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Date : 20040622

Dossier : A-375-03

Référence : 2004 CAF 241

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             FRANK BATTISTA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                         Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 juin 2004.

                         Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 juin 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE


Date : 20040622

Dossier : A-375-03

Référence : 2004 CAF 241

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             FRANK BATTISTA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Le demandeur conteste, au moyen d'une demande de contrôle judiciaire, deux décisions apparentées du juge-arbitre Marin. La première, rendue le 7 août 2002, a rejeté l'appel du demandeur interjeté à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral (le Conseil).


[2]                À la suite d'une audience, le Conseil a conclu que le demandeur n'avait pas établi qu'il n'avait pas participé à un conflit collectif au sens du paragraphe 36(4) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et modifications (la Loi). En conséquence, le demandeur n'était pas admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi, conformément au paragraphe 36(1) de la Loi.

[3]                Le demandeur a sollicité un nouvel examen de la décision du juge-arbitre en vertu de l'article 120 de la Loi. Le 14 avril 2003, le juge-arbitre a rejeté la demande de nouvel examen et a confirmé sa décision antérieure. Le 8 juillet 2003, notre collègue, le juge Décary, a ordonné que les deux demandes de contrôle judiciaire soit réunies pour n'en former qu'une seule.

[4]                Le demandeur s'est représenté lui-même tout au long du processus. Le dossier de demande qu'il nous a présenté contenait un certain nombre de pièces auxquelles s'est objectée l'avocate du défendeur pour deux motifs : les documents déposés avec le dossier de demande n'étaient pas appuyés d'un affidavit du demandeur et certains des documents n'avaient pas été présentés au juge-arbitre. Le tribunal a expliqué au demandeur que nous étions liés par le dossier tel qu'il était constitué devant le juge-arbitre, mais il a pris l'objection du défendeur sous réserve. On a permis au demandeur de formuler ses observations en se référant aux documents contestés. Toutefois, vu la conclusion à laquelle j'en suis venu quant au mérite de la demande de contrôle judiciaire, point n'est besoin de statuer sur l'objection du défendeur.

[5]                Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent ainsi :



Conflits collectifs

36. (1) Sous réserve des règlements, le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant :

Labour disputes

36. (1) Subject to the regulations, if a claimant loses an employment, or is unable to resume an employment, because of a work stoppage attributable to a labour dispute at the factory, workshop or other premises at which the claimant was employed, the claimant is not entitled to receive benefits until the earlier of

a) soit la fin de l'arrêt de travail;

b) soit, s'il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d'une façon régulière un emploi assurable.

(a) the end of the work stoppage, and

(b) the day on which the claimant becomes regularly engaged elsewhere in insurable employment.

Non-application

(4) Le présent article ne s'applique pas si le prestataire prouve qu'il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas directement intéressé.

Non-application

(4) This section does not apply if a claimant proves that the claimant is not participating in, financing or directly interested in the labour dispute that caused the stoppage of work.


[6]                Dans sa décision du 7 août 2002, le juge-arbitre a cité les conclusions du Conseil et a conclu qu'elles étaient exhaustives. Le Conseil a rejeté la prétention de la Commission selon laquelle le demandeur avait un intérêt direct dans le conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail. La Commission a admis que le demandeur ne finançait pas le conflit.

[7]                Toutefois, le Conseil a conclu que le demandeur avait participé au conflit collectif. Voici ce que le Conseil avait à dire sur cette question. Se référant à la participation du demandeur, le Conseil écrit aux pages 292 et 293 du dossier du défendeur :


[...] Sa participation à la grève est confirmée par le fait qu'il a accepté une indemnité de grève du 8 au 21 septembre 2000 (pièce 11). La charte nationale du syndicat et le règlement de la section locale exigent que leurs membres soient solidaires du SCFP et le prestataire a respecté cette obligation en ne se présentant pas au travail jusqu'à qu'il soit désigné comme un employé assujetti à l'OSE. À ce moment-là, il s'est rendu au travail les 1er et 2 novembre 2000 en présentant un laissez-passer. Le prestataire a fait référence à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Hills c. Procureur général du Canada (A-175-84). Après examen de cet arrêt, le conseil a conclu qu'il portait sur la disposition du paragraphe 36(4) qui ne fait pas l'objet du présent appel, i.e. le financement. Le prestataire était membre d'une section locale qui a négocié l'OSE avec la CRT ainsi que la section locale 15, dont les membres travaillant pour la ville de Vancouver se sont éventuellement mis en grève (pièce 3-15). Dans l'arrêt Jeanette Black et al. (A-552-00), qui traite d'une affaire semblable portant sur la participation, la Cour fédérale s'est exprimée, en partie, dans ces termes : (28)

