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Date : 20000509


Dossier : A-508-98


CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS


ENTRE :



ALEXANDER JAWORSKI



appelant



et



LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



intimé


     Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 20 mars 2000.

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 mai 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT :                              LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                  LE JUGE DÉCARY

                                         LE JUGE SEXTON



Date : 20000509


Dossier : A-508-98


CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS


ENTRE :



ALEXANDER JAWORSKI



appelant



et



LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



intimé



MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE EVANS

A.      INTRODUCTION

[1]      Un congédiement pour inconduite comporte normalement des conséquences sérieuses pour l'individu concerné ainsi que pour sa famille. Pareil congédiement peut occasionner une perte immédiate et future de revenu, et notamment la perte d'une pension et d'autres avantages, et peut ternir la réputation de l'individu, de sorte qu'il en résulte une perte financière additionnelle ainsi qu'un préjudice social et psychologique.

[2]      Reconnaissant les conséquences graves d'un congédiement pour inconduite ou pour incompétence, voici ce qu'a dit le juge Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt Kane c. Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, à la page 1113 :

Une justice de haute qualité est requise lorsque le droit d'une personne d'exercer sa profession ou de garder son emploi est en jeu.

[3]      Au mois de février 1997, la GRC a congédié le constable Alexander Jaworski, qui était marié et avait quatre enfants, après avoir conclu qu'il s'était conduit d'une façon dégradante, ce qui a jeté le discrédit sur la Gendarmerie. Un témoin avait identifié le constable Jaworski comme étant l'homme qu'elle avait vu se masturber au coin d'une ruelle et de la rue où elle habitait. Le constable Jaworski a toujours nié être cet homme; il affirme avoir été victime d'une erreur d'identification.

[4]      La principale question soulevée dans cet appel est de savoir si, selon la preuve dont il disposait, et notamment la preuve d'identification fondée sur une procédure viciée, il était loisible au commissaire de la GRC de conclure qu'il existait une preuve claire et forte justifiant le congédiement de l'appelant pour une inconduite qui aurait pu faire l'objet de procédures au criminel.

[5]      Nous sommes ici saisis d'un appel de la décision par laquelle le Juge Rothstein (tel était alors son titre) ([1998] 4 C.F. 154 (C.F. 1re inst.)) a rejeté une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision par laquelle le commissaire exigeait que le constable Jaworski démissionne dans un délai de 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié. Le constable Jaworski a refusé de démissionner et il a donc été congédié.

[6]      En prenant cette décision, le commissaire a confirmé la décision d'un comité d'arbitrage et n'a pas retenu le rapport du Comité externe d'examen qui avait conclu à l'existence d'une erreur manifeste et dominante dans les conclusions de fait tirées par le comité d'arbitrage, en particulier en ce qui concerne le fait que l'appelant avait été désigné comme étant l'homme que le témoin avait vu se masturber en public.

[7]      Les dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985) ch. R-10, qui sont ici pertinentes (en particulier l'article 45.1) exigent la tenue d'une audience par un comité d'arbitrage composé de trois officiers, dont l'un est diplômé d'une faculté de droit agréée. L'audience est d'une nature judiciaire relativement officielle, mais, sous réserve d'exceptions qui ne sont pas ici pertinentes, le comité d'arbitrage peut recevoir les éléments de preuve et renseignements fournis sous serment ou sous forme d'affidavit qu'il estime indiqués, « qu'ils soient ou non recevables devant un tribunal » : article 45 et alinéa 24.1(3)c).

[8]      Il s'agit ici d'un appel interjeté devant le commissaire au sujet des conclusions tirées ou de la peine imposée par le comité d'arbitrage dans sa décision : article 45.14. Toutefois, avant d'examiner un appel, le commissaire doit normalement renvoyer l'affaire à un comité externe d'examen : paragraphe 45.15(1). En étudiant l'affaire portée en appel, le commissaire doit tenir compte du dossier de l'audience tenue devant le comité d'arbitrage, du mémoire d'appel, des argumentations écrites additionnelles ainsi que des conclusions ou des recommandations, le cas échéant, exposées dans le rapport du Comité.

[9]      Le commissaire peut rejeter l'appel et confirmer la décision portée en appel, ou il peut accueillir l'appel et soit modifier ou annuler la peine imposée, soit ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un comité d'arbitrage.

[10]      Le commissaire est tenu de rendre une décision écrite et motivée.

45.16(5) The Commissioner shall as soon as possible render a decision in writing on an appeal, including reasons for the decision, and serve each of the parties to the hearing before the adjudication board whose decision was appealed and, if the case has been referred to the Committee pursuant to section 45.15, the Committee Chairman with a copy of the decision.

(6) The Commissioner is not bound to act on any findings or recommendations set out in a report with respect to a case referred to the Committee under section 45.15, but if the Commissioner does not so act, the Commissioner shall include in the decision on the appeal the reasons for not so acting.

45.16(5) Le commissaire rend, dans les meilleurs délais, une décision écrite et motivée sur tout appel dont il est saisi, et il en signifie copie à chacune des parties à l'audience tenue devant le comité d'arbitrage dont la décision a été portée en appel, ainsi qu'au président du Comité lorsque l'affaire a été renvoyée devant le Comité conformément à l'article 45.15.


(6) Le commissaire n'est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur une affaire qui a été renvoyée devant le Comité conformément à l'article 45.15; s'il choisit de s'en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.

[11]      Enfin, sous réserve du pouvoir que possède le commissaire de modifier ou d'annuler sa décision dans certaines circonstances (paragraphe 45.16(8)), l'article 45.16 prévoit ce qui suit :


(7) A decision of the Commissioner on an appeal under section 45.14 is final and binding and, except for judicial review under the Federal Court Act, is not subject to appeal to or review by any court.

(7) La décision du commissaire portant sur un appel exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur la Cour fédérale, n'est pas susceptible d'appel ou de révision en justice.

B.      LA PREUVE

     (i)      L'événement

[12]      En allant au magasin de quartier le 30 mars 1994 au soir, Mme Hutcheon, qui avait alors 25 ans et étudiait à l'université de Toronto, a remarqué un homme qui marchait dans la rue et qui semblait la dévisager. Lorsqu'elle a jeté un coup d'oeil en arrière, elle a vu cet homme commencer à grimper sur la clôture de l'arrière-cour de son immeuble, dans un quartier intermédiaire de la ville de Toronto, au coin des rues Ulster et Markham, à un pâté de maisons à l'ouest de la rue Bathurst. Ils étaient à une distance correspondant à environ quatre longueurs de voiture l'un de l'autre et ils se sont regardés pendant une dizaine de secondes; Mme Hutcheon trouvait que l'homme avait l'air agressif et a détourné les yeux. L'homme n'a pas grimpé sur la clôture et Mme Hutcheon est allée au magasin.

