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Date : 20060511

Dossier : A-172-05

Référence : 2006 CAF 174

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

CÉLINE BAZINET

Et

CHRISTINE GUAY

Et

KAREN-LAURE BÉLANGER

demanderesses

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 10 janvier 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                 LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                            LE JUGE PELLETIER


Date : 20060511

Dossier : A-172-05

Référence : 2006 CAF 174

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

CÉLINE BAZINET

Et

CHRISTINE GUAY

Et

KAREN-LAURE BÉLANGER

demanderesses

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du juge-arbitre Marin datée le 18 février 2005 qui a conclu que les demanderesses n'étaient pas admissibles aux prestations régulières de chômage durant les mois de juillet et août 2003. En concluant ainsi, le juge-arbitre accueillait les appels de la Commission de l'assurance-emploi (la Commission) à l'encontre de deux décisions rendues par différents conseils arbitraux le 11 mars 2004 (pour Céline Bazinet et Christine Guay) et le 30 juin 2004 (pour Karen-Laure Bélanger).

[2]                Cette demande de contrôle judiciaire, qui a été entendue avec la demande de contrôle judiciaire dans le dossier A-261-05 (P.G.C. c. Marie-Claude Robin) soulève, comme dans l'affaire Robin, une question d'interprétation de l'alinéa 33(2)a) du Règlement sur l'assurance-emploi (le Règlement), DORS/90-54, qui régit l'admissibilité des enseignants aux prestations régulières de chômage durant les périodes de congé scolaire.

[3]                Les demanderesses, durant le cours de l'année scolaire 2002-2003, étaient enseignantes à temps partiel auprès de la Commission scolaire La Pointe-de-l'île (la Commission scolaire) et leurs contrats d'engagement pour ladite année scolaire se sont terminés au mois de juin 2003. De fait, la demanderesse Bazinet a travaillé du 28 août 2002 au 20 juin 2003, la demanderesse Bélanger a travaillé du 23 août 2002 au 23 juin 2003, alors que la demanderesse Guay a travaillé du 27 août 2002 au 26 juin 2003.

[4]                Vers la fin du mois de juin 2003, les demanderesses furent avisées que leurs contrats d'enseignante à temps partiel auprès de la Commission scolaire seraient renouvelés pour l'année scolaire 2003-2004. Dans le cas de la demanderesse Bazinet, celle-ci s'est vue offrir un contrat pour la période du 27 août 2003 au 25 juin 2004 à 100% de la tâche pour enseigner à l'école St-Rémi. Le 29 octobre 2003, elle signait un contrat intitulé Contrat d'engagement de l'enseignante ou de l'enseignant à temps partiel. Pour les fins de la présente, les articles IA et III de ce contrat sont pertinents et je les reproduis :

I.          OBLIGATIONS DE L'ENSEIGNANTE OU DE L'ENSEIGNANT

A)        L'enseignante ou l'enseignant s'engage, à toutes fins que de droit, à enseigner comme enseignante ou enseignant à temps partiel dans les écoles de la commission.

...

III.      DISPOSITIONS GÉNÉRALES

A)        Ce contrat d'engagement prend effet à compter du 2003-08-27 et se termine le 2004-06-25 ou lors de l'arrivée de l'événement suivant : au retour de la ou des personnes remplacées mais au plus tard le 2004-06-25.

B)       Les dispositions de la convention collective font partie intégrante du présent contrat.

[5]                En ce qui concerne la demanderesse Guay, son contrat pour l'année scolaire 2003-2004 a été renouvelé verbalement le 23 juin 2003. Elle s'est vue offrir un contrat pour la période du 27 août 2003 au 30 juin 2004 à 86.8% d'une tâche de travail pour enseigner à l'école Daniel-Johnson. Le 24 novembre 2003, elle signait, comme dans le cas de la demanderesse Bazinet, un Contrat d'engagement de l'enseignante ou enseignant à temps partiel. Les articles IA et IIIB du contrat de la demanderesse Guay étant identiques à ceux que l'on retrouve au contrat de la demanderesse Bazinet, je ne reproduis que l'article IIIA de son contrat;

III. Dispositions Générales

A)                        Ce contrat d'engagement prend effet à compter du 2003-08-27 et se termine le 2004-06-30 ou lors de l'arrivée de l'événement suivant : le retour de la ou les personnes remplacées mais au plus tard le 2004-06-30.

[6]                Quant à la demanderesse Bélanger, elle fut avisée vers le 4 juillet 2003 que son engagement pour l'année scolaire 2003-2004 était renouvelé pour une tâche à 100% pour enseigner à l'école Adélard-Desrosiers. Le 29 octobre 2003, elle signait, à son tour, un Contrat d'engagement de l'enseignante ou l'enseignant à temps partiel pour la période du 27 août 2003 au 25 juin 2004. Pour les fins de la présente, je ne reproduis que l'article IIIA de son contrat :

IV.                       Dispositions générales

A) Ce contrat d'engagement prend effet à compter du 2003-8-27 et se termine le 2004-06-25 ou lors de l'arrivée de l'événement suivant : le retour de la ou les personnes remplacées mais au plus tard le 2004-06-25.

