Décisions de la Cour d'appel fédérale

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                                                                                                                                 Date : 20051017

                                                                                                                             Dossier : A-559-04

                                                                                                                    Citation : 2005 CAF 334

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                        9041-6868 QUÉBEC INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                  intimé

                                Audience tenue à Montréal (Québec), le 5 octobre 2005

                                Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                     LE JUGE PELLETIER


                                                                                                                                  Date: 20051017

                                                                                                                              Dossier: A-559-04

                                                                                                                     Citation: 2005 CAF 334

CORAM:        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE:

                                                        9041-6868 QUÉBEC INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY


[1]                Il s'agissait ici pour la Cour canadienne de l'impôt de déterminer si M. Tambeau occupait un emploi assurable auprès de la société appelante, au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi et, le cas échéant, si cet emploi assurable était exclu en raison de l'alinéa 5(2)b). Un juge a conclu, le 27 septembre 2004 (2004 CCI 648), que le contrat liant M. Tambeau et l'appelante en était un de louage de services plutôt que d'entreprise et était dès lors assurable. Il concluait par ailleurs que M. Tambeau ne contrôlait pas plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de l'appelante et ne pouvait pas en conséquence se prévaloir de l=exclusion prévue à l'alinéa 5(2)b) de la Loi.

[2]                En ce qui a trait à la nature du contrat, le juge en est arrivé à la bonne solution, mais il y est parvenu, à mon humble avis, de la mauvaise manière. Nulle part, en effet, ne traite-t-il des dispositions du Code civil du Québec, se contentant, à la fin de son analyse de la preuve, de référer aux règles de common law énoncées dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1986] 3 C.F. 533 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. Sagaz c. Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Cette méprise, je m'empresse de le souligner, n'est pas nouvelle et trouve son explication dans un flottement jurisprudentiel auquel le temps est venu de mettre un terme.


[3]                L'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, puis l'adoption par le Parlement du Canada de la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil (c. 2001, ch. 4) et l'adjonction par cette Loi de l'article 8.1 à la Loi d'interprétation (L.R.C., ch. I-21) ont redonné au droit civil du Québec, en matière fédérale, ses lettres de noblesse que les tribunaux avaient eu parfois tendance à ignorer. Il suffit, à cet égard, de consulter l'arrêt de cette Cour, dans St-Hilaire c. Canada, [2004] 4 C.F. 289 (C.A.F.) et l'article du juge Pierre Archambault, de la Cour canadienne de l'impôt, intitulé « Contrat de travail : pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » et publié récemment dans le Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, pour se convaincre que le concept de « contrat de louage de services » , à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, doit être analysé à la lumière du droit civil québécois lorsque le droit provincial applicable est celui du Québec.

[4]                Il sera utile, d'entrée de jeu, de reproduire quelques extraits du Préambule de la Loi d'harmonisation no 1 ainsi que le texte de l'article 8.1 de la Loi d'interprétation :


          Préambule de la Loi d'harmonisation no 1 du droit

                              fédéral avec le droit civil

Attendu :

. . .

qu'une interaction harmonieuse de la législation fédérale et de la législation provinciale s'impose et passe par une interprétation de la législation fédérale qui soit compatible avec la tradition de droit civil ou de common law, selon le cas;

. . .

que, sauf règle de droit s'y opposant, le droit provincial en matière de propriété et de droits civils est le droit supplétif pour ce qui est de l'application de la législation fédérale dans les provinces;

. . .

                               Propriété et droits civils

8.1    Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droits civils au Canada et, s'il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d'assurer l'application d'un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s'y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l'application du texte.

        Preamble to the Federal Law - Civil Harmonization

                                           Act, No 1

. . .

WHEREAS the harmonious interaction of federal legislation and provincial legislation is essential and lies in an interpretation of federal legislation that is compatible with the common law or civil law traditions, as the case may be;

. . .

WHEREAS the provincial law, in relation to property and civil rights, is the law that completes federal legislation when applied in a province, unless otherwise provided by law;

. . .

                              Property and Civil Rights

8.1    Both the common law and the civil law are equally authoritative and recognized sources of the law of property and civil rights in Canada and, unless otherwise provided by law, if in interpreting an enactment it is necessary to refer to a province's rules, principles or concepts forming part of the law of property and civil rights, reference must be made to the rules, principles and concepts in force in the province at the time the enactment is being applied.



