Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20050506

Dossier : A-369-04

Référence : 2005 CAF 159

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                                     LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             c.

                                  TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.

                                                                                                                                                intimée

                                      Audience tenue à Calgary (Alberta), le 21 avril 2005.

                                        Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20050506

Dossier : A-369-04

Référence : 2005 CAF 159

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                                     LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             c.

                                  TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS


[1]                Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté d'une cotisation (TPS) établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. F-15 (la Loi). La question à trancher est la suivante : l'appelante peut-elle obtenir de la Cour canadienne de l'impôt une ordonnance radiant une partie de l'avis d'appel de l'intimée qui a été modifié à deux reprises alors qu'en réplique, l'appelante a déjà « répondu » à une question soulevée par l'intimée devant la Cour de l'impôt mais non dans l'avis d'opposition qu'elle a présenté au ministre du Revenu national (le ministre)?

[2]                Les parties reconnaissent que l'intimée est une « personne déterminée » au sens du paragraphe 301(1) de la Loi et qu'elle est donc assujettie aux paragraphes 301(1.1), (1.2), (1.3), (1.4), (1.5) et 306.1(1) de la Loi. Les règles qui, en vertu de la Loi, sont applicables aux personnes déterminées sont essentiellement les mêmes que celles relatives aux grandes sociétés dans la Loi de l'impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, ch-1 (5e supp.)). On trouve un historique de ces dispositions dans l'arrêt Potash Corp. of Saskatchewan Inc. c. La Reine, ((2003) 313 N.R. 325 (C.A.F.) par. 4).

[3]                Les dispositions pertinentes de la Loi sont libellées comme suit :









Opposition et appels

Personne déterminée

301. (1) Pour l'application du présent article, la personne à l'égard de laquelle est établie une cotisation au titre de la taxe nette pour sa période de déclaration, d'un montant (autre que la taxe nette) qui est devenu à payer ou à verser par elle au cours d'une telle période ou du remboursement d'un montant qu'elle a payé ou versé au cours d'une telle période est une personne déterminée relativement à la cotisation ou à un avis d'opposition à celle-ci si, selon le cas :

a) elle est une institution financière désignée visée à l'un des sous-alinéas 149(1)a)(i) à (x) au cours de la période en question;

b) elle n'était pas un organisme de bienfaisance au cours de la période en question et le montant déterminant qui lui est applicable, déterminé en conformité avec le paragraphe 249(1), dépasse 6 000 000 $ pour son exercice qui comprend cette période ainsi que pour son exercice précédent.

Opposition à la cotisation

(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d'opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

Question à trancher

(1.2) L'avis d'opposition que produit une personne qui est une personne déterminée relativement à une cotisation doit contenir les éléments suivants pour chaque question à trancher :

a) une description suffisante;

b) le redressement demandé, sous la forme du montant qui représente le changement apporté à un montant à prendre en compte aux fins de la cotisation;

c) les motifs et les faits sur lesquels se fonde la personne.

Observation tardive

(1.3) Malgré le paragraphe (1.2), dans le cas où un avis d'opposition produit par une personne à laquelle ce paragraphe s'applique ne contient pas les renseignements requis selon les alinéas (1.2)b) ou c) relativement à une question à trancher qui est décrite dans l'avis, le ministre peut demander par écrit à la personne de fournir ces renseignements. La personne est réputée s'être conformée à ces alinéas relativement à la question à trancher si, dans les 60 jours suivant la date de la demande par le ministre, elle communique par écrit les renseignements requis au ministre.

Restrictions touchant les oppositions

(1.4) Malgré le paragraphe (1.1), lorsqu'une personne a produit un avis d'opposition à une cotisation (appelée « cotisation antérieure » au présent paragraphe) relativement à laquelle elle est une personne déterminée et que le ministre établit, en application du paragraphe (3), une cotisation donnée par suite de l'avis, sauf si la cotisation antérieure a été établie en application du paragraphe 274(8) ou en conformité avec l'ordonnance d'un tribunal qui annule, modifie ou rétablit une cotisation ou renvoie une cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, la personne peut faire opposition à la cotisation donnée relativement à une question à trancher :

a) seulement si, relativement à cette question, elle s'est conformée au paragraphe (1.2) dans l'avis;

b) seulement à l'égard du redressement, tel qu'il est exposé dans l'avis, qu'elle demande relativement à cette question.

