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Date : 20060208

Dossier : A-9-05

Référence : 2006 CAF 49

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Audience tenue à Québec (Québec), le 24 janvier 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 février 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                            LE JUGE NADON


Date : 20060208

Dossier : A-9-05

Référence : 2006 CAF 49

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

ENTRE :

COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel à l'encontre d'une décision rendue par la juge Lamarre Proulx de la Cour canadienne de l'impôt rejetant quatre appels entendus sur preuve commune et confirmant la décision du Ministre du Revenu national (le « Ministre » ) selon laquelle la Commission de la construction du Québec (l' « appelante » ou la « Commission » ) avait les obligations d'un employeur en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, c. 23, (la « LAE » ) à l'égard des sommes qu'elle a versées à des travailleurs pendant la période en litige.

[2]                Les sommes en question furent versées par la Commission au cours des années 1997 à 2001 à plusieurs milliers de travailleurs dans le cadre du mandat que lui confère la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, L.R.Q., c. R-20, ( « Loi R-20 » ).

[3]                La Commission prétend qu'elle n'a pas « payé » ou « versé » ces sommes aux salariés comme l'exige la LAE. Elle a plutôt remis aux salariés les sommes qui leurs appartiennent après les avoir récupérées auprès de leurs employeurs. C'est donc à tort selon elle que la juge Lamarre Proulx a confirmé la décision du Ministre.

Les faits

[4]                La Commission est une personne morale constituée en vertu de la Loi R-20, qui s'applique aux employeurs et aux salariés de l'industrie de la construction dans l'ensemble du Québec. Les travailleurs du domaine de la construction visés par la Loi R-20 sont exclus de la plupart des mécanismes de protection prévus par la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1. (La Commission des normes du travail n'est pas autorisée en vertu de sa propre législation, soit la Loi sur les normes du travail, à représenter les employés du domaine de la construction.)

[5]                La Commission veille à l'application des conventions collectives qui tombent sous sa juridiction, y compris les dispositions qui traitent de la rémunération des salariés. Ce mandat vise à


assurer que les travailleurs reçoivent le salaire qui leur est dû et empêche la concurrence déloyale dans l'industrie de la construction.

[6]                À cette fin, l'article 81 de la Loi R-20 autorise la Commission à exercer certains recours en faveur des salariés lorsque ces derniers ne sont pas payés conformément à ce qui leur est promis selon la convention collective applicable. Elle peut entre autres récupérer ces sommes auprès de tout employeur récalcitrant.

[7]                Lorsque la Commission récupère une somme due à un salarié à la suite d'un jugement ou autrement, elle lui remet ladite somme. Par contre, si le recours intenté par la Commission s'avère infructueux, la Commission ne devient nullement responsable des sommes qui étaient payables par l'employeur au salarié, et ce dernier ne dispose d'aucun recours à l'encontre de la Commission.

[8]                Dès 1977, la Commission (à l'époque l'Office de la construction du Québec) a accepté d'effectuer des retenues à la source au titre de l'impôt payable par les salariés sur les sommes versées aux salariés. Cependant cette entente ne s'étendait pas aux retenues visant l'assurance-emploi (anciennement l' « assurance-chômage » ).

[9]                À compter de 1997, le Ministre a réclamé de la Commission les retenues d'assurance-emploi au motif que cette dernière était selon la LAE l'employeur des salariés à qui elle remettait


les sommes perçues dans le cadre de son mandat statutaire et qu'elle devait à ce titre effectuer ces retenues.

[10]            Sans reconnaître le bien fondé des cotisations, la Commission a informé le Ministre en date du 24 novembre 2000 qu'elle retiendrait dorénavant, et jusqu'au règlement complet du présent litige, les cotisations d'assurance-emploi sur les sommes qu'elle recouvrait des employeurs et remettait aux salariés (Dossier d'appel, vol. 1, p. 50).

[11]            Ce sont les retenues applicables aux montants ainsi versés pendant la période en cause (1997 à 2001) qui font l'objet du présent litige.