[7]                À diverses dates (demanderesse Bazinet : 19 novembre 2003 / demanderesse Guay : 5 juillet 2003; et demanderesse Bélanger : 30 juin 2003), les demanderesses présentaient des demandes de prestations pour la période entre la fin de leur contrat pour l'année scolaire 2002-2003 et le début de leur contrat pour l'année scolaire 2003-2004.

[8]                Ces demandes de prestations ont toutes été refusées par la Commission, qui avisait les demanderesses qu'elle ne pouvait leur payer des prestations au motif qu'elles ne rencontraient aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[9]                Les demanderesses interjetaient appel de ces décisions de la Commission devant le Conseil arbitral. Par décisions rendues les 11 mars 2004 et 30 juin 2004, différents conseils arbitraux concluaient que les demanderesses rencontraient les conditions d'exception prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[10]            La Commission interjetait appel de ces décisions devant le juge-arbitre Marin qui, le 18 février 2005, accueillait les appels et rétablissait les décisions de la Commission. S'appuyant sur l'arrêt de cette Cour dans Charlotte Oliver et al c. Procureur général du Canada, 2003 CAF 98, le juge-arbitre concluait que les demanderesses ne rencontraient pas l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) Règlement. Plus particulièrement, le juge-arbitre concluait que les demanderesses avaient été incapables de démontrer qu'il y avait eu rupture entre leurs contrats pour les années scolaires 2002-2003 et 2003-2004 et qu'elles étaient sans emploi durant la période de congé scolaire.

Dispositions pertinentes de la Convention collective

[11]            Puisqu'il apparaît clairement des contrats signés par les demanderesses avec la Commission scolaire que les dispositions de la convention collective faisaient partie intégrante de ces contrats, je reproduis donc certaines de ces dispositions qui m'apparaissent importantes :

5-1.08       Sous réserve de l'article 5-8.00, le contrat d'engagement d'une enseignante ou d'un enseignant, qui est employé en tant qu'enseignante ou enseignant à temps plein, est un contrat d'engagement annuel renouvelable tacitement.

...

5-1.13       Le contrat d'engagement de toute enseignante ou tout enseignant qui est employé en tant qu'enseignante ou enseignant à temps partiel en remplacement d'une enseignante ou d'un enseignant absent se termine automatiquement et sans avis au retour de l'enseignante ou l'enseignant remplacé ou au plus tôt à la dernière journée de présence des élèves prévue au calendrier scolaire de l'année scolaire en cours.

                Le contrat d'engagement de toute autre enseignante ou tout autre enseignant qui est employé en tant qu'enseignante ou enseignant à temps partiel se termine automatique et sans avis:

a)             le 30 juin s'il s'agit d'une contrat pour une journée scolaire non complète durant toute l'année scolaire ou pour une semaine scolaire non complète durant toute l'année scolaire;

b)            au plus tôt à la dernière journée de présence des élèves prévue au calendrier scolaire de l'année scolaire en cours s'il s'agit d'un contrat pour terminer une année scolaire;

c)             à une date précise dans tous les autres cas, que cette date soit clairement stipulée ou qu'elle dépende de l'arrivée d'un événement qui y est expressément prévu.

...

6-7.01      L'enseignante ou l'enseignant à temps partiel a droit à un pourcentage du traitement égal au pourcentage de la tâche éducative qu'elle ou il assume par rapport à la tâche éducative de l'enseignante ou l'enseignant à temps plein.

                Il est de même des primes pour disparités régionales et des congés spéciaux.

...

6-7.03       ...

E)            Cependant, après vingt (20) jours ouvrables consécutifs d'absence de la part d'une enseignante ou d'un enseignant à temps plein, la commission paie, à la suppléante ou au suppléant occasionnel qui la ou le remplace durant ces vingt (20) jours, le traitement qu'elle ou il recevrait si elle ou il était enseignante ou enseignant à temps plein. Ce traitement qu'elle ou il recevrait est basé sur sa catégorie telle qu'elle est établie par la commission au début de l'année ou, le cas échéant, au milieu (à la cent unième journée) de l'année de travail en cours et son échelon d'expérience acquis à la première journée ouvrable de l'année de travail en cours, et est payé à raison de 1/200 du traitement annuel pour chaque jour de travail ainsi effectué. Dans ce cas, ce traitement compte à partir de la première journée de la suppléance et cette suppléante ou ce suppléant doit fournir sans délai les documents servant à établir son traitement. Une ou des absences de la suppléante ou du suppléant occasionnel totalisant trois (3) jours ou moins pendant l'accumulation de ces vingt (20) jours consécutifs de remplacement n'a pas pour effet d'interrompre cette accumulation

...

