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Date : 20050113

Dossier : A-209-04

Référence : 2005 CAF 14

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                          MONIQUE GADOURY

                                                                             

                                                                                                                                      défenderesse

                                   Audience tenue à Montréal (Québec), le 11 janvier 2005.

                                   Jugement rendu à Montréal (Québec), le 13 janvier 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                               LE JUGE NOËL


Date : 20050113

Dossier : A-209-04

Référence : 2005 CAF 14

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                          MONIQUE GADOURY

                                                                             

                                                                                                                                      défenderesse

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un juge-arbitre rendue le 30 mars 2004, rejetant l'appel de la Commission de l'assurance-emploi à l'encontre d'une décision préalable d'un conseil arbitral.

Faits


[2]                La prestataire, défenderesse dans l'instance, travaillait comme remplaçante d'une employée permanente qui avait dû laisser son emploi temporairement pour cause de maladie. Ce remplacement avait débuté le 24 juillet 2002 et devait cesser le 14 mars 2003, le vendredi précédant le jour prévu du retour au travail de l'employée qu'elle remplaçait.

[3]                Suite à un conflit de travail entre le syndicat et l'employeur, une grève intervint peu de temps avant que n'arrive à terme le contrat de remplacement. La grève en question débuta le 28 février et se termina le 18 mai 2003.

[4]                Se fondant sur la date prévue de la cessation de son emploi selon le contrat de remplacement, la prestataire fit une demande de prestation qui devait prendre effet le 17 mars 2003. La preuve démontre que malgré la fin de son contrat de remplacement, la prestataire est demeurée sur une liste de rappel et qu'elle fut effectivement appelée à combler un autre poste 10 jours après la fin de la grève.

[5]                La Commission a refusé la demande de prestation en statuant que la prestataire avait perdu son emploi à cause de l'arrêt de travail et qu'elle était donc inadmissible aux prestations jusqu'au 18 mai 2003, date de la fin de l'arrêt de travail, conformément au paragraphes 36(1) de la Loi sur l'assurance-emploi. Cette disposition se lit comme suit :


Conflits collectifs

36. (1) Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant :

a) soit la fin de l'arrêt de travail;

b) soit, s'il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.

Labour disputes

36. (1) Subject to the regulations, if a claimant loses an employment, or is unable to resume an employment, because of a work stoppage attributable to a labour dispute at the factory, workshop or other premises at which the claimant was employed, the claimant is not entitled to receive benefits until the earlier of

(a) the end of the work stoppage, and

(b) the day on which the claimant becomes regularly engaged elsewhere in insurable employment.

                                                               [Le souligné est nôtre]

[6]                La prestataire a porté l'affaire devant un conseil arbitral qui a jugé que la perte de son emploi était attribuable à la fin de son contrat de remplacement et non pas à l'arrêt de travail. Le Conseil a donc confirmé le droit de la prestataire aux prestations, écartant ainsi l'application du paragraphe 36(1).

[7]                Le juge-arbitre a confirmé cette décision, se fondant essentiellement sur la décision de notre Cour dans Imbault et al. c. La Commission de l'assurance chômage, 68, N.R. 74 :

La preuve révèle qu'au moment où l'arrêt de travail a été déclenché le 28 février 2003, la prestataire était, selon l'article 6.17 de la convention collective, « une personne salariée remplaçante » remplaçant donc une employée permanente absente pour maladie depuis le 29 juillet 2002. Ce statut devait être le sien jusqu'au retour de l'employée absente. Dans le cas qui nous concerne cette employée est redevenue disponible pour travailler à compter du 17 mars 2003 ce qui mit fin à son absence pour maladie. L'arrêt de travail aurait pu cesser à cette date et elle aurait pu reprendre son poste à ce moment là comme elle pouvait le faire en tout temps après cette date advenant la fin du conflit. C'est pourquoi l'employeur a procédé à l'avis de cessation d'emploi de la prestataire pour le 14 mars 2003.


À compter de cette date, la prestataire n'est plus à l'emploi de l'Université de Montréal. Elle est en chômage, indépendamment de l'arrêt de travail en cours. Le travail aurait-il repris lundi le 17 mars qu'elle n'aurait pu reprendre son emploi puisque l'employée qu'elle remplaçait était disponible, son absence pour maladie étant terminée. À partir de cette date, la prestataire était libre de travailler ailleurs. Elle était disponible dans la mesure où elle se mettait dans les conditions de disponibilités requises par la loi.

