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Date : 19991129


Dossier : A-46-99

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

    

ENTRE :

     COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA,

     appelante,

                         - et -

     OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

     intimé.







Audience tenue à Edmonton (Alberta), le lundi 29 novembre 1999.

Jugement prononcé à l"audience à Edmonton (Alberta), le lundi

29 novembre 1999.




MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN.





Date : 19991129


Dossier : A-46-99

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

    

ENTRE :

     COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA,

     appelante,

                         - et -

     OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

     intimé.



     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR


(Prononcés à l"audience à Edmonton (Alberta), le

lundi 29 novembre 1999.)


LE JUGE ROTHSTEIN


QUESTION EN LITIGE


[1]          La question en litige dans le présent appel interjeté à l"égard d"une décision de l"Office des transports du Canada consiste à déterminer si l"article 98 de la Loi sur les transports au Canada1 oblige les compagnies de chemin de fer à présenter à l"Office une demande d"autorisation en vue de la construction d"une cour de triage.

LES FAITS


[2]          Au printemps 1998, on a informé l"Office du fait que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada avait l"intention de construire deux cours de triage dans la région d"Edmonton : le Scotford Satellite Yard et le Edmonton Intermodal Yard Facility. Le CN n"avait pas demandé à l"Office l"autorisation de procéder à ces travaux. L"Office a donc écrit au CN pour lui demander de déposer des arguments expliquant pourquoi il estimait que son autorisation n"était pas nécessaire. Dans les arguments qu"il a déposés le 15 juillet 1998, le CN mentionnait qu"il avait décidé de ne pas aller de l"avant avec le projet relatif au Scotford Satellite Yard, mais qu"il souhaitait toujours construire le Edmonton Intermodal Yard Facility. Le CN a donné les raisons pour lesquelles il ne jugeait pas nécessaire de présenter une demande d"autorisation à l"Office en vue de construire le Edmonton Intermodal Yard Facility. Par la décision LET-R- 238 1998 datée du 9 septembre 1998, l"Office a conclu que le CN devait soumettre une demande d"autorisation relativement à la construction du Edmonton Intermodal Yard Facility. Le présent appel, qui a été interjeté à l"égard de cette décision avec l"autorisation de la Cour, se fonde sur le paragraphe 41(1) de la Loi.

NORME DE CONTRÔLE


[3]          Si le CN est tenu, suivant l"article 98 de la Loi sur les transports au Canada, de déposer une demande avant de construire le Edmonton Intermodal Yard Facility, l"Office est compétente pour autoriser ou non la construction de cette cour de triage. Dans le cas contraire, l"Office n"a pas cette compétence. La question de savoir si une demande est requise aux termes de l"article 98 en est donc une qui touche à la compétence de l"Office. Dans l"arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, le juge Iacobucci mentionne ce qui suit à la page 590 :

À l"autre extrémité de la gamme, où la norme de la décision correcte requiert le moins de retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas où les questions en litige portent sur l"interprétation d"une disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l"exercice de la compétence) [...]

Les questions relatives à la compétence sont susceptibles de contrôle par la Cour suivant la norme de la décision correcte et il s"agit de la norme applicable en l"espèce.

MANQUE D"INTÉRÊT


[4]          L"avocat du CN a informé la Cour que, malgré le présent appel, le CN a présenté à l"Office une demande d"autorisation visant la construction du Edmonton Intermodal Yard Facility et obtenu cette autorisation à certaines conditions. On pourrait donc soutenir que l"appel est dépourvu d"intérêt pratique. Toutefois, l"avocat du CN a avancé qu"une conclusion infirmant l"appropriation de compétence par l"Office dans la présente affaire permettrait de supprimer certaines des obligations que cette dernière a imposées au CN relativement à la construction du Edmonton Intermodal Yard Facility. En outre, l"étendue de la compétence en matière de compagnies de chemin de fer qui est conférée à l"Office sous le régime de dispositions législatives dans lesquelles le législateur fait savoir qu"il préfère minimiser la réglementation d"ordre économique est une question d"intérêt public. Dans ce contexte, le fait de rendre une décision sur le fond de l"affaire permettra d"éviter qu"il soit à l"avenir nécessaire de recourir aux tribunaux pour des questions touchant la compétence attribuée à l"Office par l"article 98. Nous avons donc choisi d"exercer notre pouvoir discrétionnaire d"instruire et de trancher l"appel. Voir l"arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, aux pages 353 à 365.

