. 54-59; souligné dans l’original). Cela exclut les pratiques, les traditions et les coutumes qui sont seulement marginales ou d’importance secondaire pour l’identité culturelle de la société autochtone, et met l’accent sur les pratiques, les traditions et les coutumes qui sont nécessaires à la vie, à la culture et à l’identité de la société autochtone en question.

[27]           Le juge a correctement identifié les principes applicables en s’inspirant des affaires Van der Peet et Mitchell, 2001. Se basant sur la preuve soumise par les deux experts retenus par les parties, il a conclu dans un premier temps à l’existence d’une pratique, tradition ou coutume de commerce de fourrures qui faisait partie intégrante de la société autochtone distinctive des Montagnais avant son contact avec les Européens. L’appelant ne conteste pas cette conclusion de fait, et cette Cour doit évidemment faire preuve de déférence à ce chapitre. Il eut certes été préférable que l’examen d’une telle question se fasse dans le cadre d’une action civile en jugement déclaratoire plutôt que dans le contexte plus limité d’un appel à l’encontre d’une cotisation établie sous l’autorité de la LTA, de façon à ce qu’une preuve plus étoffée puisse être présentée non seulement sur la nature exacte de la pratique, tradition ou coutume invoquée mais également sur la question de savoir si cette pratique faisait partie intégrante de la société distinctive des Montagnais avant son contact avec les Européens. Il ne m’apparaît cependant pas nécessaire d’élaborer davantage sur ces questions dans le cadre du présent litige.

[28]           En revanche, j’estime utile d’apporter la précision suivante. Bien que le juge semble caractériser le droit en cause comme étant celui de faire le commerce de la fourrure, il me semble que la pratique ou la coutume établie par la preuve porte davantage sur le troc ou les échanges que sur le commerce en tant que tel. Le professeur Gélinas lui-même relève dans son rapport d’expertise que le commerce pratiqué par les autochtones du Lac Saint-Jean s’inscrit dans une logique de subsistance plutôt que de profits, et le juge fait écho à ce constat au paragraphe 96 de ses motifs. C’est dans cette perspective qu’il faut aborder l’argument de l’appelant fondé sur la notion de continuité.

[29]           Selon M. Robertson, l’erreur commise par le juge consiste à ne pas avoir reconnu que la vente de manteaux et autres articles faits à partir de peaux brutes n’est que le prolongement du commerce des peaux brutes exercé par ses ascendants. Il ne fait aucun doute, comme l’a reconnu la Cour suprême notamment dans l’affaire Lax Kw’alaams, qu’un droit ancestral n’est pas figé dans le temps et que tant son objet que son mode d’exercice peuvent évoluer en fonction des faits (au para. 49). Encore faut-il, comme l’a rappelé le juge Binnie au nom de la Cour dans cette même affaire, qu’il s’agisse bien d’une évolution et non de la création d’un droit entièrement différent (Lax Kw’alaams aux paras. 51 et 59).

[30]           Fort de ces principes, le juge en est arrivé à la conclusion que le commerce de fourrures sur une base élargie comme le fait l’appelant est trop différent des activités pratiquées par ses ascendants (qu’il définit comme le trappage et le commerce de peaux brutes) pour en constituer le prolongement ou l’évolution. Bien qu’il ne me soit pas strictement nécessaire d’exprimer une opinion à ce sujet, je me permettrai néanmoins de faire les remarques suivantes.

[31]           Je note tout d’abord que le juge ne s’est pas explicitement exprimé sur la question de savoir si le commerce de fourrures à grande échelle dans une perspective de profit pouvait être considéré comme une évolution du troc ou des échanges de fourrure auxquels se livraient les Montagnais avant l’arrivée des Européens aux fins d’acquérir des biens de subsistance ou de luxe. S’appuyant sur les arrêts Van der Peet et R. c. Sappier; R. c. Gray, 2006 CSC 54, [2006] 2 R.C.S. 686, le Procureur général a soutenu qu’il ne peut y avoir de corrélation, d’un point de vue quantitatif, entre des échanges occasionnels à des fins de subsistance et la vente de biens sur une très grande échelle commerciale. Je note cependant que dans ces deux affaires, le droit ancestral revendiqué (le droit de vendre du poisson et le droit de récolter du bois pour des usages domestiques) n’avait pas de dimension commerciale (sauf de façon accessoire dans la première affaire). Dans le cas présent, à l’inverse, le juge a reconnu que le commerce des fourrures revêtait une importance fondamentale pour les Montagnais et se pratiquait de façon courante.

