Date : 20050407
Dossier : A-341-04
Référence : 2005 CAF 123
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Demandeur
et
DANIEL BEAUDIN
Défendeur
Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 avril 2005.
Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 7 avril 2005.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LÉTOURNEAU
Date : 20050407
Dossier : A-341-04
Référence : 2005 CAF 123
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Demandeur
et
DANIEL BEAUDIN
Défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 7 avril 2005)
[1] Quoique les faits invoqués par le défendeur et la situation dans laquelle il s'est retrouvé méritent notre sympathie, nous sommes d'avis que la demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision du juge-arbitre dans le dossier CUB 60672 doit être accueillie.
[2] La jurisprudence de notre Cour quant à l'interprétation et à l'application du paragraphe 10(4), ci-après reproduit, de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi) est constante :
Demande initiale tardive 10(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard. |
Late initial claims 10(4) An initial claim for benefits made after the day when the claimant was first qualified to make the claim shall be regarded as having been made on an earlier day if the claimant shows that the claimant qualified to receive benefits on the earlier day and that there was good cause for the delay throughout the period beginning on the earlier day and ending on the day when the initial claim was made. |
(nous soulignons)
[3] Selon les arrêts Canada (Procureur général) c. Smith, [1993] A.C.F. no. 368, Canada (Procureur général) c. Rouleau, [1995] A.C.F. no. 1203 et Shebib c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no. 281, pour n'en nommer que quelques-uns, la bonne foi et l'ignorance de la loi ne constituent pas, en elles-mêmes, un motif valable de justification du retard à présenter une demande initiale de prestations d'assurance-chômage à la suite d'un congédiement. Toutefois, elles n'excluent pas l'existence d'un motif valable si le prestataire démontre qu'il a agi comme une personne raisonnable l'aurait fait dans la même situation pour s'assurer tant de ses droits que de ses obligations qui découlent de la Loi.
[4] En l'espèce, la justification fournie par le défendeur consiste essentiellement dans le fait qu'il n'était pas familier avec le système d'assurance-emploi et que c'est la raison pour laquelle il a formulé sa demande initiale presqu'un an après son congédiement : sa demande fut faite le 18 août 2003 alors que sa cessation d'emploi datait du 27 septembre 2002.
[5] Il n'est pas inutile de rappeler que le paragraphe 10(4) de la Loi n'est pas le produit d'un simple caprice législatif. Il renferme une politique, sous forme d'exigence, qui participe d'une saine et efficiente administration de la Loi. Car d'une part, cette politique permet de « veiller à la bonne gestion et au traitement efficace des demandes de prestations » ainsi qu'à la Commission « de vérifier constamment l'admissibilité continue des prestataires à qui des prestations sont versées » : voir les CUB 18145, le 29 juin 1999 par le juge-arbitre Joyal et CUB 23803, le 27 juin 1994 par le juge-arbitre Rouleau. Le fait d'antidater la demande de bénéfices peut porter atteinte à l'intégrité du système en ce qu'il accorde à un prestataire un octroi rétroactif et inconditionnel du bénéfice des prestations, sans possibilité de vérification des critères d'admissibilité durant la période de rétroactivité : voir les CUB 13007, le 12 décembre 1986 et CUB 14019, le 7 août 1987 par le juge-arbitre Joyal.
[6] En outre, une saine et équitable administration du système requiert que la Commission se livre à une vérification rapide et la plus contemporaine possible des événements et des circonstances qui génèrent la demande de bénéfices : voir CUB 15236A, le 30 avril 1987 par le juge-arbitre Strayer. Sans quoi, la Commission se retrouve dans la difficile position de devoir se livrer à un travail ou à un processus de reconstruction des événements, avec les coûts et les aléas afférents à un tel processus. C'est ce qui explique le principe, depuis longtemps établi par la jurisprudence de notre Cour, que l'ignorance de la Loi n'excuse pas le retard à produire une demande initiale de bénéfices.
[7] Le conseil arbitral a erré en droit en retenant la bonne foi du défendeur comme justification du retard à présenter la demande initiale. Le juge-arbitre aurait dû faire droit à l'appel de la Commission et rétablir la décision de cette dernière : Canada (Attorney General) v. Johnson (2004), 318 N.R. 354, à la page 357. Il a plutôt ajouté à l'erreur du conseil arbitral en y ajoutant et reconnaissant comme valable l'ignorance de la loi.
[8] Pour ces motifs, la demande contrôle judiciaire sera accueillie, mais sans frais dans les circonstances. La décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera retournée au juge-arbitre en chef, ou à la personne qu'il désigne, pour qu'elle soit décidée à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral en date du 29 octobre 2003 doit être accueilli et la décision de la Commission, selon laquelle le défendeur n'a pas fourni un motif valable de son retard à produire sa demande initiale de bénéfices, rétablie.
« Gilles Létourneau »
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-341-04
INTITULÉ : PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DANIEL BEAUDIN
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal
DATE DE L'AUDIENCE : le 7 avril 2005
MOTIFS DU JUGEMENT LE JUGE LÉTOURNEAU
DE LA COUR : LE JUGE NOËL
LE JUGE NADON
PRONONCÉS À L'AUDIENCE
(PAR) : LE JUGE LÉTOURNEAU
COMPARUTIONS :
Me Paul Deschênes
|
POUR LE DEMANDEUR |
Me Michel Huot |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
John H. Sims, Sous-Procureur général du Canada
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POUR LE DEMANDEUR |
Turgeon Fauteux, Therrien & Associés Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |