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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Silicon Graphics Ltd. c. Canada (C.A.) [2003] 1 C.F. 447

Date : 20020617

Dossier : A-286-01

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 17 JUIN 2002

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                    SILICON GRAPHICS LIMITED

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                                                        JUGEMENT


L'appel est accueilli avec dépens, tant de la Cour canadienne de l'impôt que de cette Cour, le jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 28 mars 2001 est annulé et la détermination de la perte effectuée par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition d'Alias Research Inc. se terminant le 31 janvier 1992 et le 31 janvier 1993 est déférée au ministre pour nouvelle cotisation au motif qu'Alias Research Inc. a été, tout le long de ses années d'imposition 1992 et 1993, une corporation privée dont le contrôle est canadien au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

                                                                                                                                          « A.J. STONE »       

                                                                                                                                                                 Juge                  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020617

Dossier : A-286-01

Référence neutre : 2002 CAF 260

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                    SILICON GRAPHICS LIMITED

appelante

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                            intimée

                                    

Affaire entendue à Toronto (Ontario) le lundi 13 mai 2002.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 17 juin 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                              LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                      LE JUGE STONE

                                                                                                                                LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20020617

Dossier : A-286-01

Référence neutre : 2002 CAF 260

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

SILICON GRAPHICS LIMITED

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

Introduction

[1]                 La question en litige en l'espèce consiste à savoir si une société est contrôlée par des non-résidents au sens de l'alinéa 125(7)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), uniquement en raison du fait que plus de 50 p. 100 des actions sont détenues par des personnes non résidentes, alors qu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'un lien entre elles.


Faits

[2]                 L'appelante est la société remplaçante d'Alias Research Inc. (Alias). Alias a été constituée en 1985 en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. B-16, et a exploité, pendant toute la période pertinente, une entreprise de création et de commercialisation de logiciels graphiques perfectionnés. De 1986 à 1993, Alias a employé un nombre important et croissant de personnes qui effectuaient de la recherche scientifique et du développement expérimental (RSDE) au Canada. Le principal établissement d'Alias se trouvait à Toronto en Ontario.

[3]                 Du 13 février 1985 au 17 juillet 1990, Alias n'était pas une corporation ouverte. La majorité des actions en circulation d'Alias étaient à cette époque détenues pas des résidents canadiens. Durant ces années, Revenu Canada a considéré Alias comme une « corporation privée dont le contrôle est canadien » , (CPCC) selon la définition prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu. Par conséquent, elle avait droit à des crédits d'impôt à l'investissement pour ses dépenses de RSDE, au taux de 35 p. 100 pour la première tranche de 2 000 000 $, en vertu du paragraphe 127(10.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et à des crédits d'impôt remboursables en vertu du paragraphe 127.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[4]                 Le 17 juillet 1990, lors de l'année d'imposition 1991 d'Alias, cette dernière a effectué un placement d'actions initial par l'entremise du marché boursier NASDAQ aux États-Unis. Un total de 5 049 836 actions ordinaires ont été émises à la suite du placement. Il n'y a pas eu d'autres actions en circulation - à part les actions ordinaires - après le placement initial.

[5]                 Alias a par la suite émis des actions ordinaires en conséquence de placements privés, de l'exercice d'options d'actionnariat par les employés, de contreparties versées pour des acquisitions de sociétés et d'honoraires pour les services offerts par des tiers de novembre 1990 à la fin de l'année d'imposition 1993 d'Alias. Au 31 janvier 1993, il y avait environ 8 187 241 actions ordinaires émises et en circulation après le placement initial.

[6]                 Après le placement initial et par la suite, y compris jusqu'à la fin de l'année d'imposition 1993 d'Alias, plus de la moitié des actions ordinaires étaient détenues par des personnes ne résidant pas au Canada. À la fin des années d'imposition 1992 et 1993, les non-résidents détenaient respectivement89 p. 100 et 74 p. 100 des actions ordinaires.

[7]                 Il convient également de remarquer qu'Alias était non seulement une corporation ouverte, mais également une corporation à grand nombre d'actionnaires. Pendant la période pertinente, aucun actionnaire n'a détenu plus de 13 p. 100 des actions. Le 10 septembre 1991, il y avait 136 actionnaires, dont 78 étaient des non-résidents. Le 6 mai 1992, on comptait 305 actionnaires, dont 233 étaient des non-résidents.


[8]                 Il n'y avait aucune preuve d'entente entre les actionnaires ou de lien entre eux qui influencerait la façon dont ils auraient exercé leur droit de vote, et il semble effectivement qu'il n'y avait pas de mécanisme facilement accessible permettant aux actionnaires de découvrir l'identité des autres actionnaires.

[9]                 Pendant ce temps, la majorité des membres du conseil d'administration et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens, et le principal établissement d'Alias se trouvait à Toronto, en Ontario.

[10]            Le personnel de direction de Toronto dressait annuellement une liste de candidats à élire pour le conseil d'administration, liste qui était toujours retenue par les actionnaires.

[11]            En établissant une cotisation à l'égard d'Alias pour ses années d'imposition 1992 et 1993, le ministre a conclu que, comme plus de 50 p. 100 des actionnaires d'Alias étaient des non-résidents, cette dernière ne respectait plus la définition que donnait la loi d'une CPCC. En conséquence, les déductions demandées par Alias relativement à la RSDE ont été rejetées.

Décision de la Cour de l'impôt

[12]            La question dont était saisie la Cour de l'impôt consistait à savoir si Alias était une CPCC. Une CPCC était définie au paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui, à l'époque pertinente, était ainsi rédigé :


« corporation privée dont le contrôle est canadien » désigne une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes, par une ou plusieurs corporations publiques (autre qu'une corporation à capital de risque prescrite) ou par une combinaison de celles-ci.