« Afin de déterminer si un prestataire a le droit de se prévaloir du paragraphe 36(4) parce qu'il n'est qu'un simple spectateur qui est mêlé à un conflit impliquant un tiers, il me semble pertinent de tenir compte de la conduite du prestataire et de son agent négociateur au cours de la période qui a précédé la délivrance de l'OSE. Si un syndicat a été activement mêlé aux événements qui ont mené à la délivrance de l'OSE, ses membres ne peuvent pas par la suite alléguer qu'ils ont droit à des prestations d'assurance-emploi parce qu'ils ne participaient pas personnellement au conflit, et ce, indépendamment du degré de participation du syndicat au conflit ou de l'intérêt que le syndicat a dans le conflit, ainsi que de toutes les autres circonstances pertinentes. »

[8]                Les faits invoqués par le Conseil pour appuyer sa conclusion quant à la participation, c.-à-d. la réception d'indemnités de grève, la solidarité de sa section locale avec le SCFP, l'absence du prestataire de son travail et l'implication de la section locale du demandeur dans les négociations concernant l'ordonnance sur les services essentiels avec la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique ainsi que la section locale 15, dont les membres travaillant pour la ville de Vancouver se sont éventuellement mis en grève, étaient tous appuyés par la preuve.


[9]                Dans l'arrêt Black c. Canada (Commission de l'assurance-emploi), [2002] 1 C.F. 468 (C.A.F.), au paragraphe 28, la Cour a donné une définition du mot « participe » , lequel comprenait le même genre d'implication que celle du demandeur et de son syndicat en l'espèce. Le Conseil était lié par l'arrêt de la Cour et il n'a commis aucune erreur en le suivant, puisqu'il n'y a aucune distinction quant aux faits.

[10]            La conclusion du Conseil selon laquelle le demandeur avait participé au conflit en était une mixte de droit et de fait. Non seulement cette conclusion était raisonnable dans les circonstances, mais c'était la bonne. C'est à bon droit que le juge-arbitre s'est abstenu d'intervenir.

[11]            Comme on le lui avait demandé conformément à l'article 120 de la Loi, le juge-arbitre a à nouveau examiné sa décision en vue de la modifier ou de l'annuler. Il a conclu que le demandeur n'avait présenté aucun fait nouveau ni démontré d'erreur sur des faits importants qui justifierait la modification ou l'annulation de sa décision antérieure. Je ne vois pas d'erreur dans cette conclusion.

[12]            Le demandeur s'attendait à ce que le juge-arbitre se lance dans une enquête relativement à l'ensemble des dossiers de ses collègues qui auraient reçu des prestations d'assurance-emploi au cours de la même grève. Ce n'était pas et ce n'est pas le rôle d'un juge-arbitre saisi d'un appel en vertu de l'article 117 de la Loi. Le rôle du juge-arbitre consistait à examiner le bien-fondé de la décision du Conseil et, en l'absence d'une erreur, de rejeter l'appel.


[13]            En fin de compte, le demandeur s'est plaint que c'était la faute à son employeur s'il avait perdu ses prestations d'assurance-emploi. Il a prétendu qu'il ne devrait pas être pénalisé en raison du défaut de l'employeur de chercher à obtenir, en temps opportun, l'ordonnance sur les services essentiels qui lui a légalement permis de finalement franchir les lignes de piquetage. Comme son employeur a tardé à demander une telle ordonnance, il est resté sans travail et a été forcé de demander des prestations d'assurance-emploi. À mon humble avis, il n'y a aucun lien de causalité entre l'action de l'employeur et le refus des prestations d'assurance-emploi. Le demandeur n'a pu bénéficier des prestations non pas à cause de l'action de l'employeur, mais plutôt à cause de sa participation à la grève.

[14]            Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire sans frais, compte tenu des circonstances.

« Gilles Létourneau »

Juge

« Je souscris aux présents motifs »                                  « Karen R. Sharlow »

Juge

« Je souscris aux présents motifs »                                  « B. Malone »

        Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          A-375-03

INTITULÉ :                                         FRANK BATTISTA

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER

(COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 JUIN 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                      LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 22 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Frank Battista pour son propre compte POUR LE DEMANDEUR

Maria Molloy                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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