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Date : 19980609


Dossier : A-193-97

     OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 9 JUIN 1998

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

    

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES (anciennement LE MINISTRE DE L'EMLOI ET DE L'IMMIGRATION),

     requérant

     (intimé),

ET :

     GERHARD WIEMER,

     intimé

     (appelant),

     - et -

     DORTHEA H. KUKAT,

     (intervenante).


     JUGEMENT

         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission d'appel des pensions en date du 24 juin 1994 est annulée, et la décision du tribunal de révision est confirmée.

     " Julius A. Isaac "

JUGE EN CHEF     

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif


Date : 19980609


Dossier : A-227-97

     OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 9 JUIN 1998

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     DOROTHEA HILDEGARD KUKAT,

     requérante

     (intimée),

     - et -

     GERHARD WIEMER,

     intimé

     (appelant),

ET :

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES (anciennement LE MINISTRE DE L'EMLOI ET DE L'IMMIGRATION),

     intimé.



     JUGEMENT

     Pour les motifs mentionnés au dossier no A-193-97, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission d'appel des pensions en date du 24 juin 1994 est annulée, et la décision du tribunal de révision est confirmée.

     " Julius A. Isaac "

JUGE EN CHEF     

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif


Date : 19980609


Dossier : A-193-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :


LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

(anciennement LE MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION),

     requérant

     (intimé),

ET :

     GERHARD WIEMER,

     intimé

     (appelant),

     - et -

     DORTHEA H. KUKAT,

     (intervenante).

     Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le vendredi 15 mai 1998

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 9 juin 1998

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE LÉTOURNEAU
Y ONT SOUSCRIT :                      LE JUGE EN CHEF
                                 LE JUGE McDONALD

Date : 19980609


Dossier : A-193-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE McDONALD

ENTRE :

     LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES (anciennement LE MINISTRE DE L'EMLOI ET DE L'IMMIGRATION),

     requérant

     (intimé),

ET :

     GERHARD WIEMER,

     intimé

     (appelant),

     - et -

     DORTHEA H. KUKAT,

     (intervenante).



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      Il s'agit d'une demande présentée par le ministre du Développement des ressources humaines (le ministre)1 en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de la Commission d'appel des pensions (la Commission) en date du 24 juin 1994. Cette décision a eu pour effet d'annuler la décision du ministre d'approuver le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de l'intimé sollicité par Mme Kukat en vertu du paragraphe 55.1(1) du Régime de pensions du Canada (la Loi).

[2]      En ce qui concerne la présente demande de contrôle judiciaire, la question est de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en concluant que le ministre aurait dû tenir dûment compte du contrat matrimonial signé par l'intimé et Mme Kukat et de l'intention des parties qu'il exprimait même si ce contrat ne liait pas le ministre puisqu'il ne respectait pas les conditions strictes imposées par le paragraphe 55.2(3) de la Loi.


[3]      Les dispositions pertinentes de la Loi sont rédigées dans les termes suivants :

     Partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension

     Circonstances donnant lieu au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension         
     55.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 55.2 et 55.3, il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes : [...]         