Dans la mesure où elle s'applique à la présente affaire, cette définition se décompose en trois éléments : pour être une CPCC, une corporation 1) doit être une corporation canadienne, 2) doit être une corporation privée et 3) ne doit pas être contrôlée par une ou plusieurs personnes non résidentes.

[13]            Une « corporation canadienne » était définie de la façon suivante au paragraphe 89(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

« corporation canadienne » , à une date quelconque, désigne une corporation qui, à cette date, résidait au Canada et qui [...] avait été constituée au Canada [...]

Alias a été constituée au Canada et y résidait et, par conséquent, elle était une « corporation canadienne » .

[14]            La définition de « corporation privée » de la Loi de l'impôt sur le revenu contenue au sous-alinéa 89(1)f)(i) prévoyait ce qui suit :

« corporation privée » s'entend d'une corporation qui, à une date donnée, réside au Canada, n'est pas une corporation publique et n'est pas contrôlée par une ou plusieurs corporations publiques [...] ou sociétés d'État prévues par règlement, ou par l'une ou l'autre de celles-ci; [...]


[15]            Pendant les années d'imposition pertinentes, une « corporation publique » était définie de façon restrictive à l'alinéa 89(1)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

« corporation publique » , à une date donnée, signifie une corporation qui, à la date donnée, résidait au Canada, si [...] à la date donnée, une ou plusieurs catégories d'actions du capital-actions de cette corporation étaient admises à une bourse prescrite au Canada.

La partie pertinente de la définition prévoyait qu'une « corporation publique » correspondait à une corporation qui possédait une catégorie d'actions qui étaient « admises à une bourse prescrite au Canada » . L'article 3200 du Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, énumère quelles bourses sont « prescrites » pour l'application de l'article 89. Le NASDAQ n'était pas une bourse au Canada et, pendant la période d'imposition pertinente, n'a pas été visée par l'article 3200. Par conséquent, à la suite du placement initial, Alias n'a pas été une « corporation publique » étant donné la façon dont une « corporation privée » était définie et, comme elle résidait au Canada, Alias était, par défaut, une « corporation privée » et une « corporation canadienne » . Par conséquent, l'unique question dont était saisi le juge de la Cour de l'impôt consistait à savoir si Alias était « contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes » .

[16]            Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté l'appel et a conclu que le contrôle de droit existait en raison du simple fait qu'une majorité des actions en circulation d'Alias étaient détenues par des non-résidents. En conséquence, le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'examiner la question du contrôle de fait soulevée par l'intimée dans sa plaidoirie.


[17]            Le juge de la Cour de l'impôt a conclu ce qui suit :

Dès que le nombre d'actionnaires non résidents franchit la barre des 50 p. 100, le contrôle et le droit d'élire le conseil d'administration sont exercés par ces actionnaires non résidents, et l'existence d'un lien entre eux n'est pas nécessaire.

Questions en litige

[18]            Il s'agit principalement de savoir si Alias était une CPCC pendant ses années d'imposition 1992 et 1993. Plus particulièrement, il s'agit de savoir si Alias était contrôlée par des non-résidents pendant ses années d'imposition 1992 et 1993.

[19]            Cette question principale se décompose en deux sous-questions :

            1)         Alias était-elle assujettie au contrôle de droit des non-résidents?

2)         Alias était-elle assujettie au contrôle de fait des non-résidents?

Contrôle de droit

[20]            Lorsque la question de la définition de « contrôle » a été soulevée par le passé, une distinction a été établie entre le contrôle de droit et le contrôle de fait. Ces deux formes seront examinées à tour de rôle.


Jurisprudence

[21]            Le critère général du contrôle de droit a été décrit, dans un certain nombre d'affaires comme le contrôle conféré par la majorité des voix de la corporation ainsi qu'il se manifeste par la capacité d'élire les administrateurs de la corporation. La description classique du contrôle de droit a été formulée par le président Jackett dans l'affaire Buckerfield's Ltd. c. Minister of National Revenue (1964), 64 DTC 5301, à la page 5303, où il a défini ainsi le contrôle de droit :

[traduction]

le droit de contrôle auquel donne lieu le fait de détenir un nombre d'actions tel qu'il confère la majorité des voix à leur détenteur dans l'élection du conseil d'administration.

[22]            Cette déclaration a été citée et approuvée par la Cour suprême du Canada dans une série d'affaires : M.N.R. c. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. (1967), 67 DTC 5035 à la page 5036; Vina-Rug, (Canada) Limited c. M.N.R., [1968] R.C.S. 193 à la page 197; International Iron & Metal Company Limited c. M.N.R. (1972), 72 DTC 6205 à la page 6207; The Queen c. Imperial General Properties Limited (1985), 85 DTC 5500 à la page 5502; et Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795 à la page 815. Il convient de remarquer, toutefois, que dans aucune de ces affaires la Cour suprême du Canada n'a décidé que le contrôle de droit était composé d'une simple majorité d'actions d'une société à grand nombre d'actionnaires. Dans chaque cas, la participation majoritaire était détenue par un actionnaire ou une poignée d'actionnaires qui étaient liés d'une certaine façon.


[23]            Le prononcé le plus récent que la Cour suprême du Canada a formulé quant au concept du contrôle de droit figure dans l'arrêt Duha Printers, précité, sur lequel l'intimée s'est largement fondée. Dans cette arrêt, Duha Printers (Western) Ltd. (Duha) a décidé d'acquérir les actions d'une société inactive, Outdoor Leisureland of Manitoba, auprès de Marr's Leisure Holdings dans le but de tirer avantage des pertes autres que des pertes en capital d'Outdoor.

[24]            Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu limitait la déduction de perte que pouvait demander une corporation « en cas d'acquisition [...] du contrôle de la corporation par une personne ou un groupe de personnes » qui ne contrôlaient pas la corporation au moment où les pertes ont été engagées. Par conséquent, pour que Duha puisse déduire les pertes autres que les pertes en capital d'Outdoor, elle devait acquérir Outdoor, mais Marr's devait conserver le contrôle d'Outdoor. Afin d'y parvenir, il a été conclu que Marr's acquerrait une participation majoritaire dans Duha et que Duha acquerrait les actions d'Outdoor.