.6-8.01     L'enseignante ou l'enseignant reçoit son traitement annuel prévu à l'article 6-5.00 et à l'annexe XLII, de même que les suppléments prévus à l'article 6-6.0- et les primes pour disparités régionales prévues au chapitre 12-0.00 s'il y a lieu, en vingt-six (26) versements, selon les modalités suivantes:

a)             à compter du début de l'année de travail, l'enseignante ou l'enseignant reçoit à tous les deux (2) jeudis, 1/26 des montants annuels applicables en traitement, suppléments et primes le premier jour de travail de la période de paie visée;

b)            malgré l'alinéa a), le vingt-sixième (26e) versement pour une année de travail doit être rajusté de sorte que l'enseignante ou l'enseignant ait reçu, pour cette année de travail, 1/200 de son traitement annuel applicable, de même que de ses suppléments et primes applicables s'il y a lieu, pour chaque jour de travail qu'elle ou il a effectué;

c)             malgré l'alinéa a), l'enseignante ou l'enseignant qui quitte le service ce la commission reçoit, au moment de son départ, le solde du traitement ainsi que des suppléments et primes applicables qui lui sont dus.

                La présente clause n'a pas pour effet d'accorder à l'enseignante ou l'enseignant un droit à une somme à laquelle elle ou il n'a pas droit en vertu d'une autre disposition de la convention.

...

6-8.03      Le traitement, de même que les suppléments et primes pour disparités régionales de l'enseignante ou l'enseignant qui entre au service de la commission après le début de l'année de travail ou qui quitte le service de la commission avant la fin de l'année de travail, sont calculés à raison de 1/200 du traitement annuel applicable, de même que des suppléments et primes pour disparités régionales applicables, s'il y a lieu, pour chaque jour de travail effectué.

6-8.04      La commission déduit 1/200 par jour de travail (lire 1/400 par demi-journée de travail et lire 1/1000 pour toute période de tems de 45 à 60 minutes) du traitement annuel applicable, de même que des suppléments et primes pour disparités régionales applicables, s'il y a lieu, de l'enseignante ou l'enseignant dans les cas suivants:

a)             absences autorisées sans traitement pour une durée inférieure à une année de travail;

b)            absences non autorisées ou utilisées à des fins autres que celles autorisées.

...

8-4.01      L'année de travail des enseignantes ou enseignants comporte deux cents (200) jours de travail et, à moins d'entente différente entre la commission et le syndicat, ils sont distribués du 1er septembre au 30 juin suivant.

Législation pertinente

[12]            Avant de débuter mon analyse, je crois opportun de reproduire immédiatement la législation pertinente. L'article 54 de la Loi sur l'assurance-emploi (la Loi), 1996, ch. 23, qui permet à la Commission de prendre des règlements, se lit, en partie, comme suit :

54. La Commission peut avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements

...

j) interdisant le paiement de prestations, en tout ou en partie, et restreignant le montant des prestations payables pour les personnes, groupes ou classes de personnes qui travaillent ou ont travaillépendant une fraction quelconque d'une année dans le cadre d'une industrie ou d'une occupation dans laquelle, de l'avis de la Commission, il y a une période qui survient annuellement à des intervalles réguliers ou irréguliers durant laquelle aucun travail n'est exécuté, par un nombre important de personnes, à l'égard d'une semaine quelconque ou de toutes les semaines comprises dans cette période.

(Je souligne)

54. The Commission may, with the approval of the Governor in Council make regulations

...

(j) prohibiting the payment of benefits, in whole or in part, and restricting the amount of benefits payable, in relation to persons or to groups or classes of persons who work or have worked for any part of a year in any industry or occupation in which, in the opinion of the Commission, there is a period that occurs annually, at regular or irregular intervals, during which no work is performed by a significant number of persons engaged in that industry or occupation, for any or all weeks in that period.

(Emphasis added)

[13]            La Commission a adopté une disposition particulière applicable aux enseignants dont le but est de régir les conditions d'admissibilité de ces derniers durant les périodes de congés. L'article 33 du Règlement se lit comme suit :

33. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« enseignement » La profession d'enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle (teaching)

« période de congé. La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n'est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l'enseignement (non-teaching period)

(2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l'enseignement pendant une partie de sa période de référence n'est pas admissible au bénéfice des prestations - sauf celles prévues aux articles 22, 23 ou 23.1 de la Loi - pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas :

a) son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin;

b) son emploi dans l'enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;

c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l'égard d'un emploi dans une profession autre que l'enseignement.

(3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l'enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l'égard d'un emploi autre que l'enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l'égard de l'emploi dans cette profession.

(Je souligne)

33. (1) The definitions in this subsection apply in this section.

"non-teaching period" means the period that occurs annually at regular or irregular intervals during which no work is performed by a significant number of people employed in teaching (période de conge)

"teaching" means the occupation of teaching in a pre-elementary, an elementary or a secondary school, including a technical or vocational school. (enseignement)

(2) A claimant who was employed in teaching for any part of the claimant's qualifying period is not entitled to receive benefits, other than those payable under section 22, 23 or 23.1 of the Act, for any week of unemployment that falls in any non-teaching period of the claimant unless

(a) the claimant's contract of employment for teaching has terminated;

(b) the claimant's employment in teaching was on a casual or substitute basis; or

(c) the claimant qualifies to receive benefits in respect of employment in an occupation other than teaching.

