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Date : 20030925

Dossier : A-683-01

Référence : 2003 CAF 349

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                       LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                   et

                                                              NATHALIE PRIMARD

                                                                                                                                               Défenderesse

                                   Audience tenue à Québec (Québec), le 17 septembre 2003.

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                                            LE JUGE NOËL


Date : 20030925

Dossier : A-683-01

Référence : 2003 CAF 349

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                       LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                   et

                                                              NATHALIE PRIMARD

                                                                                                                                               Défenderesse

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                 La demanderesse conteste par voie de demande de contrôle judiciaire une décision d'un juge-arbitre rejetant le pourvoi de la Commission de l'assurance-emploi (Commission) à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral. Par cette décision, le conseil arbitral concluait, le 26 janvier 2000, que la défenderesse avait prouvé sa disponibilité au travail malgré son retour aux études. Il convient donc dans un premier temps d'examiner cette première décision avant de passer à celle du juge-arbitre.


Analyse de la décision du conseil arbitral

[2]                 Comme c'est souvent le cas en la matière, la décision du conseil arbitral est laconique. Elle relate les principaux faits suivants.

[3]                 La défenderesse a quitté son emploi à cause d'une réorganisation de l'entreprise. Elle a sollicité un prêt étudiant qu'elle a obtenu aux fins d'étude. Elle s'est inscrite à un cours d'informatique prometteur, dont les coûts d'inscription et d'achat de livres étaient substantiels : 11 011 $. Ces cours étaient intensifs : une année entière, du lundi au vendredi, à raison de 23 heures/semaine, auxquelles s'ajoutaient quelque 5 à 6 heures/semaine pour des travaux.

[4]                 Dans sa déclaration du 21 novembre 1999, la défenderesse a indiqué qu'elle s'était inscrite à ce cours et que son intention était de le suivre assidûment à temps plein. Par ailleurs, son formulaire de renseignements supplémentaires au soutien de sa demande de prestations d'assurance-emploi indique une disponibilité au travail restreinte aux seuls soirs et à la fin de semaine à cause de son horaire de cours chargé : Dossier de la demanderesse, aux pages 20 et 21. Selon cette déclaration, ses démarches pour se trouver un emploi sont demeurées vaines.


[5]                 Lors de l'audition de sa cause le 26 janvier 2000, la défenderesse a invoqué des faits nouveaux retenus par le conseil arbitral. Elle a d'abord informé ce dernier qu'elle pouvait suivre ses cours à temps partiel, quoique la durée en serait prolongée de quelque quatre mois. Elle a ensuite affirmé qu'elle pouvait opter pour cette possibilité si elle se trouvait un emploi. Elle ajouta qu'elle effectuait tous les jours des vérifications sur les offres d'emploi sur internet et dans les journaux. C'est sur cette toile de fond que le conseil arbitral a conclu que la prestataire avait prouvé sa disponibilité par ses recherches d'emploi et la possibilité de suivre ses cours à temps partiel, le soir, à raison de trois soirs par semaine.

[6]                 Avec respect, je crois que le conseil arbitral s'est mépris en droit sur le concept de disponibilité au travail dans les situations de retour aux études. De plus, comme je l'expliquerai plus loin, il a aussi ignoré des éléments importants de preuve au dossier qui rendent sa conclusion déraisonnable : Maki c. La Commission de l'assurance-emploi du Canada et al., A-737-97, 16 juin 1998 (C.A.F.).

[7]                 Dans l'affaire Procureur général du Canada c. Whiffen, A-1472-92, 5 février 1998 (C.A.F.), le juge Marceau définit ainsi le concept de disponibilité :

En droit jurisprudentiel, la disponibilité veut habituellement dire le désir sincère de travailler, démontré par l'attitude et la conduite, auxquelles viennent s'ajouter des efforts raisonnables pour trouver un emploi, ou la volonté de réintégrer le monde du travail dans des conditions normales sans indûment limiter ses chances d'obtenir un emploi.

Il réitérait en des termes à peu près analogues les propos qu'il avait tenus l'année précédente dans l'affaire Faucher c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1997] A.C.F. no. 215.