         a) lorsque est rendu un jugement irrévocable de divorce, un jugement accordant un divorce conformément à la Loi sur le divorce ou un jugement en nullité de mariage, dès que le ministre est informé du jugement et dès qu'il reçoit les renseignements prescrits;         
         b) à la suite de l'approbation par le ministre d'une demande de l'un ou l'autre des conjoints ou des ayants droit de l'un ou l'autre de ces derniers, ou de leur part, si :         
             (i) les conjoints ont vécu séparément durant une période d'au moins un an,         
             (ii) dans les cas où l'un des conjoints meurt après que les conjoints en question ont vécu séparément durant une période d'au moins un an, la demande est faite dans les trois ans du décès;         
         c) à la suite de l'approbation par le ministre d'une demande de l'un ou l'autre des anciens conjoints -- au sens du sous-alinéa a)(ii) de la définition de " conjoint " au paragraphe 2(1) --, ou de leur part, ou encore d'une demande des ayants droit de l'un ou l'autre des anciens conjoints, ou de leur part, dans les cas où :         
             (i) soit les anciens conjoints ont vécu séparément pendant une période d'au moins un an,         
             (ii) soit l'un des anciens conjoints est décédé pendant cette période,         
         et si la demande est faite dans les quatre ans suivant le jour où les anciens conjoints ont commencé à vivre séparément.         
     [...]         
     Discrétion du ministre         
     (5) Avant qu'ait lieu, en application du présent article, un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, ou encore au cours de la période prescrite après qu'a eu lieu un tel partage, le ministre peut refuser d'effectuer ce partage, comme il peut l'annuler, selon le cas, s'il est convaincu que :         
         a) des prestations sont payables aux deux conjoints ou anciens conjoints, ou à leur égard;         
         b) le montant des deux prestations a diminué lors du partage ou diminuerait au moment où il a été proposé que le partage ait lieu.         
     Application du présent article         
     (6) Le présent article s'applique à l'égard :         
         a) des jugements irrévocables de divorce, des jugements accordant un divorce conformément à la Loi sur le divorce ou des jugements en nullité de mariage rendus après l'entrée en vigueur du présent article;         
         b) des conjoints ou des anciens conjoints qui commencent à vivre séparément après l'entrée en vigueur du présent article.         
     L.R. (1985), ch. 30 (2e suppl.), art. 23; (1991), ch. 44, art. 7.         

Définition de " contrat matrimonial "

     55.2 (1) Au présent article, " contrat matrimonial " s'entend :         
         a) d'un contrat antérieur au mariage entre des personnes qui deviendront des conjoints et lequel prend effet lors du mariage;         
         b) d'un contrat entre des conjoints ou des anciens conjoints, y compris un accord de séparation conclu :         
             (i) soit avant le jour lors duquel une demande est faite en application de l'article 55 ou 55.1,         
             (ii) soit, dans le cadre d'un partage en application de l'alinéa 55.1 (1)a), avant que ne soit rendu un jugement irrévocable de divorce, un jugement accordant le divorce conformément à la Loi sur le divorce ou un jugement en nullité de mariage, selon le cas.         
     Contrats matrimoniaux ou ordonnances judiciaires sans effet à l'égard du ministre         
     (2) Sauf selon ce qui est prévu au paragraphe (3), sont sans effet quant au ministre en ce qui concerne le partage, en application de l'article 55 ou 55.1, des gains non ajustés ouvrant droit à pension, les dispositions d'un contrat matrimonial conclu ou d'une ordonnance d'un tribunal rendue le 4 juin 1986 ou après.         

Contrats matrimoniaux ayant leurs effets à l'égard du ministre

     (3) Dans les cas où les conditions suivantes sont réunies :         
         a) le 4 juin 1986 ou après, un contrat matrimonial est conclu et contient une disposition qui fait expressément mention de la présente loi et qui exprime l'intention des conjoints ou des anciens conjoints de ne pas faire le partage, en application de l'article 55 ou 55.1, des gains non ajustés ouvrant droit à pension;         
         b) la disposition en question du contrat matrimonial est expressément autorisée selon le droit provincial applicable à ce contrat;         
         c) la disposition en question du contrat matrimonial n'a pas été annulée aux termes d'une ordonnance d'un tribunal,         

le ministre n'effectue pas le partage en application de l'article 55 ou 55.1.

Les faits et la procédure

[4]      Un résumé des faits s'impose afin de bien comprendre les prétentions des parties.

[5]      L'intimé et Mme Dorothea Kukat2 ont vécu ensemble dans une situation assimilable à une union conjugale du mois de juillet 1973 jusqu'à leur séparation en novembre 1990. L'entente qu'ils ont alors signée pour partager leurs actifs ne contenait aucune stipulation relative à l'intention des parties de renoncer au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension prévu par la Loi.

[6]      Il n'est pas contesté que l'intimé et Mme Kukat sont des conjoints au sens du paragraphe 2(1) de la Loi et que les conditions énoncées à l'alinéa 55(1)c) sont réunies pour qu'une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension soit présentée par Mme Kukat.