[25]            La question en litige dans l'arrêt Duha Printers était celle de savoir si l'acquisition par Marr's de 56 p. 100 des actions de Duha, que Marr's a détenues pendant une journée, correspondait à l'acquisition du contrôle de Duha. Le ministre a soutenu que la brève possession par Marr's de Duha signifiait que Marr's ne contrôlait pas Duha. Néanmoins, le Cour suprême a conclu que Marr's avait acquis le contrôle de Duha (et par conséquent d'Outdoor) au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[26]            Examinant la question du contrôle d'une corporation, le juge Iacobucci, dans l'affaire Duha Printers, a déclaré ce qui suit à la page 815 :

Ainsi, le contrôle de jure est devenu la norme canadienne, et le critère généralement admis à cet égard consiste à se demander si la partie qui détenait le contrôle a, en vertu des actions qu'elle possède, la capacité d'élire la majorité des membres du conseil d'administration. Toutefois, il faut reconnaître, au départ, que ce critère est vraiment une tentative de vérifier qui exerce un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société. Autrement dit, bien que les administrateurs aient généralement, en vertu de la loi qui régit la société, le droit explicite de gérer la société, l'actionnaire majoritaire exerce indirectement ce contrôle en raison de sa capacité d'élire le conseil d'administration. Ainsi, c'est en réalité l'actionnaire majoritaire, et non pas les administrateurs eux-mêmes, qui exerce un contrôle effectif sur la société. Le président Jackett a reconnu expressément cela en énonçant le critère de l'arrêt Buckerfield's.

Il a ajouté ce qui suit à la page 817 :

Comme je l'ai déjà souligné, la façon générale de déterminer où se situe le contrôle consiste à examiner le registre des actionnaires de la société pour vérifier quel actionnaire, s'il en est, est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration et possède donc le type de pouvoir envisagé par le critère de l'arrêt Buckerfield's, précité.

[27]            L'intimée a soutenu qu l'arrêt Duha Printers appuyait sa position selon laquelle il ne fallait examiner le registre des actionnaires que pour apprendre si des non-résidents avaient le contrôle d'Alias et que, si plus de la moitié des actions étaient détenues par des non-résidents, alors ces derniers avaient le contrôle. En particulier, l'intimée s'est fondée sur la déclaration suivante du juge Iacobucci figurant à la page 827 :

[L]es conventions entre les actionnaires, les conventions en matière de droits de vote, et ainsi de suite, sont généralement des ententes que les tribunaux n'examinent pas pour vérifier qui exerce le contrôle. À mon avis, cela s'explique par le fait qu'elles créent des obligations contractuelles et non des obligations juridiques ou tenant d'un acte constitutif.


[28]            L'intimée a soutenu que cette déclaration indique que tout autre lien de fait entre les actionnaires individuellement ne doit pas être examiné afin de vérifier si le contrôle de droit est détenu ou non par ces actionnaires.

[29]            On doit se rappeler que dans l'arrêt Duha Printers, la Cour était saisie d'une affaire où un actionnaire unique possédait une majorité d'actions, soit 56 p. 100, ce qui suffisait normalement à démontrer le contrôle de droit. La principale question en litige dans cet arrêt était celle de savoir si une convention unanime des actionnaires (CUA) pouvait être examinée lors de la détermination de la question de savoir si l'actionnaire majoritaire n'avait pas le contrôle de droit. On n'a pas demandé à la Cour dans l'arrêt Duha Printers d'examiner la question de savoir comment déterminer si plus d'un actionnaire avait détenu le contrôle de droit. Cela est devenu manifeste lorsque la Cour dans l'arrêt Duha Printers a fait référence à l' « actionnaire majoritaire » en résumant les principes et les conclusions portant sur le contrôle à la page 838 :

Sommaire des principes et conclusion quant au contrôle

85.           Il peut être utile, à ce stade, de résumer les principes du droit des sociétés et du droit fiscal étudiés dans le présent pourvoi, étant donné leur importance. Ces principes sont le [sic] suivants :

(1)           Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise le contrôle de jure, et non pas le contrôle de facto.

(2)           Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité : il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un « contrôle effectif » sur « les affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort de la « propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration » .


(3)           Pour décider s'il y a « contrôle effectif » , il faut prendre en considération ce qui suit :

a)             la loi qui régit la société;

b)             le registre des actionnaires de la société;

c)             toute restriction, particulière ou exceptionnelle, imposée soit au pouvoir de l'actionnaire majoritaire de contrôler l'élection du conseil, soit au pouvoir du conseil de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société, qui ressort de l'un ou l'autre des documents suivants :

(i)            des actes constitutifs de la société;

(ii)           d'une convention unanime des actionnaires.

(4)           Les documents autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires ne doivent généralement pas être pris en considération à cette fin.

(5)           Lorsqu'il existe une restriction du genre visé à l'alinéa 3c), l'actionnaire majoritaire peut tout de même exercer le contrôle de jure, à moins qu'il ne dispose d'aucun moyen d'exercer un « contrôle effectif » sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au critère de Buckerfield's. [Je souligne.]

[30]            Ainsi, l'arrêt Duha Printers établit que lorsqu'un actionnaire contrôle plus de 50 p. 100 des actions avec droit de vote d'une société, cet actionnaire sera réputé posséder le contrôle de droit à moins que d'autres documents constitutifs de la société, y compris des éléments comme une CUA, ne le soustraient à cette position de contrôle.


[31]            Toutefois, l'arrêt Duha Printers ne portait pas sur la façon dont on peut décider du contrôle d'une société lorsque plus d'un actionnaire est considéré avoir le contrôle. Dans le cas des sociétés dont les actions sont détenues par plusieurs actionnaires, un examen du registre des actionnaires en soi ne révélera normalement pas quels actionnaires en particulier exercent le contrôle. Par conséquent, je suis d'avis que l'arrêt Duha Printers n'est pas utile à la cause de l'intimée.

