Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20051212

Dossier : A-34-05

Référence : 2005 CAF 414

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NOËL                    

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES

ET DU REVENU DU CANADA

appelant

et

AGRI PACK

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 1er décembre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE LINDEN

                                                                                                                           LE JUGE SEXTON


Date : 20051212

Dossier : A-34-05

Référence : 2005 CAF 414

CORAM :       LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NOËL                    

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES

ET DU REVENU DU CANADA

appelant

et

AGRI PACK

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                La Cour est saisie d'un appel et d'un appel incident à l'encontre d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal ou le TCCE) en date du 2 novembre 2004 ([2004] T.C.C.E. n ° 129 (QL)), concernant le classement tarifaire de huit sortes de sacs à oignons importés par Agri Pack (l'intimée) le 26 août 2002.


Contexte

[2]                Le classement des sacs à oignons en vertu du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36 (le Tarif) est un processus en deux étapes. En premier lieu, le Tribunal doit classer les sacs à oignons sous l'un des numéros tarifaires figurant aux chapitres 1 à 97 de l'annexe du Tarif (Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, Annexe). Le Tribunal doit ensuite décider si les sacs à oignons sont également visés par l'allègement tarifaire applicable au numéro tarifaire 9903.00.00.

[3]                Le Tribunal a d'abord jugé que les sacs à oignons devaient être classés sous le numéro tarifaire 6305.33.00, en tant que « sacs et sachets d'emballage de matières textiles synthétiques ou artificielles, obtenus à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène ou de polypropylène » . Le Tribunal a ensuite conclu que tous les sacs à oignons, à l'exception des sacs « principaux » , pouvaient bénéficier du régime d'allègement tarifaire prévu au numéro tarifaire 9903.00.00, qui s'applique aux « articles devant servir dans » les machines à ensacher, à empaqueter ou pour remplir utilisées pour les légumes frais.

[4]                Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'appelant) soutient qu'aucun des sacs à oignons en cause ne sont destinés à servir dans les machines pour ensacher, remplir ou empaqueter utilisées pour les oignons, tel que prévu au numéro tarifaire 9903.00.00.

[5]                L'intimée a interjeté un appel incident au motif que les sacs à oignons doivent être classés sous le numéro tarifaire 5608.19.90 et non sous le numéro tarifaire 6305.33.00, car ils sont faits de filets confectionnés en matières textiles. L'intimée soutient en outre que les sacs à oignons « principaux » doivent être classés sous le numéro tarifaire 9903.00.00, comme les autres sacs.

Les faits

[6]                Huit sortes de sacs à oignons sont en cause. La preuve démontre que même si ces sacs peuvent être utilisés de différentes manières, ils ont tous été utilisés en l'espèce pour empaqueter des oignons frais à l'aide de machines pour ensacher les oignons.

[7]                Les sacs sont faits d'un morceau de tissu à armure gaze à mailles ouvertes, tissé avec des rubans de polypropylène d'une largeur d'au plus 5 mm. Le tissu est plié sur lui-même et cousu le long de deux côtés, laissant le troisième côté ouvert pour former des sacs de différentes tailles uniformisées, afin de contenir un poids précis. Les sacs sont dotés d'une fermeture à cordon qui permet de tirer les sacs fermés et de les attacher. L'armure de polypropylène permet l'imperméabilisation et l'aération du sac, en conformité des normes de l'industrie.

[8]                Sept des huit sacs à oignons ont une contenance de 10 livres, de 25 livres ou de 50 livres et servent à empaqueter des oignons en vrac. Le huitième sac (le sac « principal » ) possède les mêmes caractéristiques que les sept premiers mais il sert à empaqueter des petits sacs de 3 livres ou de 5 livres.

[9]                Les sacs à oignons ont été importés par l'intimée et vendus à trois clients; ces derniers ont fourni des certificats d'utilisation finale, confirmant qu'ils ont utilisé les sacs pour empaqueter des oignons. Le directeur d'usine de l'un de ces clients (Hillside Gardens) a décrit le processus d'empaquetage de manière très détaillée. Un bref résumé de ce processus sera suffisant pour les présents motifs.