[32]           Ceci dit, il est vrai que les activités contemporaines de l’appelant n’impliquent aucune trappe, échange ou vente de peaux brutes, et moins d’un pourcent du chiffre d’affaires annuel de l’appelant repose sur la vente d’articles confectionnés à partir de fourrures achetées de trappeurs montagnais. Dans ce contexte, peut-on vraiment affirmer que le commerce de l’appelant est le prolongement de la pratique ancestrale de ces mêmes Montagnais? La question de savoir si une pratique ou une coutume fondée sur le troc et les échanges d’une ressource naturelle peut constituer le fondement d’un droit moderne au commerce à grande échelle de cette même ressource demeure entière, et les parties ne nous ont cité aucun précédent à cet effet. Il ne m’apparaît pas opportun d’exprimer une opinion à ce sujet dans le cadre du présent litige.

[33]           En revanche, la restriction du droit ancestral de faire le commerce de fourrures aux seules ventes de peaux brutes d’animaux provenant d’activités de trappage (par opposition aux peaux brutes d’animaux d’élevage) m’apparaît indument réductrice. De la même façon que l’origine ancestrale des droits de pêche n’exige pas que les titulaires de ces droits pêchent dans des pirogues, au dire même du juge Binnie dans l’arrêt Lax Kw’alaams, il ne m’apparaît pas du tout évident que les Montagnais doivent se limiter au trappage (par opposition à d’autres techniques de chasse plus modernes) ou ne puissent pratiquer l’élevage s’ils entendent se revendiquer de leur droit ancestral pour se livrer au commerce des fourrures. Les motifs du juge à ce chapitre sont peu développés, et en l’absence de représentations plus substantielles de la part des parties, il n’est pas nécessaire pour cette Cour de s’engager plus avant sur une question de nature essentiellement factuelle.

[34]           Quoi qu’il en soit, en présumant même que les Montagnais du Lac Saint-Jean puissent se prévaloir d’un droit ancestral au commerce des fourrures, l’appelant n’a pas démontré en quoi l’obligation de percevoir et remettre la TPS que lui impose la LTA porterait atteinte à ce droit. S’appuyant sur les arrêts R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, 70 D.L.R. (4e) 385 [Sparrow] et Lefthand, le juge a conclu que la LTA n’empêchait pas les Montagnais du Lac Saint-Jean de faire le commerce des fourrures, et n’imposait qu’un « simple inconvénient administratif » à l’appelant (Motifs au para. 116). Devant cette Cour, l’appelant n’a fait valoir aucun argument à l’encontre de cette conclusion.

[35]           Or, c’est à la personne qui conteste l’application d’une mesure législative qu’il incombe de prouver qu’il y a eu atteinte à première vue à son droit ancestral. Dans l’arrêt Sparrow (à la p. 1112), la Cour suprême a énoncé trois questions pour déterminer si un droit ancestral a été violé à première vue:

Pour déterminer si les droits […] ont subi une atteinte constituant une violation à première vue du par. 35(1), on doit poser certaines questions. Premièrement, la restriction est-elle déraisonnable? Deuxièmement, le règlement est-il indument rigoureux? Troisièmement, le règlement refuse-t-il aux titulaires du droit le recours à leur moyen préféré de l’exercer? C’est au particulier ou au groupe qui conteste la mesure législative qu’il incombe de prouver qu’il y a eu violation à première vue.

[36]           Ce n’est que dans l’hypothèse où une loi ou un règlement rencontre le seuil d’une atteinte à première vue que la Couronne devra justifier sa mesure. L’arrêt Lefthand est par ailleurs venu préciser que le fait de réglementer une pratique ancestrale ou de soumettre son exercice à certaines conditions ne constituait pas, en soi, une atteinte à première vue.

