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Date : 20170913


Dossier : A-475-16

Référence : 2017 CAF 178

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

TIMOTHY PHILPS

défendeur

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 septembre 2017.

Jugement rendu à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 septembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20170913


Dossier : A-475-16

Référence : 2017 CAF 178

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

TIMOTHY PHILPS

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]               Le défendeur, un gestionnaire à l'Agence du revenu du Canada (l'ARC), a reçu une suspension de 30 jours en raison d'actes inappropriés mettant en cause un certain nombre d'employés subalternes. Il a présenté un grief concernant sa suspension et son grief a été renvoyé à l'arbitrage devant la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la CRTEFP ou la Commission). L'ARC a fait témoigner plusieurs employés non‑cadres pour le compte de l'employeur, et il semble que l'avocat de l'employeur leur ait dit que leur nom complet ne serait pas utilisé dans la décision.

[2]               Il y a un litige concernant ce qui s'est produit devant la Commission relativement à la demande d'expurgation de noms de la décision. Le directeur adjoint des ressources humaines de l'ARC a affirmé dans son affidavit que l'avocat de l'employeur avait demandé que tous les témoins employés non‑cadres soient uniquement désignés par leurs initiales dans la décision et que le demandeur ne s'y était pas opposé. Le défendeur n'est pas d'accord et, dans son affidavit, il indique que la demande d'utilisation des initiales a été faite uniquement pour une ancienne employée non‑cadre et qu'il avait accepté seulement cette demande.

[3]               Le 24 novembre 2016, la Commission a communiqué sa décision aux parties. L'arbitre de grief a rejeté le grief et a conclu que le défendeur avait commis les actes qui lui étaient reprochés. Dans sa sentence, l'arbitre de grief a utilisé le nom complet de tous les témoins et a également fait référence à une ancienne employée qui n'a pas témoigné en utilisant son nom complet.

[4]               Après avoir reçu la décision, l'avocat de l'employeur a écrit à la Commission et a demandé que cette dernière expurge le nom des employés non‑cadres et de l'ancienne employée et qu'elle les désigne par leurs initiales. La Commission a refusé de le faire, en affirmant que l'employeur avait demandé que seul le nom de l'ancienne employée soit retiré et que la Commission ne pouvait expurger le nom des autres personnes, puisqu'elle était functus officio et n'avait donc pas compétence pour traiter la question après que la sentence eut été rendue. À la demande de l'employeur, la Commission n'a pas publié la décision sur son site Web, et la décision n'a pas encore été publiée en attendant que soit tranchée la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]               Dans la présente demande, le demandeur demande d'infirmer la décision de la Commission rejetant l'expurgation demandée. Cette décision est contenue dans des courriels envoyés aux parties les 24 et 25 novembre 2016 et elle est confirmée dans un courriel subséquent envoyé le 16 décembre 2016. Le demandeur demande également une ordonnance selon laquelle les documents présentés à notre Cour à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire soient considérés comme confidentiels, même s'ils ont déjà été versés au dossier public de la Cour.

[6]               Quant à la première de ces demandes, j'estime que la décision de la Commission ne peut pas être maintenue, puisqu'il ne fait aucun doute qu'elle avait compétence pour procéder à l'expurgation demandée après avoir rendu sa sentence.

[7]               Il est peu vraisemblable que l'avocat de l'employeur ait demandé que seul le nom de l'ancienne employée soit expurgé. Une telle demande serait illogique, puisque les employés actuels ont un bien plus grand intérêt au respect de leur vie privée par la protection de leur identité. Par conséquent, selon toute vraisemblance, il y a eu un malentendu quant à la nature de la demande d'expurgation. Si tel était le cas, l'arbitre de grief pourrait modifier la sentence, puisqu'il s'agirait d'un cas semblable à une erreur de transcription et que la règle du functus officio de la common law permet de corriger de telles erreurs, notamment dans le cas d'un tribunal administratif : Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, aux pages 861 et 862; Herzig c. Canada (Ministère de l'Industrie), 2002 CAF 36, [2002] A.C.F. no 127, au paragraphe 16, autorisation d'appel refusée, [2002] S.C.C.A. no 88 (QL); Rogers Communications Partnership c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), 2016 CAF 28, aux paragraphes 70 et 71; Association des juristes de Justice c. Procureur général, 2016 CAF 56, aux paragraphes 17 et 18.

[8]               Cependant, même s'il n'y avait pas eu de malentendu et que l'employeur avait en fait élargi la nature de sa demande d'expurgation après que la sentence eut été rendue, je crois néanmoins que l'arbitre de grief possédait la compétence nécessaire pour traiter la demande en vertu de l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2. Cet article donne à la CRTEFP la compétence de modifier les décisions qu'elle a rendues. À la lumière du libellé explicite de l'article 43, la décision de la Commission selon laquelle elle n'avait pas la compétence d'effectuer les expurgations demandées en raison de la règle du functus officio est déraisonnable.

[9]               J'accueillerais par conséquent la présente demande de contrôle judiciaire et je renverrais la demande d'expurgation à l'arbitre de grief de la CRTEFP qui a rendu la décision pour qu'elle puisse examiner le bien‑fondé de la demande. Elle devrait alors pondérer à nouveau les intérêts relatifs à la vie privée des personnes en question en tenant compte de tout besoin possible de publier leur nom. Puisque le défendeur affirme qu'il n'a pas eu l'occasion d'exprimer sa position sur la demande, l'arbitre de grief devrait donner aux parties l'occasion de présenter des observations sur la question avant de rendre une décision.

[10]           En dernier lieu, en ce qui concerne la demande d'une ordonnance de confidentialité relative aux documents présentés à notre Cour, je suis d'avis que la demande est trop vaste et que les droits légitimes à la vie privée des personnes en question en protégeant leur identité peuvent être adéquatement protégés par le simple fait de déposer une version publique expurgée des documents dans lesquels elles ne sont mentionnées que par des initiales. La dérogation au principe de la publicité judiciaire est infime, voire nulle, puisque leur identité n'est pas pertinente à la décision. Par contre, elles ont une préoccupation légitime relativement à la publication de leur nom. Une demande d'ordonnance de cette nature aurait dû être présentée avant le dépôt des documents, mais le fait que le demandeur n'ait pas présenté la demande en temps utile ne devrait pas porter préjudice à l'intérêt continu des personnes au respect de leur vie privée.

[11]           J'ordonnerais par conséquent que la version actuelle des documents soit traitée comme confidentielle conformément à l'article 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et que le demandeur dépose une version publique photocopiée expurgée des dossiers dans les 15 jours suivant la date du jugement de la Cour, dans laquelle les noms des employés non‑cadres et de l'ancienne employée sont remplacés par des initiales.

[12]           Je ne crois pas qu'il soit approprié d'adjuger les dépens au demandeur compte tenu des circonstances de l'espèce.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d'accord.

Richard Boivin j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-475-16

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. TIMOTHY PHILPS

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 13 sePtembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

DATE DES MOTIFS :

LE 13 SEPTEMBRE 2017

COMPARUTIONS :

Helen Park

Pour LE DEMANDEUR

Timothy Philps

DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureur général du Canada

Pour LE DEMANDEUR

 

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