Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19991007


Dossier : A-566-96

(T-2821-94)

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE:

     LA COMMISSION CANADIENNE DES

     DROITS DE LA PERSONNE

     Appelante

     (Intervenante)

     - et -

     FRANÇOIS BROCHU

     Intimé

     (Requérant)

     - et -

     LA BANQUE DE MONTRÉAL

     Mise en cause

     (Intimée)

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l"audience à Montréal, Québec,

     le jeudi 7 octobre 1999)

LE JUGE MARCEAU

Nous sommes tous d"avis que cet appel porté à l"encontre d"une décision de première instance rendue sur une demande de révision judiciaire ne peut que réussir. Nous croyons en effet, avec égards, que le savant juge a eu tort d"annuler le rejet que la Commission canadienne des droits de la personne avait opposé à la plainte de l"intimé en se basant strictement sur le fait que l"avis de rejet n"était pas appuyé de motifs.

Considérant le caractère particulier et exceptionnel du recours attribué par la Loi canadienne sur les droits de la personne1 à celui qui se croit victime de discrimination; considérant le rôle assigné à la Commission au moment du dépôt d"une plainte, soit celui de se convaincre, sur la base d"un examen initial, du sérieux de la plainte et de l"opportunité de la soumettre à la sanction formelle d"un tribunal; considérant l"interprétation que la Cour suprême a donnée à ce rôle de la Commission exercé en vertu des articles 44(2) et 44(3) de la Loi2 et de la qualification de purement administrative et discrétionnaire que la jurisprudence à la suite de la Cour suprême a toujours reconnue à une décision de rejet prise sous le régime du sous-alinéa 44(3)b)i) ou de son prédécesseur, tout en la soumettant à des exigences procédurales sévères susceptibles d"en assurer l"équité et l"impartialité; considérant enfin que le Parlement s"est refusé à imposer à la Commission l"obligation de motiver ses refus de poursuivre l"étude de certaines des plaintes qu"on lui soumettait au motif, sans doute, que par leur nature même ces refus viennent de réactions souvent que subjectives et difficiles à verbaliser et que la pure satisfaction personnelle (et non l"éclaircissement comme pour une décision sous l"article 42(1) de la Loi) que pourrait parfois retirer le plaignant d"une explication élaborée ne saurait balancer le fardeau qu" impliquerait sa composition. Considérant tout cela, nous croyons qu"il serait injustifiable de vouloir introduire des exceptions à la règle clairement établie et maintes fois réitérée que la Commission n"a pas à s"en expliquer lorsque, après avoir respecté intégralement les règles procédurales d"équité, elle rejette une plainte en application du sous-alinéa 43(3)b)i) parce que "elle est convaincue que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l"examen de celle-ci n"est pas justifiée".

On fait valoir avec de plus en plus d"insistance, tant en doctrine qu"en jurisprudence, que malgré la règle de common law qui veut qu"un tribunal administratif n"ait pas à motiver ses décisions, il peut y avoir des circonstances exceptionnelles où une explication de la décision devient requise pour pleinement satisfaire les principes d"équité et de justice naturelle.3 Nous n"avons pas à nous prononcer ici sur la validité et l"extension à donner à une telle prise de position. Nous n"aurions d"ailleurs aucune peine à la faire nôtre en certains domaines, comme en matière de congédiement prétendument injustifié, et de façon générale dans les cas où la partie affectée serait laissée dans l"ignorance du processus décisionnel, sans possibilité de comprendre le sens de la décision rendue ou d"inférer les motifs qui l"ont suscitée, bref sans avoir de points de repère pour s"assurer que le tribunal a raisonnablement et légalement rempli son rôle. Mais nous doutons que cette prise de position puisse jamais convenir à une décision purement administrative comme celle de la Commission sous l"alinéa 44(3)b)i), rendue au terme d"un processus d"enquête sans faille, en vertu de données établies ouvertement et au su des parties, et qui met en cause essentiellement une pure question subjective d"appréciation de témoignages et de circonstances de faits.

La décision de première instance sera donc annulée et celle de la Commission datée du 21 octobre 1994 sera remise en vigueur.

     "Louis Marceau"

     j.c.a.


Date : 19991007


Dossier : A-566-96

(T-2821-94)

CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE:

     LA COMMISSION CANADIENNE DES

     DROITS DE LA PERSONNE

     Appelante

     (Intervenante)

     - et -

     FRANÇOIS BROCHU

     Intimé

     (Requérant)

     - et -

     LA BANQUE DE MONTRÉAL

     Mise en cause

     (Intimée)

Audience tenue à Montréal, Québec, le jeudi 7 octobre 1999.

Jugement rendu à l"audience le jeudi 7 octobre 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE MARCEAU

__________________

1 S.R.C. 1985, chap. H-6.

2 Ces dispositions se lisent comme suit:

44. (2) La Commission renvoie le plaignant à l"autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas:a)      que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d"appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;b)      que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.
(3) Sur réception du rapport d"enquête prévu au paragraphe (1), la Commission:a)      peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l"article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue:      i)      d"une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l"examen de celle-ci est justifié,      ii)      d"autre part, qu"il n"y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c ) à e);b)      rejette la plainte, si elle est convaincue:      i)      soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l"examen de celle-ci n"est pas justifié,      ii)      soit que la plainte doit être rejetée pour l"un des motifs énoncés aux alinéas 41c ) à e).
44. (2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied(a)      that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or(b)      that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,it shall refer the complainant to the appropriate authority.
(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission(a)      may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied      i)      that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and      ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or(b)      shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied      i)      that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or      ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41 (c) to (e).

3 La dernière décision en ce sens est celle de la Cour suprême dans Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l"immigration), [1999] S.C.J. No. 39, rendue le 9 juillet 1999.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.