Comme le démontre la preuve, elle fit une demande renouvelée de prestations qui devait prendre effet le 16 mars 2003 (pièce 5). Dans l'affaire Imbault (A-181-83) l'honorable juge Hugessen s'exprime ainsi :

« C'est la cause de sa perte d'emploi à ce moment précis et non pas son état de chômage subséquent qui déclenche son inadmissibilité; celle-ci, une fois établie, ne prend fin qu'avec la réalisation de l'une des trois éventualités énumérées aux sous-paragraphes (a), (b) et (c). En d'autres termes, la question qu'il faut se poser est « Comment le prestataire a-t-il perdu son emploi au début de sa période d'emploi? » et non pas « Pourquoi le prestataire est-il aujourd'hui chômeur? » Donc, dès qu'un prestataire perd son emploi pour la raison mentionnée au paragraphe 44(1)*, il devient inadmissible; il le demeure tant que l'une des conditions des sous-paragraphes (a), (b) et (c) ne s'est pas réalisée, même si, n'eût été le conflit collectif, il aurait subséquemment de toute façon perdu son emploi pour une autre raison. »    *(Maintenant l'article 36 de la Loi sur l'assurance-emploi)

Dans le cas qui nous concerne, c'est le retour de l'employée absente pour maladie que la prestataire remplaçait qui mis fin à son emploi et à son inadmissibilité. Cette inadmissibilité a durée du 28 février 2003, date de l'arrêt de travail, jusqu'à vendredi le 14 mars 2003. Il est évident que lundi le 17 mars 2003 l'employée absente n'était pas de retour physiquement en raison du conflit de travail, mais la fin de son congé-maladie et sa disponibilité à compter du 17 mars produit le même effet.

Analyse et décision

[8]                À notre avis, le juge-arbitre a mal compris l'effet de la décision Imbault (laquelle continue de faire autorité en la matière : voir par exemple Hinds c. Canada [1989] A.C.F. no 42; Peckford c. Canada (1992) A.C.F. no 826; Langor c. Canada [1992] A.C.F. no 828). Il a perdu de vue le libellé du paragraphe 36(1) de la Loi en concluant comme il le fit.

[9]                Tout d'abord le « moment précis » de la perte d'emploi, si l'on se fie à l'arrêt Imbault, n'est pas celui identifié par le juge-arbitre, mais bien le début de la grève. En effet, le juge-arbitre en citant l'arrêt Imbault a omis de considérer la phrase clef qui précède le passage qu'il a cité :

À mon sens, l'emploi du passé du verbe "perdre" dans le premier membre de la phrase nous reporte méticuleusement au moment dans le temps où le prestataire est devenu chômeur. C'est la cause de sa perte d'emploi à ce moment précis et non pas celle de son état de chômage subséquent qui déclenche son inadmissibilité;


[10]            Dans le cas qui nous occupe, il est acquis qu'en date du 27 février 2003, date du début de la grève, la prestataire a perdu son emploi en raison du conflit de travail. Le conflit était, à ce moment précis, la seule raison pour laquelle la prestataire se retrouvait sans emploi. Au surplus, en date du 17 mars 2003, elle ne pouvait reprendre « un emploi » chez son employeur, sans parler nécessairement de celui qu'elle avait laissé, toujours en raison du conflit de travail qui perdurait.

[11]            Or, selon les termes du paragraphe 36(1), un prestataire qui perd « un emploi » ou « qui ne peut reprendre un emploi » dans ces circonstances n'est pas admissible aux prestations avant :

a) soit la fin de l'arrêt de travail;

b) soit, s'il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.

[12]            Comme le disait le juge Pratte dans l'affaire Imbault à l'égard de ce qui était alors le paragraphe 44(1) :

« Bien que les décisions des juges-arbitres que l'on invoque aient été évidemment dictées par un souci louable d'équité, elle me paraissent inconciliables avec le texte de la Loi qui prescrit que l'inadmissibilité décrétée par le paragraphe 44(1) ne peut prendre fin que dans l'une ou l'autre des éventualités prévues aux alinéas a), b) et c) de ce paragraphe [en l'occurrence a) et b)]. Je ne crois pas qu'il soit possible d'interpréter l'un ou l'autre de ces trois alinéas comme signifiant que l'inadmissibilité prend fin lorsque le conflit collectif cesse d'être la cause réelle du chômage. »

[13]            Dans le cas qui nous occupe, ni l'une ni l'autre des conditions mettant fin à l'inadmissibilité ne s'étaient concrétisées en date du 17 mars 2003, date à laquelle la demande de prestation devait prendre effet.


[14]            C'est donc à tort que le juge-arbitre et le conseil arbitral avant lui ont confirmé le droit aux prestations. Le paragraphe 36(1) rendait la prestataire inadmissible.

[15]            La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie, la décision du juge-arbitre annulée et l'affaire sera retournée au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour qu'elle soit décidée à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission doit être accueilli et la prestataire déclarée inadmissible au bénéfice des prestations. Dans les circonstances, il n'y a pas lieu d'adjuger de dépens.

        « Marc Noël »       

j.c.a.



                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                           

DOSSIER :                  A-209-04

INTITULÉ :               LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                          demandeur

                                                     et

MONIQUE GADOURY

                                                     

                                                                                      défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 11 janvier 2005

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :           LÉTOURNEAU, NOËL, PELLETIER, j.c.a.

PRONONCÉS À L'AUDIENCE (PAR) :     LE JUGE NOËL

COMPARUTIONS:

Me Pauline Leroux

POUR LE DEMANDEUR

Me Ronald Cloutier

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                          

John Sims

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Syndicat canadien de la fonction publique

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE



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