[5]                L'article 8.1 de la Loi d'interprétation est entré en vigueur le 1er juin 2001. Il vient codifier un principe de complémentarité entre le droit privé d'une province et une loi fédérale qui était reconnu (voir St-Hilaire, précité) mais qui n'était pas toujours mis en pratique. L'entrée en vigueur de cet article a eu comme effet immédiat de revaloriser le droit civil dans les domaines de compétence de cette Cour, de mettre en relief les emprunts à la common law qui au fil des ans ont pu avoir été faits dans des causes où le droit civil québécois s'appliquait ou aurait dû s'appliquer et de mettre en garde contre tout tel emprunt à l'avenir.

[6]                Il se peut, il est même probable dans la plupart des cas, qu'un contrat semblable amènerait une qualification semblable, que l'on applique les règles du droit civil ou celles de la common law. Mais l'exercice n'en est pas un de droit comparé et l'objectif ultime n'est pas l'obtention d'un résultat uniforme. L'exercice, au contraire, et c'est là le voeu même du Parlement canadien, est de s'assurer que la démarche du tribunal se situe à l'intérieur du système applicable et l'objectif ultime est de préserver l'intégrité de chacun des systèmes juridiques. À cet égard, ces propos du juge Mignault dans l'arrêt Curly c. Latreille, (1920) 60 R.C.S. 131, à la page 177 conservent leur actualité :

Il est quelquefois dangereux de sortir d'un système juridique pour chercher des précédents dans un autre système, pour le motif que les deux systèmes contiennent des règles semblables, sauf bien entendu le cas où un système emprunte à l'autre une règle qui lui était auparavant étrangère. Alors même que la règle est semblable dans les deux, il est possible qu'elle n'ait pas été entendue ou interprétée de la même manière dans chacun d'eux, et, comme l'interprétation juridique-je parle bien entendu de celle qui nous oblige-fait réellement partie de la loi qu'elle interprète, il peut très bien arriver que les deux règles, malgré une apparente similitude, ne soient pas du tout identiques.

Je ne fonderai donc pas les conclusions que je crois devoir adopter en cette cause sur aucun précédent tiré du droit anglais . . . (mon soulignement)


[7]                Bref, c'est le Code Civil du Québec qui détermine les règles applicables à un contrat conclu au Québec. Ces règles se retrouvent notamment dans ces dispositions du Code qui traitent du contrat en général (art. 1377 C.c.Q. et suiv.), et dans celles qui traitent du « contrat de travail » (art. 2085 à 2097 C.c.Q.) et du « contrat d'entreprise ou de service » (art. 2098 à 2129 C.c.Q.). Les articles 1378, 1425, 1426, 2085, 2098 et 2099 C.c.Q. sont les plus pertinents pour les fins du présent dossier :



1378.        Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation.

. . .

1425.        Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1426.        On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

. . .

1440.        Le contrat n'a d'effet qu'entre les parties contractantes; il n'en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.

. . .

2085.        Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

. . .

2098.        Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne , selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

2099.        L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

1378.        A contract is an agreement of wills by which one or several persons obligate themselves to one or several other persons to perform a prestation.

. . .

1425.        The common intention of the parties rather than adherence to the literal meaning of the words shall be sought in interpreting a contract.

1426.        In interpreting a contract, the nature of the contract, the circumstances in which it was formed, the interpretation which has already been given to it by the parties or which it may have received, and usage, are all taken into account.

. . .

1440.        A contract has effect only between the contracting parties; it does not affect third persons, except where provided by law.

. . .

2085.        A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes for a limited period to do work for remuneration, according to the instructions and under the direction or control of another person, the employer.

. . .

2098.        A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to carry out physical or intellectual work for another person, the client or to provide a service, for a price which the client binds himself to pay.

2099.        The contractor and the provider of services is free to choose the means of performing the contract and no relationship of subordination exists between the contractor or the provider of services and the client in respect of such performance.


[8]                Il faut garder à l'esprit que le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt est de vérifier dans les faits si les allégations sur lesquelles s'est appuyé le ministre sont bien fondées et, le cas échéant, si la véritable réalité contractuelle des parties en est une qui peut être qualifiée, en droit, de louage de services. Le litige devant la Cour canadienne de l'impôt n'est pas, à proprement parler, un litige de nature contractuelle opposant l'une à l'autre des parties à un contrat. C'est un litige de nature administrative qui oppose un tiers, en l'occurrence le ministre du Revenu national, à l'une ou l'autre des parties, même si l'une ou l'autre peut en définitive vouloir épouser les vues du ministre.