[37]           Dans ses motifs, le juge ne s’est pas attardé outre mesure à la question de l’atteinte à première vue que constituerait la LTA au droit ancestral revendiqué par l’appelant, sans doute parce que ce dernier n’a pas même tenté d’expliquer de quelle façon l’obligation de percevoir et remettre la TPS applicable aux ventes effectuées à des non-Indiens l’empêcherait de commercer ou affecterait son droit de façon significative. Dans l’arrêt Lefthand, la Cour d’appel de l’Alberta a précisé que la notion d’atteinte à première vue nécessite une preuve d’ingérence qui soit suffisamment importante:

[124] [traduction non-officielle] […] Une atteinte ‘à première vue’ ne requiert pas la démonstration d’un niveau de preuve incomplet ou préliminaire d’une atteinte (comme le laisse entendre le sens commun de ce terme), mais signifie plutôt qu’il existe une preuve réelle soutenant une atteinte qui est suffisamment matérielle selon la prépondérance des probabilités ‘à moins que l’atteinte ne puisse être justifiée’ […]

[38]           Compte tenu de ce fardeau de preuve et de l’absence totale de toute explication de la part de l’appelant tendant à démontrer que l’obligation de percevoir et de remettre la TPS est déraisonnable, indument rigoureuse ou constitue une atteinte significative à son droit ancestral de faire le commerce des fourrures (même dans sa portée la plus large), je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Le juge n’a erré ni en fait ni en droit en concluant que le droit ancestral de l’appelant au commerce des fourrures n’avait pas été enfreint par la LTA.

B.                 Le juge a-t-il erré en déterminant que l’appelant n’avait pas démontré l’existence d’un pouvoir exclusif de taxer les transactions commerciales impliquant des fourrures?

[39]           L’appelant soutient que le juge a erré en concluant que le droit ancestral à l’autonomie gouvernementale des Montagnais sur le commerce des fourrures se limitait à l’attribution et à la gestion des territoires de chasse, de pêche et de piégeage sur lesquels ils pouvaient exercer leur juridiction. Il allègue, comme il l’a fait en première instance, que les Montagnais du Lac Saint-Jean ont le droit constitutionnel de commercer librement, ouvertement et sans être assujettis à quelque restriction ou règlementation que ce soit. En bref, ce que l’appelant réclame, c’est la reconnaissance pour les Montagnais d’un pouvoir exclusif de taxer les transactions commerciales impliquant des fourrures, tant à des Indiens qu’à des non-Indiens.

[40]           Il ressort clairement de l’arrêt R. c. Pamajewon, [1996] 2 R.C.S. 821, 138 D.L.R. (4e) 204 [Pamajewon] que toute revendication d’un droit ancestral à l’autonomie gouvernementale doit être examinée à la lumière des objets sous-jacents du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et donc être appréciée au regard des critères établis dans l’arrêt Van der Peet. Par conséquent, la revendication d’autonomie gouvernementale de l’appelant, et plus particulièrement la revendication d’un pouvoir exclusif d’imposer des redevances sur les transactions commerciales impliquant des fourrures, ne constituera un droit ancestral que dans la mesure où il peut être établi qu’il s’agit d’« un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive » des Montagnais du Lac Saint-Jean (Van der Peet au para. 46).

[41]           Après avoir cité les passages pertinents de l’arrêt Pamajewon et examiné la preuve soumise par les parties, le juge a constaté qu’il n’y avait aucune preuve au dossier démontrant que le commerce des fourrures ait jamais fait l’objet d’une règlementation autochtone pendant la période en question. Or, l’appelant ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur en concluant de la sorte. L’appelant ne peut faire l’économie de la démonstration requise par l’arrêt Van der Peet en arguant que les Montagnais du Lac Saint-Jean n’ont jamais été assujettis à la Couronne britannique ni aux gouvernements du Canada ou du Québec. D’une part, un droit ancestral doit reposer sur la preuve d’une « activité », et d’autre part cette activité doit constituer un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone avant le contact avec les Européens.