[8]                 Comme je l'ai déjà mentionné, la défenderesse a indiqué une disponibilité au travail restreinte aux seuls soirs et à la fin de semaine. C'est sans doute ce qui explique ses insuccès dans ses efforts pour obtenir un emploi. Le conseil arbitral a ignoré cette composante de la définition jurisprudentielle du concept de disponibilité, soit qu'un prestataire ne doit pas établir « de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail » : Faucher c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), précité.

[9]                 La preuve de la méprise du conseil arbitral quant à la notion de disponibilité se retrouve également dans la signification et la portée qu'il a données au fait nouveau invoqué par la défenderesse. On se rappellera qu'à l'audience, la défenderesse a informé le conseil arbitral qu'il lui était possible de suivre ses cours le soir si elle se trouvait un emploi. En d'autres termes, la défenderesse confirmait qu'elle n'était pas disponible pour travailler, mais qu'elle pourrait le devenir si elle se trouvait un emploi. Or, le conseil arbitral a vu là une disponibilité actuelle dans ce qui était, en fait, une absence de disponibilité et, au mieux, une disponibilité éventuelle, par surcroît conditionnelle.


[10]            N'eut été de l'erreur de droit qu'il a commise quant à la définition du concept de disponibilité, le conseil arbitral n'aurait pu faire autrement que conclure que la preuve au dossier établissait que la défenderesse n'était pas disponible et qu'elle n'avait pas renversé la présomption qu'un étudiant suivant des cours à temps plein n'est pas disponible au travail au sens de la Loi sur l'assurance-emploi : Landry c. Canada (Sous-procureur général), [1992] A.C.F. no. 965; Canada (Procureur général) c. Furey, [1996] A.C.F. no. 971.

[11]            En outre, le conseil arbitral a, sinon ignoré, du moins accordé peu ou pas d'importance au fait que la défenderesse n'avait aucun antécédent emploi-étude. De même, il a omis de considérer, dans son analyse de la disponibilité, le fait que la défenderesse bénéficiait d'un prêt étudiant et que les conditions de ce prêt ne l'autorisaient pas à travailler : Dossier du demandeur, pièce 7-1, page 20, item 8 de la déclaration de la défenderesse.

Analyse de la décision du juge-arbitre

[12]            Appelé à réviser la décision du conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas sanctionné l'omission par le conseil de considérer des facteurs déterminants qu'il se devait de prendre en compte dans l'analyse de la disponibilité de la défenderesse.


[13]            De plus, la définition du concept de disponibilité implique une question de droit : Vézina c. Procureur général du Canada, A-736-01, 30 avril 2003 (C.A.F.); Faucher c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), précité. Or, le juge-arbitre s'est trompé en faisant de la définition même du concept de disponibilité une pure et simple question de fait laissée à l'appréciation du conseil arbitral, question à l'égard de laquelle il a conclu qu'il ne pouvait substituer sa discrétion à celle du conseil. Non seulement était-il justifié d'intervenir, mais il se devait de le faire pour corriger une erreur de droit déterminante sur laquelle reposait tout le litige.

Conclusion

[14]            Pour ces motifs, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire sans frais, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je retournerais l'affaire au juge-arbitre en chef, ou au juge-arbitre qu'il désignera, pour qu'il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral doit être accueilli.

                                                                                                                                         "Gilles Létourneau"                

                                                                                                                                                                 j.c.a.

"Je souscris à cette affaire.

Alice Desjardins j.c.a."

"Je suis d'accord.

Marc Noël j.c.a."


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                 SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                                 A-683-01

INTITULÉ :                                                LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA c. NATHALIE PRIMARD

LIEU DE L'AUDIENCE :                        QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                      17 septembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                   LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                 LE JUGE DESJARDINS

                                                                      LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                              25 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Me Carole Bureau                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Mme Nathalie Primard                                                                  POUR ELLE-MÊME

         

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                                 

Ministère de la Justice - Canada                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Mme Nathalie Primard                                                                  POUR ELLE-MÊME

Saint-Georges (Québec)


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