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Date : 20000512


Dossier : A-424-97

Toronto (Ontario), le vendredi 12 mai 2000


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON


ENTRE :


IAN JOSEPH FINDLAY

appelant


- et -



SA MAJESTÉ LA REINE

intimée





JUGEMENT

     L"appel est accueilli, les dépens à la Cour et à la Cour de l"impôt sont accordés, la décision de la Cour de l"impôt du 7 mai 1997 est annulée, et l"affaire est renvoyée au ministre pour l"établissement d"une nouvelle cotisation en conformité avec les présents motifs.



" B. L. Strayer "


J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.




Date : 20000512


Dossier : A-424-97


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON


ENTRE :


IAN JOSEPH FINDLAY


appelant


- et -




SA MAJESTÉ LA REINE


intimée





Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 10 mai 2000

et le vendredi 12 mai 2000.


Jugement rendu à l"audience à

Toronto (Ontario), le vendredi 12 mai 2000.






MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                      LE JUGE ISAAC



Date : 20000512


Dossier : A-424-97


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SEXTON


ENTRE :


IAN JOSEPH FINDLAY


appelant


- et -




SA MAJESTÉ LA REINE


intimée




MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l"audience à Toronto (Ontario), le vendredi 12 mai 2000.)



LE JUGE ISAAC

[1]      Il s"agit de l"appel d"un jugement rendu par un juge de la Cour canadienne de l"impôt, qui a rejeté l"appel d"une cotisation établie en vertu de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi) pour l"année d"imposition 1991.

[2]      Les faits de la présente affaire sont longuement exposés dans les motifs du juge de la Cour canadienne de l"impôt. Ils sont publiés dans 97 D.T.C. 1149. Nous limiterons donc notre exposé des faits à l"essentiel afin de donner un contexte factuel pour l"analyse des questions qui nous sont soumises.

[3]      Avant 1991, l"appelant exploitait à titre d"entreprise personnelle trois clubs vidéo en Ontario. En 1991, conseillé par son avocate, il a constitué son commerce en société par actions et a effectué un roulement de biens dans la société. Le roulement a entraîné un gain en capital.

[4]      Quelques années avant 1991, l"appellant avait engagé Farm Business Consultants Inc. (Farm Business) pour tenir ses livres comptables et pour faire ses déclarations de revenus. Le ministère du Revenu national (le ministère) n"a décelé aucune erreur dans les déclarations de revenus produites par l"appelant avant et après 1991. Larry Oosterhout (Oosterhout), de Farm Business, s"occupait habituellement de la préparation des déclarations de revenus de l"appelant, mais il n"était pas disponible pour préparer la déclaration de revenus personnelle de l"appelant en 1991. La déclaration de revenus de la société relative à l"année d"imposition 1991 de même que le formulaire de choix T2057 relatif au roulement avaient aussi été préparés par Farm Business.

[5]      Étant donné qu"Oosterhout n"était pas disponible, un autre employé de Farm Business, Richard Flewelling (Flewelling), a préparé les déclaration de revenus de l"appelant relatives à l"année d"imposition 1991. Au cours du processus de préparation des déclarations de revenus, Flewelling a rencontré l"appelant et s"est rendu à son lieu d"affaires pour obtenir des renseignements.

[6]      Après avoir préparé la déclaration de revenus, Flewelling l"a fait parvenir à l"appelant qui l"a lue, signée et produite auprès du ministère. La déclaration de revenus de la société et le formulaire de choix T2057, qui constate le transfert de la propriété des biens de l"appelant à la société, avaient été produits auprès du ministère trente jours auparavant.

[7]      En examinant la déclaration de revenus personnelle de l"appelant relative à l"année 1991, le ministère a remarqué qu"une somme de 135 000 $, qualifiée de gain en capital entraîné par le roulement, n"avait pas été inscrite à la ligne 127 de la déclaration.