[42]           Au demeurant, la revendication de l’appelant voulant que les Montagnais ont le pouvoir exclusif de taxer la vente de produits incorporant de la fourrure se heurte à un deuxième obstacle, à savoir qu’un droit ancestral doit être compatible avec la souveraineté de la Couronne. Il ne faut en effet jamais perdre de vue que l’objet du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 est de concilier l’occupation antérieure du territoire canadien par des sociétés autochtones avec l’affirmation de la souveraineté de la Couronne, et non de faire abstraction de cette dernière. Faire droit à la revendication de l’appelant serait incompatible avec l’objectif visé par le constituant et, en l’absence de toute entente avec les gouvernements fédéral et provinciaux, équivaudrait à créer une zone franche ou une enclave sur le territoire canadien dans laquelle ne s’appliqueraient que des mesures fiscales décrétées par les Montagnais.

[43]           Enfin, il convient de rappeler que l’obligation qui est faite à l’appelant de percevoir et de remettre des taxes aux termes de la LTA ne contrevient en rien à l’exemption fiscale prévue à l’article 87 de la LI. L’appelant n’agit qu’à titre de mandataire de l’État et ne paie aucune taxe personnellement; sa seule obligation est de remettre à l’État les taxes perçues de ses clients qui ne sont pas des Indiens. La cotisation établie à l’égard de l’appelant sur la base de la TPS qu’il a omis de percevoir de ses clients non-Indiens sur les biens et services qu’il leur a fournis ne constitue pas davantage l’équivalent d’une taxe sur ses biens situés dans une réserve. Le juge a cité à bon droit une jurisprudence abondante à cet effet au paragraphe 119 de ses motifs, et il n’y a lieu d’y ajouter qu’une décision plus récente du même effet de la Cour d’appel du Québec (voir Rice c. Québec (Agence du revenu), 2016 QCCA 666 au para. 78, 267 A.C.W.S. (3e) 501).

[44]           Bref, je suis d’avis que l’argument de l’appelant fondé sur ses droits ancestraux ne tient pas la route, dans la mesure où il n’a réussi à faire la preuve ni des droits qu’il revendique ni de l’atteinte qu’y porterait l’obligation de percevoir et de remettre au ministre du Revenu national les montants de TPS auxquels sont assujettis ses clients qui ne bénéficient pas de l’exemption prévue à l’article 87 de la LI. Le juge n’a donc commis aucune erreur de fait ou de droit en arrivant à cette conclusion.

C.                 Le juge a-t-il erré en concluant qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la LTA et la LI qui aurait pour effet de rendre inapplicable à l’appelant l’obligation de percevoir et remettre la TPS?

[45]           L’appelant soutient que la LTA est incompatible avec la LI, non pas factuellement mais juridiquement. C’est au paragraphe 118 de son mémoire que cet argument trouve son expression la plus claire:

L’incompatibilité des lois découle du fait qu’en vertu de la LTA, le commerçant autochtone a l’obligation d’agir en tant que mandataire et de fiduciaire de la Couronne fédérale pour la perception et la remise de taxes, alors qu’en vertu de la LI, ce dernier ne jouit que d’une capacité juridique limitée, équivalente à celle d’une personne mineure ou à un pupille de l’État. (références omises)

[46]           Le juge a eu raison de rejeter cet argument, et l’appelant lui-même s’y est peu attardé lors de l’audition. La notion de conflit implicite ou fondé sur l’intention n’est pas retenue par la jurisprudence canadienne, qui exige plutôt un conflit opérationnel entre deux textes juridiques pour conclure à l’impossibilité de les appliquer de façon concurrente. Cette interprétation stricte de la notion de conflit découle de la prémisse voulant que le législateur ne peut avoir l’intention d’adopter des mesures contradictoires:

[93]      Les tribunaux présument que [traduction] « l’ensemble des textes législatifs édictés par une législature ne comporte pas de contradictions ou d’incohérences et que chaque disposition peut être appliquée sans entrer en conflit avec une autre » : R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd 2008) p. 325; R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, par. 30. Parfois appelé présomption de cohérence, ce principe repose sur l’idée, conforme au bon sens, que le législateur n’a pas l’intention d’adopter des textes contradictoires: Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 38. C’est pourquoi les tribunaux définissent de manière très stricte la notion de conflit : P.-A. Côté, avec la collaboration de S. Beaulac et de M. Devinat, Interprétation des lois (4e éd. 2009), p. 405.