[13]      Lorsqu'elle est revenue quelques minutes plus tard, à environ vingt heures quarante-cinq, Mme Hutcheon a vu le même homme de l'autre côté de la rue, à une distance de deux longueurs de voiture cette fois-ci; il se masturbait, le pantalon baissé, à l'entrée d'une ruelle, rue Markham, à un demi-pâté de maisons à l'ouest de la rue Bathurst. Le visage de l'homme était en partie recouvert d'un blouson qu'il avait remonté comme s'il s'agissait d'un capuchon, mais Mme Hutcheon pouvait voir les yeux de l'homme et celui-ci l'a regardée pendant deux ou trois secondes avant de s'approcher d'elle.

[14]      Alarmée, Mme Hutcheon est retournée en courant chez elle à un demi-pâté de maisons de là; elle a alors raconté à son colocataire ce qui s'était passé. On a appelé la police, Mme Hutcheon a relaté l'événement à l'opératrice et elle a décrit l'homme en question.

[15]      Des agents de la Police de la communauté urbaine de Toronto sont arrivés sur les lieux au plus cinq minutes après que l'appel eut été effectué. Ils ont rencontré l'appelant, Alexander Jaworski. Ils n'ont vu personne d'autre dans le voisinage immédiat. Les agents de police ont demandé au constable Jaworski, qui n'était pas de service et qui ne portait pas d'uniforme, d'établir son identité, ce qu'il a fait en leur montrant son insigne de police.

     (ii)      Identification

[16]      Mme Hutcheon a témoigné qu'elle croyait avoir dit à l'opératrice que l'homme en question était de race blanche, qu'il mesurait environ cinq pieds six pouces à cinq pieds neuf pouces, qu'il avait des cheveux foncés et le front dégarni et qu'il portait un blouson gris ou vert semblable à un blouson de l'armée. Lorsque les agents de police sont arrivés, l'agent Matthews de la Police de la communauté urbaine de Toronto s'est rendu chez Mme Hutcheon. Il a noté la description donnée par cette dernière, à savoir que l'homme en question était un homme de race blanche, mesurant cinq pieds six pouces, portant un blouson ample à capuchon; il avait de 35 à 40 ans et portait un pantalon gris ou vert et il commençait peut-être à être chauve.

[17]      Un autre policier, l'agent Diaz, avait appris du répartiteur que Mme Hutcheon avait dit que l'homme portait un « haut gris » , alors qu'un troisième policier, l'agent Murphy, a témoigné que, selon la description initiale, l'homme portait un « survêtement gris à capuchon » . Toutefois, les policiers ont dit au constable Jaworski, lorsqu'ils l'ont d'abord vu, qu'ils cherchaient quelqu'un qui portait un blouson vert, comme le sien.

[18]      L'un des autres agents a alors dit à Mme Hutcheon que les policiers avaient trouvé un homme dont la description correspondait à celle qu'elle avait donnée. On a demandé à Mme Hutcheon de sortir le voir, ce qu'elle a fait avec réticence. Lorsqu'elle a d'abord vu le constable Jaworski, que les agents de la Police de la communauté urbaine de Toronto entouraient, Mme Hutcheon a dit qu'elle croyait que c'était l'homme qu'elle avait vu plus tôt ce soir-là, mais elle a ajouté qu'elle n'en était pas absolument certaine. Elle a déclaré s'inquiéter de ce qu'il puisse avoir une famille et de ce que l'événement puisse avoir de sérieuses conséquences pour lui.

[19]      Le 11 mai 1996, environ six semaines plus tard, la Police de la communauté urbaine a montré à Mme Hutcheon huit photographies montrant la tête et les épaules d'hommes qui avaient une moustache et lui ont demandé de désigner l'homme qu'elle avait vu s'exposer et se masturber. On lui a dit de ne pas songer à l'homme qu'elle avait vu avec les policiers le soir où l'événement en question s'était produit.

[20]      Mme Hutcheon a choisi la photographie du constable Jaworski comme étant celle qui ressemblait le plus à l'homme qu'elle avait vu se masturber. Encore une fois, elle a dit au policier qu'elle n'était pas absolument certaine d'avoir choisi le bon homme parce que, comme elle l'a déclaré : [TRADUCTION] « Je l'ai regardé, mais je ne songeais pas à me rappeler son visage. » Les photographies montraient toutes des hommes ayant une moustache, même si Mme Hutcheon n'avait pas mentionné auparavant que l'homme qu'elle avait vu avait une moustache.

[21]      À l'audience qui a eu lieu au début du mois de décembre 1996 devant le comité d'arbitrage, Mme Hutcheon a de nouveau identifié le constable Jaworski, mais elle a témoigné qu'elle ne s'était pas attendue à être capable de le faire. L'audience a eu lieu une vingtaine de mois après qu'elle eut d'abord identifié l'homme le soir où l'événement s'était produit.

[22]      Mme Hutcheon a également témoigné que lorsqu'on lui avait demandé d'identifier l'homme en question le soir où l'événement s'était produit, elle était certaine que c'était lui, mais qu'elle ne l'avait pas dit parce qu'elle était nerveuse et qu'elle s'inquiétait des conséquences que la chose aurait pour lui s'il avait une famille.

[23]      À certains égards, l'homme initialement décrit par Mme Hutcheon ressemblait énormément au constable Jaworski que le comité d'arbitrage avait devant lui : il s'agissait d'un homme de race blanche, d'une quarantaine d'années, aux cheveux foncés et ayant le front dégarni. À d'autres égards, le constable Jaworski ne ressemblait pas à l'homme en question : en particulier, il mesure près de six pieds, et non de cinq pieds six pouces à cinq pieds neuf pouces. De plus, le soir où l'événement s'est produit, il portait un blouson vert du genre blouson militaire, avec un capuchon qui était enroulé cette nuit-là et qui n'était pas visible, plutôt qu'un survêtement gris à capuchon, comme un policier l'avait noté en se fondant sur la description donnée par Mme Hutcheon. Toutefois, comme nous l'avons vu, la preuve sur ce point était plutôt confuse. Un agent a également déclaré que Mme Hutcheon avait affirmé que le suspect portait un pantalon gris ou vert, alors que le constable Jaworski portait un pantalon noir. De fait, Mme Hutcheon semble simplement avoir dit que le suspect ne portait pas des jeans bleus.

[24]      Mme Hutcheon a témoigné devant le comité d'arbitrage qu'elle ne pouvait pas comprendre pourquoi elle aurait dit que l'homme qu'elle avait vu mesurait cinq pieds six pouces, alors qu'il s'agissait également de sa propre taille et qu'elle était certaine qu'il était plus grand qu'elle. Elle a ajouté que lorsqu'elle avait vu l'homme se masturber, celui-ci avait la tête penchée. Elle a également dit au comité d'arbitrage qu'elle croyait bien que l'homme portait un blouson vert et que, lorsqu'elle a vu l'homme se masturber, son blouson était en partie remonté sur sa tête comme un capuchon.

