Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20031014

Dossier : A-123-03

Référence : 2003 CAF 377

CORAM:        LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                                    VADEN SACREY

                                                                                                                                                      défendeur

                               Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 1er octobre 2003

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                              LE JUGE PELLETIER


Date : 20031014

Dossier : A-123-03

Référence : 2003 CAF 377

CORAM:        LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                                    VADEN SACREY

                                                                                                                                                      défendeur

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]                 Le défendeur a quitté son emploi à Halifax, sur les conseils d'une amie qui lui avait dit qu'il se trouverait un emploi auprès d'INCO à Thomson (Manitoba). Lorsque le défendeur est arrivé à Thomson, il a appris qu'INCO n'embauchait pas d'employés et ne le ferait pas avant quelques autres mois. La Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté sa demande de prestations au motif qu'il avait quitté son emploi sans justification. Le défendeur a interjeté appel de la décision devant le conseil arbitral.


[2]                 Selon la preuve présentée au conseil, l'amie sur les conseils de laquelle le défendeur s'est fondé n'avait pas de liens avec l'employeur, et le défendeur n'avait non plus jamais communiqué avec un représentant de l'employeur (dossier du demandeur (d.d.), page 26). L'amie s'était fiée sur des conversations qu'elle avait eues avec son oncle, décrit par elle comme un avocat bien en vue de Thomson (d.d., page 36).

[3]                 Le conseil arbitral était convaincu que, dans les circonstances, le défendeur avait « [traduction] fait un choix raisonnable, sur la foi de renseignements reçus d'une amie et du cabinet d'avocats MacDonald, établi de longue date à Thomson (Manitoba) » . Selon le conseil, le défendeur avait « [traduction] suffisamment l'assurance d'un autre emploi pour satisfaire au critère de la justification » (d.d., page 42). La Commission a interjeté appel devant un juge-arbitre.

[4]                 Le juge-arbitre a rejeté l'appel en ces termes :

Le conseil a conclu que l'assurance fournie par l'ami du prestataire était une assurance suffisante d'emploi qui respectait le critère de la justification. C'est une conclusion de fait qui s'inscrit dans la compétence du conseil. Je ne crois pas que j'aurais pu tirer une telle conclusion, mais je ne peux dire qu'elle a été tirée de façon abusive ou arbitraire. Il s'agit certainement d'une conclusion de fait qui a tenu compte des éléments portés à la connaissance du conseil.

                                                                                                                                     [d.d., page 5]

[5]                 La question en litige, en l'espèce, concerne l'interprétation et l'application du sous-alinéa 29c)(vi) et du paragraphe 30(1) que voici de la Loi sur l'assurance-emploi :

29.            Pour l'application des articles 30 à 33 :

[...]

29.            For the purposes of sections 30 to 33,

[...]

c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

(c) just cause for voluntarily leaving an employment or taking leave from an employment exists if the claimant had no reasonable alternative to leaving or taking leave, having regard to all the circumstances, including any of the following:

(i)         harcèlement, de nature sexuelle ou autre,

(i)         sexual or other harassment,

(ii)         nécessité d'accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,

(ii)         obligation to accompany a spouse, common-law partner or dependent child to another residence,

(iii)         discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,

(iii) discrimination on a prohibited ground of discrimination within the meaning of the Canadian Human Rights Act,

(iv)         conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

(iv)         working conditions that constitute a danger to health or safety,

(v)         nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent,

(v)         obligation to care for a child or a member of the immediate family,

(vi)         assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat,

(vi)         reasonable assurance of another employment in the immediate future,

(vii) modification importante de ses conditions de rémunération,

(vii) significant modification of terms and conditions respecting wages or salary,

(viii) excès d'heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,

(viii) excessive overtime work or refusal to pay for overtime work,

(ix)         modification importante des fonctions,

(ix)         significant changes in work duties,

(x)         relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,

(x)         antagonism with a supervisor if the claimant is not primarily responsible for the antagonism,

(xi)         pratiques de l'employeur contraires au droit,

(xi)         practices of an employer that are contrary to law,

(xii) discrimination relative à l'emploi en raison de l'appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,

(xii) discrimination with regard to employment because of membership in an association, organization or union of workers,

(xiii) incitation indue par l'employeur à l'égard du prestataire à quitter son emploi,

(xiii) undue pressure by an employer on the claimant to leave their employment, and

(xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

(xiv) any other reasonable circumstances that are prescribed.