[94]      Qu’est-ce qui constitue alors un conflit dans ce contexte? Les dispositions en cause doivent être [traduction] « à ce point incompatibles ou contraires qu’elles ne peuvent coexister » […]. Il faut que l’application de l’une des dispositions « exclue, explicitement ou implicitement, celle de l’autre » […]

Thibodeau c. Air Canada, 2014 SCC 67 aux paras. 93 et 94, [2014] 3 R.C.S. 340.

[47]           Il est clair que les deux lois en cause ici ne sont pas incompatibles, du moins dans la logique du passage précité. L’obligation d’agir comme mandataire du gouvernement et de percevoir et remettre la TPS sur les ventes effectuées à des non-Indiens ne contrevient ni à la lettre ni même à l’esprit de la LI, et il est tout à fait possible de respecter les deux lois en même temps.

[48]           Outre l’esprit dans lequel a été adoptée la LI, la seule disposition invoquée par l’appelant au soutien de son argument que les deux lois sont incompatibles est l’article 89 de la LI, au terme duquel un Indien ne peut donner ses biens en garantie ou les céder, sous certaines réserves. Bien que cette disposition puisse illustrer l’approche paternaliste du législateur au moment où cette loi a été adoptée, elle ne saurait suffire à établir l’incompatibilité des deux lois.

[49]           Tel que l’a noté avec justesse le juge, la LI n’entraîne pas d’obligations financières de la part des commerçants. Ce n’est que dans l’hypothèse où le commerçant fait défaut de percevoir ou de remettre la TPS qu’il devient personnellement responsable des sommes non remises. Loin d’être incompatible avec cette obligation, l’article 89 n’a pour objet que de protéger le commerçant Indien qui contracterait un prêt pour s’acquitter de l’obligation découlant de l’avis de cotisation qui lui a été émis. En supposant même que cette protection entraîne pour le commerçant Indien des difficultés ou des coûts supplémentaires pour obtenir du financement, ce sur quoi la preuve est muette dans le présent dossier, il n’en découlerait pas pour autant un conflit entre les deux lois au sens strict retenu par la jurisprudence.

[50]           J’estime donc que le juge a eu raison de conclure qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la LTA et la LI qui aurait pour effet d’exonérer l’appelant de son obligation de percevoir et remettre la TPS applicable aux ventes qu’il a effectuées à des non-Indiens.

D.                Le juge a-t-il erré en concluant que l’application de la LTA ne contrevient pas à l’article 15 de la Charte?

[51]           L’appelant a également soutenu qu’il fait l’objet de discrimination par rapport aux commerçants non-Indiens, du fait que l’article 89 de la LI lui rend plus difficile l’accès au crédit dont il a besoin pour remettre les montants de TPS dont il est redevable. Cet argument vaudrait non seulement pour l’appelant mais également pour tous les commerçants non-Indiens, dans la mesure où les délais imposés par la LTA font en sorte que la remise de la TPS doit souvent se faire avant qu’un commerçant ait pu compléter la vente des biens et services sur lesquels la taxe devait être perçue.

[52]           Encore une fois, le juge a eu raison de rejeter cet argument. D’une part, et tel que noté précédemment, l’appelant n’a déposé aucune preuve relative à ses difficultés d’obtenir du financement. Lors de son témoignage, M. Robertson a d’ailleurs indiqué qu’il avait obtenu du financement pour son commerce de la part d’une banque (voir Témoignage de M. Robertson du 27 mai 2014, Dossier d’appel, vol. 13, onglet A à la p. 101). Il n’y a pas davantage de preuve au dossier quant aux délais pour remettre la TPS au ministre du Revenu national et quant à la nécessité pour les commerçants de verser des sommes qui n’ont pas encore été perçues.