[8]      Le ministère a avisé le représentant de Farm Business que le gain en capital n"avait pas été inscrit. Le ministère a dit qu"une pénalité pouvait être imposée et a accordé à l"appelant et son représentant trente jours pour examiner la question et fournir une explication. L"appelant n"a pas répondu dans le délai prescrit. Son représentant a plutôt demandé une prorogation du délai pour produire une réponse. Le ministère a refusé et a imposé une pénalité à l"appelant au motif que l"omission d"inscrire son gain en capital était due à une faute lourde de sa part.

[9]      L"appelant s"est opposé à la nouvelle cotisation dans les termes qui suivent :
         [traduction]
         Je m"oppose à ce que le ministre établisse une nouvelle cotisation de T1 quant à ma déclaration de revenus de 1991 et à ce qu"il ajoute un gain en capital provenant de la vente de mon achalandage à ma société.
         Je m"oppose aussi aux pénalités imposées par le ministre et m"oppose aussi au fait que le ministre ne m"accorde pas la déduction pour gain en capital à laquelle j"ai droit1.

[10]      Le ministre a répondu en ratifiant la cotisation. Je reprends entièrement son avis de ratification afin d"exposer l"ampleur de la pénalité imposée :

         [traduction]
         Vous avez sciemment, ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, fait une omission dans votre déclaration de revenus relative à l"année d"imposition 1991, au sens du paragraphe 163(2) de la Loi. Étant donné que l"impôt payable en vertu du sous-alinéa 163(2)a )(i) excède l"impôt qui aurait été payable s"il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a )(ii) de la Loi d"un montant de 28 380,02 $, une pénalité de 14 190,01 $ vous est imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.
         Aucun montant ne peut être réclamé en vertu du paragraphe 110.6(3) pour le gain en capital dans le calcul de votre revenu imposable relativement à l"année d"imposition 1991, étant donné que vous avez sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde omis de déclarer ce gain en capital dans votre déclaration de revenus, conformément au paragraphe 110.6(6) de la Loi2.

[11]      Le représentant de l"appelant et la Section des appels du ministère se sont rencontrés pour examiner l"opposition de l"appelant. Les positions du représentant de l"appelant et du ministère sont décrites dans un document intitulé [traduction ] " Compte rendu de l"opposition et de l"appel ", daté du 13 décembre 1994. Les positions des différents acteurs (le représentant de l"appelant, le vérificateur du ministère et la Section des appels du ministère) sont exposées dans ce document.

[12]      Je reprends ci-dessous les positions respectives de l"appelant et de la Section des appels, comme elles sont exposées dans le compte rendu3 :

         [traduction]
         LA POSITION DU CONTRIBUABLE
         Le contribuable s"est opposé à ce que le gain en capital soit inclus dans ses revenus, à la pénalité qui lui est imposée et au fait que la déduction pour le gain en capital ne lui ait pas été accordée. Le représentant, Farm Business Consultants, a été contacté afin de déterminer exactement la nature de son opposition à l"inclusion du gain en capital dans les revenus. Par la suite, le dossier a été discuté avec M. Harold Schenk, du cabinet. Il a dit que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) et le refus d"accorder la déduction pour le gain en capital étaient contestés, mais que le gain en capital lui-même ne l"était pas. Une lettre indiquant que le T2057 avait été produit, comme il est exigé, que le gain en capital avait été déclaré et que par conséquent, le contribuable n"avait pas commis de faute a été envoyée. De plus, M. Schenk a dit que M. Findlay avait engagé un avocat spécialiste en déclarations de revenus pour s"occuper de l"opération, que M. Findlay avait l"impression qu"elle serait effectuée correctement et qu"il avait payé pour ces services. Il avait aussi l"impression que l"opération n"entraînerait le paiement que de très peu d"impôt. Dans sa lettre, M. Shenk écrit que " en raison de la complexité du T1 et du T2, il ne serait pas déraisonnable de la part d"une personne de ne pas se rendre compte que le gain en capital n"était pas déclaré dans le T1, car le montant d"impôt payable était probablement sa première préoccupation ". Monsieur Schenk ne pense pas que le contribuable ait commis une faute lourde ou qu"il ait participé sciemment à quoi que ce soit qui aurait pu entraîner une fausse déclaration4.
                             [Non souligné dans l"original]