[32]            La plupart des affaires qui abordent la question du contrôle concernent des situations où une seule ou quelques personnes possèdent une participation majoritaire. Toutefois, la question essentielle en l'espèce et celle de savoir si une simple majorité d'actions détenues par des non-résidents implique que ces derniers possèdent le contrôle de droit ou si un certain lien doit exister entre ces actionnaires pour soutenir une telle inférence.

[33]            Certaines affaires ont suggéré qu'un lien doit exister entre les actionnaires majoritaires pour qu'ils puissent composer un « groupe de personnes » au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans l'affaire Yardley Plastics of Canada Ltd. c. M.R.N. (1966), 66 DTC 5183 (Cour de l'Échiquier), le juge Noël a déclaré qu'on ne peut simplement choisir un ensemble d'actionnaires détenant la majorité du pouvoir de contrôle. Le juge Noël a déclaré ce qui suit à la page 5188 :

[traduction]

Je ne pense pas que le Ministre soit autorisé, comme le prétend l'avocat de ce dernier, à choisir parmi différents groupes possibles un groupe détenant plus de 50 p. 100 des actions donnant droit de vote, même si les membres du groupe sont actionnaires ordinaires des deux sociétés, ni qu'un tel groupe puisse alors être absolument considéré comme détenant le pouvoir de contrôle aux fins de l'article 39(4) de la Loi. Ceci pourrait en effet conduire à une situation absurde dans laquelle toute société importante de ce pays pourrait être considérée comme associée à une autre.

  

[34]            Puis, dans l'affaire Regal Wholesale Ltd. c. La Reine (1976), 76 DTC 6146 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé a également conclu que les membres d'un « groupe de personnes » doivent posséder une « communauté d'intérêt » . Le juge Dubé a déclaré ce qui suit à la page 6152 :

[S]elon les dictionnaires Oxford et Webster, le mot « groupe » signifie « entité collective » et, par connotation, implique l'idée de « ségrégation » et de « communauté d'intérêt » .

[35]            Le précédent jurisprudentiel le plus important en ce qui concerne le contrôle par plus d'un actionnaire est la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Vina-Rug, précité. Dans cet arrêt, il s'agissait de savoir si une société contrôlée par un père et ses deux fils était associée à une deuxième société, dont plus de la moitié des actions étaient détenues par les deux fils et une partie non liée. La Cour a conclu que la deuxième corporation était contrôlée par les deux fils et la partie non liée parce qu'il existait entre les actionnaires [traduction] « un lien suffisant pour être en état d'exercer un contrôle » de la deuxième corporation. La Cour a déclaré ce qui suit à la page 196 :

[traduction]

Le juge de première instance a conclu que John Stradwick Jr, W.L. Stradwick et H.D. McGilvery, qui collectivement détenaient plus de 50 p. 100 des actions de Stradwick's Limited, avaient à toutes les époques pertinentes un lien suffisant pour être en état d'exercer un contrôle sur Stradwick's Limited et, par conséquent, constituaient un « groupe de personnes » au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je souscris à cette conclusion.    [Je souligne.]

  

[36]            Selon ces décisions, je souscris à l'argument de l'appelante selon lequel la simple possession d'une majorité mathématique d'actions par un ensemble d'actionnaires pris au hasard dans une corporation à grand nombre d'actionnaires ayant certains éléments communs identificateurs (p. ex. le lieu de résidence) mais sans un lien commun ne constitue pas un contrôle de droit ainsi que le terme a été défini par la jurisprudence. Je souscris également à l'argument de l'appelante selon lequel pour que plus d'une personne soit en position d'exercer un contrôle, il est nécessaire qu'il y ait un lien suffisant entre les actionnaires. Ce lien doit inclure, notamment, une entente de vote, une entente pour agir de concert ou des liens commerciaux ou familiaux.

[37]            En l'espèce, on n'a présenté aucune preuve qui suggérerait que les actionnaires non résidents voteront en bloc lors de l'élection des administrateurs d'Alias ou d'autres questions importantes liées au contrôle de cette société. La résidence des actionnaires ne fournit à elle seule aucune indication quant à la question de savoir s'ils étaient d'accord quant aux questions importantes liées au contrôle d'une société. Le fait que plus de la moitié des actionnaires d'Alias résident aux États-Unis alors qu'il n'y a pas de preuve qu'ils ont un lien ou qu'ils connaissent l'identité des autres ne fournit aucune indication quant à savoir s'ils pourraient être d'accord au sujet d'une question liée au contrôle de la société.

Arguments législatifs


[38]            Selon l'intimée, pour l'application de la définition d'une CPCC du paragraphe 125(7), c'est la résidence des actionnaires qui est déterminante. L'intimée a soutenu que la question de la résidence des actionnaires est essentielle à la détermination de l'existence d'une CPCC, l'accent étant placé non pas sur la question de savoir si les actionnaires forment un groupe majoritaire, mais plutôt sur la résidence de ceux qui ont le pouvoir de choisir le conseil d'administration.

[39]            Il me semble que l'intimée, en avançant ces propositions, n'a pas mis l'accent sur l'importance du mot « contrôle » de la définition de CPCC du paragraphe 125(7). La résidence d'une proportion d'actionnaires ne peut certainement pas indiquer s'ils ont ou non le pouvoir de contrôler la corporation. En effet, les arguments de l'intimée reviennent en fait à dire que si une majorité des actions d'une corporation sont possédées par des non-résidents, alors ce sont ces derniers qui exercent le contrôle. La difficulté que j'éprouve à l'égard de cet argument est qu'aucun mot évoquant la possession n'est utilisé dans la définition de CPCC du paragraphe 125(7).