     (iii)      La preuve indirecte

[25]      Lorsque les policiers ont rencontré le constable Jaworski et lui ont posé des questions, celui-ci a établi son identité, mais il s'est montré plutôt agressif envers l'un des policiers et d'une façon générale il ne coopérait pas. En réponse à des questions additionnelles qui lui ont été posées au sujet de ce qu'il faisait à cet endroit, le constable Jaworski a dit qu'il cherchait un homme qu'il avait vu regarder dans sa voiture, qui était garée derrière sa maison.

[26]      Les agents ont jugé cette explication invraisemblable, comme le comité d'arbitrage, qui a rejeté l'explication en disant qu'elle était [TRADUCTION] « improbable, voire bizarre » . Les détails de l'histoire ne sont pas pertinents ici parce que la conclusion d'invraisemblance tirée par le comité d'arbitrage n'est pas contestée. Toutefois, la déclaration de l'appelant selon laquelle il avait bu deux bouteilles de vin avec un ami plus tôt ce soir-là était confirmée par le fait qu'il sentait fortement l'alcool. De plus, les policiers ont reconnu que l'appelant vivait près de là, comme il le leur avait dit.

[27]      Les agents qui ont interrogé le constable Jaworski sur les lieux ont également signalé que le bouton du haut de son pantalon était détaché, soit une chose que le constable Jaworski a par la suite nié.

[28]      Enfin, certains éléments de preuve ont été présentés au sujet du quartier où l'événement s'est produit. L'événement s'est produit dans un quartier intermédiaire de la ville de Toronto, à moins d'un pâté de maisons de la rue Bathurst, qui a été décrite comme étant une rue passablement animée. Les policiers ont témoigné qu'à leur arrivée, ils avaient regardé d'un bout à l'autre de la rue Ulster, qu'ils n'avaient vu personne et qu'ils n'avaient pas vu d'autre homme pendant qu'ils interrogeaient le constable Jaworski. Les rues Markham et Ulster sont des voies urbaines résidentielles que les étudiants fréquentent parce qu'elles se trouvent à proximité de l'université.

C.      LA DÉCISION DU COMITÉ D'ARBITRAGE

[29]      Au début de sa longue décision, le comité d'arbitrage a déclaré que les principes qui s'appliquent à la preuve d'identification en matière pénale s'appliquaient à la procédure disciplinaire en cause, mais que la norme de preuve était moins stricte, c'est-à-dire que c'était la norme de la prépondérance des probabilités qui s'appliquait. Toutefois, à cause des conséquences sérieuses possibles de la décision du comité d'arbitrage, le constable Jaworski serait uniquement coupable d'inconduite si la preuve était claire et convaincante.

[30]      Le comité d'arbitrage a fait remarquer qu'il devait à la fois apprécier la crédibilité de Mme Hutcheon et [TRADUCTION] « examiner la démarche suivie aux fins de l'identification pour savoir si elle était erronée au point de rendre le résultat non fiable » (dossier d'appel, p. 66). Le comité d'arbitrage a ensuite décrit les trois occasions où Mme Hutcheon avait identifié le constable Jaworski; il a dit qu'en appréciant l'importance à accorder aux identifications effectuées lors de l'étalement de photos et à l'audience, il devait envisager la possibilité selon laquelle la première identification, lorsque le constable Jaworski [TRADUCTION] « était détenu et se trouvait dans un lieu où il était l'unique suspect que des agents de police en uniforme entouraient, et non dans une parade d'identification » influait peut-être sur ces identifications subséquentes (dossier d'appel, p. 68).

[31]      Le comité d'arbitrage est revenu sur ce point lorsqu'il a dit que sa principale préoccupation, en ce qui concerne la preuve d'identification présentée par Mme Hutcheon, était de savoir si elle [TRADUCTION] « était fondée sur son observation des présumés événements, ou si elle était fondée sur des observations subséquentes du suspect détenu par les policiers » (dossier d'appel, p. 70).

[32]      En examinant la question de savoir si la description donnée par Mme Hutcheon était digne de foi, le comité d'arbitrage a fait remarquer que, même si elle renfermait certaines incohérences, elle était également exacte sur certains points importants. Mme Hutcheon a favorablement impressionné le comité d'arbitrage en tant que témoin crédible : elle avait songé aux conséquences sérieuses qu'une erreur d'identification pouvait avoir pour le constable Jaworski et à son incertitude, mais elle avait néanmoins identifié le constable Jaworski en trois occasions différentes.

[33]      Le comité d'arbitrage considérait que la preuve d'identification fournie par Mme Hutcheon était étayée par la preuve indirecte, y compris le fait qu'il était peu probable que l'on trouve une personne dont l'apparence était semblable à celle de la personne décrite par le témoin fort peu de temps après la réception du rapport à l'endroit où l'événement s'était produit, ce lieu étant apparemment [TRADUCTION] « peu fréquenté » , puisque les agents semblaient n'avoir vu personne d'autre pendant qu'ils étaient là. Le comité d'arbitrage a également mentionné le fait que le bouton de pantalon était détaché, le fait que le constable Jaworski avait de toute évidence consommé de l'alcool, le fait qu'il n'avait pas coopéré avec au moins l'un des agents, le fait qu'il n'avait pas pu justifier d'une façon vraisemblable sa présence dans la rue, si ce n'est pour dire qu'il habitait à deux pâtés de maisons de là, et le fait qu'il n'avait pas demandé aux agents pourquoi il était détenu.

[34]      Le comité d'arbitrage a apprécié la crédibilité des témoins. Il considérait Mme Hutcheon comme un témoin crédible, mais il a également noté qu'il se pouvait que tout en étant sincère, elle se soit trompée. Par contre, le comité d'arbitrage considérait le constable Jaworski comme non crédible, en se fondant en bonne partie sur l'explication invraisemblable qu'il avait fournie pour justifier sa présence dans la rue ainsi que sur son comportement à l'audience.

[35]      Tout en reconnaissant que l'identification du constable Jaworski n'avait pas été [TRADUCTION] « parfaite sur le plan de la procédure » (dossier d'appel, p. 74), et [TRADUCTION] « après avoir exercé beaucoup de prudence et examiné de près les circonstances dans lesquelles l'identification avait été faite » , le comité d'arbitrage a conclu que, dans l'ensemble, la preuve établissait d'une façon claire et convaincante que l'appelant était l'homme que Mme Hutcheon avait observé.

D.      LE COMITÉ EXTERNE D'EXAMEN

[36]      Comme l'exige la Loi sur la gendarmerie royale du Canada, au paragraphe 45.15(1), le commissaire a renvoyé la décision du comité d'arbitrage au Comité externe d'examen, qui a examiné la décision en se fondant sur la preuve qui avait été mise à la disposition du comité d'arbitrage ainsi que sur certains documents additionnels fournis par la Gendarmerie. Le Comité, qui était composé de Me F. Jennifer Lynch, c.r., n'a pas tenu d'audience.