30.            (1)            Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

30.            (1)            A claimant is disqualified from receiving any benefits if the claimant lost any employment because of their misconduct or voluntarily left any employment without just cause, unless

a) que, depuis qu'il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures requis, au titre de l'article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;

(a) the claimant has, since losing or leaving the employment, been employed in insurable employment for the number of hours required by section 7 or 7.1 to qualify to receive benefits; or

b) qu'il ne soit inadmissible, à l'égard de cet emploi, pour l'une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(b) the claimant is disentitled under sections 31 to 33 in relation to the employment.

[6]                 Il n'est pas contesté que la définition de la « justification » , au sens du paragraphe 30(1) de la Loi, constitue une question de droit. Pour reprendre les termes du juge Pratte dans Tanguay c. La Commission d'assurance-chômage (1985), 68 N.R. 154 (C.A.F.), au paragraphe 7 :

Il est vrai que l'on dit parfois que la question de savoir si un employé était justifié de quitter son emploi est une question de fait. Il est clair, cependant, que lorsqu'on s'interroge sur la définition qu'il faut donner au mot « justification » dans le paragraphe 41(1), on se pose une pure question de droit. Il s'ensuit que si une décision est prononcée qui ne puisse se concilier avec cette définition, cette décision est entachée d'une erreur de droit.

Le juge Pratte a toutefois ajouté, au même paragraphe et entre parenthèses, qu'à son avis, appliquer la définition appropriée de la « justification » à un ensemble de faits donné constitue une « question d'opinion » plutôt qu'une « question de fait » :

(Comme la définition que l'on peut donner du terme « justification » dans le paragraphe 41(1) n'est cependant pas si précise qu'elle permette toujours de dire avec certitude si l'employé a quitté son emploi sans justification, des cas peuvent survenir où l'on peut décider dans un sens ou dans l'autre sans faire offense à la notion juridique de « justification » . On dit alors qu'il s'agit d'une question de fait; il serait plus exact de parler de question d'opinion.)

Notre Cour a cité en l'approuvant le paragraphe entier dans Canada (Procureur général) c. Martel (1994), 175 N.R. 275, à la page 283.


[7]                 Les dispositions pertinentes de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage en vigueur à l'époque de Tanguay (le paragraphe 41(1)) et de la Loi sur l'assurance-chômage de 1985 en vigueur à l'époque de Martel (le paragraphe 28(1)) n'étaient pas aussi détaillées qu'elles le sont devenues au fil des ans. On y prévoyait uniquement qu'un prestataire était exclu du bénéfice des prestations s'il « quitte volontairement son emploi sans justification » .

[8]                 La « justification » ( « est fondé à » ) n'a pas été définie avant l'ajout en 1990 (L.C. 1990, ch. 40, article 21) du paragraphe 28(4) de la Loi sur l'assurance-chômage. Ce paragraphe prévoyait alors ce qui suit :

28. (4) Pour l'application du présent article, le prestataire est fondé à avoir quitté volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ immédiat constituait la seule solution raisonnable dans son cas :

28. (4) For the purposes of this section "just cause" for voluntarily leaving an employment exists where, having regard to all the circumstances, including any of the circumstances mentioned in paragraphs (a) to (e), the claimant had no reasonable alternative to immediately leaving the employment:

a)    harcèlement, de nature sexuelle ou autre;

(a) sexual or other harassment;

b)    nécessité d'accompagner son conjoint ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence;

(b) obligation to accompany a spouse or dependent child to another residence;

c)    discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

(c) discrimination on a prohibited ground of discrimination within the meaning of the Canadian Human Rights Act;

d)    conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité;

(d) working conditions that constitute a danger to health or safety; and

e)    nécessité de prendre soin d'un enfant.

(e) obligation to care for a child.

[9]    En 1993 (L.C. 1993, ch. 13, article 19), on a ajouté les alinéas f) à n) qui suivent à la liste des circonstances énumérées au paragraphe 28(4) :


f) assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat;

(f) reasonable assurance of another employment in the immediate future;

g) modification importante de ses conditions de rémunération;

(g) significant modification of terms and conditions respecting wages or salary;

h) excès d'heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci;

(h) excessive overtime work or refusal to pay for overtime work;

i)modification importante des fonctions;

(i) significant changes in work duties;

j) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur;

(j) antagonistic relations between an employee and a supervisor for which the employee is not primarily responsible;

k) pratiques de l'employeur contraires au droit;

(k) practices of an employer that are contrary to law;

l) discrimination relative à l'emploi en raison de l'appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs;

(l) discrimination with regard to employment because of membership in any association, organization or union of workers;

m) incitation indue par l'employeur à l'égard d'employés à quitter leur emploi;

(m) undue pressure by an employer on employees to leave their employment; and

n) toute autre circonstance raisonnable prescrite.