THÈSE DU CN


[5]          L"article 98 est ainsi rédigé :

(1) La construction d'une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l'autorisation de l'Office.
(2) Sur demande de la compagnie, l'Office peut accorder l'autorisation s'il juge que l'emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par celle-ci.
(3) La construction d'une ligne de chemin de fer à l'intérieur du droit de passage d'une ligne de chemin de fer existante ou, s'il s'agit d'une ligne de chemin de fer d'au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l'axe d'une telle ligne n'est pas subordonnée à l'autorisation.



[6]          Le CN affirme que l"Office n"a aucune compétence en matière de construction de cours de triage puisque l"article 98 ne traite que des lignes de chemins de fer. L"argument du CN tient essentiellement au fait que l"expression " ligne de chemin de fer " désigne uniquement les lignes entre les terminus ou les points d"origine et de destination à l"égard desquelles la compagnie de chemin de fer s"acquitte de ses obligations de transporteur public. Une cour de triage sert aux besoins opérationnels de la compagnie de chemin de fer. Selon le CN, l"expression " ligne de chemin de fer " a un sens plus étroit que le terme " chemin de fer " qui est défini à l"article 87 de la Loi :

" chemin de fer " Chemin de fer relevant de l"autorité législative du gouvernement. Sont également visés :
a) les embranchements et prolongements, les voies de garage et d"évitement, les ponts et tunnels, les gares et stations, les dépôts et quais, le matériel roulant, l"équipement et les fournitures, ainsi que tous les autres biens qui dépendent du chemin de fer;
b) les systèmes de communication ou de signalisation et les installations et équipements connexes qui servent à l"exploitation du chemin de fer.

Bien qu"il admette que le terme " chemin de fer " vise les cours de triage et les lignes de chemin de fer, le CN soutient que le législateur a expressément restreint l"application de l"article 98 aux lignes de chemin de fer. Il affirme que les lignes de chemin de fer n"englobent pas les cours de triage.

QU"EST-CE QU"UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER?


[7]          L"expression " ligne de chemin de fer " n"est pas définie par la Loi sur les transports au Canada . Cependant, la définition du terme " chemin de fer " et le contexte de certaines dispositions précises de la Loi donnent une idée de ce qu"on entend par cette expression. Le libellé du paragraphe 98(1) laissent penser qu"il s"agit de quelque chose devant être construit. Les termes du paragraphe 98(3) envisagent la construction de deux ou peut-être plusieurs lignes de chemin de fer à l"intérieur du droit de passage de la ligne de chemin de fer existante et à l"extérieur du droit de passage mais, dans ce dernier cas, à 100 mètres ou moins de l"axe de cette ligne existante.



[8]          Bien qu"il eût été possible de mentionner d"autres dispositions de la Loi, celles examinées plus haut suffisent à montrer l"objectif visé par le législateur. Une ligne de chemin de fer consiste en la structure sur laquelle les locomotives et le matériel roulant des compagnies de chemin de fer se déplacent de même qu"en le système de communication ou de signalisation et des installations et équipements connexes. On pourrait familièrement parler de " voie ferrée " mais, bien sûr, comme l"a signalé l"avocat du CN, l"expression a un sens beaucoup plus large. Elle englobe la préparation de paliers et de plates-formes, y compris la construction de levées et de coupes, l"aménagement d"installations pour le drainage, les ponts, les tunnels, ainsi que la superstructure de la voie elle-même qui comporte le ballast, les traverses, les rails, les crampons et les autres appareils de voie. Tous ces éléments, situés sur le droit de passage occupé par la compagnie de chemin de fer, permettent et facilitent le mouvement des locomotives et du matériel roulant : il s"agit de la ligne de chemin de fer.

PEUT-IL Y AVOIR DES LIGNES DE CHEMIN DE FER DANS LES COURS DE TRIAGE?


[9]          Lorsqu"on reconnaît que c"est la ligne de chemin de fer qui permet et facilite le mouvement des locomotives et du matériel roulant, il devient apparent qu"aucune distinction n"est faite à l"article 98 entre une ligne de chemin de fer joignant un terminus à un autre et une ligne de chemin de fer destinée aux besoins opérationnels et située dans une cour de triage. L"alinéa 98(3)a) prévoit qu"aucune autorisation de l"Office n"est nécessaire pour construire une ligne de chemin de fer à l"intérieur du droit de passage d"une ligne de chemin de fer existante. Rien ne permet de penser que la ligne de chemin de fer additionnelle doit joindre deux terminus, ni même qu"elle doit être d"une longueur donnée. Selon l"alinéa 98(3)b) , la construction d"une ligne de chemin de fer d"au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l"axe d"une ligne existante, n"est pas subordonnée à l"autorisation de l"Office. Il est évident qu"une ligne de trois kilomètres ou moins joindra rarement, sinon jamais, deux terminus. En fait, de telles lignes de chemin de fer relativement courtes situées à proximité d"une ligne de chemin de fer existante peuvent, dans certains cas, constituer des lignes de chemin de fer destinées à l"entreposage de wagons et de voitures ou aux besoins opérationnels de la compagnie de chemin de fer, c"est-à-dire, des lignes de chemin de fer se trouvant dans une cour de triage.