[7]      Il est aussi reconnu que l'assemblée législative du Manitoba, contrairement au moins à celles du Québec et de la Saskatchewan, n'a pas autorisé par une loi la renonciation par les conjoints à leurs droits au partage de ces gains en vertu de la Loi, comme l'impose l'alinéa b) du paragraphe 55.2(3).

[8]      Le 21 mai 1992, le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de l'intimé demandé par Mme Kukat a été accordé par le ministre. L'intimé a interjeté appel au Bureau du commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada. Le 17 juin 1993, la décision du ministre a été confirmée par un tribunal de révision. La décision du tribunal de révision a par la suite été portée en appel devant la Commission d'appel des pensions, qui l'a annulée. Comme je l'ai mentionné plus tôt, il s'agit maintenant de réviser la décision de la Commission.

[9]      Mme Kukat, qui agissait à titre d'intervenante dans les procédures précédentes, demande aussi le contrôle judiciaire de la décision de la Commission dans le dossier d'appel A-227-97. Les deux demandes de contrôle judiciaire ont été entendues conjointement.

La décision de la Commission

[10] La Commission a invoqué deux motifs lorsqu'elle a statué en faveur de l'intimé. Premièrement, elle a conclu que rien ne prouvait que la demande de Mme Kukat avait été autorisée par le ministre ou son délégué. Deuxièmement, de l'avis de la Commission, le ministre aurait dû tenir compte du contrat intervenu entre l'intimé et Mme Kukat. L'extrait suivant du raisonnement de la Commission, qui figure aux pages 7 et 8 de sa décision, illustre comment elle interprétait la Loi :

[traduction]

         Il ne fait aucun doute que, si les conditions énoncées au paragraphe 55.2(3) de la Loi sont réunies, le contrat matrimonial lie le ministre. Toutefois, lorsque le contrat ne lie pas le ministre, cela ne signifie pas que ses dispositions doivent être ignorées. Bien au contraire, c'est précisément quand une affaire n'est assujettie ni au partage obligatoire [paragraphe 55.1(1)] ni à un accord de séparation obligatoire [paragraphe 55.2] que le ministre ou son délégué doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire et décider si la demande doit ou non être approuvée.         
         La décision devrait se fonder sur les circonstances particulières du cas, sur les intentions des parties au moment où elles ont établi leur relation conjugale, sur leurs intentions au moment de la rupture, sur la nature du contrat qu'elles ont conclu et sur le caractère irrévocable qu'elles entendaient lui donner par rapport à leur relation. Je suis sûr qu'il y aura d'autres éléments à considérer, mais, au bout du compte, la décision doit s'appuyer sur le bien-fondé de chaque cas.         
         En l'espèce, il me semble que le ministre était d'avis que, puisqu'il n'était pas lié par l'accord de séparation, il n'avait d'autre choix que d'autoriser le partage, étant donné que celui-ci était obligatoire.         

Analyse de la décision

[11] Je vais rapidement statuer sur la première conclusion de la Commission. La Loi ne prévoit pas que le ministre doive personnellement approuver une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. En vertu du paragraphe 24(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-213, les pouvoirs conférés à un ministre peuvent être exercés par une personne nommée ayant, dans le ministère en cause, la compétence voulue. En effet, l'article 24 ne fait que reconnaître dans une loi une pratique courante rendue nécessaire par la diversité et la complexité de l'administration publique moderne. Avant l'adoption de cette disposition, la délégation implicite des pouvoirs ministériels était déjà une pratique reconnue par les tribunaux afin de garantir une gestion saine et efficace de l'administration publique4. D'ailleurs, la Cour suprême du Canada a récemment confirmé l'existence de cette pratique lorsque le juge Major, s'exprimant au nom de la Cour, a statué que la délégation explicite de pouvoirs à des agents du ministère, qui est effectuée à l'art. 7 de la Loi sur les pêches, peut sembler inutile aujourd'hui. Comme l'a écrit le juge Major, " [l]orsqu'un pouvoir est conféré à un ministre, les mesures nécessaires seront prises généralement non pas par le ministre lui-même, mais par les fonctionnaires compétents de son ministère, en vertu d'une délégation de pouvoir "5.