[37]      Les dispositions législatives concernant les procédures disciplinaires de la GRC ne confèrent pas de pouvoirs décisionnels officiels au Comité. Néanmoins, en examinant méticuleusement la preuve qui avait été fournie au comité d'arbitrage et le raisonnement que celui-ci avait fait, le Comité a critiqué la décision d'une façon fort utile. Le Comité a produit un rapport de plus de cinquante pages, dans lequel Me Lynch a conclu qu'étant donné que le comité d'arbitrage avait commis une erreur manifeste et dominante dans certaines de ses conclusions de fait et qu'il avait commis une erreur de droit, le commissaire ne devrait pas confirmer sa décision. Le Comité a résumé d'une façon utile ses critiques comme suit (dossier d'appel, p. 159).

[38]      Premièrement, le comité d'arbitrage n'était pas suffisamment au courant de la faiblesse de l'identification initiale effectuée par Mme Hutcheon à la [TRADUCTION] « séance d'identification composée d'un seul homme » lorsque les agents de la Police de la communauté urbaine de Toronto détenaient le constable Jaworski; le comité d'arbitrage aurait du dire expressément qu'il pouvait tout au plus accorder une importance minime à cet élément de preuve. Il a également omis de mentionner certaines réserves importantes que Mme Hutcheon avait faites lorsqu'on lui avait montré les photographies.

[39]      Deuxièmement, le comité d'arbitrage n'a pas tenu compte d'une façon appropriée de la preuve présentée par Mme Hutcheon, lorsque cette dernière avait déclaré qu'elle pouvait uniquement voir les yeux de l'homme qui se masturbait parce que son blouson recouvrait en partie son visage.

[40]      Troisièmement, le comité d'arbitrage a minimisé l'importance des incohérences, lorsque Mme Hutcheon avait décrit ce que l'homme portait, ainsi que le fait qu'elle s'était trompée en estimant sa taille.

[41]      Quatrièmement, le comité a tiré une conclusion de fait qui n'était pas étayée par la preuve en disant que le secteur dans lequel l'événement s'était produit était [TRADUCTION] « peu fréquenté » alors que, selon la preuve, l'événement s'était produit dans un quartier intermédiaire de la ville de Toronto, à moins d'un pâté de maisons à l'ouest de la rue Bathurst, une [TRADUCTION] « rue animée » ; aucun élément de preuve n'avait été présenté au sujet de la rue même dans laquelle l'événement s'était produit. Le comité d'arbitrage a donc accordé trop d'importance à la présence du constable Jaworski comme preuve du fait qu'il était l'homme que Mme Hutcheon avait vu quelques minutes plus tôt.

[42]      Le Comité a conclu à l'inexistence de la preuve claire et convaincante nécessaire pour justifier la décision du comité d'arbitrage. Le comité d'arbitrage avait commis des erreurs de fait manifestes et dominantes ainsi qu'une erreur de droit et de fait en omettant d'accorder l'importance appropriée au fait que la preuve d'identification fondée sur des parades d'identification effectuées d'une façon irrégulière était en soi peu fiable, ou à l'incertitude de Mme Hutcheon, lorsqu'on lui avait demandé d'identifier le constable Jaworski le soir où l'événement s'était produit et lorsqu'on lui avait subséquemment montré les photographies.

E.      LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

[43]      La décision du comité d'arbitrage a ensuite été portée en appel devant le commissaire. Dans une décision écrite de vingt et une pages, le commissaire a rejeté l'appel. Les vingt premières pages de la décision renferment un résumé de la preuve, les conclusions du comité d'arbitrage et le rapport du Comité, y compris une explication minutieuse de chacun des points sur lesquels le comité d'arbitrage avait, selon Me Lynch, commis une erreur.

[44]      Les motifs pour lesquels le commissaire a confirmé la décision du comité d'arbitrage sont énoncés à la dernière page de sa décision. Après avoir réitéré les avantages dont bénéficie le tribunal qui entend et qui voit les témoins et après avoir noté que le comité d'arbitrage avait tenu compte des insuffisances de la preuve, le commissaire a conclu ce qui suit (dossier d'appel, p. 182) :

[TRADUCTION]

L'identification [...] était suffisamment claire et convaincante, compte tenu de l'ensemble de la preuve, pour nous persuader, selon la prépondérance des probabilités, que le constable Jaworski était bien la personne qui avait commis les actes prouvés.

Il a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] le comité d'arbitrage a soupesé avec soin tous les éléments de la preuve, tant les éléments de preuve présentés par le témoin oculaire que les éléments de preuve indirecte, et conclu qu'il n'était pas raisonnable de statuer que l'appelant était responsable [...]

et :

[TRADUCTION]

Dans l'ensemble, le comité d'arbitrage a eu raison de conclure que l'appelant était peu crédible.

F.      LA DÉCISION DU JUGE DE PREMIÈRE INSTANCE

[45]      Lors de l'audition de la demande de contrôle judiciaire visant à l'annulation de la décision du commissaire qui a eu lieu devant le juge des requêtes, trois questions ont été débattues, dont deux seulement sont encore pertinentes : à savoir, si la preuve satisfaisait à la norme de la preuve [TRADUCTION] « claire et convaincante » et si le commissaire s'était acquitté de l'obligation qui lui était imposée par la loi de motiver sa décision. Le juge Rothstein a tranché les deux questions en faveur du commissaire.

[46]      Quant à la première question, le juge des requêtes a convenu que les principes élaborés en droit criminel relativement à la preuve d'identification étaient pertinents en l'espèce et que, selon la norme de preuve applicable, la preuve doit être « claire et décisive » ou qu'elle doit être « claire et convaincante » . Il a conclu que la décision du comité d'arbitrage, que le commissaire avait en fait adoptée, ne renfermait aucune erreur susceptible de révision : le comité d'arbitrage n'avait pas ignoré ou mal compris les éléments de preuve, et il n'avait pas non plus ignoré ou transgressé une règle de droit. Le comité d'arbitrage avait plutôt tenu compte de l'ensemble de la preuve testimoniale et de la preuve indirecte, y compris les limitations y afférentes et, dans sa décision finale, il avait fait une appréciation subjective raisonnable de cette preuve.

[47]      En ce qui concerne la suffisance des motifs fournis par le commissaire à l'appui de sa décision, le juge Rothstein déplorait le fait que la section dans laquelle l'analyse était effectuée soit aussi brève. Toutefois, il a conclu que les motifs étaient adéquats eu égard à l'ensemble des circonstances : en particulier, l'inclusion de sommaires détaillés des positions prises par les parties, de la décision du comité d'arbitrage et des conclusions du Comité, et le fondement de la décision du commissaire, soit que la décision du comité d'arbitrage devait être confirmée compte tenu de la preuve dans son ensemble.