[9]                Le contrat sur lequel le ministre se fonde ou qu'une partie cherche à lui opposer est certes un fait juridique que le ministre ne peut ignorer même s'il ne produit pas d'effet à son égard (art. 1440 C.c.Q.; Baudouin et Jobin, Les Obligations, Éditions Yvon Blais 1998, 5e édition, p. 377). Cela n'empêche en rien le ministre, cependant, d'alléguer que dans les faits le contrat n'est pas tel qu'il parait être, qu'il n'a pas été exécuté selon ses termes ou qu'il ne reflète pas la véritable relation qui s'est établie entre les parties. Il est permis au ministre, et à la Cour canadienne de l'impôt après lui, de rechercher cette relation véritable, ainsi que le prévoient les articles 1425 et 1426 du Code Civil du Québec, dans la nature du contrat, dans les circonstances dans lesquelles il a été conclu, dans l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que dans les usages. Et parmi ces circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu se trouve l'intention légitime déclarée des parties, un facteur important retenu par cette Cour dans un bon nombre d'arrêts (voir Wolf c. Canada (C.A.), [2002] 4 C.F. 396, para. 119 et 122; A.G. Canada c. Les Productions Bibi et Zoé Inc., 2004 CAF 54; Le Livreur Plus Inc. c. M.R.N., 2004 CAF 68; Poulin c. Canada (M.R.N.),2003 CAF 50; Tremblay c. Canada (M.R.N.), 2004 CAF 175.

[10]            L'expression « contrat de louage de services » que l'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-emploi depuis ses origines et qui reprenait l'expression contenue à l'article 1667 du Code civil du Bas-Canada, est désuète. Le Code civil du Québec, en effet, utilise désormais l'expression « contrat de travail » , à l'article 2085, qu'il distingue du « contrat d=entreprise ou de service » , à l'article 2098.

[11]            Trois éléments constitutifs caractérisent le « contrat de travail » en droit québécois : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination. C'est ce dernier élément qui est à la source de la plupart des litiges. Pour le définir de façon globale, je m'en remets à ces propos de Robert P. Gagnon, dans Le droit du travail du Québec, Éditions Yvon Blais, 2003, 5e édition, aux pages 66 et 67 :

90- Facteur distinctif - L'élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C'est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d'autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d'une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d'entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants C.c.Q. Ainsi, alors que l'entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l'article 2099 C.c.Q.,      « le libre choix des moyens d'exécution du contrat » et qu'il n'existe entre lui et son client « aucun lien de subordination quant à son exécution » , il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l'employeur et dans le cadre établi par ce dernier.

91 - Appréciation factuelle - La subordination se vérifie dans les faits. À cet égard, la jurisprudence s'est toujours refusée à retenir la qualification donnée au contrat par les parties. . . .


92 - Notion - Historiquement, le droit civil a d'abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d'application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l'exécution de ses fonctions (art. 1054 C.c.B.-C.; art 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l'employeur sur l'exécution du travail de l'employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s'est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l'employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l'exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu'on reconnaîtra alors comme l'employeur, de déterminer le travail à exécuter, d'encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s'intégrer dans le cadre de fonctionnement d'une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d'un certain nombre d'indices d'encadrement, d'ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d'activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n'exclut pas une telle intégration à l'entreprise. (mon soulignement).

[12]            Il est intéressant de noter qu'en droit civil québécois, la définition même du contrat de travail met l'accent sur « la direction ou le contrôle » (art. 2085 c.c.c.), ce qui fait du contrôle l'objet même de l'exercice et donc beaucoup plus qu'un simple indice d'encadrement, ainsi que le note le juge Archambault à la page 2: 72 de l'ouvrage précité.

[13]            Les termes du contrat, ici, sont sans équivoque. Il est qualifié de "employment agreement", et il y est question constamment d'"employee" » . On y retrouve la gamme des clauses généralement associées à des contrats de travail : durée, renouvellement, motifs de renvoi, description de tâches sous le contrôle de l'employeur, rémunération sur une base annuelle payable périodiquement, fourniture de l'automobile et du téléphone cellulaire par l'employeur, période de vacances, participation aux programmes mis sur pied par l'employeur à l'intention des employés, clause de non-concurrence. La volonté commune des parties telle qu'elle est exprimée dans le contrat est claire : c'est d'un contrat de travail dont elles ont convenu.


[14]            L'appelante a bien tenté de démontrer par des témoignages que la réalité contractuelle entre les parties n'était pas celle décrite au contrat, mais le juge n'a guère été impressionné :

[43] Il est manifeste que la version des faits relatée par monsieur Verreault et celle de monsieur Tambeau telle que rapportée par monsieur Poulin sont diamétralement opposées non seulement quant au travail véritablement exécuté par monsieur Tambeau pour l'appelante, mais également quant aux résultats obtenus et quant à la rémunération qui lui a été versée.