Application du paragraphe (1.4)

(1.5) Lorsqu'une personne a produit un avis d'opposition à une cotisation (appelée « cotisation antérieure » au présent paragraphe) et que le ministre établit, en application du paragraphe (3), une cotisation donnée par suite de l'avis, le paragraphe (1.4) n'a pas pour effet de limiter le droit de la personne de s'opposer à la cotisation donnée relativement à une question sur laquelle porte cette cotisation mais non la cotisation antérieure.

[...]

Appel à la Cour canadienne de l'impôt

302. La personne, ayant présenté un avis d'opposition à une cotisation, à qui le ministre a envoyé un avis de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire concernant l'objet de l'avis d'opposition peut, dans les 90 jours suivant cet envoi :

a) interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt;

b) si un appel a déjà été interjeté, modifier cet appel en y joignant un appel concernant la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire, en la forme et selon les modalités fixées par cette cour.

1990, ch. 45, art. 12

Restriction touchant les appels à la Cour canadienne de l'impôt

306.1 (1) Malgré les articles 302 et 306, la personne qui produit un avis d'opposition à une cotisation relativement à laquelle elle est une personne déterminée, au sens du paragraphe 301(1), ne peut interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler la cotisation, ou en faire établir une nouvelle, qu'à l'égard des questions suivantes :

a) une question relativement à laquelle elle s'est conformée au paragraphe 301(1.2) dans l'avis, mais seulement à l'égard du redressement, tel qu'il est exposé dans l'avis, qu'elle demande relativement à cette question;

b) une question visée au paragraphe 301(1.5), dans le cas où elle n'était pas tenue de produire un avis d'opposition à la cotisation qui a donné lieu à la question.

[Non souligné dans l'original.]

Objections and Appeals

Meaning of "specified person"

301. (1) Where an assessment is issued to a person in respect of net tax for a reporting period of the person, an amount (other than net tax) that became payable or remittable by the person during a reporting period of the person or a rebate of an amount paid or remitted by the person during a reporting period of the person, for the purposes of this section, the person is a "specified person" in respect of the assessment or a notice of objection to the assessment if

(a) the person was a listed financial institution described in any of subparagraphs 149(1)(a)(i) to (x) during that reporting period; or

(b) the person was not a charity during that reporting period and the person's threshold amounts, determined in accordance with subsection 249(1), exceed $6 million for both the person's fiscal year that includes the reporting period and the person's previous fiscal year.

Objection to assessment

(1.1) Any person who has been assessed and who objects to the assessment may, within ninety days after the day notice of the assessment is sent to the person, file with the Minister a notice of objection in the prescribed form and manner setting out the reasons for the objection and all relevant facts.

Issue to be decided

(1.2) Where a person objects to an assessment in respect of which the person is a specified person, the notice of objection shall

(a) reasonably describe each issue to be decided;

(b) specify in respect of each issue the relief sought, expressed as the change in any amount that is relevant for the purposes of the assessment; and

(c) provide the facts and reasons relied on by the person in respect of each issue.

Late compliance

(1.3) Notwithstanding subsection (1.2), where a notice of objection filed by a person to whom that subsection applies does not include the information required by paragraph (1.2)(b) or (c) in respect of an issue to be decided that is described in the notice, the Minister may in writing request the person to provide the information, and those paragraphs shall be deemed to be complied with in respect of the issue if, within 60 days after the request is made, the person submits the information in writing to the Minister.

Limitation on objections

(1.4) Notwithstanding subsection (1.1), where a person has filed a notice of objection to an assessment (in this subsection referred to as the "earlier assessment") in respect of which the person is a specified person and the Minister makes a particular assessment under subsection (3) pursuant to the notice of objection, except where the earlier assessment was made under subsection 274(8) or in accordance with an order of a court vacating, varying or restoring an assessment or referring an assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment, the person may object to the particular assessment in respect of an issue

(a) only if the person complied with subsection (1.2) in the notice with respect to that issue; and

(b) only with respect to the relief sought in respect of that issue as specified by the person in the notice.