[10]            Les oignons sont placés sur un grand basculateur avant d'arriver sur un tapis roulant, qui les transporte vers une brosse qui élimine les peaux détachées et la saleté. Après avoir été classés à la main, les oignons sont acheminés sur le tapis roulant jusqu'à une pince, avant d'être transportés sur d'autres tapis roulants jusqu'à des tables d'alimentation, qui distribuent les oignons vers les machines à ensacher.

[11]            Trois sortes de machines ont été utilisées, à savoir les ensacheuses Octo-Pak et edp® ainsi que la machine à ensacher dans les sacs principaux. Toutes ces machines fonctionnement essentiellement de la même manière. Les sacs sont enserrés sur des bras rotatifs, qui s'ajustent selon la taille des sacs et sont programmés pour tourner sous un compartiment dans lequel les oignons s'accumulent jusqu'au poids souhaité (10 livres, 25 livres ou 50 livres). Un signal est émis grâce à un oeil électronique et les oignons sont alors déversés dans le sac. Une fois rempli, le sac se déplace pour permettre le remplissage du sac suivant. Un opérateur enlève ensuite le sac rempli de la pince et l'attache, avant de le placer sur un patin de glissement.

[12]            Quant à elle, la machine à ensacher dans les sacs principaux n'est pas dotée d'une fonction de remplissage automatique. Les sacs sont remplis manuellement pendant que les pinces maintiennent les sacs ouverts. La caractéristique commune de ces trois machines est qu'aucune d'elles ne peut fonctionner sans qu'un sac n'y ait été fixé.

Le cadre législatif

[13]            Le Tarif définit le processus de classement des marchandises comme suit :

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe.

[...]

11. Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

10.(1) Subject to subsection (2), the classification of imported goods under a tariff item shall, unless otherwise provided, be determined in accordance with the General Rules for the Interpretation of the Harmonized System and the Canadian Rules set out in the schedule.

...

11. In interpreting the headings and subheadings, regard shall be had to the Compendium of Classification Opinions to the Harmonized Commodity Description and Coding System and the Explanatory Notes to the Harmonized Commodity Description and Coding System, published by the Customs Co-operation Council (also known as the World Customs Organization), as amended from time to time.

[14]            Les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé (les Règles générales) sont structurées en cascade. Si et seulement si le classement d'un article donné ne peut pas être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors appliquer la Règle 2 et ainsi de suite. Les Règles générales prévoient ce qui suit :

Le classement des marchandises dans la Nomenclature est effectué conformément aux principes ci-après :

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

[...]

3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit :

a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l'une d'elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

Classification of goods in the Nomenclature shall be governed by the following principles:

1. The titles of Sections, Chapters and sub-Chapters are provided for ease of reference only; for legal purposes, classification shall be determined according to the terms of the headings and any relative Section or Chapter Notes and, provided such headings or Notes do not otherwise require, according to the following provisions:

...

3. When by application of Rule 2 (b) or for any other reason, goods are, prima facie, classifiable under two or more headings, classification shall be effected as follows:

(a) The heading which provides the most specific description shall be preferred to headings providing a more general description. However, when two or more headings each refer to part only of the materials or substances contained in mixed or composite goods or to part only of the items in a set put up for retail sale, those headings are to be regarded as equally specific in relation to those goods, even if one of them gives a more complete or precise description of the goods.

...

[15]            La nomenclature tarifaire pertinente, en l'espèce, est libellée comme suit :

56.08                        [...] filets confectionnés pour la pêche et autres filets confectionnés, en matières textiles.

-En matières textiles synthétiques ou artificielles :

[...]

5608.19                    --Autres

[...]

5608.19.90               ---Autres

[...]

63.05            Sacs et sachets d'emballage.

[...]

-De matières textiles synthétiques ou artificielles :

[...]

6305.33.00               --Autres, obtenus à partir de lames ou formes similaires de polyéthylène ou de polypropylène

56.08                        ... made up fishing nets and other made up nets, of textile materials.