(n) such other reasonable circumstances as are prescribed.

[10]            Lorsqu'on a adopté la Loi sur l'assurance-emploi en 1996 (L.C. 1996, ch. 23), le paragraphe 28(1) a été remplacé par le paragraphe 30(1) et le paragraphe 28(4) par l'alinéa 29c), avec de légères modifications non pertinentes pour nos fins.


[11]            La formulation du concept de « justification » s'étant affinée avec les années, il me semble que ce qu'on qualifiait de question de droit à l'origine est devenu, par suite de précisions détaillées et adaptées aux situations concrètes, une question mixte de fait et de droit. Je pense que, dans Tanguay, le juge Pratte avait entrevu que l'observation stricte du concept d'erreur de droit serait malaisée lorsqu'il a introduit la notion de « question d'opinion » , et il a reconnu que « des cas peuvent survenir où l'on peut décider dans un sens ou dans l'autre sans faire offense à la notion juridique de "justification" » . En ses propres termes, le juge Pratte a décrit simplement ce qui est maintenant devenu la norme de contrôle de la décision raisonnable. Ce qu'il disait, si on l'adapte à l'après Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, c'est que lorsqu'on a affaire à une question de droit et de fait et qu'il est clairement possible de distinguer la norme juridique à appliquer, la norme de contrôle sera généralement celle de la décision correcte quant à l'interprétation de la norme juridique et celle de la décision raisonnable quant à l'application de cette norme aux faits d'espèce.

[12]            Il faut, par conséquent, interpréter la norme juridique correctement mais, cela fait, l'application de cette norme peut entraîner divers résultats, dont l'ensemble ou une partie peuvent s'y concilier. La norme de la décision correcte s'appliquera à l'interprétation de la norme juridique, la norme de la décision raisonnable à son application (se reporter à Budhai et al. c. Canada (Procureur général) (2002), 292 N.R. 379 (C.A.F.), au paragraphe 47). Dans les cas où l'on pourrait trancher dans un sens ou dans l'autre sans porter atteinte à la norme juridique concernée, ou sans que cela soit incompatible avec celle-ci, la décision résistera au contrôle judiciaire.


[13]            La norme juridique spécifique en cause, en l'espèce, est celle de l' « assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat » (sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi sur l'assurance-emploi). Cette norme juridique spécifique doit être examinée en regard des normes juridiques de plus large portée de la « justification » et du départ constituant « la seule solution raisonnable » . Les principes énoncés par le juge Pratte dans Tanguay sont assurément d'actualité. Ils sont résumés en une phrase souvent citée, portant que les dispositions relatives à la justification « doivent être interprétées en ayant égard à l'obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque » (à la page 156). Est particulièrement pertinent, dans ce contexte, l'extrait suivant, cité de manière favorable par le juge Pratte dans Tanguay, à la page 157, des motifs du jugement du lord juge Donaldson, de la Cour d'appel de l'Angleterre, dans Crewe et al c. Social Security Commissioner, [1982] 2 All E.R. 745, à la page 750 :

[traduction]

[...] bien qu'il ait pu s'exposer au chômage en quittant volontairement son emploi, il a pu veiller à minimiser ce risque en obtenant la promesse d'un nouvel emploi immédiat ou en prenant des mesures susceptibles de lui procurer un tel emploi [...]

                                                                                                        [Non souligné dans l'original]

[14]            Les mots « assurance raisonnable » , selon le contexte et leur sens naturel, laissent entendre un certain degré mesurable de garantie. On définit le mot « assurance » dans Le Nouveau Petit Robert, 2001, à la page 159, comme « 4. Promesse ou garantie qui rend certain de qqch » et, dans Le Petit Larousse illustré, 1997, à la page 97, comme « 1. Certitude, garantie formelle » . En anglais, le mot « assurance » est défini dans le Black's Law Dictionary, 7e éd. (St. Paul : West Publishing Co., 1999) comme « 2. A pledge or guarantee, dans The Concise Oxford Dictionary, 10e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2001) comme « 1. a positive declaration intended to give confidence » , et dans The Merriam-Webster Dictionary (http://www.m-w.com/cgi-bin/dictionary) comme « [(2b)], a being certain in the mind. Le qualificatif « raisonnable » assouplit le sens plus rigoureux qu'on prête sinon au mot « assurance » ; ce qui constitue moins qu'une assurance formelle peut ainsi constituer une « assurance raisonnable » .


[15]            Ces mots ont maintes fois été examinés par notre Cour.