[12]            L'appel initial de la Commission fut rejeté par la Cour canadienne de l'impôt par décision rendue en date du 17 décembre 2004. Il s'agit de la décision dont est appel.

Cadre législatif

[13]            Le paragraphe 108(1) de la LAE autorise le Ministre à prendre des règlements à l'égard de certaines catégories d'employeurs réputés :

Règlements

Règlements

108(1) Le ministre peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements :

[...]

f) prévoyant qu'en tout cas ou toute catégorie de cas où des assurés travaillent :

(i) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d'une personne qui n'est pas leur véritable employeur ou sont payés par une telle personne,

(ii) soit de l'assentiment d'une personne qui n'est pas leur véritable employeur dans des lieux ou locaux sur lesquels cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d'une licence, d'un permis ou d'une convention,

cette personne est réputée, aux fins de versement des cotisations, être l'employeur de ces assurés conjointement avec le véritable employeur, et prévoyant en outre le paiement des cotisations pour ces assurés et, le cas échéant, le remboursement des cotisations faisant double emploi;

[...]

Regulations

Regulations

108(1) The Minister may, with the approval of the Governor in Council, make regulations

...

(f) providing that, in any case or class of cases where insured persons work

(i) under the general control or direct supervision of or are paid by a person other than their actual employer, or

(ii) with the concurrence of a person other than their actual employer on premises or property with respect to which that person has any rights or privileges under a licence, permit or agreement,

the other person is, for the purposes of paying premiums, deemed to be the employer of the insured persons in addition to the actual employer, and providing for the payment and recovery of premiums paid for the insured persons;

...

[Je souligne.]

[14]            À cet effet, le Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, DORS/97 33, (le « Règlement » ) stipule :

DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

[...]

1(2) Pour l'application de la partie IV de la Loi et pour l'application du présent règlement, « employeur » s'entend notamment d'une personne qui verse ou a versé la rémunération d'un assuré pour des services rendus dans l'exercice d'un emploi assurable.

[...]

Autres employeurs présumés

10(1) Lorsque, dans un cas non prévu par le présent règlement, un assuré travaille :

a) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d'une personne qui n'est pas son véritable employeur, ou est payé par une telle personne,

b) soit avec l'assentiment d'une personne qui n'est pas son véritable employeur dans un lieu ou un local sur lequel cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d'une licence, d'un permis ou d'une convention,

cette personne est réputée, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable de l'assuré ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de l'assuré conjointement avec le véritable employeur.

(2) Le montant de la cotisation patronale payée par la personne réputée être l'employeur en vertu du paragraphe (1) est recouvrable par celle-ci auprès du véritable employeur.

(3) Lorsque la personne qui est réputée être l'employeur d'un assuré en vertu du présent règlement ne paie pas, ne retient pas ou ne verse pas les cotisations qu'un employeur est tenu de payer, de retenir ou de verser aux termes de la Loi ou du présent règlement, les dispositions des parties IV et VI de la Loi s'appliquent à elle comme s'il s'agissait du véritable employeur.

INTERPRETATION

...

1(2) For the purposes of Part IV of the Act and for the purposes of these Regulations, "employer" includes a person who pays or has paid earnings of an insured person for services performed in insurable employment.

...

Other Deemed Employers

10(1) Where, in any case not coming within any other provision of these Regulations, an insured person works

(a) under the general control or direct supervision of, or is paid by, a person other than the insured person's actual employer, or

(b) with the concurrence of a person other than the insured person's actual employer, on premises or property with respect to which that other person has any rights or privileges under a licence, permit or agreement,

that other person shall, for the purposes of maintaining records, calculating the insurable earnings of the insured person and paying, deducting and remitting the premiums payable on those insurable earnings under the Act and these Regulations, be deemed to be the employer of the insured person in addition to the actual employer.

(2) The amount of any employer's premium paid by the person who is deemed to be the employer under subsection (1) is recoverable by that person from the actual employer.

(3) Where a person who is deemed under these Regulations to be an employer of an insured person fails to pay, deduct or remit the premiums that an employer is required to pay, deduct or remit under the Act or these Regulations, the provisions of Parts IV and VI of the Act shall apply to the person as if the person were the actual employer.