[48]      Le juge Rothstein a examiné une troisième question, à savoir si le comité d'arbitrage avait violé l'obligation d'équité en se rendant sur les lieux à la demande des parties et en se fondant sur son observation des lieux pour douter d'un aspect de la preuve fournie par le constable Jaworski, sans d'abord donner à celui-ci la possibilité de répondre. Le juge Rothstein a rejeté cet argument, qui n'a pas été poursuivi à l'audition de l'appel.

G.      POINTS LITIGIEUX ET ANALYSE

Première question :      Le commissaire a-t-il commis une erreur susceptible de révision en décidant que la preuve dont disposait le comité d'arbitrage était « claire et convaincante » et qu'elle satisfaisait donc à la norme juridique de preuve?
     (i)      La norme de contrôle

[49]      Dans la mesure où l'appelant conteste les conclusions de fait tirées par le commissaire, y compris le fait ultime que la preuve était « claire et convaincante » , la norme de contrôle est celle qui est énoncée à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, c'est-à-dire que l'appelant doit établir que le tribunal

based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

[50]      Il est pertinent de noter que ce n'est pas la norme que le Comité a appliquée aux conclusions de fait tirées par le comité d'arbitrage. Me Lynch a minutieusement et, à mon avis, correctement fait une distinction entre la norme de contrôle stricte fondée sur l'absence de preuve qu'un tribunal applique normalement, aux conclusions de fait administratives dans l'exercice de son pouvoir de surveillance et la norme d'appel plus exigeante qui s'applique dans le cas d'une erreur manifeste et dominante. Même si elle a conclu que les conclusions de fait tirées par le comité d'arbitrage ne satisfaisaient pas à la norme d'appel, cela ne veut pas nécessairement dire que ces conclusions ne seraient pas visées par la norme de surveillance, même celle qui est prescrite à l'alinéa 18.1(4)d), qui est normalement considérée comme moins rigoureuse que la norme applicable en common law en l'absence d'une preuve.

[51]      Dans la mesure où la contestation par l'appelant de la décision du commissaire repose sur l'appréciation du comité d'arbitrage ou sur l'application dans ce contexte des principes régissant la preuve d'identification, il conviendrait de se fonder sur une norme plus stricte que celle qui s'appliquait aux conclusions de fait. Toutefois, étant donné qu'à mon avis, le comité d'arbitrage n'a pas commis d'erreur à ce sujet, je n'ai pas à donner de précisions.

     (ii)      Les conclusions de fait

[52]      En ce qui concerne la preuve indirecte, l'avocat de l'appelant a adopté la conclusion du Comité selon laquelle aucun élément de preuve n'étayait la conclusion du comité d'arbitrage, à savoir que le secteur dans lequel l'événement s'était produit était [TRADUCTION] « peu fréquenté » , s'il entendait par là parler du secteur immédiat de l'intersection Ulster-Markham. Toutefois, si le « secteur » était élargi, la conclusion serait contraire à la preuve parce qu'il comprendrait alors la rue Bathurst qui, selon la preuve, était une rue animée. Il était donc erroné pour le comité d'arbitrage de considérer la présence du constable Jaworski dans la ruelle donnant sur la rue Ulster, peu de temps après que Mme Hutcheon eut vu un homme se masturber en public, comme établissant qu'il était l'homme en question.

[53]      Cela me semble une critique trop sévère des conclusions tirées par le comité d'arbitrage. Il est vrai que l'endroit en question était situé à moins d'un pâté de maisons de la rue Bathurst, qui est une rue animée, mais selon la preuve, les agents ont regardé d'un bout à l'autre de la rue Ulster et n'ont vu personne d'autre que le constable Jaworski lorsqu'ils sont arrivés sur les lieux ou pendant qu'ils enquêtaient sur l'événement. Toutefois, il se peut que les agents de police établissent uniquement qu'au cours de l'enquête, ils n'ont pas vu d'autres hommes ressemblant au suspect qui leur avait été décrit. Selon la preuve, les rues Markham et Ulster sont des voies urbaines résidentielles qui sont respectivement parallèles et perpendiculaires à la rue Bathurst et que les étudiants aiment fréquenter parce qu'elles sont situées à proximité de l'université.

[54]      Compte tenu de cet élément de preuve ainsi que de l'heure et de la date de l'événement, on ne saurait dire que la conclusion du comité d'arbitrage selon laquelle la présence du constable Jaworski était plus qu'une coïncidence constituait une erreur de fait qui a été commise sans qu'il soit tenu compte des éléments de preuve, ou qui était abusive ou arbitraire même si, comme le comité d'arbitrage, l'on tient compte du fait que le constable Jaworski habitait dans le voisinage.

[55]      Bien sûr, il est possible que le coupable se soit rendu dans la rue Ulster en passant par la rue Bathurst et qu'il soit ensuite promptement retourné dans la rue Bathurst, la deuxième fois qu'il a rencontré Mme Hutcheon. Toutefois, aucun élément de preuve n'étaye cette hypothèse. De fait, cela ne correspond pas à la preuve du comportement de l'homme en question. En particulier, cet homme n'a pas [TRADUCTION] « disparu » après que Mme Hutcheon l'eut vu essayer de grimper sur la clôture de l'arrière-cour de l'immeuble où elle habitait, et il ne s'est pas non plus enfui la deuxième fois que Mme Hutcheon l'a vu, mais il s'est plutôt avancé vers elle.

[56]      En ce qui concerne la preuve descriptive d'identification, l'avocat a soutenu que le comité d'arbitrage avait erronément conclu que Mme Hutcheon avait déclaré que l'homme qu'elle avait vu portait un pantalon foncé, et qu'il n'avait pas tenu compte des incohérences figurant dans la preuve ou qu'ils les avaient minimisées, en particulier en ce qui concerne la question de l'estimation de la taille de l'homme ainsi que la question de la couleur du blouson et du genre de blouson que celui-ci portait selon Mme Hutcheon. Toutefois, on ne sait pas trop dans quelle mesure ces incohérences ont été créées par Mme Hutcheon elle-même, ou si elles se sont produites au moment où la plainte a été enregistrée.

[57]      À mon avis, la Cour commettrait une erreur si, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, elle acceptait l'invitation de l'avocat de soumettre les conclusions tirées par le comité d'arbitrage à ce genre d'analyse détaillée, ce qui aurait pu être approprié si le législateur avait prévu un droit absolu d'appel. En l'absence d'un appel portant sur des questions de fait et de droit, les tribunaux devraient procéder à un examen beaucoup plus général des conclusions de fait tirées par un tribunal administratif que celui qui est préconisé par l'avocat de l'appelant.