Limitation on objections

Application of subsection (1.4)

(1.5) Where a person has filed a notice of objection to an assessment (in this subsection referred to as the "earlier assessment") and the Minister makes a particular assessment under subsection (3) pursuant to the notice of objection, subsection (1.4) does not limit the right of the person to object to the particular assessment in respect of an issue that was part of the particular assessment and not part of the earlier assessment

....

Appeal to Tax Court

302. Where a person files a notice of objection to an assessment and the Minister sends to the person a notice of a reassessment or an additional assessment, in respect of any matter dealt with in the notice of objection, the person may, within ninety days after the day the notice of reassessment or additional assessment was sent by the Minister,

(a) appeal therefrom to the Tax Court; or

(b) where an appeal has already been instituted in respect of the matter, amend the appeal by joining thereto an appeal in respect of the reassessment or additional assessment in such manner and on such terms as the Tax Court directs.

1990, c. 45, s. 12.

Limitation on appeals to the Tax Court

306.1 (1) Notwithstanding sections 302 and 306, where a person has filed a notice of objection to an assessment in respect of which the person is a specified person (within the meaning assigned by subsection 301(1)), the person may appeal to the Tax Court to have the assessment vacated, or a reassessment made, only with respect to

(a) an issue in respect of which the person has complied with subsection 301(1.2) in the notice, or

(b) an issue described in subsection 301(1.5) where the person was not required to file a notice of objection to the assessment that gave rise to the issue

and, in the case of an issue described in paragraph (a), the person may so appeal only with respect to the relief sought in respect of the issue as specified by the person in the notice.

[emphasis added]

[4]                Le 22 octobre 1999, le ministre a établi à l'égard de l'intimée une cotisation d'un montant de 2 277 632,28 $ au titre de la taxe nette additionnelle, que l'intimée n'avait pas déclarée, avec des intérêts de 605 793 $ et une pénalité de 768 169,55 $. La pénalité a été appliquée automatiquement, conformément au paragraphe 280(1) de la Loi.

[5]                L'intimée a déposé un avis d'opposition contestant pour plusieurs motifs l'avis de cotisation du 22 octobre 1999. Bien que l'imposition d'une pénalité ne soit pas précisément contestée, il est établi que la validité de la pénalité est remise en cause puisque cette somme serait automatiquement réduite si le montant de la cotisation du 22 octobre 1999 était réduit.

[6]                En conséquence de l'avis d'opposition, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'intimée le 25 mai 2000, réduisant le montant de taxe fixé antérieurement et, bien entendu, la pénalité connexe.


[7]                À la même date, l'intimée a déposé un avis d'opposition à la nouvelle cotisation, reprenant les mêmes arguments de fond que dans le premier avis d'opposition (exception faite des arguments accueillis par le ministre) et demandant que ces rajustements soient annulés [traduction] « de même que les intérêts et pénalités connexes » . Il s'agit du rajustement automatique de la pénalité qui s'appliquera si et dans la mesure où l'avis d'opposition est accueilli. Aucune question précise n'a été soulevée concernant l'imposition de la pénalité.

[8]                Le ministre a confirmé la nouvelle cotisation du 25 mai 2000. Le 10 mars 2003, l'intimée a déposé un avis d'appel, y soulevant les mêmes questions que dans son avis d'opposition du 25 mai 2000. Cet avis d'appel ne contient aucune mention de la pénalité.