[12] La demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de Mme Kukat a été autorisée sur la formule officielle de la Division des gains non ajustés ouvrant droit à pension du Régime de pensions du Canada (les droits à pension) par la signature de M. Ali apposée dans une case réservée à l'usage de l'administration sous la rubrique " signature autorisée ". Comme l'a déclaré le juge Walsh dans Kightley c. Registraire des marques de commerce et al.6, " [i]l faudrait certes que la personne signant une lettre supposément pour le compte d'un fonctionnaire supérieur fasse montre d'une grande témérité et d'une grande irresponsabilité si elle n'avait pas l'autorisation requise pour agir ainsi ".

[13] La réalité est qu'une personne qui signe ou prétend signer au nom d'un fonctionnaire supérieur d'un ministère jouit d'une présomption suivant laquelle elle détient le pouvoir qu'elle prétend exercer tant que cette présomption n'est pas réfutée7.

[14] L'intimé n'a fourni aucune preuve susceptible de semer le moindre doute quant à la capacité du signataire d'approuver la demande et susceptible de réfuter sinon d'ébranler suffisamment la présomption de validité rattachée à la signature d'un document officiel de façon à déplacer le fardeau de la preuve et à obliger les représentants du gouvernement à prouver que la signature est valide et que le pouvoir en a été dévolu au signataire conformément à la Loi. De simples spéculations ou allégations non fondées de la part de l'intimé ne sont pas suffisantes pour repousser la présomption de pouvoir créée en vertu du paragraphe 24(2) de la Loi d'interprétation et la présomption de validité rattachée à la signature.

[15] En ce qui a trait à la deuxième conclusion de la Commission, le requérant invoque comme principal motif à l'appui de l'appel que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que le ministre aurait dû tenir dûment compte du contrat matrimonial et de l'intention des parties qu'il exprimait même si ce contrat était sans effet à son égard puisqu'il ne respectait pas les conditions strictes imposées par le paragraphe 55.2(3) de la Loi.

[16] Je suis d'avis que l'affirmation du requérant est juste et que l'intimé a induit la Commission en erreur en soutenant que les mots " à la suite de l'approbation par le ministre " à l'alinéa 55(1)c ) de la Loi accordent au ministre le pouvoir discrétionnaire d'approuver ou de refuser le partage demandé par le requérant.

[17] Les articles 55.1 et 55.2 de la Loi imposent bel et bien un régime de partage obligatoire des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances décrites aux articles qui, d'une façon générale, s'appliquent aux conjoints qui ont vécu séparément après leur divorce, l'annulation de leur mariage ou la rupture de leur union de fait. Les seules exceptions au caractère obligatoire du régime se retrouvent aux paragraphes 55.1(5) et 55.2 (3).

[18] La première exception, prévue au paragraphe 55.1(5), confère au ministre un pouvoir discrétionnaire résiduel de refuser d'effectuer un partage des gains ou de l'annuler si ce partage devait être désavantageux pour les deux conjoints ou anciens conjoints.

[19] En ce qui concerne la seconde exception, le législateur semble avoir accepté lorsque certaines conditions strictes sont réunies qu'un contrat passé entre les conjoints pour renoncer au partage des gains puisse lier le ministre.

[20] La Loi est claire : le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est la règle; c'est par mesure d'exception qu'il n'y a pas lieu au partage. L'intitulé du paragraphe 55.1(1) se lit comme suit : " Circonstances donnant lieu au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension ", et le paragraphe introductif 55.1(1) prévoit qu'" il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes ". L'argument de l'intimé suivant lequel les termes " approbation par le ministre " à l'alinéa 55.1(1)c ) accordent au ministre le pouvoir discrétionnaire d'approuver ou de refuser le partage n'est pas fondé. Il s'agit simplement d'une approbation relative aux conditions requises pour être considéré comme un requérant au sens de la Loi. En d'autres termes, le ministre peut refuser d'approuver une demande de partage des gains si les conditions imposées par la Loi ne sont pas réunies par le requérant. Par ailleurs, si une demande respecte les conditions, le ministre l'approuve et il y a partage obligatoire sauf si les deux exceptions au régime reçoivent application.