         LA POSITION DE LA SECTION DES APPELS
         La question essentielle est la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2), car l"application de cette disposition empêche la déduction pour le gain en capital. Par conséquent, la question de l"infliction de la pénalité est déterminante. Le formulaire T2057 et les documents qui s"y rapportent ont été examinés. Le transfert de l"achalandage à la juste valeur marchande sans prix de base rajusté a été clairement indiqué. Le formulaire T2057 a été signé et mis à la poste par le contribuable le 31 mars 1992 (il y avait une autre lettre jointe à la lettre de M. Shenk, soit une copie de la lettre qu"ils avaient envoyé à leur client lui enjoignant de signer et de faire parvenir le formulaire T2057 à Revenu Canada au plus tard le 31 mars 1992). La déclaration T2 a été examinée. L"achalandage figure comme actif au bilan. Le formulaire a été signé et mis à la poste par le contribuable le 31 mars 1992. De plus, il ressort de la déclaration T2 que les livres et les registres se trouvent dans un des clubs vidéo et que la personne à contacter est le contribuable. La déclaration T1 a été examinée. La déclaration T1 a été signée et mise à la poste par le contribuable le 28 avril 1992, soit moins d"un mois après la production du formulaire T2057 et de la déclaration T2. Rien n"indique que le gain en capital ait été déclaré lors de la production initiale. De plus, rien n"indique que la déclaration T1 ait été préparée par quelqu"un d"autre que le contribuable, sauf le fait qu"il y ait une série de chiffres dans le haut de chaque page.
         On a demandé à M. Schenk pourquoi ni le contribuable, ni le représentant n"avaient répondu à la proposition. Il a indiqué que leur chef de bureau avait parlé au vérificateur. Il a dit qu"il se renseignerait et qu"il m"en reparlerait. On a aussi demandé au représentant comment il se faisait que le formulaire T2057 et la déclaration T2, qui font état des transferts, avaient été produits le 31 mars et que, moins d"un mois plus tard, la déclaration T1 avait été produite sans qu"il ne soit tenu compte de l"aliénation. Monsieur Schenk n"a pas répondu. On a demandé au représentant s"il était exact qu"un contribuable était responsable du contenu de sa déclaration. Il a répondu oui, mais que, dans le présent cas, le contribuable s"était fié à leurs services pour s"assurer que cela était fait correctement. On a demandé au représentant s"ils avaient effectivement préparé la déclaration de M. Findlay, car ce dernier avait signé la déclaration et leur nom n"apparaissait nulle part. Il a dit qu"ils avaient préparé la déclaration et qu"il n"était pas au courant du fait que leur nom n"apparaissait pas sur la déclaration et que le contribuable l"avait signée. On a demandé au représentant s"il admettait qu"ils avaient fait une erreur. Il a répondu qu"il " supposait ".
         [...]
         Il est ressorti d"une conversation ultérieure avec M. Schenk que son chef de bureau avait communiqué avec le vérificateur et que ce dernier lui avait répondu " qu"il avait fait ce qu"il avait à faire et que le représentant pouvait s"arranger avec la Section des appels ". Le représentant a aussi mentionné que le problème résultait d"un problème avec le logiciel, qui n"a pas fait le lien entre les renseignements de la société et le contribuable.
         [...]
         Conclusion :
         - Après avoir examiné tous les faits et arguments, on ne peut raisonnablement dire que le contribuable a fait preuve de diligence raisonnable lorsqu"il a rempli sa déclaration.
         - Le fait que M. Findlay ait engagé et payé quelqu"un pour qu"il prépare sa déclaration (comme des milliers d"autres) n"écarte pas sa responsabilité de produire une déclaration de revenus exacte.
         - La preuve n"est pas suffisante pour justifier l"annulation de la pénalité et ainsi accorder la déduction pour le gain en capital5.