(3) Where a claimant who was employed in teaching for any part of the claimant's qualifying period qualifies to receive benefits in respect of employment in an occupation other than teaching, the amount of benefits payable for a week of unemployment that falls within any non-teaching period of the claimant shall be limited to the amount that is payable in respect of the employment in that other occupation.

(Emphasis added)

Par conséquent, selon l'alinéa 33(2)a) du Règlement, une enseignante sera inadmissible à recevoir des prestations à l'égard de semaines de chômage qui se retrouvent à l'intérieur de la période de congés, soit juillet et août, sauf si « son contrat de travail dans l'enseignement a pris fin » .

[14]            Dans Sheila Stone v.Attorney General of Canada, 2006 FCA 27, 24 janvier 2006, le juge Sexton, s'exprimant pour la majorité, énonçait que l'objectif de l'article 33 du Règlement était celui d'empêcher qu'un enseignant puisse obtenir des prestations d'assurance-emploi alors qu'il n'était pas véritablement en chômage. Au paragraphe 38 de ses motifs, le juge Sexton écrivait ce qui suit :

[38] ... In short, the regulation-making power of the Act and the language of section 33 affirm that paragraph 33(2)(a) is intended to combat the mischief of teachers collecting EI benefits when they cannot be said to be truly unemployed, but nevertheless are not performing work during the non-teaching period.

Au même sens, l'on retrouve les propos du juge Létourneau dans Charlotte Oliver et al c. Le Procureur général du Canada, 2003 CAF 98, où, au paragraphe 27 de ses motifs, le juge Létourneau s'exprimait comme suit :

[27]             Le juge-arbitre a correctement pris en compte tant la jurisprudence de la Cour que l'intention législative sous-jacente à l'article 33 du Règlement. Les deux reposent sur un principe clair : sauf rupture claire dans la continuité de son emploi, l'enseignant ne sera pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé. Il importe de souligner avec force ce principe fondamental parce que de nombreuses demandes portant sur cette question sont en cours. La Cour se doit d'être claire sur ce point.

(Je souligne)

[15]            L'article 13 de la Loi sur l'instruction publique, L.R.Q., chapitre I-13.3, est aussi pertinent et je le reproduis en partie :

13. Dans la présente loi on entend par :

1. « année scolaire » : la période débutant le 1er juillet d'une année et se terminant le 30 juin de l'année suivante.

13. In this Act,

1) the words "school year" mean the period commencing on 1 July in a year and ending on 30 June in the year following;

La décision du juge-arbitre

[16]            Après une revue des faits pertinents, le juge-arbitre portait son attention SUR LES décisions rendues par le Conseil arbitral. Il constatait que le Conseil arbitral avait écarté les décisions de la Commission en raison du fait que lors du dépôt des demandes de prestations des demanderesses, leurs contrats d'engagement pour l'année scolaire 2003-2004 n'avaient pas été signés, que les promesses verbales d'emplois qui leur avaient été faites ne constituaient pas des contrats valables et, qu'en outre, les demanderesses n'avaient aucune assurance légale d'un poste dans l'enseignement pour l'année scolaire 2003-2004. Les paragraphes pertinents des décisions du Conseil arbitral se lisent comme suit :

Pour les demanderesses Bazinet et Guay (décision en date du 11 mars 2004)

Selon [sic] le Conseil arbitral estime que cette promesse verbale ne constitue pas un contrat valable et l'appelante n'avait aucune assurance légale d'un poste à l'école pour l'année suivante.

Le procureur de l'appelante cite de la jurisprudence pertinente et semblable au cas présent soit les arrêts, Ying (A-101-98), Oliver (A-811-02) ainsi que le CUB 44150.

Le Conseil arbitral conclut que l'appelante a eu effectivement une fin d'emploi le 20 juin 2003 (pièce 5.4). Elle n'avait signé aucun contrat pour l'année pour l'année suivante et étant enseignante à temps partiel elle pourrait être remplacée par un autre enseignant avec plus d'ancienneté.

Décision

Après s'être référé au [sic] divers documents soumis par le procureur de l'appelante et après avoir entendu le témoignage de l'appelante, le Conseil arbitral considère que l'appelante remplit les conditions d'exemption décrites dans le paragraphe 33(2) du Règlement et conséquemment, accueille l'appel UNANIMEMENT.

***********************

Pour la demanderesse Bélanger (décision en date du 30 juin 2004)

Dans le cas présent, l'appelante devait signer un contrat à chaque année. Son représentant considère qu'elle est admissible aux prestations pour la période du congé scolaire et peut se prévaloir de l'article 33 du Règlement. L'appelante a signé son nouveau contrat en septembre 2003. Avant cette date, elle n'avait pas l'assurance complète d'un emploi. La lettre reçue par l'appelante le 4 juillet 2003 (pièce 4.2) est seulement une recommandation de la direction de l'école et est signée par la coordonnatrice des ressources humaines qui n'a pas l'autorité d'engager les enseignants. Cet avis confirme que l'appelante a été mise sur la liste des enseignants mais ne confirme d'aucune façon un poste pour l'année scolaire suivante.

