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Date : 20051005

Dossier : A-57-05

Référence : 2005 CAF 320

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                                 CATHIE RYAN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                 Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 septembre 2005.

                                    Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 5 octobre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                              LE JUGE EVANS

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


                                                                                                                                 Date : 20051005

                                                                                                                               Dossier : A-57-05

                                                                                                                Référence : 2005 CAF 320

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                                 CATHIE RYAN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]                La demanderesse, une préposée au service de soutien à la personne dans une résidence pour personnes âgées, a été congédiée le 27 janvier 2004 par son employeur, Central Care Corporation. L'employeur a déclaré qu'elle avait maltraité une résidante, en la rudoyant et en lui mettant un oreiller sur la tête.


[2]                La Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) l'a exclu du bénéfice des prestations en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (L.C. 1996, ch. 23). Le conseil arbitral (le conseil) a maintenu la décision de la Commission. Le juge-arbitre a rejeté l'appel, au vu de sa conclusion que la décision du conseil ne contenait pas d'erreur ouvrant droit à révision.

[3]                Le conseil arbitral était saisi de notes prises par une agente de l'assurance-emploi à la suite d'une conversation téléphonique qu'elle avait eue avec un représentant de l'employeur. Selon ces notes, l'employeur avait reçu une lettre anonyme le 22 décembre 2003, faisant état d'une agression sur une résidante par une employée (identifiée par la suite comme étant la demanderesse). La demanderesse, suspendue jusqu'à enquête, a été réintégrée dans ses fonctions. Le 27 janvier 2004, un responsable d'une émission pancanadienne de télévision est entré en contact avec l'employeur, pour lui communiquer une bande vidéo qu'on lui avait remise. Après le visionnement, l'employeur était convaincu qu'il y avait eu agression sur une résidante et que l'employée qu'on voyait sur la bande vidéo était la demanderesse. Bien que la demanderesse n'eût aucun mauvais antécédent, ni été l'objet d'aucun doute de gestes inappropriés depuis qu'elle avait commencé à travailler, l'employeur était d'avis que, au vu de sa politique de tolérance zéro au sujet des agressions contre les résidants, une fois que l'enquête avait démontré l'existence d'une agression, le congédiement était immédiat et automatique. L'employeur a mis la demanderesse en présence de ses preuves. Elle a déclaré qu'elle essayait de placer un oreiller sous la tête de la résidante.


[4]                La demanderesse a informé le conseil que la bande vidéo n'était pas claire et que son syndicat avait présenté un grief et une demande d'arbitrage en son nom. Le résultat de ces procédures n'était pas connu au moment de l'audience devant le conseil et il n'était pas encore connu lors de l'audience devant nous. Des procédures criminelles visant la demanderesse sont toujours pendantes.

[5]                Le conseil a constaté que la demanderesse n'avait pas présenté de défense détaillée et qu'elle n'avait pas non plus nié sa participation à l'acte. Le conseil a rejeté comme non vérifiée ce qui semblait être une transcription non textuelle des notes prises par un policier au cours de l'enquête criminelle portant sur l'allégation d'agression. Le conseil a aussi rejeté une collection de coupures de presse qui, selon lui, portaient principalement sur des faits s'étant produits après l'incident (pièce 13).

[6]                Le conseil conclut ainsi :

Après examen de toute la preuve, le conseil constate que la prestataire a été renvoyée en raison de la preuve d'agression sur un résidant. Le conseil constate que l'employeur est responsable de s'assurer que les patients soient traités de manière humaine et avec dignité. Après avoir visionné une bande vidéo montrant que ce n'était pas le cas, l'employeur a renvoyé avec justification la prestataire. La preuve présentée à la pièce 13, bien qu'elle soit pertinente pour l'affaire, repose principalement sur des faits s'étant produits après l'incident. Après de longues délibérations, le conseil conclut que la prestataire a été mise à pied pour inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.


[7]                Pour l'essentiel, le conseil s'est fondé sur la preuve de l'employeur qui avait visionné la bande vidéo. Le conseil n'a pas fait état de la demande de prestations d'assurance-emploi présentée par la demanderesse, dans laquelle elle déclarait que son employeur avait mal interprété l'enregistrement vidéo secret (dossier de demande du défendeur, page 29). Le conseil n'a pas non plus fait état de la déclaration suivante, signée par la demanderesse (dossier de demande du défendeur, page 144) :

[traduction]

Question : Comment avez-vous transféré Norma à sa chaise?

Réponse : J'ai baissé le côté du lit et l'ai levée pour qu'elle soit assise sur le côté du lit. J'attendais que Chris vienne m'aider à la transférer, parce que Norma était agitée et qu'elle me donnait des coups et me pinçait. J'ai expliqué que j'avais placé le fauteuil roulant un peu plus loin, parce que nous serions deux à la transférer. Chris n'est pas arrivé. Je n'avais donc pas le choix et je devais la transférer seule, puisque Norma était déjà assise sur le côté du lit. J'ai placé mes bras sous ses aisselles pour la transférer dans le fauteuil roulant et, alors que je procédais à cette manoeuvre mon pied s'est coincé dans le fil de la sonnerie d'appel (dont l'un des bouts est attaché au mur du côté opposé du lit et qui est placé derrière la tête du lit, le bouton d'appel étant attaché au côté du lit). Elle est tombée plus durement dans le fauteuil roulant que je l'aurais voulu, étant donné que mon pied était coincé dans le fil. Je suis tombée avec elle dans le fauteuil roulant.

Question : Vous souvenez-vous qu'en août vous auriez placé un oreiller sur le visage de Norma?

Réponse : Non, je ne ferais jamais une telle chose.

[8]                L'inconduite est une affaire grave. Il n'est pas clair que le conseil ait évalué à sa pleine mesure toute l'explication de la demanderesse, ou même qu'il ait tenu le moindre compte de la qualité de la bande vidéo, puisqu'il n'en parle ni dans son analyse, ni dans ses motifs écrits.

[9]                Dans les circonstances, la conclusion de fait du conseil constitue une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7).


[10]            Par conséquent, la conclusion du conseil était manifestement déraisonnable et sa décision aurait dû être annulée. Le juge-arbitre a commis une erreur en n'utilisant pas son pouvoir d'intervention prévu à l'alinéa 115(2)c) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[11]            Pour ces motifs la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie avec dépens, la décision du juge-arbitre annulée et l'affaire renvoyée au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour nouvelle décision portant que l'appel de la demanderesse de la décision du conseil doit être accueillie et que l'affaire doit être renvoyée au conseil pour nouvelle audition par un tribunal différemment constitué.

                                                                              « Alice Desjardins »             

                                                                                                     Juge                          

« Je souscris aux présents motifs

     K. Sharlow, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     John M. Evans, juge »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :               A-57-05

INTITULÉ :              CATHIE RYAN

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 27 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                  LE 5 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

Christopher J. Ellis                                             POUR LA DEMANDERESSE

Sharon McGovern                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blaney Mcmurtry LLP                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

John H. Sims c.r.                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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