-Of man-made textile materials:

...

5608.19                              --Other

...

5608.19.90                      ---Other

...

63.05        Sacks and bags, of a kind used for the packing of goods.

...

-Of man-made textile materials:

...

6305.33.00               --Other, of polyethylene or polypropylene strip or the like

[16]            Le numéro tarifaire visé par un allègement tarifaire, le n ° 9903.00.00, comporte la description suivante :

[...] articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Machines combinées à ensacher ou à emboîter et peser ou machines pour remplir, utilisées pour les fruits frais ou légumes frais;

[...]

Machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs;

[...]

... articles for use in the following:

...

Combination machinery for bagging or boxing and weighing, or machinery for filling, for use with fresh fruit or vegetables;

...

Machinery for packing fresh fruit or vegetables from the dumper, feed table, bin or hopper stage to the box or bag closing stage;

...

Décision du TCCE

[17]            Analysant ce qu'il définit comme la première question en litige, le TCCE examine les positions 56.08 et 63.05 du Tarif de même que les Notes explicatives (Organisation mondiale des douanes, Notes explicatives, 3e éd., (Bruxelles, 2002), vol. 2, sections VI à XI, ch. 30 à 63) concernant ces positions. Le TCCE est d'accord avec l'argument de l'appelant voulant que les marchandises en cause ne sont pas visées dans la position 56.08, vu le libellé des Notes explicatives concernant cette position, à savoir que les marchandises qui sont spécifiquement visées dans une autre position ne peuvent être classées dans la position 56.08. En l'espèce, le TCCE a conclu que le classement approprié est la position 63.05 puisque cette position porte spécifiquement sur les marchandises en cause.

[18]            Le TCCE poursuit son raisonnement en affirmant que les marchandises en cause (à l'exception des sacs principaux) peuvent bénéficier de l'allègement tarifaire prévu au numéro tarifaire 9903.00.00, à titre d'articles devant servir dans des machines pour ensacher, remplir ou empaqueter utilisées pour des légumes frais. En parvenant à cette conclusion, le TCCE écarte les prétentions de l'appelant voulant que les sacs, parce qu'ils sont fixés aux machines pendant un court laps de temps, ne sont pas suffisamment reliés aux machines pour être inclus dans le numéro tarifaire 9903.00.00.

[19]            En ce qui concerne les sacs principaux, puisqu'ils servent de contenants lors de la phase manuelle de l'opération, le TCCE conclut qu'on ne peut pas affirmer qu'ils sont intégralement reliés à des « machines pour remplir » ou à des « machines à ensacher » (motifs, paragraphe 30) au sens entendu au numéro tarifaire 9903.00.00.



Les erreurs alléguées dans la décision du TCCE

[20]            L'appelant soutient que le TCCE a commis une erreur en concluant que les marchandises en cause (à l'exception des sacs principaux) étaient admissibles au titre de l'allègement des droits de douane prévu au numéro tarifaire 9903.00.00. Lors de l'audition de l'appel, le procureur a fondé sa cause sur une simple question d'interprétation de la loi. Selon lui, les sacs en cause sont destinés à être utilisés « avec » les machines plutôt que « dans » les machines, tel que prévu dans le Tarif; en outre, le TCCE aurait omis de tenir compte de cette distinction. Tous les autres arguments soulevés par l'appelant devant le TCCE et repris dans son mémoire des faits et du droit ont été abandonnés.

[21]            Au soutien de son appel incident, l'intimée affirme que le TCCE a commis une erreur susceptible de faire l'objet d'un contrôle judiciaire en excluant les sacs principaux du régime d'allègement des droits de douane prévu au numéro tarifaire 9903.00.00. Selon l'intimée, le TCCE serait parvenu à la conclusion contraire s'il avait pris en compte la catégorie plus étendue des machines « pour empaqueter » admissibles au titre du numéro tarifaire 9903.00.00.

[22]            En ce qui concerne la première question définie par le TCCE, l'intimée fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant que les marchandises en cause doivent être classées dans la position tarifaire 63.05, au motif que ces marchandises sont plus spécifiquement décrites dans cette position, plutôt que dans la position 56.08. L'intimée affirme que ce faisant, le TCCE a omis de prendre en compte la note 2a) du chapitre 63 (la note de chapitre 2a)), qui exclut l'application de la position tarifaire 63.05 dans les circonstances de l'espèce.

[23]            Dans sa décision, le TCCE ne fait aucune mention de cet argument mais le dossier indique qu'il a bel et bien été plaidé (dossier d'appel, volume 1, page 45). Aux dires de l'intimée, le TCCE a tout simplement mal compris cet argument.


La norme de contrôle applicable

[24]            Selon le libellé du paragraphe 68(1) de la Loi, sont seuls autorisés les appels interjetés à l'encontre d'une décision du TCCE qui soulèvent une question de droit. Les questions relatives à l'interprétation du Tarif et de son annexe sont des questions de droit qui doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, compte tenu de la très grande expertise que possède le TCCE en matière de classement tarifaire (Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c. Schrader Automotive Inc. (1999) 240 N.R. 381 (C.A.F.), au paragraphe 4; Sandvik Tammock Canada Ltd. et. al. c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise), [2001] A.C.F. n ° 1692 (C.A.); 2001 CAF 340, au paragraphe 13).

[25]            La Cour de révision qui examine une interprétation du Tarif selon la norme de la décision raisonnable simpliciter doit faire preuve de retenue face à un raisonnement pouvant logiquement justifier l'interprétation du TCCE (Star Choice Television Network Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2004] A.C.F. n ° 674 (C.A.), au paragraphe 7). Une décision sera jugée déraisonnable si le tribunal retient une interprétation que le libellé du Tarif ne peut raisonnablement justifier.

Analyse et décision

L'appel principal

[26]            L'appelant soutient que le TCCE a commis une erreur de droit en concluant que les marchandises en cause peuvent être également classées sous le numéro tarifaire 9903.00.00, en tant qu'articles « devant servir dans » des machines mentionnées dans ce numéro tarifaire, et qu'elles sont donc admissibles à un allègement des droits de douane.

[27]            Pour que les marchandises puissent bénéficier de l'allègement tarifaire prévu au numéro tarifaire 9903.00.00, il doit s'agir d' « articles » et ceux-ci doivent « servir dans » des machines à ensacher. Le paragraphe 2(1) du Tarif définit comme suit l'expression « devant servir à » :

« devant servir dans » ou « devant servir à » Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d'autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation.           

wherever it appears in a tariff item, in respect of goods classified in the tariff item, means that the goods must be wrought or incorporated into, or attached to, other goods referred to in that tariff item.

[28]            L'appelant admet que les marchandises en cause sont des « articles » et que les machines prises en compte par le TCCE sont effectivement visées par le numéro tarifaire 9903.00.00 mais il conteste la conclusion du TCCE voulant qu'il s'agisse d'articles « devant servir dans » ces machines, au sens entendu dans la définition.

[29]            Selon l'appelant, l'expression « attached to » (entrer dans la composition par voie de fixation), sur laquelle le TCCE s'est appuyé, doit être lue avec les mots qui la précèdent, lesquels exigent que les articles entrent dans la composition des machines admissibles par voie d'ouvraison ou d'incorporation (wrought or incorporated into). Le critère exigeant une certaine forme d'incorporation est encore plus évident dans la version française, où il est précisé que pour être admissible, l'article doit faire partie intégrante de la machine. L'appelant soutient que le TCCE a omis de lire les mots dans leur contexte, lorsqu'il affirme que les sacs sont attachés aux machines simplement parce qu'ils sont enserrés dans les machines au cours du processus d'ensachage.