                            

                                 [Non souligné dans l"original]     

[13]      Dans les motifs de son jugement, le juge de la Cour de l"impôt a examiné les témoignages ainsi que les arguments des avocats des parties. Il a ensuite posé les trois questions suivantes :

         1.      Les actes du spécialiste, qui a omis d"inclure le gain en capital à la ligne 127 de la déclaration de revenus des particuliers du contribuable pour l"année 1991, équivalent-ils à une " faute lourde " dans les circonstances de l"espèce?
         2.      Le contribuable a-t-il sciemment " participé, consenti ou acquiescé " aux actes du spécialiste en omettant d"indiquer ce gain en capital dans sa déclaration?
         3.      Le contribuable a-t-il agi de manière telle, au vu des faits de l"espèce, que la Cour devrait conclure que les actes du spécialiste doivent être attribués au contribuable de façon à pouvoir conclure que le contribuable a " participé, consenti ou acquiescé " aux actes du spécialiste?

[14]      Avant de me prononcer sur les réponses que le juge de la Cour de l"impôt a données à ces questions, il serait utile de reproduire le texte des paragraphes 163(2) et (3) de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi) selon lesquels la nouvelle cotisation a été établie et qui prévoient qui a la charge de prouver les faits qui justifient l"imposition de la pénalité. Nous examinerons aussi les deux affaires dans lesquelles ces paragraphes ont fait l"objet d"un examen judiciaire. Les paragraphes prévoient :

             (2) Faux énoncés ou omissions. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l"exercice d"une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une ommission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé " déclaration " au présent article - rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d"imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y aquiesce est passible d"une pénalité [...].
             (3) Charge de la preuve relativement aux pénalités. Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d"une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d"établir les faits qui justifient l"imposition de la pénalité6.

[15]      La première affaire est la décision Udell c. Le ministre du Revenu national7, laquelle a été tranchée en vertu du paragraphe 56(2) qui était alors l"équivalent du paragraphe 163(2). Les faits de l"affaire Udell sont révélateurs et se résument comme suit :

         [traduction]
         L"appelant était un fermier qui avait déclaré ses revenus selon la méthode de la comptabilité de caisse. Malgré le fait que l"appelant ait inscrit méticuleusement ses opérations dans un livre de comptes, le comptable qui a préparé ses déclarations de revenus a fait plusieurs erreurs et omissions dans ses documents de travail, ce qui a eu pour conséquence que les revenus déclarés par l"appelant pour les années 1962, 1963 et 1965 étaient nettement sous-évalués. Étant donné que l"année 1962 était une année dans laquelle des pertes avaient été encourues, les erreurs commises dans la déclaration pour cette année-là avaient entraîné une sous-évaluation du montant autrement correct des revenus imposables pour les années 1961 à 1963, car l"excédent des pertes avait été reporté à ces années. Le ministre a établi un impôt additionnel pour les années d"imposition 1961, 1963 et 1965 et il a aussi imposé des pénalités quant à ces années au motif que les erreurs et les omissions équivalaient dans les circonstances à une faute lourde, commise par l"appelant ou à laquelle il avait acquiescé. Ce dernier n"a pas contesté les cotisations établissant un impôt additionnel, mais il s"est opposé aux pénalités. Il a fait valoir que toutes les opérations de la ferme avait été inscrites attentivement et scrupuleusement, qu"il n"avait fait aucune tentative de nier ou de cacher les opérations, et que des comptes complets et précis avaient été remis à un comptable qualifié afin qu"il prépare les déclarations de revenus.

[16]      À la lumière de ces faits, l"appelant dans cette affaire a d"abord soutenu qu"il n"était pas au courant des erreurs du comptable et que, de toute manière, la faute lourde de son comptable ne pouvait lui être attribuée.