[10]          D"autres dispositions de la Loi sur les transports au Canada viennent étayer l"opinion selon laquelle une ligne de chemin de fer peut se trouver dans une cour de triage. Par exemple, les articles 100 et 101 portent sur le franchissement routier et par desserte de lignes de chemin de fer. En l"absence d"entente, l"Office peut autoriser la construction d"un franchissement convenable. L"article 100 définit ainsi un franchissement routier :

" franchissement routier " Franchissement par une route d"un chemin de fer [railway line dans la version anglaise] par passage supérieur, inférieur ou à niveau, ainsi que tous les éléments structuraux facilitant le franchissement ou nécessaires à la partie visée de la route.
     [Non souligné dans l"original.]

Rien ne permet d"expliquer pourquoi cette disposition ne viserait que les franchissements routiers et par desserte de lignes de chemin de fer joignant des terminus, et non les lignes de chemin de fer se trouvant dans des cours de triage.



[11]          Il est également possible de s"appuyer sur l"article 140 pour affirmer que l"expression " ligne de chemin de fer " comprend les lignes situées dans les cours de triage. Cette disposition fait partie de la SECTION V de la Loi qui s"intitule TRANSFERTS ET CESSATION DE L'EXPLOITATION DE LIGNES. Voici le texte de l"article 140 :

(1) Dans la présente section, " ligne " vise la ligne de chemin de fer entière ou un tronçon seulement, mais non une voie de cour de triage , une voie d"évitement ou un épi, ni une autre voie auxiliaire d"une ligne de chemin de fer.
(2) L"Office peut décider, comme question de fait, ce qui constitue une voie de cour de triage, une voie d"évitement ou un épi, ou une autre voie auxiliaire d"une ligne de chemin de fer.
     [Non souligné dans l"original.]

Il découle nécessairement du paragraphe 140(1) que, sauf en ce qui concerne l"exception expressément prévue par la loi pour l"application de la SECTION V, une voie de cour de triage est une ligne de chemin de fer. L"article 98 se trouve dans la SECTION II intitulée CONSTRUCTION ET EXPLOITATION DES CHEMINS DE FER. Cette disposition n"est pas visée par l"exception énoncée à l"article 140; il s"ensuit donc implicitement que la ligne de chemin de fer mentionnée à l"article 98 comprendrait une voie de cour de triage.



[12]          Selon le CN, il est incompatible d"interpréter la Loi de manière qu"elle subordonne à l"autorisation d"un organisme de réglementation la construction de lignes de chemin de fer dans une cour de triage, mais non la cessation d"exploitation ou le transfert de ces lignes. Cet argument omet toutefois de reconnaître les contextes différents de l"article 98 de la SECTION II, d"une part, et de la SECTION V, de l"autre. L"article 98 a pour objet de prévoir une mesure de contrôle administrative en matière d"emplacement des lignes de chemin de fer, y compris celles situées dans des cours de triage, qui tienne compte des intérêts des localités touchées. À cet égard, la Loi vise à établir un équilibre entre les besoins en matière de service et d"exploitation ferroviaires que fait valoir la compagnie de chemin de fer et les conséquences qu"entraîne l"existence physique simultanée de lignes de chemin de fer à proximité de localités. Il ne s"agit pas de réglementation d"ordre économique.



[13]          La SECTION V a quant à elle pour objet d"instaurer un régime de contrôle administratif concernant le transfert ou la cessation d"exploitation de lignes de chemin de fer. Il s"agit là d"une forme de réglementation économique. Dans ce contexte, il suffit donc de s"intéresser aux lignes de chemin de fer qui offrent des services aux expéditeurs et aux destinataires. Il n"est aucunement nécessaire de réglementer le transfert ou la cessation d"exploitation de lignes de chemin de fer situées dans une cour de triage et l"exception touchant ces activités qui est expressément prévue dans la SECTION V vise à affranchir les compagnies de chemin de fer du fardeau inutile que constituerait une réglementation économique à cet égard. L"examen de ces objectifs de réglementation distincts montre qu"il n"est nullement incompatible de subordonner à l"obtention d"une autorisation la construction d"une ligne de chemin de fer dans une cour de triage, d"une part, et de ne pas assujettir la compagnie de chemin de fer à une mesure de réglementation économique quant au transfert ou à la cessation d"exploitation d"une ligne de chemin de fer se trouvant dans une cour de triage, d"autre part.