[40]            Les rédacteurs de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) auraient pu utiliser le concept de possession plutôt que celui du contrôle si telle avait été leur intention. Les mots « possession » et « possédé » ont été utilisés dans d'autres parties de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par exemple, le paragraphe 139A(1), qui figurait dans la Loi de l'impôt sur le revenu antérieure à 1972 et précédait donc la définition de CPCC, précisait ce qui suit :

139A. (1) Aux fins de la présente loi, une corporation est dans une mesure quelconque possédée par des Canadiens dans une année d'imposition si pendant l'entière période de soixante jours précédant immédiatement ladite année [...] au moins 25 p. 100 des actions émises de la corporation, admises en toutes circonstances aux pleins droits de vote, aient été possédées par un ou plusieurs particuliers résidant au Canada, ou par une ou plusieurs corporations contrôlées au Canada ou par une combinaison desdits particuliers et corporations, [...]


Les paragraphes 88(1) et (1.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu traitent de la liquidation d'une société dans une société mère et prévoient encore aujourd'hui ce qui suit dans leur préambule :

Lorsqu'une société canadienne imposable (appelée « filiale » au présent paragraphe) a été liquidée [...], qu'au moins 90 % des actions émises de chaque catégorie de son capital-actions appartenaient, immédiatement avant la liquidation, à une autre société canadienne imposable [...]

[41]            Il convient de remarquer également que dans L.C. 1998, ch. 19, paragraphes 145(2) et 145(5), le paragraphe 125(7) a été modifié pour les années d'imposition postérieures à 1995 par l'ajout d'un paragraphe à la définition de CPCC qui met l'accent sur la possession. L'article original demeure inchangé tout comme l'alinéa a) de la définition, à l'exception de l'ajout d'une référence au nouvel alinéa c). Dans le contexte des faits de l'espèce, la modification à l'alinéa b) prévoit que toutes les actions détenues par chaque personne non résidente sera réputée être détenue par une personne non résidente. Si cette personne non résidente hypothétique contrôlait la corporation, alors cette dernière n'est pas une CPCC. Le libellé de la définition prévue par L.C. 1998, ch. 19, paragraphe 145(2) est ainsi rédigé :

« Société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes :

a) la société contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes ou par une ou plusieurs sociétés publiques, sauf une société à capital de risque visée par règlement, ou par une combinaison de celles-ci;

b) si chaque action du capital-actions d'une société appartenant à une personne non résidente ou à une société publique, sauf une société à capital de risque visée par règlement, appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;

c) la société dont une catégorie d'actions du capital-actions est cotée à une bourse de valeurs visée par règlement; [Je souligne.]

La définition a encore été modifiée pour les années d'imposition postérieures à 1999 par L.C. 2001, ch. 17, paragraphes 113(2) et 113(4), mais pas d'une façon pertinente à la question examinée en l'espèce.

[42]            L'intimée soutient qu'il n'est pas permis à la Cour d'examiner les modifications ultérieures apportées à la définition de CPCC du paragraphe 125(7) et se fonde sur le paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, qui est ainsi rédigé :

45. (2) La modification d'un texte ne constitue pas ni n'implique une déclaration portant que les règles de droit du texte étaient différentes de celles de sa version modifiée ou que le Parlement, ou toute autre autorité qui l'a édicté, les considérait comme telles.


[43]            Toutefois, la Loi d'interprétation n'empêche pas la Cour de tirer une inférence selon laquelle les modifications sont destinées à changer la loi lorsque la preuve interne et externe justifie une telle conclusion. On a suggéré qu'il existe une présomption selon laquelle les modifications apportées au libellé d'une loi sont volontaires et que les dispositions de la Loi d'interprétation mentionnées ci-dessus n'empêchent pas la Cour de reconnaître que, en principe du moins, l'objet principal des modifications est de provoquer un changement considérable du droit. Voir R. Sullivan, éd., Driedger On The Construction of Statutes, 3e éd. (London : Butterworths, 1994) à la page 451.

[44]            En l'espèce, il me semble que lorsque le Parlement souhaite que la simple possession des actions soit importante dans la détermination du contrôle, il recourt aux mots « possédé » et « possession » . Ainsi, je conclus que le mot « contrôle » de la version non modifiée de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) n'évoque pas la simple possession.

[45]            Je suis d'avis qu'il s'agit d'une circonstance où il est manifeste qu'une modification importante a été apportée à une disposition législative. La modification concernait le fait que la simple possession d'actions par une majorité de non-résidents suffirait à conférer le contrôle à ces non-résidents. Cela justifie mon opinion selon laquelle la définition de CPCC du paragraphe 125(7) dans sa forme non modifiée exige qu'il y ait un lien entre les actionnaires afin de démontrer qu'un groupe d'actionnaires possède le contrôle.

[46]            Il convient également de mentionner que le libellé de la définition de CPCC du paragraphe 125(7) est différent des autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui font référence au contrôle d'une corporation. Par exemple, le paragraphe 39(4), la disposition examinée dans les affaires Buckerfield's, précitée, Dworkin Furs, précitée et Vina-Rug, précitée, précise ce qui suit :

Aux fins du présent article, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année, [...]


b) les deux corporations étaient contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes, [...] (Je souligne.)

[47]            La définition de CPCC du paragraphe 125(7) ne fait pas mention de l'expression « groupe de personnes » comme le fait le paragraphe 39(4), mais ne fait que préciser ce qui suit :

« corporation privée dont le contrôle est canadien » désigne une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes, par une ou plusieurs corporations publiques (autre qu'une corporation à capital de risque prescrite) ou par une combinaison de celles-ci.(Je souligne.)

L'intimée a soutenu que l'absence des mots « groupe de personnes » dans la définition de CPCC la distingue des autres dispositions et que les affaires comme Yardley Plastics, précitée et Regal Wholesale, précitée, ne s'appliquent pas (Yardley Plastics et Regal Wholesale suggèrent qu'un lien doit exister entre les actionnaires pour qu'on puisse conclure à l'existence d'un contrôle de droit).