[53]           Plus fondamentalement, l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que l’obligation de percevoir et de remettre la TPS porte atteinte aux droits à l’égalité que lui reconnaît l’article 15 de la Charte. Il ne fait certes aucun doute que l’article 89 de la LI crée une distinction entre les Indiens et les non-Indiens. Ceci dit, toute distinction n’est pas discriminatoire. Dans l’arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143 à la p. 174, 56 D.L.R. (4e) 1 [Andrews], la Cour suprême a défini la discrimination comme étant :

une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société.

[54]           L’arrêt Andrews impose donc à la personne qui se dit victime de discrimination un double fardeau: elle doit d’abord établir que la loi établit une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue, puis démontrer que cette distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes (voir par ex. Première Nation Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30 aux paras. 27-34, [2015] 2 R.C.S. 548; Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5 aux paras. 324 et 418, [2013] 1 R.C.S. 61; Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12 aux paras. 30-31, [2011] 1 R.C.S. 396; Bande et nation indiennes d’Ermineskin c. Canada, 2009 CSC 9 au para. 188, [2009] 1 R.C.S. 222 [Ermineskin]; R. c. Kapp, 2008 CSC 41 au para. 17, [2008] 2 R.C.S. 483).

[55]           En l’occurrence, l’appelant ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombait d’établir que la distinction opérée par l’article 89 de la LI crée un désavantage arbitraire ou discriminatoire à l’égard des Indiens. Bien au contraire, cette disposition vise à les protéger en soustrayant leurs biens réels et personnels situés sur une réserve à l’application des règles ordinaires du droit civil. Comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85 à la p. 131, 71 D.L.R. (4e) 193:

En résumé, le dossier historique indique clairement que les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens, auxquels s’applique la présomption de l’art. 90, font partie d’un ensemble législatif qui fait état d’une obligation envers les peuples autochtones, dont la Couronne a reconnu l’existence tout au moins depuis la signature de la Proclamation royale de 1763. Depuis ce temps, la Couronne a toujours reconnu qu’elle est tenue par l’honneur de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non-Indiens pour les déposséder des biens qu’ils possèdent en tant qu’Indiens, c’est-à-dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

[56]           Le juge n’a donc pas erré en concluant que l’application de l’article 89 de la LI n’a pas comme conséquence de désavantager l’appelant ou de lui créer un quelconque préjudice. La Cour suprême du Canada en est d’ailleurs arrivée à la même conclusion eue égard aux articles 61 à 68 de la LI, qui empêchent la Couronne d’investir l’argent des Indiens. Dans l’arrêt Ermineskin, on a en effet considéré que la distinction entre Indiens et non-Indiens n’était pas discriminatoire dans la mesure où la Couronne peut transférer aux bandes ou à leurs fiduciaires les fonds qu’elle détient après avoir été exonérée de toute responsabilité ultérieure à leur égard. Il en va de même dans le contexte de l’article 89, puisque le commerçant indien peut décider de renoncer à la protection de cette disposition ou d’éviter son application en incorporant son entreprise (voir par ex. Tribal Wi-Chi-Way-Win Capital Corp. v. Stevenson, 2009 MBCA 72 au para. 5, [2010] 1 W.W.R. 107; R. v. Bernard (1991), 118 N.B.R. (2e) 361 au para. 21, [1992] 3 C.N.L.R. 33) (B.R.); Reference re: Constitutional Questions Act, 1981 ABCA 316 au para. 54, 130 D.L.R. (3e) 636; Kinookimaw Beach Association v. Saskatchewan (1979), 6 W.W.R. 84 à la p. 88, 102 D.L.R. (3e) 333 (Sask. C.A.). Voir aussi Jack Woodward, Native Law, feuilles mobiles, Toronto: Thomson Reuters, 1989 au para. 11-2(i)).

E.                 Le juge a-t-il erré en concluant que les autorités fiscales n’ont pas manqué aux exigences de l’équité procédurale?

[57]           L’appelant fait valoir que le juge a erré en concluant que l’intimée et son mandataire n’ont commis aucun manquement à l’équité procédurale dans le traitement de son dossier. Reprenant pour l’essentiel la thèse qu’il a développée en première instance, il soutient que les règles de l’équité procédurale et de la théorie de l’expectative légitime de l’administré ont été violées du fait que l’intimée aurait répondu à l’un de ses avis d’opposition dans un délai déraisonnable et n’aurait pas fourni une réponse suffisamment détaillée. L’appelant semble par ailleurs reprocher à l’intimée d’avoir entrepris des mesures de recouvrement alors qu’il contestait toujours la validité de la cotisation.