[44] Toutefois, un certain nombre de faits demeurent indiscutables. D'abord, monsieur Tambeau a signé un contrat de travail avec l'appelante le 18 août 2000. Bien que monsieur Verreault ait tenté d'en minimiser l'importance, il n'en reste pas moins que l'appelante s'est appuyée sur ce même contrat dans sa demande d'injonction contre monsieur Tambeau en avril 2002. Quant au contrôle exercé par l'appelante sur les activités de monsieur Tambeau, il est difficile de croire que celui-ci pouvait faire et faisait ce qu'il voulait sans rendre compte à personne comme l'a ni plus ni moins affirmé monsieur Verreault. Le pouvoir de contrôle que pouvait exercer l'appelante, compte tenu du contrat signé, peut difficilement être ignoré même si dans les faits, il n'a vraisemblablement pas été exercé de façon très efficace.

[15]            Le procureur de l'appelante a soutenu que le juge ne pouvait prêter foi au témoignage de M. Poulin vu que ce dernier ne faisait que rapporter les propos de M. Tambeau, lequel n'a pas témoigné. Je ne saurais retenir cette prétention. D'une part, en effet, il appartenait à l'appelante, sur qui reposait le fardeau de preuve, d'assigner M. Tambeau, ce qu'elle n'a pas fait. D'autre part, il était loisible au juge de préférer le témoignage de M. Poulin à celui de M. Verreault, et ce d'autant plus que ce dernier contredisait les termes même du contrat qu'il avait signé et s'était déjà appuyé sur ledit contrat pour obtenir une injonction contre M. Tambeau en Cour supérieure du Québec.


[16]            En conséquence, et bien qu'il ne l'ait pas fait dans un langage de droit civil, le juge avait raison de conclure que les allégations du ministre étaient bien fondées et lui permettaient de conclure que le contrat en était un de travail. Il n'y a pas matière à intervention.

[17]            En ce qui a trait à la seconde conclusion, à savoir que l'employé Tambeau ne contrôlait pas plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de l'appelante, le procureur de cette dernière soumet que le juge a erré dans son interprétation de l'expression « si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale » que l'on retrouve à l'alinéa 5(2)b) de la Loi. Selon le procureur, le nombre des actions avec droit de vote qu'il faut considérer pour établir le pourcentage ne doit pas inclure des actions à l'égard desquelles leurs détenteurs sont dans l'impossibilité d'exercer leur droit de vote. En l'espèce, bon nombre d'actions étaient détenues par un actionnaire qui était privé, par l'application de l'article 102 de la Loi sur les compagnies du Québec, de son droit de vote parce qu'il ne les avait pas payées.

[18]            Cette prétention ne saurait être retenue. Une action avec droit de vote ne cesse d'en être une parce que son détenteur serait dans l'impossibilité d'exercer son droit de vote. Le nombre total d'actions émises donnant droit de vote ne varie pas selon qu'un actionnaire exerce ou n'exerce pas son droit de vote, ou peut ou ne peut pas l'exercer. C'est précisément ce qu'a conclu cette Cour, dans Cloutier c. Canada (Ministre du Revenu national), [1987] 2 C.F. 222, (C.A.), quand le juge Marceau a dit, à la page 226 :


La relation à faire est, en effet, entre les « actions émises » et les     « actions contrôlées » , et il faut bien noter que l'émission de l'action est un fait indiscutable qui se vérifie une fois pour toutes au départ, seul son contrôle est un fait discutable qui peut varier dans le temps. . . . (mon soulignement).

[19]            Le juge, ici, s'est correctement instruit en droit en s'appuyant sur l'arrêt Cloutier et il n'a par ailleurs tiré aucune conclusion de fait erronée au sens de l'alinéa 27(1.3) de la Loi sur les Cours fédérales.

[20]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                                        « Robert Décary »          

j.c.a.

Je suis d'accord

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

Je suis d'accord

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-559-04

INTITULÉ :                                        9041-6868 QUÉBEC INC. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 5 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                       Le 17 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Me Jean-Félix Racicot                                                                                       POUR L'APPELANTE

Me Michel Lamarre                                                                                                   POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Jean-Félix Racicot

Montréal (Québec)                                                                                           POUR L'APPELANTE

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur du Canada

Montréal (Québec)                                                                                                   POUR L'INTIMÉ

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