[48]            Une incohérence dans la position maintenant adoptée par le ministre est révélée par l'opinion exprimée par Revenu Canada à l'époque où les règles de l'acquisition du contrôle contenues dans la loi recouraient à l'expression « une ou plusieurs personnes » . Avant 1987, les paragraphes 111(4) et 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu limitaient la déduction de pertes par une société aux circonstances où « le contrôle d'une corporation a été acquis par une ou plusieurs personnes » qui ne contrôlaient pas la société au moment où les pertes ont été subies. Dans le 1984 Conference Report de la table ronde de Revenu Canada (Toronto : Association canadienne d'études fiscales, 1985) aux pages 816 et 817, les réponses suivantes ont été données par des fonctionnaires qui répondaient aux questions suivantes :

[traduction]

Question 42

Quelle est la position du ministère en ce qui concerne l'acquisition du contrôle de la corporation non rentable par une ou plusieurs personnes au sens des paragraphes 111(4) et 111(5) dans les exemples suivants?

(1)    Plus de la moitié d'une corporation à grand nombre d'actionnaires qui n'est pas rentable est détenue par une autre corporation à grand nombre d'actionnaires. La corporation majoritaire aliène un nombre suffisant d'actions d'une corporation non rentable au public de sorte qu'elle ne contrôle plus la corporation non rentable [...]

Position du ministère

(1)    Si l'on peut identifier après la vente les personnes qui possèdent dans l'ensemble plus de la moitié des actions de la corporation non rentable et qui agissent ensemble pour la contrôler, nous considérerons que le contrôle a été acquis à la suite de la vente [...]

Commentaires

Le critère du contrôle est celui du contrôle de droit tel qu'il a été établi par les tribunaux.

Il n'y a pas de jurisprudence portant sur « le contrôle [...] acquis par une ou plusieurs personnes » . Nous sommes d'avis que des « personnes » seront réputées avoir collectivement acquis le contrôle lorsqu'il y a des éléments de preuve indiquant qu'elles ont un lien, un intérêt ou qu'elles agissent ensemble pour contrôler la corporation. (Je souligne.)

[49]            Cela est davantage illustré par les notes techniques du paragraphes 111(5), publiées lorsque la modification a été effectuée en 1987 :

[traduction]

[Les mots « une ou plusieurs personnes » au début du paragraphe 111(5) sont remplacés par « une personne ou un groupe de personnes » . Cela rend la terminologie compatible avec celle utilisée ailleurs dans la Loi en ce qui concerne le contrôle et ne vise pas à modifier la signification.]


[50]            Bien entendu, les notes techniques ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent être examinées. Voir Canada c. Succession Ast (C.A.), [1997] A.C.F. no 267 (C.A.), par. 27 :

Les interprétations administratives, comme les notes techniques, ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent avoir un certain poids et même constituer un facteur important dans l'interprétation des lois. Les notes techniques sont très largement acceptées par les tribunaux pour aider à l'interprétation des lois. L'importance accordées aux notes techniques au niveau de l'interprétation est particulièrement grande lorsque, au moment où une modification était à l'étude, le législateur était conscient que cette modification pouvait donner lieu à une interprétation administrative particulière, et qu'il a néanmoins décidé de l'adopter.

[51]            Une position semblable a été avancée à la Conférence de 1995 de l'Association canadienne d'études fiscales, table ronde de Revenu Canada, 1995 Conference Report (Toronto : Association canadienne d'études fiscales, 1996) à la page 52:10, où la position du ministère a été précisée ainsi :

Nous sommes toujours d'avis que les personnes qui possèdent la majoritédes actions avec droit de vote dans une sociétéconstituent un groupe qui exerce un contrôle de droit sur cette société. Deux personnes ou plus qui deviennent propriétaires de la majoritédes actions avec droit de vote d'une sociétéseront généralement considérées comme exerçant un contrôle sur la société, si elles s'entendent pour voter conjointement ou s'il y a des preuves qu'elles agissent ou ont l'intention d'agir de concert pour contrôler la société. Un groupe de personnes serait considérécomme agissant de concert, lorsque ses membres exécutent d'une manière interdépendante des transactions visant un objectif commun. Les membres d'un groupe doivent être liés par des intérêts communs; autrement, il n'est pas possible de s'assurer que l'acquisition du contrôle résulte d'une action concertée et préméditée plutôt que d'un événement fortuit.


[52]            Bien entendu, les déclarations des fonctionnaires de Revenu Canada ne sont pas déclaratoires du droit. Toutefois, dans la décision récente de Canadian Occidental (U.S.) Petroleum Ltd. c. La Reine, [2001] DTC 295 (C.C.I.), le juge en chef adjoint Bowman a fait remarquer que bien que la position administrative de Revenu Canada ne soit pas déclaratoire du droit, elle est néanmoins utile dans des circonstances où le ministre souhaite établir une nouvelle cotisation d'une manière qui n'est pas compatible avec sa propre position administrative. Le juge en chef adjoint Bowman a déclaré ce qui suit à la page 299 :

La Cour n'est pas liée par la pratique du ministère même s'il n'est pas rare de l'examiner pour voir si elle peut être utile pour résoudre un doute : Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, aux pages 36 et 37 (83 DTC 5041, à la page 5044). J'ajouterais comme corollaire que la pratique du ministère peut être utile pour résoudre un doute en faveur d'un contribuable. On ne pourrait justifier son utilisation comme moyen de résoudre un doute en faveur du ministère même qui a élaboré cette pratique.

[53]            Mis à part les déclarations des fonctionnaires du ministère, je doute qu'il existe une différence entre la signification de l'expression « contrôlée [...] par une ou plusieurs personnes » et de l'expression « contrôlée par une personne ou un groupe de personnes » .