[58]      Il suffit de dire que le comité d'arbitrage a noté la plupart des incohérences susmentionnées figurant dans la preuve et qu'il a néanmoins conclu que, dans l'ensemble, la preuve descriptive avait une valeur probante importante. Je conclus encore une fois qu'il s'agit d'une conclusion qu'il était raisonnablement loisible au comité d'arbitrage de tirer eu égard à la preuve dont il disposait.

[59]      Cela m'amène au point sur lequel l'avocat s'est fondé le plus fortement : la façon dont le comité d'arbitrage a traité l'identification du constable Jaworski par Mme Hutcheon les trois fois où on a demandé à cette dernière s'il s'agissait de l'homme qu'elle avait vu se masturber. Toutefois, avant d'examiner la contestation par l'avocat de la procédure d'identification, en particulier en ce qui concerne la séance d'identification composée d'un seul homme le soir ou l'événement s'est produit, j'examinerai deux autres aspects de l'identification.

[60]      En premier lieu, l'avocat a dit que le comité d'arbitrage avait erronément conclu que Mme Hutcheon avait vu le visage de l'homme qui se masturbait alors que cette dernière avait témoigné avoir uniquement vu les yeux de cet homme. De fait, Mme Hutcheon a dit au comité d'arbitrage qu'elle ne pouvait pas voir le visage de l'homme en question, mais qu'elle pouvait voir ses yeux. Je ne puis considérer cela comme le genre d'inexactitude qui nuit à l'identification, en particulier si l'on s'arrête au fait que Mme Hutcheon avait bien vu l'homme en question la première fois qu'ils s'étaient rencontrés.

[61]      En second lieu, le Comité a noté que, lorsqu'elle avait identifié le constable Jaworski, Mme Hutcheon avait dit qu'elle n'était pas absolument certaine que c'était lui qu'elle avait vu le soir en question et que cette déclaration avait pour effet d'affaiblir sérieusement son témoignage. D'autre part, le comité d'arbitrage a dit que cette incertitude [TRADUCTION] « ne nuisait pas à la crédibilité de son témoignage » (dossier d'appel, p. 70), compte tenu du fait, en particulier, qu'elle avait dit au comité d'arbitrage que lorsqu'on lui avait demandé d'identifier l'homme peu de temps après l'événement, elle était plus certaine qu'elle ne l'avait fait savoir à ce moment-là.

[62]      L'avocat de l'appelant a principalement soutenu que la séance d'identification composée d'un seul homme était irrégulière à un point tel qu'elle avait pour effet de vicier l'identification subséquente du constable Jaworski par Mme Hutcheon lors de l'étalement des photographies et à l'audience, ce qui de toute façon par sa nature même ne pourrait avoir qu'une faible valeur probante.

[63]      En outre, l'avocat a soutenu qu'étant donné que, compte tenu de la preuve, une déclaration de culpabilité au criminel pour une infraction même mineure n'aurait pas été retenue en appel, cette cour ne devrait pas être autorisée à confirmer la décision de congédier le constable Jaworski, ce qui est une peine plus sérieuse que la peine qui aurait probablement été imposée par une cour criminelle pour un acte d'indécence commis en public si le constable Jaworski avait été poursuivi et si sa culpabilité avait été reconnue.

[64]      L'avocat a également signalé que les cours d'appel criminelles annulaient plus facilement les conclusions de fait fondées sur des procédures d'identification irrégulières que les autres genres de conclusions factuelles parce que ces cours étaient aussi bien placées que le juge des faits pour apprécier la crédibilité ou la non-crédibilité de pareil élément de preuve. Une cour d'appel criminelle peut annuler une déclaration de culpabilité lorsqu'elle est convaincue que le verdict est « déraisonnable ou ne peut pas s'appuyer sur la preuve » : Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, sous-alinéa 686(1)a)(i).

[65]      D'autre part, en examinant les jugements prononcés au criminel, il importe également de se rappeler la norme de preuve moins rigoureuse qui s'applique aux procédures administratives, la portée plus restreinte de l'examen portant sur des conclusions de fait et le fait que le législateur a choisi de créer une procédure en trois étapes indépendante des tribunaux judiciaires aux fins du règlement lorsqu'un agent de la GRC est accusé d'avoir commis une infraction disciplinaire grave.

[66]      J'ai tiré les conclusions suivantes en me fondant sur les jugements prononcés au criminel dont l'avocat a fait mention, en particulier : R. c. Malcolm (1993), 21 C.R. (4th) 241 (C.A. Ont.), R. c. Miaponoose (1996), 30 O.R. (3d) 419 (C.A. Ont.), R. c. Quercia (1990), 1 C.R. (4th) 385 (C.A. Ont.), R. c. Reitsma (S.J.) (1997), 97 B.C.A.C. 303 (C.A.C.-B.), R. c. Reitsma (S.J.), [1998] 1 R.C.S. 769; R. c. Smierciak, [1947] 2 D.L.R. 156 (C.A. Ont.), R. c. Smith, [1952] O.R. 432 (C.A.), R. c. Turnbull, [1977] 1 Q.B. 224 (C.A. Ang.).

[67]      En premier lieu, il serait erroné en droit pour le juge de première instance de ne pas donner de directives au jury au sujet de la faiblesse de la preuve d'identification fondée sur une procédure d'identification irrégulière ou de ne pas en tenir compte : voir en particulier le jugement Cooper, supra.

[68]      En second lieu, ni l'admission ni l'utilisation de pareil élément de preuve ne constitue en soi une erreur de droit. Cela ne rend pas non plus nécessairement le verdict déraisonnable au sens du sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel de sorte qu'il est susceptible d'être rejeté en appel. La cour se demande plutôt si, eu égard à la preuve dans son ensemble, le verdict était peu sûr parce que l'on s'était fondé sur une preuve d'identification viciée. En rendant cette décision, la cour se demande s'il existe d'autres éléments de preuve de la culpabilité de l'accusé et, dans l'affirmative, quelle est la force de cette preuve, ainsi que la mesure dans laquelle les irrégularités de la procédure ont miné la valeur probante de la preuve d'identification. Une fois que la cour a apprécié la preuve dans son ensemble, [TRADUCTION] « en dernier ressort, la réaction de la Cour quant à la question de savoir si une injustice a été commise dans un cas donné est une question subjective » (Malcolm, supra, à la p. 250, juge d'appel Finlayson).

[69]      Compte tenu des arrêts susmentionnés, je ne puis être certain que, si un tribunal avait déclaré le constable Jaworski coupable de l'infraction criminelle d'avoir commis un acte indécent dans un lieu public, compte tenu de la preuve dont disposait le comité d'arbitrage, le verdict aurait nécessairement été annulé en appel pour le motif qu'il était déraisonnable. En outre, étant donné que, dans ses motifs, le comité d'arbitrage fait expressément mention des principes énoncés dans les jugements prononcés au criminel aux fins de l'appréciation de la preuve d'identification fondée sur une procédure défectueuse, ces motifs ne seraient pas en appel considérés comme erronés en droit.