[9]                L'intimée a ensuite déposé un avis d'appel modifié, dans lequel elle a tenté pour la première fois de soulever la défense de la diligence raisonnable qui a été reconnue par la Cour dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209. À cette fin, l'intimée :

a) a ajouté le paragraphe 17e) pour préciser que la nouvelle cotisation faisant l'objet de l'appel comprend des pénalités;

b) a ajouté le paragraphe 32.1 qui précise que [traduction] « [p]endant toute la période pertinente, et plus particulièrement au cours de la période en cause, [société remplacée par Telus] a agi avec soin, diligence et habileté dans le calcul et la déclaration de sa taxe nette » ;


c) a ajouté le paragraphe 33e) où elle demande formellement si [traduction] « le ministre a correctement imposé des pénalités à l'encontre de [société remplacée par Telus] et, plus particulièrement, si [société remplacée par Telus] a exercé le degré de soin, de diligence et d'habileté nécessaire dans le calcul et la déclaration de sa taxe nette » ;

d) a ajouté le paragraphe 38.1 qui contient ce qui suit : [traduction] « [e]n ce qui concerne les pénalités, l'appelante affirme avoir exercé le degré de soin, de diligence et d'habileté nécessaire dans le calcul et la déclaration de sa taxe nette. À ce titre, le ministre a commis une erreur dans le montant de la pénalité imposée en vertu du paragraphe 280(1) de la Loi » .

Un avis d'appel modifié à deux reprises, contenant des modifications qui ne sont pas pertinentes pour le présent appel, a été déposé.

[10]            L'appelante a déposé une réponse à l'avis d'appel modifié à deux reprises et y a répondu à la question de la diligence raisonnable.


[11]            L'appelante a présenté une demande en vertu de l'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (DORS/90-688a), en vue d'obtenir une ordonnance radiant les paragraphes dans lesquels l'intimée a soulevé la défense de diligence raisonnable. Elle a affirmé que les règles qui, dans la Loi, sont relatives à la « personne déterminée » empêchaient l'intimée de porter cette nouvelle question en appel et elle ajoute qu'en le faisant, l'intimée a commis un abus de procédure.

[12]            Le juge de la Cour de l'impôt (Telus Communications (Edmonton) Inc. c. Canada, [2004] G.S.T.C. 94 (C.C.I.)) a rejeté la requête pour le motif que l'appelante (défenderesse devant la Cour de l'impôt) avait lié contestation sur la question de la pénalité et que, ce faisant, elle ne pouvait prétendre que les paragraphes en cause constituaient un abus de procédure. Le juge de la Cour de l'impôt a écrit :

[Traduction]

[1] Dans sa réponse [paragraphes 25ff), 26e) et 33] à l'avis d'appel modifié à deux reprises, l'intimée a lié contestation sur la question des pénalités, question faisant l'objet des paragraphes que l'appelante cherche à faire radier.

[2] En conséquence, selon moi, ces paragraphes ne constituent pas un abus de procédure. La requête est donc rejetée. Je suis également d'avis que les questions soulevées dans la requête devront être tranchées par le juge du procès.

[...]

[13]            La notion de « réponse » (pleading over), à laquelle fait allusion le juge de la Cour de l'impôt, se trouve dans l'arrêt de la Cour Nabisco Brands Ltd. c. Proctor & Gamble (1985), 5 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.), où le juge Urie a dit (p. 418) :


Il existe, à notre avis, un motif supplémentaire pour rejeter l'appel. Bien qu'il ne fasse aucun doute que la Cour a le pouvoir, en vertu du paragraphe 419(1) des Règles, de radier tout élément d'une plaidoirie à tout stade d'une procédure, il semble clair, à tout le moins en ce qui a trait aux alinéas b) à f) du paragraphe 419(1) des Règles, qu'elle ne le fera pas dans les cas où, comme en l'espèce, la partie sollicitant la radiation a déjà plaidé à l'encontre des allégations que renferme le paragraphe attaqué (Montreuil c. La Reine, [1976] 1 C.F. 528, à la p. 529).

[14]            Dans Montreuil c. La Reine, [1976] 1 C.F. 528, à la page 529, le juge Addy a expliqué la notion de « réponse » :

Tant qu'au premier motif invoqué par le procureur de la défenderesse, la défense générale déposée en réponse à la déclaration constitue un obstacle fatal : lorsqu'une partie plaide en réponse aux allégations contenues dans une plaidoirie de l'adversaire sans soulever d'objection en droit à la forme ou au contenu de la plaidoirie à laquelle il répond, il ne lui est pas loisible par la suite de s'objecter à la plaidoirie de l'adversaire sans retirer ou modifier sa propre plaidoirie en réponse à celle à laquelle il s'objecte (voir Dominion Sugar Co. c. Newman [...]). Les alinéas b) à f) inclusivement du paragraphe (1) de la Règle 419 de la Cour fédérale doivent être interprétés à la lumière de ce principe fondamental.

