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Date : 20051003

Dossier : A-556-04

Référence : 2005 CAF 321

CORAM :        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

PIERROT GAGNON   

défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 3 octobre 2005.

Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 3 octobre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                      LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20051003

Dossier : A-556-04

Référence : 2005 CAF 321

CORAM :        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

PIERROT GAGNON   

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec) le 3 octobre 2005)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]    Nous sommes d'avis que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

[2]    Nous tenons pour acquis qu'il y a eu cessation d'emploi et arrêt de rémunération de sorte que le défendeur était en état de chômage au moment de faire sa demande de prestations.


[3]    La Commission de l'assurance-emploi (Commission) a refusé au défendeur le bénéfice de prestations au motif qu'il avait volontairement quitté son emploi pour retourner aux études et terminer son secondaire. Ce faisant, il avait d'une part, selon la Commission, quitté son emploi sans justification et, d'autre part, il n'était pas disponible pour travailler.

[4]    En appel devant le conseil arbitral, ce dernier conclut que le défendeur était justifié de quitter son emploi à temps plein pour vouloir occuper un emploi à temps partiel. En outre, le conseil arbitral s'est dit d'avis que le défendeur était disponible pour travailler pendant ses études.

[5]    Le juge-arbitre a entériné cette dernière conclusion du conseil arbitral. De là, la présente demande de contrôle judiciaire quant à la question de la disponibilité.

[6]    Le retour aux études à plein temps crée une présomption réfragable que la personne ainsi engagée dans ses études n'est pas disponible pour travailler. Cette présomption peut être repoussée par une preuve de « circonstances exceptionnelles » : voir Landry c. Canada (Procureur général) et al., (1992) 152 N.R. 121.


[7]    En l'espèce, le conseil arbitral et le juge-arbitre en sont venus à la conclusion que le défendeur « était resté disponible pour travailler, puisqu'il n'a jamais rompu le lien d'emploi avec son ancien employeur, qu'il est demeuré attaché au marché du travail et qu'il reprend en juin, une fois ses classes terminées, son travail à temps complet. » : voir la décision du juge-arbitre, à la page 4.

[8]    Avec respect, cette conclusion révèle au plan juridique une méprise quant au concept de disponibilité. L'absence de rupture du lien d'emploi et l'attachement au marché du travail n'entraînent pas nécessairement qu'une personne est disponible pour travailler. Il faut en outre, selon une jurisprudence constante, que la personne n'impose pas de restrictions telles à sa disponibilité qu'elle limite indûment ses chances d'occuper un emploi : voir les arrêts Canada (Procureur général) c. Loder, 2004 CAF 18; Canada (Procureur général) c. Rideout, 2004 CAF 304, Canada (Procureur général) v. Primard, (2003) 317 N.R. 359 (C.A.F.), Canada (Procureure générale) c. Bois, 2001 CAF 175.

[9]    Dans l'affaire Vézina c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 198, au paragraphe 1, la Cour réitérait les propos qu'elle avait tenus en 1982 dans celle du Procureur général du Canada c. Bertrand, [1982] A.C.F. no 423 (Q.L.) :

"La question de la disponibilité est une question objective, il s'agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d'un emploi convenable pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage. Elle ne peut être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu'elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu'elle serait des raisons particulières qu'invoque l'intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilité."


[10]                        Dans le cas qui nous occupe, la preuve au dossier, en provenance de l'employeur, indique que le défendeur avait réduit sa disponibilité pour les jours ouvrables aux vendredis et aux fins de semaine et que, de fait, son horaire de travail se limitait aux samedis et aux dimanches.

[11]                        Or, l'article 32 du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332 (Règlement), lequel nous reproduisons, reprend la notion de jour ouvrable que l'on retrouve à l'article 18 de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi) et définit comme jour ouvrable chaque jour de la semaine, à l'exclusion du samedi et du dimanche :

32. Pour l'application de l'article 18 de la Loi, est un jour ouvrable chaque jour de la semaine sauf le samedi et le dimanche.

32. For the purposes of section 18 of the Act, a working day is any day of the week except Saturday and Sunday.

[12]                        Au terme de l'article 18 de la Loi, le défendeur n'était donc pas disponible pour les jours ouvrables d'une période de prestation. Par conséquent, il n'était pas admissible au bénéfice des prestations.

[13]                        De plus, le défendeur n'était pas disposé, selon la preuve au dossier, à modifier son horaire de cours pour accepter un emploi : voir au dossier du demandeur, à la page 26, la pièce 4-1, la déclaration du défendeur en réponse à la question no 12.

[14]                        Enfin, le défendeur a déclaré qu'il n'effectuait aucune démarche pour se trouver un emploi puisqu'il reprendrait son emploi antérieur une fois ses études terminées : ibidem, à la page 27, question no 16. Il a également reconnu qu'il n'avait aucun historique de travail pendant qu'il suivait un cours : ibidem, question no 17.


[15]                        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans frais dans les circonstances puisque le défendeur ne l'a pas contestée. La décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire retournée au juge-arbitre en chef, ou à la personne qu'il désignera, pour qu'elle soit décidée à nouveau en tenant pour acquis que le défendeur n'est pas admissible au bénéfice des prestations vu son absence de disponibilité au sens de l'article 18 de la Loi et de l'article 32 du Règlement.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.


COUR D PPEL FIDIRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                            A-556-04

(contrôle judiciaire d'une décision du juge Pierre Blais, en sa qualitéde juge-arbitre de la Commission de l'assurance-emploi, du 26 août 2004, No du dossier CUB 61560.)

INTITULÉ:                                                                             Le procureur général du Canada c. Pierrot Gagnon

LIEU DE L UDIENCE :                                                        Montréal (Québec)

DATE DE L UDIENCE :                                                      Le 3 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

PRONONCÉS À L'AUDIENCE :                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

COMPARUTION :

Pauline Leroux

POUR LE DEMANDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

MALTAIS GENEST

Baie-Comeau (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

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