[54]            Dans l'affaire Buckerfield's, précitée, le président Jackett a déclaré ce qui suit à la page 5303 :

[traduction]

Le mot « groupe » dans son sens ordinaire, ainsi que je le comprends, peut faire référence à un nombre de personnes variant de deux à l'infini.


Dans le contexte du contrôle, l'expression « une ou plusieurs personnes » doit certainement avoir la même signification et, par conséquent, je suis d'avis que le concept de « groupe de personnes » ainsi que la jurisprudence connexe sont applicables lorsque l'on interprète la définition de CPCC du paragraphe 125(7). Le mot important est « contrôle » et, à mon avis, ce mot exige qu'il y ait un lien suffisant entre les différentes personnes visées par la définition pour que l'on puisse considérer que ces personnes exercent un contrôle. Il convient de remarquer également que l'affirmation de l'intimée selon laquelle il existe une distinction volontaire dans la Loi de l'impôt sur le revenu entre l'expression « contrôle [...] par un groupe de personnes » et « contrôle [...] par une ou plusieurs personnes » n'est pas compatible avec les commentaires publiés de Revenu Canada et du ministère des Finances.

[55]            En conclusion, je suis d'avis que l'expression « contrôle [...] par une ou plusieurs personnes » qui figure toujours dans la définition de CPCC n'a pas une signification différente de l'expression « contrôle [...] par une personne ou un groupe de personnes » . Ainsi, la jurisprudence découlant de l'interprétation de l'expression « contrôle [...] par une personne ou un groupe de personnes » s'applique. Par conséquent, il doit y avoir un lien ou un intérêt entre les membres d'un groupe ou l'on doit faire la preuve que ces derniers agissent de concert afin d'exercer un contrôle. Une telle preuve n'a pas été déposée en l'espèce.

Arguments politiques

[56]            L'intimée a avancé un autre argument selon lequel l'objet principal des avantages fiscaux sous-jacents accordés aux CPCC visaient à favoriser la croissance économique et à augmenter le nombre d'emplois au Canada. On a affirmé que les avantages fiscaux sont limités aux CPCC de sorte que le régime fiscal subventionne la croissance des petites entreprises dont la propriété est canadienne plutôt que les entreprises principalement détenues par des intérêts étrangers.


[57]            À cet égard, il convient de noter que la majorité des membres du conseil d'administration d'Alias et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens, que le principal établissement d'Alias se trouvait au Canada et que le développement du produit se faisait au Canada, ce qui suggère en effet que la croissance économique et les augmentations du nombre d'emplois au Canada avaient lieu.

Conclusion

[58]            Selon l'analyse qui précède, je suis convaincu que le concept de contrôle de droit ainsi qu'il a été élaboré dans les affaires Buckerfield's, Yardley Plastics, Vina-Rug et Duha Printers s'applique totalement à la définition de CPCC du paragraphe 125(7). En particulier, le contrôle de fait comporte une exigence selon laquelle un lien ou un intérêt doit exister entre les actionnaires qui composent le « groupe de personnes » ou qu'il doit y avoir une preuve selon laquelle ces actionnaires agissent de concert afin d'exercer le contrôle de la société.

[59]            En l'espèce, il n'y a pas une telle preuve. Au contraire, Alias était une corporation à grand nombre d'actionnaires et rien dans la preuve n'indiquait que les actionnaires non résidents se connaissaient. Par conséquent, je conclus que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant que les actionnaires non résidents possédaient un contrôle de droit d'Alias.

[60]            Ayant conclu que les actionnaires non résidents ne possédaient pas le contrôle de droit d'Alias, je me pencherai maintenant sur la question de savoir si un actionnaire non résident possédait un contrôle de fait.


Contrôle de fait

[61]            Le juge de première instance a conclu qu'il n'était pas nécessaire de formuler une conclusion à l'égard du contrôle de fait. Néanmoins, en appel, l'intimée a présenté essentiellement le même argument qu'elle avait avancé au procès et comme j'ai conclu que les actionnaires non résidents ne possédaient pas le contrôle de droit, il est nécessaire d'examiner la question de savoir si les actionnaires non résidents possédaient le contrôle de fait.

[62]            L'intimée, dans sa réponse modifiée, a prétendu que les non-résidents avaient le contrôle de fait d'Alias parce que,

[traduction]

tout au long des années d'imposition d'Alias se terminant le 31 janvier 1992 et le 31 janvier 1993, une ou plusieurs personnes non résidentes avaient une influence directe ou indirecte qui, si elle était exercée, aurait entraîné le contrôle de fait au cours des années.

[63]            L'intimée a soutenu que Silicon Graphics Inc. (Silicon US), une corporation publique américaine dont les actions étaient cotées à la bourse de New York, contrôlait en fait Alias en raison d'un prêt qu'elle lui avait consenti. L'argument était le suivant :

[traduction]

En décembre 1991, Silicon US a consenti à avancer un montant jusqu'à concurrence de 5 000 000 $US à Alias en contrepartie d'une garantie dans tous les biens d'Alias et de l'émission d'un mandat en vue de l'acquisition d'actions ordinaires d'Alias. Lors de la période au cours de laquelle le prêt était impayé, Silicon US a décidé quels créanciers seraient payés et le montant de ce paiement. Alias devait préparer les prévisions des recettes quotidiennes qu'elle devait présenter à Silicon US pour approbation. Cette dernière contrôlait effectivement les finances d'Alias. En conséquence de cet endettement, Silicon US possédait le contrôle de fait d'Alias à un minimum pendant la période au cours de laquelle le prêt était impayé.


[64]            En outre, l'intimée a soutenu que les actions et la participation de Silicon US s'étendaient au-delà de ce qui était nécessaire pour la sauvegarde de ses droits et des intérêts à l'égard du prêt. L'intimée a prétendu que d'autres éléments de preuve démontraient l'influence considérable continue de Silicon US sur Alias :

[traduction]

·              Le fondateur de Silicon US était un administrateur d'Alias;

·              Le président, directeur de l'exploitation et directeur général lors des années en litige avait été auparavant un cadre supérieur de Silicon US;

·              Silicon US avait effectué des contributions financières à Alias pour l'élaboration et la commercialisation de logiciels;

·              Alias dépendait de Silicon US compte tenu du fait que les logiciel d'Alias n'étaient exploités que par le matériel de Silicon pendant les années en litige.