[30]            Cet argument ne repose sur aucun fondement. Le TCCE a compris que les mots « attached to » doivent être lus dans leur contexte et qu'il n'est pas suffisant d'établir un simple lien physique. Le Tribunal s'exprime comme suit, au paragraphe 31 de ses motifs :

Étant donné la définition citée plus haut de l'expression « devant servir dans » , le Tribunal doit déterminer si les marchandises entrent dans la composition d'autres marchandises mentionnées dans le numéro tarifaire ci-dessus « par voie d'ouvraison ou d'incorporation » (ce qui n'est pas le cas) ou « par voie de fixation » . Dans des causes précédentes, le Tribunal a réduit la signification de l'expression « par voie de fixation » et cette expression signifie que les marchandises doivent être physiquement reliées et fonctionnellement unies aux marchandises énumérées dans le numéro tarifaire. La condition « fonctionnellement uni » provient d'une longue série de causes dans lesquelles le Tribunal a observé que l'expression « par voie de fixation » porte davantage que sa signification grammaticale ordinaire. En effet, étant donné le contexte législatif dans lequel cette expression apparaît, elle suggère également une relation fonctionnelle. [Non souligné dans l'original.]

[31]            Appliquant ce critère, le TCCE a conclu que les sacs à oignons (à l'exception des sacs principaux) sont reliés à la fois physiquement et fonctionnellement à la machine à ensacher (motifs de la décision, paragraphe 32). À mon avis, on ne peut pas dire que le TCCE a lu l'expression « par voie de fixation » sans tenir compte des mots qui la précèdent et de l'harmonie de la disposition dans son ensemble.

[32]            Ceci dit, la conclusion du TCCE voulant que les sacs et les machines soit physiquement et fonctionnellement reliés est étayée par la preuve au dossier. Les machines ne peuvent pas fonctionner sans que des sacs y soient fixés et il existe une interaction évidente entre les sacs et les machines au cours du processus d'ensachage.

[33]            L'appelant n'a pas réussi à démontrer que le TCCE a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour en concluant que les sacs à oignons (exception faite des sacs principaux) sont visés par le numéro tarifaire 9903.00.00. Je rejetterais donc l'appel avec dépens.

L'appel incident
Les sacs principaux

[34]            Le TCCE a refusé d'élargir la portée d'application de l'allègement tarifaire aux sacs principaux parce que la seule fonction de la machine, en ce qui concerne ces sacs, consiste à les maintenir ouverts pendant qu'un opérateur les remplit manuellement. À ce titre, on ne peut pas dire que les sacs principaux sont connectés intégralement à « une machine pour remplir » ou à « une machine à ensacher » (motifs de la décision, paragraphe 30).

[35]            Dans son appel incident, l'intimée soutient qu'en tirant une telle conclusion, le TCCE a omis de tenir compte du paragraphe du numéro tarifaire portant sur les machines pour « empaqueter » (Machines pour empaqueter les fruits frais ou les légumes frais à partir du basculateur, de la table d'alimentation, du compartiment ou de la trémie jusqu'à la fermeture des boîtes ou des sacs). Selon l'intimée, cette définition porte sur un large éventail de machines qui ne se limite pas seulement aux « machines pour remplir » et aux « machines à ensacher » .

[36]            Que l'on parle de machines à empaqueter, à ensacher ou pour remplir les sacs à oignons, le TCCE a jugé que le remplissage manuel des sacs principaux fait en sorte qu'il n'existe pas de lien suffisant entre les sacs principaux et les machines. En parvenant à cette conclusion, le TCCE se trouve à déterminer dans quelle mesure un article doit être relié pour être inclus dans ce numéro tarifaire. Il s'agit d'une question mixte de droit et de fait qui ne relève pas de la compétence de la Cour, puisque aucune erreur de droit n'a été commise.

[37]            Par ailleurs, on ne sait pas clairement si les machines dans lesquelles on utilise les sacs principaux appartiennent réellement à la catégorie des « machines pour empaqueter » , puisque cette fonction est accomplie manuellement.

[38]            Je rejetterais donc cette partie de l'appel incident.

Position 63.05 ou position 56.08?