[14]          Bien que le renvoi par le CN à des dispositions législatives antérieures régissant les chemins de fer fournisse un certain contexte, la présente affaire doit être tranchée à la lumière des termes employés dans la Loi sur les transports au Canada elle-même. En tout état de cause, il appert que les termes " chemin de fer " et " lignes de chemin de fer " sont tous deux employés dans les textes législatifs antérieurs, et parfois dans la même disposition, p. ex. la Loi sur les chemins de fer2, aux paragraphes 123(1) et (3). Même s"il semble que le législateur a manqué de rigueur en ce qui touche la distinction entre les chemins de fer et les lignes de chemin de fer dans l"ensemble de la Loi sur les chemins de fer , et même, dans la Loi sur les transports au Canada, il apparaît de façon générale que le terme " chemin de fer " s"applique tant aux lignes de chemin de fer qu"aux locomotives et au matériel roulant de la compagnie de chemin de fer, tandis que l"expression " ligne de chemin de fer " renvoie uniquement à la superstructure physique et aux systèmes de communication ou de signalisation qui permettent et facilitent le mouvement des locomotives et du matériel roulant. Il est vrai que l"expression " ligne de chemin de fer " a un sens plus étroit que le terme " chemin de fer ", mais elle englobe néanmoins la superstructure et le système de communication ou de signalisation, que la ligne de chemin de fer se trouve entre des terminus ou dans une cour de triage.



[15]          Même si le CN soutient qu"une cour de triage est invisible aux expéditeurs ou aux destinataires et que le public est susceptible de penser qu"une " ligne de chemin de fer " se trouve entre des terminus plutôt que dans une cour de triage, ces faits ne sont pas pertinents. La question est de savoir quelle interprétation donner des termes d"un texte législatif.



[16]          Or, le fait d"interpréter l"expression " ligne de chemin de fer " comme désignant seulement une ligne entre des terminus mène à des résultats illogiques. Comme il a été signalé plus haut, aucun motif ne permet de croire que l"Office aurait compétence en matière de franchissement routier et par desserte de lignes de chemin de fer joignant des terminus, mais non en ce qui concerne les lignes de chemin de fer se trouvant dans une cour de triage. De fait, eu égard à l"article 98 lui-même, aucune raison logique n"aurait justifié le législateur de prévoir un mécanisme de contrôle administratif visant l"emplacement des lignes de chemin de fer entre des terminus, mais non des lignes de chemin de fer situées dans une cour de triage. Comme l"article 98 a pour objet de conférer à l"Office la compétence d"examiner si l"emplacement d"une ligne de chemin de fer est raisonnable compte tenu des intérêts des localités touchées par cette ligne, il est tout aussi fondé que l"Office exerce cette compétence à l"égard des lignes de chemin de fer se trouvant dans des cours de triage qu"à l"égard de celles joignant des terminus. Même si le terme " ligne de chemin de fer " renvoie, dans certaines dispositions de la Loi, aux lignes de chemin de fer aménagées entre des terminus, cette expression n"est pas ainsi restreinte dans toutes les situations, et particulièrement pas dans le cas de l"article 98.



[17]          En formulant cette assertion, nous respectons l"intention exprimée par le législateur dans la Loi de minimiser le fardeau administratif imposé aux compagnies de chemin de fer. Dans ce contexte, l"avocat du CN s"est dit préoccupé par le fait que, si chacune des voies ferrées est considérée comme étant une ligne de chemin de fer, l"objet visé par l"article 140, soit de réduire le fardeau administratif lié à la cessation de l"exploitation de lignes de chemin de fer, risquait d"être mis en échec. Il a laissé entendre, par exemple, que si la compagnie de chemin de fer voulait cesser l"exploitation de l"une de deux lignes de chemin de fer parallèles joignant des terminus, l"article 140 ne permettrait pas, si chacune de ces lignes est assimilée à une ligne de chemin de fer, de réduire le fardeau qu"assume cette compagnie aux termes des dispositions réglementaires prévues par la SECTION V. Toutefois, selon le paragraphe 140(2), il appartient à l"Office de décider, comme question de fait, ce qui constitue " une autre voie auxiliaire d"une ligne de chemin de fer ". Nous croyons bien que, dans l"éventualité où une compagnie de chemin de fer estimerait nécessaire de demander à l"Office de se prononcer sur un cas de cette nature, une ligne de chemin de fer à l"égard de laquelle la compagnie de chemin de fer jugerait inutile de remplir ses obligations de transporteur public pourrait aisément relever de cette exception.