[65]            Comme l'hypothèse du contrôle de fait a été établie par le ministre, il revient à l'intimée d'établir les faits nécessaires permettant de soutenir ce fondement de rechange à l'égard de la cotisation. Voir La Reine c. Bowens (1996), 96 DTC 6128 à la page 6129 (C.A.F.) et Pollock c. La Reine (1994), 94 DTC 6050 à la page 6053 (C.A.F.).


[66]            La jurisprudence suggère qu'en décidant de la question de savoir si un contrôle de fait existe, il est nécessaire d'examiner les ententes externes (Duha Printers, précité, à la page 825); les résolutions des actionnaires (Société Foncière d'Investissement Inc. c. Canada, [1996] A.C.I. no 1568, par. 10 (C.C.I.)); et la question de savoir si une partie peut modifier le conseil d'administration ou si la convention des actionnaires accorde à une partie la possibilité d'influencer la composition du conseil d'administration (International Mercantile Factors Ltd. c. The Queen (1990), 90 DTC 6390 à la page 6399 (C.F. 1re inst.), conf. par (1994), 94 DTC 6365 (C.A.F.); et Multiview Inc. c. La Reine (1997), 97 DTC 1489 aux pages 1492 et 1493 (C.C.I.)).

[67]            Par conséquent, je suis d'avis que pour que l'on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d'administration ou des pouvoirs du conseil ou d'influencer d'une façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d'administration.

[68]            L'intimée n'a présenté aucune preuve qui aurait satisfait à ces critères. Rien dans la preuve n'indique que Silicon US, en tant que créancière, ait déjà exercé un contrôle opérationnel d'Alias. Elle n'a fait que prêter de l'argent à Alias et a entrepris des démarches pour s'assurer que l'argent ne sera dépensé que pour protéger sa position en tant que prêteuse. En outre, l'entente de préfinancement de 5 000 000 $ n'a été en vigueur que pendant sept semaines, et le prêt a été remboursé avant la fin de l'année d'imposition d'Alias. Au surplus, la preuve indique que Silicon US ne souhaitait pas contrôler Alias parce qu'elle ne voulait pas sembler partiale à l'égard des autres clients qui était des concurrents d'Alias. Silicon US n'a jamais tenté de mettre en place une personne à un poste de direction ou d'administration.


[69]            Le fait que le fondateur de Silicon US était un administrateur d'Alias et membre d'un conseil d'administration composé de quatre administrateurs n'est pas convaincant. La suggestion selon laquelle le président, directeur de l'exploitation et directeur général pendant les années en litige avait été auparavant un cadre supérieur de Silicon US ne tient pas compte du fait qu'Alias elle-même suggérait que cette personne occupait ce poste. En d'autres termes, il ne s'agissait pas d'une chose que Silicon US avait imposée à Alias.

[70]            En outre, le fait que Silicon US ait effectué des contributions financières à Alias pour l'élaboration et la commercialisation de logiciels et que les logiciels d'Alias n'étaient exploités que par le matériel de Silicon démontre difficilement le genre de contrôle nécessaire s'apparentant à un contrôle de fait.

[71]            Il semblerait que les faits invoqués par l'intimée en rapport avec le prêt consenti par Silicon US démontre simplement que Silicon US protégeait ses intérêts en tant que prêteur à Alias. Le paragraphe 256(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que lorsqu'une partie possède un contrôle de fait pendant une période afin de sauvegarder ses droits ou ses intérêts, cette partie est réputée ne pas avoir le contrôle de fait.

[72]            En tout état de cause, il semblerait que le contrôle de fait demeure toujours au Canada en raison des conclusions de fait suivantes formulées au procès :

e)             la majorité des membres du conseil d'administration et tout le personnel de direction étaient des résidents canadiens;

f)             le principal établissement d'Alias était à Toronto (Ontario);

g)             le personnel de direction de Toronto dressait annuellement une liste de candidats à élire au conseil d'administration, laquelle liste était toujours retenue par les actionnaires.


Conclusion

[73]            Je conclus qu'Alias était une CPCC tout au long des années 1992 et 1993 parce qu'elle n'était pas contrôlée directement ou indirectement de quelque manière que ce soit par une ou plusieurs personnes non résidentes.

[74]            Par conséquent, j'accueillerais l'appel avec dépens, tant de la Cour canadienne de l'impôt que de cette Cour, j'annulerais le jugement de la Cour canadienne de l'impôt daté du 28 mars 2001 et j'ordonnerais que la détermination des pertes effectuée en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition d'Alias Research Inc. se terminant le 31 janvier 1992 et le 31 janvier 1993 soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation au motif qu'Alias Research Inc. était, tout au long de ses années d'imposition 1992 et 1993, une corporation privée dont le contrôle est canadien au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

  

                                                                           « J. EDGAR SEXTON »     

                                                                                                             Juge                    

« Je souscris.

    Juge A.J. Stone »

« Je souscris.

    Juge Marshall Rothstein »

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           A-286-01

INTITULÉ :                                           Silicon Graphics Ltd. c. Sa Majesté la Reine

DATE DE L'AUDIENCE :                 13 mai 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :              Le juge Stone

Le juge Rothstein

DATE :                                                  17 juin 2002

COMPARUTIONS :             

Roger E. Taylor

Edmund C. Rowe

Paul Lefebrve                                                                                  Pour l'appelante

Harry Erlichmann

Elizabeth Chasson                                                                           Pour l'intimée

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Donahue Ernest & Young, s.r.l.                                        Pour l'appelante

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               Pour l'intimée

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