[15]            À l'époque où la Cour a rendu cette décision, l'alinéa 419(1)f) des Règles de la Cour fédérale prévoyait ce qui suit :

Radiation des plaidoiries

Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou sans permission d'amendement, au motif

[...]

     f) qu'elle constitue par ailleurs un          emploi abusif des procédures de la          Cour,

et elle peut ordonner que l'action soit suspendue ou rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

Striking out Pleadings

Rule 419. (1) The Court may at any stage of an action order any pleading or anything in any pleading to be struck out, with or without leave to amend, on the ground that

...

     (f) it is otherwise an abuse of the             process of the Court,

and may order the action to be stayed or dismissed or judgment to be entered accordingly.


[16]            Vu que l'alinéa 419(1)f) des Règles de la Cour fédérale correspond à l'alinéa 53c) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), l'intimée affirme que le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur et que l'appelante ne peut pas invoquer l'abus de procédure dans sa requête puisque, dans sa réponse, elle a répliqué à la défense de diligence raisonnable soulevée par l'intimée.

[17]            J'estime que, malgré les actes de procédure, dans un appel visant une « personne déterminée » , la Cour de l'impôt n'a pas la compétence requise pour trancher une question qui n'a pas été soulevée en bonne et due forme dans l'avis d'opposition.

[18]            La personne qui est une « personne déterminée » a le droit de s'opposer à toute question ayant trait à une cotisation. Pour ce faire, toutefois, elle doit déposer un avis d'opposition, qui satisfait aux exigences du paragraphe 301(1.2) de la Loi. Autrement dit, la question doit être suffisamment décrite, elle doit être quantifiée et elle doit être appuyée par un exposé des faits et des motifs.

[19]            La personne qui est une « personne déterminée » peut également s'opposer à une nouvelle cotisation établie par le ministre, après examen de l'avis d'opposition, mais seulement relativement aux questions soulevées dans le premier avis d'opposition ou aux nouvelles questions soulevées dans une nouvelle cotisation (paragraphes 301(1.4) et (1.5) de la Loi).


[20]            Les mêmes restrictions s'appliquent à un appel devant la Cour de l'impôt. En vertu de l'article 302 de la Loi, une personne ne peut interjeter appel avant d'avoir signifié un avis d'opposition au ministre dans le délai prescrit. Ce droit d'appel est également limité, en ce qui concerne les personnes déterminées, par le paragraphe 306.1(1) de la Loi en vertu duquel une personne déterminée peut interjeter appel devant la Cour de l'impôt seulement à l'égard d'une question soulevée en bonne et due forme dans son avis d'opposition et seulement à l'égard du redressement demandé relativement à cette question, tel qu'il est exposé dans l'avis d'opposition. Une question est soulevée en bonne et due forme dans la mesure où elle respecte les exigences du paragraphe 301(1.2) (sous réserve de l'exception prévue au paragraphe 301(1.5), qui ne s'applique pas dans la présente instance).

[21]            En l'espèce, la question de la diligence raisonnable n'a jamais été soulevée dans l'un des avis d'opposition. La demande de l'intimée d'annuler « les intérêts et pénalités connexes » , mentionnée seulement dans son avis d'opposition à la nouvelle cotisation, ne faisait pas allusion à la question de la diligence raisonnable; elle était plutôt liée à la réduction des intérêts et des pénalités découlant de la demande de réduction des rajustements de taxe nette. L'intimée ne peut donc pas soulever la défense de diligence raisonnable dans son avis d'appel modifié à deux reprises devant la Cour de l'impôt.


