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Date : 20060713

Dossier : A-331-05

Référence : 2006 CAF 257

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON              

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

HARALD RALF KERN

et ELKE KERN

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le 26 juin 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2006.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE SEXTON

                                                                                                                           LE JUGE MALONE


 

Date : 20060713

Dossier : A‑331‑05

Référence : 2006 CAF 257

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

HARALD RALF KERN

et ELKE KERN

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Les appelants étaient tous deux administrateurs de 457189 B.C. Ltd. (la société), entreprise qui possédait et exploitait – à perte – un hôtel comprenant un restaurant et un magasin de bière et de vin. En fin de compte, la banque créancière a intenté une procédure en saisie contre la société et, en janvier 2000, un séquestre a été nommé.

 

[2]               La société a fait l'objet de nouvelles cotisations pour montants impayés au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur les produits et services. On lui a aussi réclamé des retenues à la source non versées relativement à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada. Le ministre du Revenu national a établi les cotisations à l'égard des appelants en tant qu'administrateurs de la société, conformément à l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et à l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise.

 

[3]               Le juge Miller de la Cour canadienne de l'impôt a constaté que les appelants avaient fait preuve de négligence dans la gestion de la société. Il a conclu que, bien qu'ils étaient conscients de ses difficultés financières, ils n'avaient pas établi de mécanismes ou de procédures propres à protéger les intérêts de l'État en ce qui a trait aux retenues à la source et à la TPS. En conséquence, il les a déclarés redevables en tant qu'administrateurs. Il a rejeté le recours formé par les appelants contre les cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais il a fait droit en partie à leur recours contre les cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

 

[4]               Les appelants, qui plaident pour eux-mêmes, ne contestent pas la conclusion de la Cour canadienne de l'impôt touchant leur obligation en tant qu'administrateurs. Ils contestent plutôt, concernant les cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, le montant réclamé par le fisc sur la base de l'avis de cotisation daté du 28 février 2002, qui semble en contradiction avec l'avis de confirmation émis par le ministre le 16 mai 2003.

 

[5]               L'avis de cotisation établit le total de la dette fiscale à 39 292,27 $, tandis que, selon l'avis de confirmation, ce total serait de 25 736,29 $. Les appelants soutiennent que la Cour de l'impôt aurait dû retenir ce dernier montant comme total de leur dette fiscale.

 

[6]               On peut comprendre la confusion des appelants, mais il reste que les deux avis, en fait, ne divergent pas. Le premier, l'avis de cotisation, établit la dette totale de la société sous le régime de la Loi (fédérale) de l'impôt sur le revenu, la British Columbia Income Tax Act, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'assurance-chômage et la Loi sur l'assurance-emploi. Le montant de 39 292,27 $ représente les retenues, les intérêts et les pénalités impayés qui étaient à la charge de la société et que le fisc réclamait maintenant aux appelants.

 

[7]               L'avis de confirmation, quant à lui, a été émis sous le régime du paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui dispose que, sur réception de l'avis d'opposition, le ministre doit examiner de nouveau la cotisation, et l'annuler, la ratifier, la modifier ou établir une nouvelle cotisation. L'avis de confirmation ne porte que sur le montant de la dette fiscale fédérale, majorée des intérêts et pénalités applicables : voir les pages 52 et 55 du volume 1 du dossier d'appel, en particulier le paragraphe 6 de la réponse. L'avis de cotisation établit la dette totale au titre des impôts provincial et fédéral et des autres contributions relatives aux charges sociales. L'avis de confirmation ne concerne que l'impôt fédéral sur le revenu réclamé sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'obligation des appelants, sous le régime de l'article 227.1, ne se limite pas cependant au montant impayé au titre de l'impôt fédéral sur le revenu.

 

[8]               À propos du jugement de la Cour de l'impôt touchant la TPS, les appelants ont avancé devant notre Cour l'argument que la cotisation de 51 000 $ pour l'année 1997 avait été établie hors délai, c'est‑à‑dire après l'expiration du délai de quatre ans prévu à l'alinéa 298(1)a) de la Loi sur la taxe d'accise.

 

[9]               Sauf révérence, le délai de prescription applicable aux cotisations qui – comme celles qui nous occupent – sont établies sous le régime de l'article 323 est prévu au paragraphe 323(5). En un mot, ce délai est de deux ans après que la personne physique faisant l'objet de la cotisation a cessé pour la dernière fois d'être un administrateur de la personne morale en cause.

 

[10]           Or, malheureusement pour les appelants, le dossier de la présente espèce ne contient aucun élément de preuve tendant à établir qu'ils aient cessé d'être des administrateurs de la société.