[17]      Les principes à appliquer pour savoir si une pénalité peut être imposée dans un tel cas ont été exposés par le juge Cattanach. Je cite ses motifs :


         La question de savoir si l"appelant a été soumis à juste titre aux pénalités dépend donc de l"interprétation de l"article 56(2). Cet article envisage-t-il de rendre un contribuable personnellement responsable de la faute lourde de son préposé, pour l"omission ou l"énoncé d"une donnée dans une déclaration? Il est clair, d"après les termes de l"article, que la pénalité doit être imposée au contribuable et non à la personne qui a fait l"énoncé ou l"omission pour le compte du contribuable si les circonstances prévues sont réunies. La personne passible de pénalité est celle qui doit payer l"impôt. Par conséquent, en l"espèce, la personne passible de pénalité est l"appelant et non son préposé, le comptable [...].
         Il ne fait aucun doute que l"article 56(2) ne soit un article pénal. Pour interpréter un texte pénal, il faut se référer à la jurisprudence incontestable établie par lord Esher dans l"affaire Tuck & Sons v. Priester, (1887) 19 Q.B.D. 629, où il précise que si l"on peut donner aux termes d"un article pénal deux interprétations, l"une infligeant la pénalité et l"autre l"écartant, celle-ci doit prévaloir. Il dit :
             Il faut interpréter cet article avec précaution, car il inflige une pénalité. S"il existe une interprétation raisonnable qui permette, dans un cas donné, d"éviter la pénalité, il faut l"adopter.
         Il serait utile de reprendre ici les termes de l"article 56(2). Il y est déclaré que toute personne (ce qui signifie le contribuable) qui sciemment (j"ai conclu que l"appelant n"avait pas eu connaissance des erreurs et omissions faites par son comptable) ou dans des circonstances qui équivalent à faute lourde [...] a fait quelque énoncé ou omission, ou y a participé, consenti ou acquiescé, [...] encourt une pénalité [...].
         Les circonstances de l"espèce, telles que j"ai pu les constater, ne constituent pas une faute lourde de la part de l"appelant, pour les motifs que j"ai soulignés précédemment8.

[18]      Ayant conclu que le comportement de l"appelant n"équivalait pas à faute lourde, le juge a poursuivi et a il examiné la question de savoir si la faute lourde du comptable pouvait être attribuée à l"appelant. À cette question, il a répondu comme suit :


         En conséquence, reste la question de savoir si l"article 56(2) considère que la négligence flagrante du préposé de l"appelant, en l"occurrence le comptable professionnel, peut être attribuée à l"appelant lui-même. Chacun des verbes de l"article, " a participé, consenti, ou acquiescé ", implique un élément de connaissance de la part du commettant, ou avec le consentement tacite de ce dernier. L"autre verbe utilisé dans l"article 56(2) est " a fait ". La question est par conséquent de savoir si les principes régissant ordinairement les rapports entre commettants et préposés vont s"appliquer, c"est-à-dire que ce que l"on fait faire par un préposé revient à ce que l"on fait soi-même, et que le commettant est ainsi responsable des actes de son préposé, lorsque celui-ci prétend agir dans l"exercice de ses fonctions, même en l"absence d"ordre exprès ou de consentement de la part du commettant.
         À mon avis, l"utilisation du verbe " a fait ", dans ce contexte, implique une connaissance délibérée et intentionnelle de l"employeur quant à l"acte fait; or, ce n"était pas le cas, d"après les circonstances de l"espèce. L"appelant n"a pas été complice de la négligence flagrante de son comptable. Il s"agit sûrement là d"une interprétation raisonnable.
         Il est de règle, à mon avis, que lorsqu"il existe, pour l"imposition d"une taxe ou d"un droit, et a fortiori d"une pénalité, un doute raisonnablement fondé, il faut interpréter la loi de façon à donner à la partie visée le bénéfice du doute9.

[19]      L"autre décision pertinente, à mon avis, est la décision Lucien Venne c. Sa Majesté la Reine10.