[Je souligne.]

Décision frappée d'un appel

[15]            La Commission a fait valoir devant la Cour canadienne de l'impôt l'argument selon lequel elle ne « payait » pas les montants qu'elle remettait aux salariés puisqu'elle n'avait aucune obligation légale envers eux. Selon la Commission, le terme « payé » tel qu'il apparaît au Règlement exige une telle obligation.

[16]            La juge Lamarre Proulx a rejeté cet argument. Elle s'en est remis à la décision de notre Cour dans l'affaire Insurance Corp. of British Columbia c. Canada (Ministre du Revenu national), [2002] A.C.F. No. 380, 2002 CAF 104, dossier A-658-00 [ICBC]. Après avoir cité plusieurs extraits de cette décision, la juge Lamarre Proulx a rejeté l'appel de la Commission en ces termes :

[34] Il me faut conclure que l'appelante n'échappe pas aux dispositions déterminatives du Règlement. Le paragraphe 1(2) du Règlement stipule clairement qu'un employeur s'entend d'une personne qui verse ou a versé la rémunération d'un assuré pour des services rendus dans l'exercice d'un emploi assurable. Le paragraphe 10(1) du Règlement stipule aussi clairement que lorsqu'un assuré est payé par une personne autre que son véritable employeur, cette autre personne est réputée, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable de l'assuré ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigées aux termes de la Loi et du Règlement, être l'employeur de l'assuré conjointement avec le véritable employeur.


Prétentions de la Commission en appel

[17]            La Commission soulève essentiellement deux moyens d'appel. Elle prétend tout d'abord que le paragraphe 1(2) du Règlement est ultra vires « puisqu'il ne porte nullement sur la manière » d'application de la LAE comme l'exige l'article 108(1)d) (Mémoire de l'appelante, paragraphe 29).

[18]            En second lieu, la Commission réitère l'argument qu'elle a fait valoir devant la Cour canadienne de l'impôt, à savoir que l'article 10(1)a) du Règlement ne peut s'appliquer puisque la Commission n'a ni « payé » ni « versé » les montants en question. Pour qu'un salaire soit « payé » ou « versé » , il doit exister une obligation légale de payer et la Commission n'avait aucune telle obligation envers les salariés. Elle a plutôt agi comme « courroie de transmission » en remettant aux salariés « les sommes perçues en [leur] nom » (Mémoire de l'appelante, paragraphe 64).

[19]            Ce deuxième argument repose sur le sens juridique du mot « payé » . Selon les articles 1554 et 1671 du Code civil du Québec, le paiement constitue un mode d'extinction d'une obligation et suppose l'existence d'une obligation :

1554 Tout paiement suppose une obligation : ce qui a été payé sans qu'il existe une obligation est sujet à répétition.

1671 Outre les autres causes d'extinction prévues ailleurs dans ce code, tels le paiement, l'arrivée d'un terme extinctif, la novation ou la prescription, l'obligation est éteinte par la compensation, par la confusion, par la remise, par l'impossibilité de l'exécuter ou, encore, par la libération du débiteur.

1554 Every payment presupposes an obligation; what has been paid where there is no obligation may be recovered.

1671 Obligations are extinguished not only by the causes of extinction contemplated in other provisions of this Code, such as payment, the expiry of an extinctive term, novation or prescription, but also by compensation, confusion, release, impossibility of performance or discharge of the debtor.

[20]            La Commission prétend qu'elle n'avait aucune telle obligation à l'égard des salariés auxquels les montants furent remis. Elle ajoute, invoquant les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, que le mot « payé » doit être interprété de façon conforme au droit civil québécois.

[21]            Bien que les recours qu'elle institue dans le cadre de son mandat statutaire soient introduits en son nom personnel, la Commission fait valoir qu'elle agit à titre de mandataire pour le compte des salariés (Château, Compagnie d'assurance c. C.C.Q, [1999] J.Q. 5601, C.A. 500-09-002887-966, J.E. 2000-193; Commission de la Construction du Québec c. Richer, [2004] J.Q. 586, No. 550-32-011624-035; Dupont c. Boutin, No. 500-05-013021-835). La Commission insiste sur le fait que les salariés n'ont aucun recours contre elle si elle ne réussit pas à recouvrer les salaires qui leur sont dus.