[39]            Le TCCE a décidé de classer les marchandises dans la position 63.05 plutôt que dans la position 56.08 parce que la position 63.05 « est celle qui décrit de la façon la plus spécifique les marchandises en cause » (paragraphe 11 des motifs). Le TCCE s'est appuyé sur les Notes explicatives relatives à la position 56.08, qui indiquent que les marchandises ne peuvent être classées dans la position 56.08 si elles sont décrites de façon plus spécifique dans une autre position (paragraphe 12 des motifs). Le Tribunal fait également remarquer que les marchandises en cause ressemblent davantage aux marchandises décrites dans les Notes explicatives relatives à la position 63.05 (paragraphe 12 des motifs, dernière ligne).

[40]            Au début de l'exposé de ses motifs, le Tribunal rappelle que dans les appels en matière de classement tarifaire, il doit s'appuyer sur deux séries de règles d'interprétation générales intitulées « Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé » (soit l'annexe du Tarif) et les « Règles canadiennes » , qui font partie des Règles générales. Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article donné ne peut pas être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors appliquer la Règle 2 et ainsi de suite. Les Règles canadiennes réitèrent que le classement des marchandises dans le numéro tarifaire d'une position (ou sous-position) doit être déterminé conformément aux Règles générales (motifs de la décision, paragraphe 10).

[41]            Comme l'indique le TCCE, les Règles générales sont établies suivant un principe de cascade. La Règle générale 1 est la règle principale et on ne peut prendre en compte la Règle 2 que si la Règle 1 ne permet pas de résoudre le problème de classification et ainsi de suite. Ainsi, la Règle 1 précise que les marchandises doivent être classées conformément au libellé des positions et de toute note de section ou de chapitre pertinente. Les notes de chapitre, comme les positions et les sections, ont le statut d'une loi.

[42]            La note de chapitre 2a) est pertinente en l'espèce. Elle précise ce qui suit :

Ce Sous-Chapitre I [le sous-chapitre I du chapitre 63, dans lequel se trouve la position 63.05] ne comprend pas :

a) les produits des Chapitres 56 à 62;

[...]

[Non souligné dans l'original.]

Aux dires de l'intimée, il s'ensuit que si les marchandises sont visées dans la position 56.08 et dans la position 63.05, et c'est justement la conclusion à laquelle le TCCE est parvenu (paragraphe 13 de ses motifs), la position 63.05 doit être exclue.

[43]            Le TCCE n'a mentionné la note de chapitre 2a) nulle part dans ses motifs. Il s'est contenté d'appliquer la Règle générale 3a), qui prévoit que l'on doit préférer la position qui décrit plus précisément les marchandises en cause, et il a conclu que pour ce motif, la position 56.08 était la position applicable. Toutefois, la Règle générale 3 est assujettie à la Règle générale 1, laquelle précise que le classement doit être établi conformément aux termes des positions et des notes de section et de chapitre pertinentes et que les règles générales 2 a 6 s'appliquent seulement « lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes » .

[44]            L'intimée fait valoir qu'en l'espèce, la note de chapitre 2a) est justement une disposition « contraire » puisque, comme nous l'avons vu, elle exclut expressément l'application de la position 63.05 aux faits de la présente instance, comme l'a conclu le TCCE. Il s'ensuit que, toujours selon l'intimée, le TCCE ne pouvait pas raisonnablement se fonder sur le critère de la « description plus spécifique » prévu à la Règle générale 3a).

[45]            L'intimée ajoute que le Tribunal a également commis une erreur en appliquant les principes d'interprétation des Notes explicatives à la position 56.08 - lesquelles précisent que les marchandises ne peuvent être classées dans la position 56.08 si elles sont plus spécifiquement visées dans une autre position - sans tenir compte de la note de chapitre 2a). Il n'est pas approprié de se fonder sur le critère de la marchandise « visée de manière plus spécifique dans une autre position » pour justifier un classement qui est autrement exclu en vertu de l'annexe. Autrement dit, la note explicative relative à la position 56.8 doit être interprétée de manière à exclure l'application de cette position aux marchandises qui sont « visées de manière plus spécifique dans d'autres positions » pouvant être valablement prises en considération. Cette conclusion est étayée par la note explicative relative à la note de chapitre 2a), dans laquelle il est précisé que « [c]e Sous-Chapitre (sous-chapitre I du chapitre 63], notamment, ne comprend pas : [. . .] c) Les filets confectionnés du n ° 56.08 » .