[20]      Dans l"affaire Venne , les déclarations du contribuable pour l"année d"imposition en question avaient été préparées par son teneur de livres, qui les lui avait fait parvenir. Le contribuable avait signé et produit les déclarations sans les avoir lues. Le ministère avait examiné les déclarations et avait découvert que l"appelant n"avait pas déclaré certains revenus d"entreprise. Par conséquent, le ministre a imposé des pénalités au contribuable en vertu du paragraphe 163(2) au motif que la non-divulgation cette preuve était due à sa faute lourde. Le juge Strayer (maintenant juge à la Cour d"appel) a conclu que même si le contribuable avait fait preuve de négligence en ne lisant pas ses déclarations avant de les signer et en ne supervisant pas son teneur de livres, le ministre ne s"était pas déchargé de son fardeau de prouver que le contribuable avait commis une faute lourde.

[21]      Dans l"affaire Venne , le juge de première instance a défini la " faute lourde " comme suit :

         Quant à la possibilité d"une faute lourde, j"ai conclu, après hésitation, qu"elle n"a pas non plus été établie ici. La " faute lourde " doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu"un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. Je ne conclus pas à un tel degré de négligence en rapport avec les faux énoncés de revenus commerciaux. Certes, le contribuable n"a pas fait preuve de la prudence d"un homme raisonnable et, comme je l"ai fait remarquer, il aurait au moins dû réviser ses déclarations de revenus avant de les signer. Ce faisant, un homme raisonnable, eu égard aux autres renseignements dont il disposait, aurait été amené à croire que quelque chose n"allait pas et aurait cherché à en savoir plus long auprès de son teneur de livres.
         À l"égard du revenu commercial, je puis reconnaître facilement que le demandeur aurait eu des difficultés à exercer une surveillance effective; il lui aurait fallu faire de nombreux calculs des recettes, des dépenses, de l"actif et du passif, et les réviser. Autrement dit, les erreurs dans le revenu commercial, qui étaient moindres certaines années mais importantes à d"autres moments, n"auraient pas nécessairement sauté aux yeux d"une personne ayant la formation et les capacités du contribuable. Bien qu"il ait peut-être été naïf de sa part de faire confiance à son teneur de livres en pensant qu"il en savait beaucoup plus que lui, je ne pense pas qu"il y ait eu faute lourde de sa part, parce qu"il n"a pas mis en doute les calculs commerciaux de ce dernier. Quel que soit le caractère évident des erreurs commises par le teneur de livres à cet égard, il est tout à fait concevable qu"elles n"aient pas été en fait remarquées par le demandeur, et sa négligence, comme il ne les a pas remarquées, est loin de constituer une faute lourde11.
                             [Non souligné dans l"original]
[22]      Cette définition est conforme à la jurisprudence et nous la faisons nôtre.

[23]      En premier lieu, le juge de la Cour de l"impôt a examiné la deuxième question. Il y a répondu par la négative. Il a conclu que l"intimé n"avait pas relevé le fardeau d"établir par une preuve directe ou circonstancielle que l"appelant avait sciemment " participé, consenti ou acquiescé " aux actes de son spécialiste en déclarations de revenus en omettant d"indiquer cet élément dans sa déclaration.

[24]      Quant à la première question, c"est-à-dire la question de savoir si " [l]es actes du spécialiste qui a omis d"inclure le gain en capital à la ligne 127 de la déclaration de revenus des particuliers du contribuable pour l"année 1991, équivalent [...] à une " faute lourde " dans les circonstances de l"espèce ", il a conclu que le spécialiste n"avait pas donné suffisamment d"explications. Il a conclu que les actes du spécialiste, considérés dans leur ensemble, équivalaient à une faute lourde.

[25]      Il a répondu par l"affirmative à la troisième question, soit celle de savoir si la faute lourde du spécialiste devait être attribuée à l"appelant, de façon à permettre à la Cour de conclure que le contribuable avait participé, consenti ou acquiescé aux actes du spécialiste. Il a fondé sa réponse sur le fait que l"appelant et le spécialiste devaient avoir discuté de tout cela avant la production de la déclaration. Il a conclu que ni le spécialiste, ni l"appelant n"avaient expliqué raisonnablement l"omission.