Analyse et décision

[22]            Le premier motif d'appel peut être écarté sans grande analyse. La partie soulignée de l'article 108(1)f) de la LAE, qui est reproduite au paragraphe 13 ci-haut, confère au gouverneur en conseil, de façon on ne peut plus claire, le pouvoir d'adopter l'article 10(1) du Règlement.

[23]            Quant au deuxième moyen, la Commission reconnaît que pour réussir dans son appel, elle doit démontrer que les versements qu'elle a effectués se distinguent de ceux qui étaient en cause dans l'affaire ICBC. Il s'agissait dans cette affaire de déterminer si une compagnie d'assurance (la ICBC) était assujettie au Règlement à l'égard de sommes qu'elle versait à une aide domestique pour le bénéfice de son assuré. Selon les faits mis en preuve, c'est l'assuré qui était l'employeur de l'aide domestique, mais c'est la ICBC qui lui versait son salaire dans le cadre de la couverture d'assurance offerte à l'assuré.

[24]            La Cour canadienne de l'impôt avait dans un premier temps conclu que le salaire n'avait pas été « payé » par la ICBC au sens du Règlement puisque la ICBC n'avait pas l'obligation de payer ce salaire. La Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Strayer a jugé que cette interprétation faisait fi du contexte législatif :

[5]    Je suis d'avis que le juge de première instance a inutilement donné une interprétation stricte au mot « payé » dans l'article 10 du Règlement. De ce fait, il a erronément conclu que, lorsque la ICBC a transféré à Mme Harvey le montant de salaire, tel que convenu entre M. Lake et Mme Harvey, elle ne « payait » pas un assuré, tel que cela est défini dans la Loi sur l'assurance-emploi. En arrivant à cette conclusion, il a invoqué des définitions du verbe « payer » provenant d'un traité et du dictionnaire, de même qu'un arrêt de notre Cour, Canada (Procureur général) c. Théorêt ((1988), 61 D.L.R. (4th) 289) (C.A.F.). Il a interprété le mot comme signifiant que quelqu'un ne « paye » que lorsqu'il a une obligation juridique de le faire à l'égard précisément du bénéficiaire.

[25]            La Cour ajouta plus loin :

[8]    Le but du Règlement et de la loi qui l'autorise consiste, en partie, à faciliter la perception des cotisations d'assurance-emploi, une activité qui est essentielle au système tel qu'il existe actuellement. La Loi autorise clairement le genre de dispositions qui ont été adoptées par le gouverneur en conseil dans l'article 10 du Règlement. En examinant l'article 10, on voit qu'il est censé s'appliquer, entre autres choses, lorsqu'un employé qui est assuré est [TRADUCTION] « payé par une personne qui n'est pas son véritable employeur » . Dans un tel cas, cette « autre personne » doit conserver des relevés d'emploi et calculer, déduire et verser les cotisations appropriées. La proposition est assez simple et son but est clair : les cotisations doivent être retenues à la source lorsque le traitement ou le salaire est calculé et administré et lorsque les paies ou les chèques sont émis. Le terme « payé » doit être interprété dans son contexte et il n'est pas nécessaire d'examiner les sources techniques dans le but de lui attribuer un sens qui irait à l'encontre du but clairement recherché par l'article.

[26]            Avant de conclure, la Cour aborda l'argument additionnel du Ministre selon lequel la ICBC avait de toute façon l'obligation de payer l'aide domestique en tant qu'assureur et qu'il y avait donc eu paiement du salaire dans le sens légal du terme. Le juge Strayer a reconnu le fait que la ICBC s'était de fait engagée à effectuer les paiements en tant qu'assureur, mais il a jugé que cet élément était sans importance :

[10]    [...] Bien que je sois d'accord avec la demanderesse [le Ministre] pour dire que [la ICBC] s'employait à satisfaire une obligation juridique envers son assuré en effectuant les paiements au bénéfice de l'assuré, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'invoquer ce fait. Conformément à ce que j'ai déjà mentionné, je ne crois pas que le mot « payé » doit être limité aux situations où il existe une obligation juridique de transmettre le traitement ou le salaire à l'employé d'une autre personne.