Après avoir tenu compte de tous les éléments au dossier de ceux déposés par l'appelant et son représentant, le Conseil arbitral conclut que le contrat de l'appelante a pris fin en juin 2003. Elle rencontre les dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 33 du Règlement de l'assurance-emploi. Conséquemment, le Conseil arbitral accueille l'appel concernant l'admissibilité de l'appelante au bénéfice des prestations et cette décision est MAJORITAIRE.

[17]            Par la suite, le juge-arbitre considérait les prétentions des parties à la lumière des arrêts de cette Cour dans Oliver et Ying, précités. Au paragraphe 20 de ses motifs, le juge-arbitre indiquait que le procureur des demanderesses l'avait invité à distinguer les faits de l'instance de ceux que l'on retrouve dans Oliver, précité, et de suivre l'approche de cette Cour dans Ying, précité.

[18]            Après considération de nos décisions dans Oliver et Ying, précités, le juge-arbitre, au paragraphe 22 de ses motifs, indiquait qu'il se ralliait à la décision de notre Cour dans Oliver, précité. S'appuyant sur cette décision, le juge-arbitre en venait à la conclusion qu'il n'y avait pas eu de rupture claire dans la continuité de l'emploi des demanderesses. Le raisonnement du juge-arbitre concernant la continuité de l'emploi des demanderesses apparaît clairement des paragraphes 23 à 26 de ses motifs :

[23] Il existait déjà un fondement et une relation entre les prestataires et leur Commission scolaire. Impossible d'affirmer que la relation était précaire ou totalement interrompue. Il n'était pas de nouvelles venues, une étant arrivée en 1999 et les deux autres ayant au moins deux ans d'expérience auprès de la même Commission scolaire. La Commission scolaire formule à l'intention de chacune une offre verbale et on leur demande d'acquiescer. Il est vrai qu'elles ne sont pas payées pendant les périodes estivales, mais le salaire est réparti sur une base de 10 mois plutôt que 12. Il n'y a aucune perte monétaire. Elles reçoivent leur rémunération comme on le fait habituellement plutôt que la pratique établie entre instituteurs et les institutions de répartir la rémunération sur 12 mois. Alors, elles ne sont pas privées d'une tranche de rémunération à laquelle elles ont droit.

[24] À tout événement, si en août elles n'avaient pas été renouvelées, elles pouvaient demander à la Commission de réviser son avis et, face à l'absence de rémunération, la Commission aurait, sans aucun doute, révisé son avis et aurait versé des prestations.

[25] On me demande, en effet, dans cette cause type, de remettre aux prestataires un montant qu'elles n'ont pas perdu. Elles avaient déjà reçu un montant pour leur enseignement, le montant total du contrat avait déjà été versé aux prestataires sur une période de 10 mois; si le contrat n'avait pas été renouvelé par écrit confirmant l'entente verbale, elles étaient toujours libres de demander des prestations. Toutefois, en leur versant des prestations nonobstant l'offre verbale et l'invitation d'enseigner à nouveau, ces personnes auraient reçu un bénéfice auquel elles n'avaient pas droit et devaient le rembourser.

[26] En l'espèce, c'est le motif qui a incité la modification à la Loi sur l'assurance-emploi. Dans le cas échéant, pour chaque prestataire, certains bénéfices étaient conservés même si l'ensemble des bénéfices disponibles au temps plein ne l'était pas. Il s'agissait de bénéfices d'enseignant à temps partiel; à mon avis, au sens de la loi et de la jurisprudence, elles sont incapables d'établir qu'il y a une rupture entre les deux contrats d'enseignement et qu'elles étaient sans emploi.

Les prétentions des parties

[19]            Le premier argument des demanderesses est à l'effet que le juge-arbitre n'aurait pas dû intervenir puisque les décisions du Conseil arbitral n'étaient pas déraisonnables. Selon les demanderesses, puisque la question devant le Conseil arbitral était de déterminer s'il y avait eu fin de contrat de travail selon l'alinéa 33(2)a) du Règlement, donc une question mixte de faits et de droit,la norme applicable était celle de la décision déraisonnable.

[20]            Les autres arguments des demanderesses, comme le souligne le défendeur, reposent sur la prémisse que leurs contrats à temps partiel pour l'année scolaire 2002-2003 ont pris fin en juin 2003 et que leurs contrats pour l'année scolaire 2003-2004 n'ont pris effet qu'à compter du 27 août 2003. Par conséquent, selon les demanderesses, le juge-arbitre a erré en concluant qu'il y avait continuité dans leur emploi durant la période de juillet et août 2003.

[21]            En outre, au soutien de leur prétention qu'il n'y avait pas de continuité dans leur emploi, les demanderesses soutiennent que les offres d'emploi qu'elles ont reçues à la fin juin 2003 n'étaient que des offres verbales et qu'elles avaient été formulées par des personnes non-autorisées légalement à les embaucher.

[22]            Finalement, les demanderesses soutiennent que le juge-arbitre a erré en faisant abstraction des différences entre les contrats des enseignantes à temps partiel et ceux des enseignantes à temps plein.