[58]           Ces arguments sont totalement dénués de mérite. Il importe d’abord de préciser que les seuls droits créés par l’équité procédurale sont de nature participative (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 au para. 28, 174 D.L.R. (4e) 193. La jurisprudence est sans équivoque et ne permet pas d’accorder la réparation de nature substantive (soit la réduction des pénalités et intérêts) que réclame l’appelant pour une atteinte à de tels droits.

[59]           Au surplus, il est bien établi que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour annuler une cotisation établie sur la base d’une conduite fautive du ministre. Le seul objet d’un appel interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt consiste à examiner la validité de la cotisation elle-même, et non le processus ayant permis de l’établir. C’est ce qu’a rappelé cette Cour dans l’arrêt Main Rehabilitation Co. c. Canada, 2004 CAF 403 aux paras. 6 à 8, 247 D.L.R. (4e) 597:

[6]        Quoi qu’il en soit, il est également évident et manifeste que la Cour de l’impôt n’a pas compétence pour statuer qu’un avis de cotisation est nul parce qu’il constitue un abus de procédure reconnu en common law ou en violation de l’article 7 de la Charte.

[7]        Comme le signale à juste titre le juge de la Cour de l’impôt, même si cette cour a compétence pour suspendre une procédure constituant un abus de ses procédures […], il est de jurisprudence constante qu’on ne peut tenir compte des actions de l’ADRC dans le cadre d’appels interjetés à l’encontre d’un avis de cotisation.

[8]        Il en est ainsi parce que l’appel interjeté sur le fondement de l’article 169 met en cause la validité de la cotisation et non du processus ayant conduit à l’établir […]. Autrement dit, il ne s’agit pas de déterminer si les fonctionnaires de l’ADRC ont correctement exercé leurs pouvoirs, mais plutôt de déterminer si les montants pouvaient valablement être cotisés sous le régime de la Loi […] (références omises) (mes soulignés)

[60]           Enfin, j’ajouterais que l’appelant me semble bien mal venu de reprocher à l’intimée des manquements à l’équité procédurale. Dans ses motifs, le juge relève que l’appelant a refusé de remettre aux autorités fiscales les documents nécessaires à la vérification de ses livres et registres pendant plus de deux ans; ce n’est d’ailleurs qu’à la suite des procédures de recouvrement prises par Revenu Québec que l’appelant a finalement accepté d’ouvrir ses livres. Le juge a également noté que l’appelant était en grande partie responsable du délai à traiter ses avis d’opposition datés du 4 octobre 2002, puisqu’il ne les avait pas produits selon le formulaire prescrit et ne les avait pas adressés à la bonne direction. Ces conclusions de fait sont appuyées par la preuve, et l’appelant ne m’a pas convaincu que le juge avait commis une erreur manifeste et dominante dans son appréciation du dossier. Sans compter que l’appelant aurait pu interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt à compter du 180e jour suivant la production de son avis d’opposition s’il s’estimait lésé par le délai à en traiter (voir LTA, art. 306).

V.                Conclusion

[61]           Pour tous les motifs qui précèdent, je suis d’avis que l’appel devrait être rejeté, avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

A.F. Scott, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Appel d’un jugement rendu par l’honorable juge Réal Favreau de la Cour canadienne de l’impôt, du 10 septembre 2015, portant le numéro 2004-2266(GST)G.

DOSSIER :

A-445-15

 

INTITULÉ :

ÉDOUARD ROBERTSON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 mars 2017

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Y ONT (A) SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 AOÛT 2017

 

COMPARUTIONS :

François Bouchard

 

Pour l'appelant

ÉDOUARD ROBERTSON

 

Patrick Vézina

Nancy Bonsaint

 

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CAIN LAMARRE

Chicoutimi

 

Pour l'appelant

ÉDOUARD ROBERTSON

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Pour l'intimée

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

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