[27]            La Commission a tenté de nous convaincre que sa situation est différente de celle de la ICBC. Elle insiste sur le fait que les montants que versaient la ICBC à l'aide domestique avaient comme effet de libérer l'assuré, en tant qu'employeur, de son obligation de payer le salaire alors qu'ici, c'est en payant la Commission que l'employeur se libère de cette obligation. La Commission par la suite ne fait que remettre aux salariés les sommes perçues en leur nom (Mémoire de l'appelante, paragraphe 57).

[28]            Je ne vois pas comment cette nuance peut être utile à la Commission. D'une part, si elle agit comme mandataire des salariés comme elle persiste à le dire (Mémoire de l'appelante, paragraphe 63), les montants qu'elle reçoit des employeurs sont perçus pour et au nom des salariés de sorte qu'ils conservent leur nature juridique jusqu'au moment où ils sont remis aux salariés.

[29]            D'autre part, c'est en tant qu'assureur et non pas en tant qu'employeur que la ICBC versait les montants à l'aide domestique. Sur le plan juridique c'est le produit d'assurance qui était ainsi versé. C'est dans ce contexte que le juge Strayer a senti le besoin de préciser que le mot « payé » ne doit pas être limité aux situations où il existe une obligation juridique de transmettre un salaire comme tel (Voir le passage cité au paragraphe 26 ci-haut). Selon cette décision, le Règlement s'applique à tout montant qui tient lieu de salaire qu'il en soit un ou non sur le plan strictement juridique.

[30]            Les montants versés par la Commission tombent dans ce champ d'application du Règlement, tout comme ceux qui furent versés par la ICBC. La seule différence est que la ICBC puisait les sommes nécessaires pour effectuer ces versements à même son fonds d'assurance alors que la Commission doit les récupérer auprès des employeurs récalcitrants. Cette différence, si elle devait avoir une incidence quelconque, fait en sorte que l'application du Règlement est d'autant plus appropriée dans le cas de la Commission.

[31]            Bien qu'il ne soit pas nécessaire de pousser l'analyse plus loin vu l'interprétation du mot « payé » , je crois utile d'ajouter que la Commission ne peut prétendre n'avoir « aucune obligation » envers les salariés (Mémoire de l'appelante, paragraphe 55). S'il est vrai que la Commission ne fait que récupérer au nom des salariés les sommes qui leur sont dues, force lui est de reconnaître qu'une fois ces sommes recouvrées, elle a l'obligation de les remettre aux salariés pour lesquels elles furent perçues. Par ailleurs, il ne fait aucun doute qu'en remettant ces sommes aux salariés, la Commission se libère de cette obligation. Ces sommes ne sont d'ailleurs pas sujettes à répétition à titre d'indu de la part de la Commission. Ainsi, les remises effectuées par la Commission au cours des années rencontrent les exigences qui sous-tendent un paiement selon les articles 1554 et 1671 du Code civil du Québec (voir le paragraphe 19 ci-haut).

[32]            En l'absence d'incompatibilité avec le système juridique du Québec, il n'y a pas lieu d'aborder les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation.

[33]            Pour ces motifs je rejetterai l'appel avec dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

            Gilles Létourneau j.c.a. »

« Je suis d'accord.

            M. Nadon j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-9-05

INTITULÉ :                                                                            COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    24 janvier 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 Le juge Noël

Y ONT SOUSCRIT :                                                              Le juge Létourneau

                                                                                                Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                                           le 8 février 2006

COMPARUTIONS :

Me André Lareau

POUR L'APPELANTE

Me Natalie Goulard

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion, Jetté, Saint-Pierre

Sillery (Québec)

POUR L'APPELANTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

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