[70]      Cependant, quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas ici saisis d'une affaire criminelle, mais d'une question d'emploi; le comité d'arbitrage devait être convaincu selon la prépondérance des probabilités, soit une norme plutôt rigoureuse, et non hors de tout doute raisonnable; de plus, la norme de contrôle que cette cour applique aux conclusions de fait tirées par un tribunal administratif consiste à savoir si la conclusion était abusive ou arbitraire, ou tirée sans tenir compte des éléments de preuve et non de savoir si, compte tenu de la preuve, elle était déraisonnable ou injustifiable.

[71]      Sur ce dernier point, la Cour suprême du Canada a récemment décrit le rôle qui incombe à une cour d'appel en vertu du sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. La cour doit « réexaminer la preuve en profondeur et mettre à profit toute son expérience pour déterminer si, compte tenu de l'ensemble de la preuve, le verdict était raisonnable » (R. c. Molodowic, 2000 CSC 16, par. 1) et « dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d'appel, évaluer la preuve » : R. c. Biniaris, 2000 CSC 15, par. 36. Dans l'arrêt Biniaris (au par. 38), la Cour a également dit qu'un « doute persistant » était insuffisant pour annuler un verdict, même s'il « peut être un puissant élément déclencheur d'un examen approfondi de la preuve en appel » .

[72]      Par contre, il a été dit qu'il était impossible de faire une distinction entre la norme de contrôle que cette cour applique aux conclusions de fait tirées par les tribunaux administratifs en vertu de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale et la norme relative à la décision manifestement déraisonnable : Assoc. canadienne des fabricants de pâtes alimentaires c. Aurora Importing & Distributing Ltd. (1997), 208 N.R. 329, à la p. 333 (C.A.F.). Comme la Cour suprême du Canada l'a clairement fait savoir dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, à la p. 776, il y a une différence notable entre l'examen fondé sur la norme relative à la décision manifestement déraisonnable et l'examen fondé sur la norme relative à la décision déraisonnable simpliciter : lorsque cette dernière norme s'applique, la décision de l'office est assujettie à « un examen assez poussé » . Il me semble que la norme qui s'applique aux appels criminels ressemble davantage à la norme de la décision déraisonnable simpliciter qui s'applique en droit administratif.

[73]      En résumé, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont disposait le comité d'arbitrage ainsi que de la norme de preuve et de la portée restreinte de l'examen que cette cour peut effectuer à l'égard des conclusions de fait administratives, je ne suis pas convaincu que la décision du comité d'arbitrage selon laquelle il existait une preuve claire et convaincante ait été en soi abusive et arbitraire et qu'elle ait été rendue sans tenir compte des éléments dont le comité d'arbitrage disposait.

[74]      Malgré ses limitations, la valeur probante de la preuve d'identification, que le comité d'arbitrage a amplement reconnue, n'était aucunement négligeable si elle est considérée dans son ensemble. La brève période qui s'est écoulée entre le moment où l'identification initiale a été effectuée et le moment où l'événement s'est produit, et la période beaucoup plus longue qui s'est écoulée entre le soir de l'événement et le moment où la séance d'étalement des photos a eu lieu peuvent dans une certaine mesure réduire le risque d'une erreur d'identification résultant de la procédure fautive qui a été suivie lors de la séance d'identification composée d'un seul homme.

[75]      De plus, la preuve indirecte était fort importante. Le constable Jaworski était sur les lieux quelques minutes après que l'événement se fut produit et l'on n'a pas cru les explications qu'il a données pour justifier sa présence à cet endroit; il ressemblait dans une large mesure au suspect qui avait été décrit aux agents de police; les policiers n'ont vu personne d'autre dans les rues voisines à ce moment-là; contrairement à une personne innocente, le constable Jaworski avait un comportement agressif envers les agents; il était ivre, le bouton du haut de son pantalon était détaché.

Deuxième question :      Les motifs que le commissaire a fournis en vue de justifier le fait qu'il confirmait la décision du comité d'arbitrage et qu'il ne donnait pas suite aux conclusions énoncées dans le rapport du Comité satisfont-ils à l'obligation prévue par la loi?

[76]      En vertu du paragraphe 45.16(5) de la Loi sur la GRC, le commissaire est tenu de fournir des motifs à l'appui des décisions portées en appel. De plus, si, comme c'est ici le cas, le commissaire n'adopte pas les conclusions énoncées dans le rapport du Comité externe d'examen, sa décision doit être motivée.

[77]      L'appelant a soutenu que le commissaire ne s'est pas acquitté de cette obligation parce que les motifs qu'il a donnés ne traitaient pas du rapport du Comité et n'expliquaient pas pourquoi chaque conclusion individuelle était rejetée. De fait, le commissaire n'a traité d'aucun des principaux motifs qui avaient amené le Comité à conclure que le comité d'arbitrage avait fondé sa décision sur des conclusions de fait manifestement erronées. De fait, bien que vingt et une pages aient été rédigées à l'appui de la décision, l'avocat a fait valoir qu'une seule page est consacrée à l'analyse du commissaire lui-même, et que cette analyse est d'une nature fort générale. Le raisonnement du commissaire peut se résumer en quatre points.

[78]      Premièrement, le comité d'arbitrage était mieux placé pour apprécier la crédibilité des témoins. Toutefois, cette remarque pourrait s'appliquer chaque fois que le commissaire confirme les conclusions de fait tirées par un comité d'arbitrage et qu'il n'adopte pas les conclusions du Comité. De fait, en l'espèce, l'observation du commissaire peut avoir relativement peu d'importance en ce qui concerne Mme Hutcheon, puisque la principale question soulevée par le Comité était de savoir s'il était possible de se fier à l'identification du constable Jaworski étant donné la procédure fautive qui avait été suivie lors de la séance d'identification composée d'un seul homme. Il a été soutenu qu'il s'agit d'une question à l'égard de laquelle le juge des faits n'a pas l'avantage que confère normalement le fait d'avoir vu et entendu les témoins en personne, mais qu'il s'agit d'une question qui est [TRADUCTION] « susceptible de faire l'objet d'un examen motivé de la part d'une cour d'appel » : Miaponoose, supra, à la page 423; voir également Reitsma (1997), 97 B.C.A.C. 303, à la page 312.

[79]      Deuxièmement, le commissaire n'annule les conclusions de fait tirées par un comité d'arbitrage que si elles sont déraisonnables. Il s'agit simplement d'un énoncé de la norme de contrôle que le commissaire a appliquée aux conclusions de fait du comité d'arbitrage. Étant donné que le Comité a appliqué la même norme, cela n'explique pas pourquoi le commissaire a décidé de ne pas adopter les conclusions du Comité.