[18]          Nous reconnaissons en outre que, en raison de l"exigence voulant qu"on obtienne l"autorisation de l"Office pour construire des lignes de chemin de fer dans le Edmonton Intermodal Yard Facility, il est impératif de procéder à une évaluation environnementale fédérale aux termes de l"alinéa 5(1)d) de la Loi canadienne sur l"évaluation environnementale3, charge qui incombe à l"Office. Le CN affirme accepter que la construction de la cour de triage rende une certaine forme d"évaluation environnementale nécessaire, mais se préoccupe du nombre d"organismes et d"évaluations visés. On n"a pas précisé à la Cour quelles autres évaluations environnementales étaient envisagées.



[19]          Dans la mesure où l"Office des transports du Canada est l"autorité responsable de l"évaluation environnementale, il faut signaler que cet organisme assume des obligations non seulement en vertu de la Loi canadienne sur l"évaluation environnementale, mais également sous le régime de la Loi sur les transports au Canada. Pour évaluer si l"emplacement des lignes de chemin de fer est raisonnable aux termes du paragraphe 98(2), l"Office doit prendre en considération les besoins en matière de service et d"exploitation ferroviaires. Il doit en outre tenir compte de la Politique nationale en matière de transport énoncée à l"article 5 de la Loi sur les transports au Canada selon laquelle, dans la partie pertinente, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport aux moindres frais globaux est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs. L"Office a pour fonction de mettre en équilibre, d"une part, les objectifs visés par la Politique nationale en matière de transport et les besoins de la compagnie de chemin de fer sur le plan du service et de l"exploitation ferroviaires et, de l"autre, les intérêts des localités touchées ainsi que les exigences environnementales fixées par la Loi canadienne sur l"évaluation environnementale. On considère que l"Office possède des connaissances spécialisées dans ces domaines. Lorsqu"il impose des exigences à la compagnie de chemin de fer, l"Office doit être raisonnable et il doit prendre en compte, outre les besoins de celle-ci quant au service et à l"exploitation ferroviaires, l"objet de la Politique nationale en matière de transport voulant que la compagnie de chemin de fer soit en mesure d"offrir aux expéditeurs des services de transport rentables et bien adaptés.

CONCLUSION


[20]          Malgré la thèse bien documentée présentée par l"avocat du CN, nous devons conclure que l"article 98 s"applique aux lignes de chemin de fer se trouvant dans le Edmonton Intermodal Yard Facility et que l"Office a compétence pour approuver ou non la construction de lignes de chemin de fer dans une cour de triage compte tenu du caractère raisonnable de leur emplacement, des besoins en matière de service et d"exploitation ferroviaires ainsi que des intérêts des localités qui seront touchées par les lignes en question. L"appel sera rejeté.


     " Marshall Rothstein "

     Juge



Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL.L.

Date : 19991129


Dossier : A-46-99


EDMONTON (ALBERTA), LE LUNDI 29 NOVEMBRE 1999.

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

    

ENTRE :

     COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA,

     appelante,

                         - et -

     OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA,

     intimé.



     JUGEMENT


L"appel est rejeté.


     " J. T. Robertson "

     Juge








Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D"APPEL

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                  T-46-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Office des transports du Canada

LIEU DE L"AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)

DATE DE L"AUDIENCE :      Le 29 novembre 1999


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES JUGES ROBERTSON, ROTHSTEIN ET MCDONALD) PRONONCÉS À L"AUDIENCE PAR LE JUGE ROTHSTEIN.



ONT COMPARU :

Me L. Michel Huart                      POUR L"APPELANTE

Me Inge Green                      POUR L"INTIMÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Canadien National                      POUR L"APPELANTE

Avocat général (Réseau)

Montréal (Québec)

Office des transports du Canada              POUR L"INTIMÉ

Direction des services juridiques

Ottawa (Ontario)

__________________

1      L.C. 1996, ch. 10.

2      L.R.C. (1985), ch. R-3.

3      L.R. 1992, ch. 37 (ch. C-15.2).

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