[23]            Le défendeur n'est pas d'accord avec les prétentions des demanderesses. En ce qui concerne la norme de contrôle applicable à la révision des décisions du Conseil arbitral, le défendeur soutient que la norme applicable est celle de la décision correcte, puisque le juge-arbitre avait à décider si le Conseil arbitral avait erré en droit en omettant de tenir compte de l'interprétation légale de l'expression « son contrat de travail a pris fin » que l'on retrouve à l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[24]            En ce qui concerne les autres arguments des demanderesses, le défendeur, s'appuyant sur Oliver, précité, soutient que le Conseil arbitral a erré dans son interprétation de l'alinéa 33(2)a) et, par conséquent, que le juge-arbitre a eu raison d'intervenir et d'écarter ses décisions.

Analyse

[25]            Le premier argument des demanderesses a trait à la norme de contrôle applicable aux décisions du Conseil arbitral. Selon les demanderesses, les décisions du Conseil arbitral n'étant pas déraisonnables, le juge-arbitre a eu tort d'intervenir.

[26]            Dans Sheila Stone, précité, notre Cour se prononçait relativement aux normes applicables aux décisions du Conseil arbitral et à celles du Juge-arbitre. En ce qui concerne la norme applicable aux décisions du Conseil arbitral, le juge Sexton, après considération des quatre facteurs de l'analyse fonctionnelle et pragmatique, concluait que la norme était celle de la décision correcte. Puisque les faits de la présente affaire et la nature de la question à décider ne me permettent pas, en ce qui concerne la norme applicable, de distinguer le présent dossier de celui de Sheila Stone, précité, je ne puis que conclure que le juge-arbitre était justifié de substituer son opinion à celle des conseils arbitraux dans la mesure où il était d'avis que ces décisions étaient erronées.

[27]            Quant à la norme applicable à la décision du juge-arbitre, le juge Sexton concluait que la norme applicable était celle de la décision raisonnable simpliciter. Il concluait ainsi parce qu'il était d'avis que trois des facteurs à considérer dans l'analyse fonctionnelle et pragmatique militaient en faveur de la retenue judiciaire.

[28]            En premier lieu, ayant conclu que le juge-arbitre avait bien compris les principes juridiques applicables, le juge Sexton se disait d'avis que la nature de la question en était une mixte de faits et de droit, puisqu'elle consistait en l'application de principes juridiques aux faits de la cause. Par conséquent, ce facteur faisait appel à la retenue judiciaire.

[29]            En deuxième lieu, le juge Sexton était d'avis que l'objet de la loi faisait aussi appel à la retenue judiciaire. Au paragraphe 22, il s'exprimait comme suit :

[22]    As I discussed above, the final factor in the functional and pragmatic analysis is that of legislative purpose and, in particular, inexpensive and expeditious decision-making also favours a deferential standard.

[30]            Quand au troisième facteur de l'analyse fonctionnelle et pragmatique, soit la nature du mécanisme d'appel ou de contrôle, qui, selon le juge Sexton, faisait appel à la retenue judiciaire, ce dernier s'appuyait sur l'article 118 de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

118.La décision du juge-arbitre sur un appel est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur les Cours fédérales..

118. The decision of the umpire on an appeal is final and, except for judicial review under the Federal Courts Act, is not subject to appeal to or review by any court.

[31]            En ce qui a trait au quatrième facteur de l'analyse, à savoir l'expertise relative du juge-arbitre, le juge Sexton concluait, s'appuyant sur la décision de cette Cour dans Canada (Attorney General) v. Sveinson, 2003 FCA 315 aux paragraphes 16 et 17, que ce facteur ne faisait point appel à la retenue judiciaire.

[32]            En l'instance, comme dans Sheila Stone, précité, la nature de la question en est une mixte de faits et de droit, puisqu'il appert clairement de la décision du juge-arbitre qu'il a bien compris les principes juridiques applicables. Je ne vois donc rien dans la présente affaire qui pourrait me permettre de conclure que la norme applicable est autre que celle de la décision raisonnable simpliciter.

[33]            Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que le juge-arbitre n'a pas eu tort d'intervenir et d'annuler les décisions du Conseil arbitral. Je conclus que la décision du juge-arbitre, considérant la preuve et les principes juridiques applicables, n'est aucunement déraisonnable. Il n'y aura donc pas lieu pour nous d'intervenir.

[34]            Les demanderesses soutiennent que le juge-arbitre a erré dans son interprétation et application de l'alinéa 33(2)a) du Règlement. En outre, elles soutiennent que vu la preuve et la législation applicable, le juge-arbitre n'avait d'autre choix que d'appliquer le raisonnement retenu par notre Cour dans Ying, précité. Elles soumettent que puisqu'elles étaient sans contrat entre la fin juin et la fin août 2003, il ne pouvait y avoir de continuité dans leur emploi dans l'enseignement. Par conséquent, elles étaient dès lors en chômage pendant la période durant laquelle elles étaient sans contrat et ont donc droit aux prestations d'assurance-emploi, tel que l'ont décidé les conseils arbitraux.