[46]            D'un autre côté, l'intimée souligne que cette démarche a été suivie par la Commission européenne (CE) dans une décision relative à des sacs à ail (Renseignement tarifaire contraignant (RTC) n ° UK105214817 en date du 24 mai 2000) qui, comme les sacs à oignons, sont visés par la position 56.08. Dans sa décision, la CE précise que les sacs à ail sont classés dans la position 56.08 et elle s'appuie sur la note de chapitre 2a) pour justifier cette conclusion.

[47]            Par ailleurs, en 1991, le Customs Service des États-Unis a jugé que des sacs à oignons semblables aux sacs en l'espèce devaient être classés dans la position 63.05 (décision n ° HQ 950360 en date du 13 novembre 1991). Toutefois, cette décision ne contient aucune mention de la note de chapitre 2a).

[48]            Comme nous l'avons mentionné plus haut, le TCCE n'a pas mentionné la note de chapitre 2a) et n'a pas répondu à l'argument de l'intimée sur cette question. L'appelant a expliqué que le TCCE avait tranché la question de l'application de la position 56.08 dès le départ et qu'en conséquence, il n'avait pas eu besoin d'appliquer la note de chapitre 2a). Cet argument me paraît un peu invraisemblable, vu la teneur générale des motifs du TCCE et vu l'énoncé suivant, au paragraphe 13 de ses motifs : « [...] le libellé de la position n ° 56.08 n'était pas clair pour ce qui est de son application aux marchandises en cause, étant donné que la position n ° 63.05 couvrait également les marchandises et que, comme cela a été expliqué ci-dessus, [...] elle le couvrait de façon plus précise » . [Non souligné dans l'original.]

[49]            L'explication proposée par l'intimée, quant au fait que le TCCE a omis d'examiner la note de chapitre 2a), me semble plus logique. Selon l'intimée, le TCCE a tout simplement mal compris son argument. Elle n'a pas prétendu, comme l'affirme le TCCE, que « lorsque le libellé d'une position est clair, il devrait avoir priorité sur l'application des Notes explicatives » (paragraphe 13 des motifs). L'intimée a plutôt fait valoir que la note 2a) du chapitre 63 indique clairement que la position 63.05 ne peut pas s'appliquer et qu'en conséquence, le TCCE était tenu de classer les marchandises dans la position 56.08.

[50]            Quoi qu'il en soit, au bout du compte, la Cour ne dispose pas des motifs du TCCE sur cette question. Le TCCE est un tribunal très spécialisé et la Cour doit faire preuve de retenue à l'égard de ses décisions, même sur des questions de droit. Selon moi, il serait imprudent que la Cour se prononce sur cette question sans que le TCCE n'ait eu l'occasion de l'examiner et de trancher en première instance.

[51]            Dans les circonstances, je crois qu'il serait approprié d'accueillir cet aspect de l'appel incident, vu que le TCCE a omis de se prononcer sur l'argument de l'intimée, et de renvoyer l'affaire au TCCE afin qu'il puisse déterminer si la note de chapitre 2a) empêche l'application de la position 63.05 ou, subsidiairement, qu'il explique pourquoi la note de chapitre 2a) ne s'applique pas. Compte tenu des résultats partagés, aucuns dépens ne seront adjugés pour l'appel incident.

« Marc Noël »

juge

« Je souscris à ces motifs.

            A.M. Linden, juge »

« Je souscris à ces motifs.

            J. Edgar Sexton, juge »

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-34-05

INTITULÉ :                                                                            LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                et

AGRI PACK

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                   Le 1er décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LE JUGE LINDEN

                                                                                                LE JUGE SEXTON

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 12 décembre 2005

COMPARUTIONS:

Alexander Gay

POUR L'APPELANT /

DEMANDEUR

Dennis A. Wyslobicky

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANT /

DEMANDEUR

Avocat

Oakville (Ontario)

POUR L'INTIMÉE

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