[26]      Nous sommes tous d"avis que le juge de la Cour de l"impôt a commis une erreur de droit en concluant que la faute lourde du spécialiste pouvait être attribuée à l"appelant, pour les motifs qui suivent.

[27]      Sa réponse à la troisième question est incompatible avec sa réponse à la deuxième question. En ce qui concerne la deuxième question, si l"intimé n"a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l"appelant avait eu connaissance de l"omission du spécialiste et qu"il n"avait pas réagi, alors, il est alors difficile de comprendre, avec égards, comment on peut dire que la faute lourde du spécialiste peut être attribuée à l"appelant. Il n"y avait aucune preuve selon laquelle l"appelant avait connaissance des actes ou des omissions du spécialiste. Le juge de la Cour de l"impôt a fait référence à la décision du juge Cattanach dans l"affaire Udell c. La Reine, mais il a mal appliqué les principes qui y sont énoncés. D"une manière semblable, malgré qu"il ait fait référence à la décision du juge Strayer, dans l"affaire Venne c. La Reine, il a mal appliqué la définition de faute lourde qui y est énoncée. Le fait de ne pas appliquer le bon critère équivaut à commettre une erreur de droit qui justifie l"intervention d"un tribunal d"appel12. Par surcroît, contrairement au paragraphe 163(2) de la Loi, le juge de la Cour de l"impôt paraît avoir fait reposer sur l"appelant la charge de démontrer qu"il n"était pas responsable de la faute lourde du spécialiste. Le paragraphe 163(2) impose cette charge au ministre, mais le juge de la Cour de l"impôt a fondé sa conclusion quant à la responsabilité non pas sur la preuve de faute lourd qui aurait été faite par l"intimé, selon la prépondérance des probabilités, mais sur l"absence d"une explication raisonnable de la part de l"appelant ou du spécialiste. Comme je l"ai déjà dit, cela est contraire aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

[28]      Pour l"ensemble de ces motifs, nous accueillons l"appel, avec dépens à la Cour et à la Cour de l"impôt, nous annulons le jugement rendu par la Cour de l"impôt le 7 mai 1997, et nous renvoyons l"affaire au ministre afin qu"il établisse une nouvelle cotisation en conformité avec les présents motifs.

" Julius A. Isaac "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D"APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                      A-424-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              IAN JOSEPH FINDLAY c.

                             SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L"AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :                  Les 10 et 12 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR PAR :                  Les juges Strayer, Issac et Sexton

PRONONCÉS ORALEMENT

À L"AUDIENCE LE 12 MAI 2000 PAR :          Le juge Isaac


ONT COMPARU :

M. J. Richard Lockwood                  POUR L"APPELANT

M. Sanjeev Mitra

M. Roger Leclaire                      POUR L"INTIMÉE

M. Kevin Lunney



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Siskind, Cromarty, Ivey et Dowler LLP          POUR L"APPELANT

London (Ontario)


Morris Rosenberg                      POUR L"INTIMÉE
Sous-procureur général du Canada             

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DAPPEL




Date : 20000512




Dossier : A-424-97


ENTRE :



IAN JOSEPH FINDLAY



appelant



- et -



SA MAJESTÉ LA REINE



intimée







MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR

__________________

1      Dossier d"appel, p. 37.

2      Ibid, p. 38.

3      Ibid, aux pages 85 à 90.     

4      Ibid, p. 86.

5      Ibid, aux pages 86, 87 et 89.

6      L.R.C. (1985), ch. 2 (5e suppl.).

7      70 D.T.C. 6019.

8      Ibid, p. 6025.

9      Ibid, aux pages 6025 et 6026.

10      84 D.T.C. 6247.

11      Ibid, aux pages 6256 et 6257.

12      Canada Packers Inc c. Le ministre de l"Agriculture (1988), 26 C.P.R. (3d) 407, à la page 417.

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