[35]            Il ne peut faire de doute, à la lecture des motifs du Conseil arbitral, que le seul facteur qu'il a véritablement considéré comme pertinent est le fait que les contrats des demanderesses avec la Commission scolaire se terminaient à la fin juin 2003, alors que les nouveaux contrats signés par elles ne prenaient effet qu'à compter du 27 août 2003. À mon avis, en se limitant à ce seul facteur, les conseils arbitraux ont, de toute évidence, mal saisi les enseignements de notre Cour concernant l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[36]            Depuis quelques années, notre Cour s'est penchée à maintes reprises sur l'alinéa 33(2)a) et il en est résulté des lignes directrices claires (voir : Charlotte Oliver et al c. Le Procureur général du Canada, précité; Bishop c. Canada, 2002 CAF 276; Partridge c. Canada (1999), 245 N.R. 163; et plus récemment (décision rendue le 24 janvier 2006), Sheila Stone v. Attorney General of Canada, précité).

[37]            Dans Oliver, précité, les demandeurs, des enseignants diplômés, avaient des contrats de stage probatoire pour la période de septembre 1998 au 30 juin 1999. Après cette date, ils ont tous été réengagés pour enseigner durant l'année scolaire suivante. La plupart des demandeurs ont conclu leur nouveau contrat avant la fin de l'expiration de celui se terminant le 30 juin 1999, alors que certains d'entre eux ont conclu leur nouveau contrat après le 30 juin 1999.

[38]            Il est aussi à noter que les demandeurs avaient été payés pour 12 mois, même si leur contrat couvrait une période de 10 mois seulement, soit septembre 1998 au 30 juin 1999, et qu'ils avaient reçu le même salaire que les employés engagés au terme d'un contrat de travail permanent (qui étaient payés pour 12 mois, même s'ils n'enseignaient pas durant les mois de juillet et août). Autre facteur pertinent était le fait que les demandeurs n'avaient subi aucune perte de revenu et qu'ils avaient bénéficié d'un régime de soins de santé et d'autres avantages sociaux durant la période de juillet et août.

[39]            Dans Oliver, précité, une majorité de notre Cour confirmait la décision du juge-arbitre, qui avait conclu que les demandeurs n'étaient pas admissibles au bénéfice de prestations régulières de chômage pendant les mois de juillet et août 1999.Au paragraphe 27 de ses motifs, au nom de la majorité, le juge Létourneau, comme je l'indiquais au paragraphe 14 de mes motifs, énonçait de façon non équivoque qu'un enseignant n'avait pas droit à des prestations de chômage pendant les mois de juillet et août, à défaut d'une rupture claire dans la continuité de son emploi

[40]            Ce faisant, le juge Létourneau, au paragraphe 16 de ses motifs, entérinait les propos suivants du juge-arbitre :

L'intention du Parlement est de verser des prestations d'assurance-emploi aux personnes qui, sans que ce soit leur faute, se retrouvent véritablement en chômage et consacrent de sérieux efforts à se trouver de l'emploi. Les enseignants ne sont pas considérés comme des chômeurs pendant les périodes annuelles de congé et, par conséquent, ils n'ont pas droit au bénéfice des prestations, à moins de satisfaire à l'un des trois critères prévus au paragraphe 33(2) du Règlement : ...

L'intention du Parlement de même que l'objet et l'esprit de la loi, m'amènent à conclure que l'exception prévue aux termes de l'alinéa 33(2)a) du Règlement vise à venir en aide aux enseign[an]ts dont la cessation du contrat, qui prend fin le 30 juin, donne lieu à une véritable rupture de la relation entre l'employeur et l'employé. Autrement dit, l'exception accorde de l'aide aux enseignants qui sont des « chômeurs » , selon le véritable sens de ce terme, qui n'équivaut pas pour autant à l'expression « ne pas travailler »

...

La cessation d'un contrat de travail dans l'enseignement dans le contexte de l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi et son règlement d'application implique une rupture de la relation entre l'employeur et l'employé, sans vouloir dire pour autant qu'il y a eu un changement du statut professionnel et que les stagiaires deviennent des enseignants ayant des contrats de travail permanents. ...

(Je souligne)

[41]            Dans Oliver, précité, le juge Rothstein se disait d'accord avec la façon dont le juge Létourneau disposait de l'affaire et, aux paragraphes 29 à 32 de ses motifs, expliquait son point de vue de la façon suivante :

[29]            Je suis d'accord avec la façon dont le juge Létourneau tranche la présente demande. La possibilité pour les enseignants de recevoir des prestations d'assurance-emploi soulève des difficultés parce que l'année scolaire couvre 10 mois, alors que les enseignants sont généralement payés par versements échelonnés sur une période de 12 mois. Parfois, comme en l'espèce, les versements de juillet et d'août sont payés à la fin du mois de juin.

[30]             La Cour a constamment répété dans ses arrêts que, lorsque leurs contrats se terminent à la fin de juin et qu'ils sont réengagés pour l'année scolaire suivante, les enseignants n'ont pas droit à l'assurance-emploi pour les mois de juillet et d'août. Voir Bishop c. Canada (Commission de l'assurance-emploi), 2002 CAF 276; Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.); Gauthier c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.); et Canada (Procureur général) c. Hann, [1997] A.C.F. no 1641 (C.A.). La seule exception est l'arrêt Ying c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1615 (C.A.).