[22]            L'intimée soutient que les parties doivent soulever les questions à trancher dans leurs actes de procédure si elles veulent que la Cour se prononce sur celles-ci. Elle affirme que l'omission du ministre de soulever une opposition fondée sur le paragraphe 306.1(1) de la Loi et de présenter les faits justifiant une telle opposition rend irrecevable sa requête en radiation. L'intimée établit une analogie avec l'arrêt Kibale c. Canada (1990), 123 N.R. 153 (C.A.F.). Dans cet arrêt, la Couronne a tenté de faire radier une déclaration pour le motif qu'elle n'avait pas été déposée dans le délai prescrit. Le juge Pratte a dit au nom de la Cour (par. 3) :

[3] ... D'autre part, un « Statute of Limitations » suivant la « common law » n'éteint pas le droit d'action mais donne seulement au défendeur un moyen de défense d'ordre procédural qu'il peut ne pas invoquer et qu'il doit, s'il veut s'en prévaloir, plaider en défense (voir Règle 409). C'est dire qu'un demandeur n'est pas tenu, lorsqu'il rédige sa déclaration, d'alléguer tous les faits qui démontrent que son action est prise en temps utile. En effet, un demandeur n'est pas obligé de prévoir tous les moyens que son adversaire pourra lui opposer. Il peut attendre la production de la défense et, dans le cas où le défendeur invoque que l'action est tardive, plaider en réponse les faits qui, à son avis, révèlent qu'elle ne l'est pas. Il s'ensuit que, comme le juge Collier le décidait dans Hanna et al. v. The Queen (1986), 9 F.T.R. 124, un défendeur doit plaider un « Statute of Limitations » dans sa défense; il ne lui est pas permis de le faire dans une requête en radiation sous l'empire de la Règle 419 [...].

[23]            Il est inutile d'établir une analogie avec les règles applicables dans le cas de lois sur la prescription [statute of limitations]. Les parties ne peuvent par leurs agissements conférer à la Cour de l'impôt une compétence que la loi ne lui reconnaît pas (R. c. Krahenbil, [2000] 3 C.T.C. 178 (C.A.F.)).


[24]            L'intimée soutient également que l'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) ne peut pas être invoqué. Elle affirme que le ministre aurait dû procéder en vertu de l'alinéa 58(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) concernant l'examen des questions mixtes de droit et de fait. Elle ajoute que la question de savoir si l'intimée a respecté le paragraphe 301(1.2) est une question mixte de droit et de fait. Elle rappelle à la Cour que, dans Weider c. Beco Industries (1976), 29 C.P.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.), à la page 176, le juge Mahoney a dit que « [...] plaider une cause d'action sur laquelle la Cour n'a pas compétence pour statuer constitue clairement un emploi abusif des procédures [...] » . La requête présentée par l'appelante en vertu de l'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) était donc correcte.

[25]            L'appel devrait être accueilli avec dépens devant la Cour et devant la Cour canadienne de l'impôt, la décision de la Cour canadienne de l'impôt devrait être annulée et les paragraphes 32.1, 33e), 38.1 et 39e) de l'avis d'appel de l'intimée qui a été modifié à deux reprises devraient être radiés.

           (s) « Alice Desjardins »                                                                                                                           Juge

« Je souscris aux présents motifs

     Robert Décary, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-369-04

INTITULÉ :                                        LA REINE c. TELUS COMMUNICATIONS

(EDMONTON) INC.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 21 AVRIL 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE DÉCARY

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                       LE 6 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Margaret A. Irving                                 POUR L'APPELANTE

Michel Bourque                                     POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                  POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

Bennett Jones s.r.l.                                 POUR L'INTIMÉE

Calgary (Alberta)


Date : 20050506

Dossier : A-369-04

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2005

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                             LA REINE

                                                                                            appelante

                                                     c.

          TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.

                                                                                                intimée

                                           JUGEMENT

L'appel est accueilli avec dépens devant la Cour et devant la Cour canadienne de l'impôt, la décision de la Cour canadienne de l'impôt est annulée et les paragraphes 32.1, 33e), 38.1 et 39e) de l'avis d'appel de l'intimée qui été modifié à deux reprises sont radiés.

          (s) « Alice Desjardins »                                                                                                                            Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


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