[16]            Dans Canada (Procureur général) c. Traynor (1995), 185 N.R. 81 (C.A.F.), notre Cour a conclu que « la lettre aussi bien que le fondement et l'objectif du programme d'assurance-chômage » n'autorisaient pas la requérante à quitter son emploi « dans le seul dessein d'améliorer sa situation sur le marché » (au paragraphe 11). Dans cette affaire, la requérante travaillait comme commis d'épicerie à Montréal. Elle a posé, avec succès, sa candidature à un poste dans le cadre d'un programme d'internat communautaire en diététique, à Kingston (Ontario). Il s'agissait d'un programme à plein temps, d'une durée de 10 mois, de formation pratique, sans aucun cours théorique. Par le passé, le gouvernement provincial versait une allocation aux stagiaires, mais il a mis fin à cette pratique en raison de réductions budgétaires. On a informé la requérante avant son départ de Montréal qu'aucun revenu ne lui serait versé pendant son stage. La Cour a alors conclu que faute de revenu, actuel ou éventuel, il ne pouvait y avoir assurance raisonnable d'un autre emploi, une rémunération étant requise pour qu'une situation constitue un « emploi » aux fins de la Loi. Comme la requérante n'avait pas quitté son travail en s'attendant à obtenir un « emploi » dans un proche avenir, elle ne tombait pas sous le coup de l'exception du sous-alinéa 29c)(vi).


[17]            Dans Canada (Procureure générale) c. Lessard (2002), 300 N.R. 354 (C.A.F.), notre Cour a conclu que, quand l'obtention d'un emploi est conditionnelle à la réussite d'un stage non encore commencé de treize semaines, il n'y a pas assurance raisonnable d'un autre emploi « dans un avenir immédiat » aux fins du sous-alinéa 29c)(vi). La Cour a déclaré, à titre de remarque incidente, qu'il était douteux qu'il « puisse y avoir "assurance raisonnable d'un autre emploi"[...] quand l'obtention d'un emploi est conditionnel à la réussite d'un stage non encore commencé de treize semaines » (au paragraphe 14). Notre Cour s'est attaquée directement à cette dernière question dans Canada (Procureur général) c. Shaw, 2002 C.A.F. 325, où elle a conclu qu'une offre conditionnelle d'emploi ne constituait pas une « assurance raisonnable d'un autre emploi » . Se reporter également à Canada (Procureur général) c. Laughland (2003), 301 N.R. 331 (C.A.F.), où notre Cour s'est dit d'avis, au paragraphe 12, que le régime d'assurance-emploi n'a pas pour objectif de « fournir à des personnes qui ont un emploi instable qu'ils quittent sans motif valable des prestations lorsqu'elles recherchent un travail plus intéressant et mieux payé » .

[18]            En l'espèce, faute de toute offre de l'employeur éventuel, de toute communication entre l'employeur et le défendeur et de la moindre idée, quant à ce dernier, de ce que serait le travail ou la rémunération, il n'y a pas d' « assurance » et il n'y a pas d' « emploi » . Nous n'en arrivons même pas au point où l'on pourrait se demander si l'assurance d'un emploi était ou non « raisonnable » .


[19]            En bout de ligne la juge-arbitre a appliqué une norme de contrôle inappropriée, comme elle a statué que la question dont elle était saisie en était une de fait. Or, manifestement, il s'agissait d'une question de fait et de droit. La juge-arbitre aurait dû se demander si le conseil arbitral avait fait une interprétation correcte de l' « assurance raisonnable » lorsqu'il l'a appliquée aux faits. L'eût-elle fait, elle aurait uniquement pu conclure que l'interprétation du conseil arbitral était erronée. La question du critère qu'il convient d'appliquer étant une question de droit (Housen, précité), la juge-arbitre était tenue d'intervenir pour appliquer le critère approprié (Budhai, précité, paragraphe 48). Si elle avait agi ainsi, elle aurait conclu que le demandeur n'avait pas l'assurance raisonnable d'obtenir un autre emploi; décision devrait être rendue en tenant cela pour acquis.

[20]            La demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie sans dépens, la décision de la juge-arbitre infirmée et l'affaire renvoyée au juge-arbitre en chef ou à son représentant pour qu'il rende une nouvelle décision, en tenant pour acquis que le défendeur devrait être exclu du bénéfice des prestations parce qu'il a quitté volontairement son emploi sans justification.

                                                                                                                                        _ Robert Décary _             

                                                                                                                                                                 Juge                          

« Je souscris aux présents motifs

     Alice Desjardins, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                                   A-123-03

INTITULÉ :                                                                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. VADEN SACREY

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                          HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                        LE 1er OCTOBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                                               LE 14 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Scott McCrossin

POUR LE DEMANDEUR

Vaden Sacrey

POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.