[80]      Le troisième motif que le commissaire a donné se rapportait au caractère raisonnable de la conclusion du comité d'arbitrage selon laquelle le constable Jaworski n'était pas digne de foi. Toutefois, étant donné que le Comité n'a pas contesté la chose, cela ne répond pas aux conclusions que Me Lynch a énoncées dans son rapport. De plus, cela peut presque laisser entendre que le commissaire a commis l'erreur, que le comité d'arbitrage a évitée de près, d'inférer, à partir des explications incroyables que l'appelant avait fournies pour justifier sa présence dans la rue et son comportement lorsque les agents de police l'avaient confronté, qu'il était donc l'homme que Mme Hutcheon avait vu se masturber. D'autre part, le commissaire voulait peut-être simplement souligner que, puisqu'il avait conclu avec raison que l'appelant n'était pas un témoin digne de foi, le comité d'arbitrage pouvait à bon droit n'accorder aucune valeur probante au fait que celui-ci avait nié sa culpabilité.

[81]      Quatrièmement, le comité d'arbitrage a tenu compte de la preuve dans son ensemble, c'est-à-dire de la preuve fournie par le témoin oculaire et de la preuve indirecte, et il a conclu que la culpabilité du constable Jaworski était établie d'une façon claire et convaincante. Ce faisant, le commissaire révèle presque pourquoi il a décidé de retenir les conclusions du comité d'arbitrage plutôt que celles du Comité. Il faut également tenir compte de l'observation selon laquelle le Comité [TRADUCTION] « a contesté avec raison chaque partie de la preuve qui, si elle était considérée isolément, ne satisferait pas à la norme de la preuve claire et convaincante » alors que

[TRADUCTION]

le comité d'arbitrage a évalué l'ensemble de la preuve, y compris les failles de celle-ci, et [qu'il] était convaincu que, dans l'ensemble, aucune autre conclusion raisonnable ne pouvait être tirée, si ce n'est que le constable Jaworski était la personne responsable des actes en question.

[82]      Cela constitue difficilement une explication complète de la raison pour laquelle le commissaire a confirmé les conclusions du comité d'arbitrage et n'a pas donné suite aux conclusions du Comité et à sa recommandation de ne pas congédier le constable Jaworski. La question se résume donc à savoir si cette faible explication est néanmoins suffisante pour que le commissaire satisfasse au critère préliminaire relatif au caractère adéquat de façon à s'acquitter de l'obligation qui lui est imposée par la loi. Si le commissaire était uniquement tenu de fournir des motifs pour justifier sa décision d'accueillir ou de rejeter un appel, il ne m'aurait pas été difficile, eu égard aux circonstances, de conclure que ses motifs étaient adéquats.

[83]      Premièrement, les motifs doivent également être interprétés à la lumière des vingt pages précédentes dans lesquelles le commissaire énonce en détail les positions prises par les parties à l'audience, résume les conclusions du comité d'arbitrage et du Comité et indique les points sur lesquels les deux organismes ne s'entendent pas. Cela montre que le commissaire avait à sa disposition les renseignements pertinents et qu'il était parfaitement au courant des questions en litige.

[84]      Deuxièmement, si elle est considérée dans son ensemble, il se peut que la décision n'ait laissé planer aucun doute dans l'esprit du constable Jaworski au sujet de la raison pour laquelle le commissaire confirmait les conclusions du comité d'arbitrage. Troisièmement, puisque le commissaire a fait sienne la décision du comité d'arbitrage et que cette décision était en soi pleinement motivée, on ne saurait dire que les motifs du commissaire étaient si brefs que cela avait pour effet de protéger sa décision contre le contrôle judiciaire. Puisque les motifs étaient suffisamment complets pour servir les fonctions essentielles afférentes à l'obligation de fournir des motifs, ils n'étaient donc pas inadéquats en droit.

[85]      Toutefois, l'obligation légale d'inclure dans la décision les motifs pour lesquels les conclusions du Comité n'ont pas été adoptées impose au commissaire l'obligation additionnelle de fournir des explications. En conférant dans le texte de loi une compétence à un organisme externe, le législateur doit avoir voulu garantir dans une certaine mesure la fiabilité et la transparence de la procédure disciplinaire aux agents qui font l'objet de procédures disciplinaires ainsi qu'aux membres du public. Étant donné que le législateur n'était pas prêt à aller jusqu'à conférer au Comité un pouvoir décisionnel exécutif, il a cherché à accorder de l'importance aux conclusions tirées par celui-ci en obligeant le commissaire à expliquer pourquoi il ne donnait pas suite à ces conclusions.

[86]      À mon avis, les motifs du commissaire satisfont également à ce critère : ils sont suffisants pour assurer la responsabilité qui incombe au commissaire à l'égard de la décision finale de mettre fin à la carrière du constable Jaworski au sein de la GRC. J'interprète les motifs du commissaire comme voulant en fait dire qu'en concentrant son attention sur les éléments de preuve individuels, le Comité a oublié de tenir compte de l'ensemble de la situation. Par contre, le comité d'arbitrage a tenu compte de la preuve dans son ensemble et a fondé sa décision sur la totalité des éléments dont il disposait, sans en même temps oublier les faiblesses de certains éléments. Dans ces conditions, le commissaire n'était pas tenu de réfuter chacun des points sur lesquels le Comité ne souscrivait pas à l'avis du comité d'arbitrage.

H.      CONCLUSIONS

[87]      Compte tenu des conséquences graves que la décision du commissaire comporte pour l'appelant, du caractère nouveau de la question de l'identification dans le cadre de procédures administratives et des observations détaillées que l'avocat de l'appelant a présentées, j'ai analysé les décisions en question d'une façon plus approfondie que ce qui serait habituellement nécessaire lorsque la personne qui demande le contrôle judiciaire conteste la décision d'un tribunal administratif en se fondant sur les conclusions de fait tirées par celui-ci.

[88]      Néanmoins, je ne suis pas convaincu non plus qu'il s'agisse ici d'un des rares cas dans lesquels il est justifié d'intervenir en ce qui concerne les conclusions de fait tirées par un office, ou que les motifs donnés par le commissaire soient défectueux à un point tel que la décision doive être infirmée. Je tiens à faire remarquer que l'avocat n'a pas sollicité le contrôle judiciaire du bien-fondé de la peine imposée par le commissaire.

[89]      Pour ces motifs, et puisque je n'ai pu constater aucune erreur dans les motifs du juge Rothstein, je rejetterais l'appel, mais sans adjuger les dépens.





                             John M. Evans                                      J.C.A.


« Je souscris à cet avis

     Robert Décary, J.C.A. »

« Je souscris à cet avis

     J. Edgar Sexton, J.C.A. »


Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  A-508-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Alexander Jaworski c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :              le lundi 20 mars 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EVANS EN DATE DU 9 MAI 2000, AUXQUELS SOUSCRIVENT LES JUGES DÉCARY ET SEXTON


ONT COMPARU :

Paul Morrison                  pour l'appelant

Catherine Hawara

Robert H. Jaworski                  pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault, avocats              pour l'appelant

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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