[21] À mon avis, la conclusion de la Commission suivant laquelle le ministre et le tribunal de révision auraient dû prendre dûment en considération le contrat et l'intention des parties qu'il exprimait, même si ce contrat n'avait aucun effet à l'égard du ministre, signifierait, qu'en plus des deux exceptions déjà mentionnées, le ministre a un pouvoir discrétionnaire résiduel de ne pas effectuer un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. Aucune disposition de la Loi ne permet de tirer une telle conclusion.

[22] Je peux comprendre la colère et la frustation ressenties par l'intimé, qui avait passé un contrat avec son ex-conjointe de fait afin de régler définitivement les conséquences de leur rupture. Il n'est pas le premier ni le dernier à être contrarié par la rigueur de cette Loi8. Cependant, il est clair que l'intention du législateur était d'instaurer un régime obligatoire de partage des droits afin de protéger les conjoints ou anciens conjoints après la rupture de leur mariage ou de leur union de fait.


[23] La demande de contrôle judiciaire est accueillie, l'ordonnance de la Commmission en date du 24 juin 1994 est annulée, et la décision du tribunal de révision est confirmée.

     " Gilles Létourneau "

J.C.A.     

" Je souscris aux présents motifs.

Julius A. Isaac,

         J.C. "

" Je souscris aux présents motifs.

F.J. McDonald, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                  A-193-97
                     A-227-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le ministre du Développement des ressources humaines et al. c. Gerhard Wiemer et al.
                     Dorothea Hildegard Kukat c. Gerhard Wiemer et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE :      Le 15 mai 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR : Le juge Létourneau, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :      Le juge en chef
                     Le juge McDonald, J.C.A.
EN DATE DU :              9 juin 1998

COMPARUTIONS :

Me Sharlene M. Telles-Langdon      pour le ministre
Me Sidney Green              pour l'intimé (Gerhard Wiemer)
Me Donald George              pour Dorothea H. Kukat

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)              pour le ministre
Sidney Green, c.r.             
Winnipeg (Manitoba)          pour l'intimé (Gerhard Wiemer)

Swystun Karasevich Windsor

Winnipeg (Manitoba)          pour Dorothea H. Kukat
__________________

1      La décision ministérielle par laquelle le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de l'intimé a été accordé à Mme Kukat a alors été rendue par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.

2      J'ai remarqué qu'il s'est glissé une erreur dans le prénom de l'intervenante dans l'intitulé de la cause.

3      Le paragraphe 24(2) est rédigé comme suit :      Exercise des pouvoirs ministériels      (2) La mention d'un ministre par son titre ou dans le cadre de ses attributions, que celles-ci soient d'ordre administratif, législatif ou judiciaire, vaut mention :          a) de tout ministre agissant en son nom ou, en cas de vacance de la charge, du ministre investi de sa charge en application d'un décret;          b) de ses successeurs à la charge;          c) de son délégué ou de celui des personnes visées aux alinéas a) et b);          d) indépendamment de l'alinéa c), de toute personne ayant, dans le ministère ou département d'État en cause, la compétence voulue.

4      R. c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238, aux p. 245 à 246. Voir en Angleterre Carltona, Ltd. c. Commissioners of Works, [1943] 2 All. E.R. 560 (C.A.).

5      Comeau's Sea Foods c. Canada, [1997] 1 R.C.S. 12, p. 22.

6      (1982), 65 C.P.R. (2d) 36, p. 42 (C.F. 1re inst.).

7      Ali c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1976] 1 C.F. 185, p. 188 à 189 (C.A.F.); Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. et al., (1984), 1 C.P.R. (3d) 329, p. 334 (C.F. 1re inst.).

8      Voir Lauritsen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration , (1994) New Developments 6068 (Commission d'appel des pensions), où Mme Lauritsen a demandé et obtenu le partage de gains malgré une disposition du contrat qu'ils avaient signé par laquelle ils renonçaient à partager d'autres biens dans le futur et acceptaient de retirer une demande de partage de gains non ajustés ouvrant droit à pension en vertu de la Loi à la demande éventuelle du conjoint. Mme Lauritsen a refusé de collaborer et a obtenu le partage des gains.

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