 

[11]           En fait, les appelants n'étaient pas représentés par un avocat et ont plaidé devant la Cour de l'impôt dans le cadre de la procédure informelle, malgré le caractère considérable des sommes en jeu. Le juge de la Cour de l'impôt s'est plaint de l'insuffisance du dossier sur le fondement duquel il devait se prononcer. C'est ainsi qu'il fait observer au paragraphe 37 de sa décision :

 

[traduction] Pour me résumer concernant les cotisations de TPS, je dirai que si ce résultat apparaît aux parties comme une solution sommaire et approximative, elles ont absolument raison, mais elles ne m'ont pas donné le choix. Dans une instance qui met en jeu plus de 200 000 dollars pour les appelants, aucune des parties n'a opté pour la procédure générale, où l'échange de documents et les interrogatoires préalables leur auraient offert à toutes deux une possibilité bien plus grande d'établir ce qui est vraiment arrivé. Elles ont plutôt décidé de jouer aux dés en ne me proposant que des renseignements limités, dont j'ai constaté qu'une grande part était inexacte. J'ai à me prononcer dans le cadre d'une procédure informelle; la présente espèce n'est pas une vérification, et je ne suis pas vérificateur. J'ai adopté la solution qui paraît la plus logique du point de vue commercial d'après la preuve incomplète ici produite, et je n'ai pas à m'excuser de ce qui pourra sembler sommaire dans ma décision.

 

 

[12]           Les appelants n'ayant pas produit de preuves qu'ils avaient cessé d'être des administrateurs, le délai de prescription n'a pas commencé à courir.

 

[13]           Les appelants font aussi valoir l'insuffisance de la communication par l'intimée d'éléments de preuve concernant la cotisation de TPS pour l'année d'imposition 1997. Ils affirment qu'ils ne s'étaient pas rendu compte que le montant établi s'appliquait à toute l'année et non pas seulement au dernier mois de celle‑ci, comme ils disent avoir été amenés à croire. Si on les avait informés que la cotisation s'appliquait à toute l'année, ajoutent-ils, ils auraient apporté à la Cour de l'impôt, et produit devant le juge de celle‑ci, des états de compte bancaire établissant que la TPS avait été versée à l'État pour la période de janvier à novembre 1997. Ils soutiennent que la conduite de l'intimée équivaut à un abus de procédure. Je ne souscris pas à cette dernière prétention.

 

[14]           Le vérificateur de l'intimée a témoigné à l'audience, où il a expliqué que la cotisation s'appliquait à toute l'année, mais qu'elle avait été reportée en décembre 1997 sur le dernier trimestre de cette année; voir le dossier d'appel, volume 2, onglet 1, pages 120, 123 et 142.

 

[15]           Il a procédé ainsi parce qu'il ne disposait pas de documents comptables de la société. Il lui a fallu établir une cotisation globale pour l'année 1997. Il l'a fait à partir de [traduction] « l'analyse des dépôts bancaires effectuée par les services chargés de la taxe de vente provinciale » (ibid., page 106). Selon lui, l'estimation de la dette aurait été beaucoup plus élevée, de 67 000 $ ou 68 000 $ au lieu des 48 000 $ de la cotisation établie, s'il avait projeté le sommaire des revenus du dernier trimestre sur les trois trimestres précédents (ibid.).

 

[16]           La vérification et la cotisation avaient pour objet d'établir le montant de la dette au titre de la TPS en fonction du montant des ventes. Rien n'empêche les appelants, à l'étape de la perception, de prouver que le montant établi dans la cotisation a déjà été payé en tout ou en partie et d'obtenir ensuite les mesures correctives qui s'imposent.

 

[17]           Enfin, les appelants soutiennent avoir été injustement pénalisés pour défaut de production de la déclaration de TPS correspondant au dernier trimestre de 1999. L'injustice tiendrait au fait que, en exécution d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le séquestre avait pris possession de tous leurs livres et journaux le 24 janvier 2000, ce qui, selon eux, leur avait rendu impossible la production de la déclaration en question.

 

[18]           Cet argument ne me paraît pas fondé. Il est vrai que les appelants avaient jusqu'au 31 janvier 2000 pour produire leur déclaration de TPS. Cependant, ils avaient connaissance de la procédure tendant à obtenir l'ordonnance en question et ils ont eu tout le temps nécessaire pour produire cette déclaration avant qu'elle ne fût rendue.

 

[19]           Qui plus est, M. Kern, selon ses propres déclarations, pouvait encore dans une certaine mesure diriger l'aspect logement de l'entreprise sous le contrôle du séquestre après la nomination de ce dernier; voir le dossier d'appel, volume 2, onglet 1, page 19. On voit mal comment ou pourquoi le séquestre n'aurait pas aidé les appelants à remplir, ou les aurait empêchés de remplir, leur obligation de produire une déclaration sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise.

 

[20]           En tout état de cause, l'existence d'un montant impayé au titre de la taxe nette à verser en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour le dernier trimestre de 1999 n'est pas contestée. Le distingué juge de la Cour de l'impôt a limité l'obligation des appelants à ce dernier trimestre; voir son jugement en date du 5 mai 2005.

 

 

[21]           Pour ces motifs, je rejetterais l'appel, avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

 

« Je souscris aux présents motifs

            J. Edgar Sexton, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

            B. Malone, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                       A‑331‑05

 

 

INTITULÉ :                                      HARALD RALF KERN et ELKE KERN

                                                           c.

                                                           SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)

 

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 26 JUIN 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                        LE JUGE SEXTON

                                                           LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 13 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harald Ralf Kern

POUR LES APPELANTS

 

Peter J. Leslie

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉE

 

 

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