[31]            En l'espèce, les demandeurs reçoivent exactement le même salaire que leurs collègues enseignants permanents. Ils prétendent pourtant qu'ils sont admissibles au bénéfice des prestations d'assurance-emploi pour les mois de juillet et d'août. Ils ont tous été réengagés avant ou peu après la fin juin pour l'année scolaire suivante. Selon la jurisprudence dominante de la Cour, leurs demandes de prestations d'assurance-emploi devraient être refusées.

[32]           Les demandeurs ne disent pas que la jurisprudence dominante est erronée. Ils prétendent que les faits de l'espèce sont différents. Je ne suis pas convaincu que ces différences soient suffisantes pour que la Cour soit justifiée de ne pas suivre la jurisprudence dominante qu'elle a établie.

(Je souligne)

[42]            Il ressort donc de Oliver, précité, qu'une enseignante aura droit de recevoir des prestations de chômage si elle démontre que la cessation de son emploi, en l'instance le 20 juin 2003 pour la demanderesse Bazinet, le 23 juin 2003 pour la demanderesse Bélanger et le 26 juin 2006 pour la demanderesse Guay, résulte en une « véritable rupture » de la relation avec son employeur. Autrement dit, l'enseignante devra démontrer de façon satisfaisante qu'en raison de cette rupture, elle est véritablement en chômage.

[43]            Comme je l'indiquais plus tôt, les demanderesses soutiennent, inter alia, que le juge-arbitre se devait d'appliquer la solution retenue dans Ying, précité. Avec respect, je ne puis retenir cette prétention. De toute évidence, la portée de Ying, précité, ne peut être étendue au-delà des faits particuliers de cette affaire, par suite de la jurisprudence subséquente de notre Cour.

[44]            Il n'est pas suffisant de s'en tenir, comme l'a fait en l'instance le Conseil arbitral, aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l'enseignement d'une prestataire a pris fin au sens de l'alinéa 33(2)a) du Règlement. Il faut, en outre, comme nous l'enseigne Oliver, précité, déterminer s'il y a eu une rupture claire dans la continuité de l'emploi de la prestataire, de sorte que cette dernière est devenue un « chômeur » . Le fait qu'il puisse exister une intervalle entre deux contrats pendant laquelle l'enseignante n'est pas sous contrat, ne fait pas en sorte, à mon avis, qu'il y a une véritable rupture de la relation entre l'enseignante et son employeur. Il ne faut pas oublier que le but de l'exercice n'est pas d'interpréter les dispositions contractuelles afin d'établir les droits respectifs de l'employeur et de l'employé, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d'assurance-emploi parce qu'il est, de fait, en période de chômage.

[45]            En l'instance, il est manifeste à la lecture des décisions du Conseil arbitral que ce dernier ne s'est nullement interrogé quant à savoir s'il y avait eu une rupture claire dans la continuité de l'emploi des demanderesses de sorte que ces dernières soient devenues des « chômeurs » . À mon avis, si le Conseil arbitral s'était ainsi interrogé et s'il avait examiné la situation des demanderesses à la lumière des enseignements de cette Cour, il aurait conclu que les demanderesses ne rencontraient pas l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[46]            Les contrats des demanderesses pour l'année scolaire 2002-2003 se sont terminés les 20, 23 et 26 juin 2003 respectivement, soit la dernière journée de présence des élèves. Selon l'article 5-1.13 de la convention collective, les contrats des demanderesses, enseignantes à temps partiel durant ladite année scolaire, n'étaient pas renouvelables de façon tacite, comme dans le cas de l'enseignante à temps plein (article 5-1.08 de la convention collective), mais se terminaient sans avis soit au retour de l'enseignante remplacée ou, au plus tard, la dernière journée de présence des élèves prévue au calendrier scolaire de l'année scolaire en cours.

[47]            En ce qui a trait à la situation des demanderesses pour l'année scolaire 2003-2004, elles signaient des contrats s'engageant à enseigner dans les écoles de la Commission scolaire à compter du 27 août 2003. Plus particulièrement, selon l'article IIIA des contrats signés par les demanderesses, leur engagement prenait effet à compter du 27 août 2003 pour se terminer soit au retour de la ou les personnes remplacées mais, au plus tard, dans le cas des demanderesses Bazinet et Bélanger, le 25 juin 2004, et dans le cas de la demanderesse Guay, le 30 juin 2004. Il est bon de se rappeler que les demanderesses ont reçu leurs offres d'emploi de la Commission scolaire pour l'année scolaire 2003-2004 vers la fin juin 2003 et qu'elles ont accepté ces offres.

[48]            À mon avis, il n'y a pas eu de rupture véritable dans la continuité des emplois des demanderesses auprès de la Commission scolaire et, par conséquent, il m'est impossible de conclure que leurs contrats de travail dans l'enseignement ont pris fin. J'en viens donc à la conclusion que les demanderesses ne rencontrent pas l'exception prévue à l'alinéa 33(2)a) du Règlement.

[49]            Considérant que les demanderesses ont travaillé comme enseignantes à temps partiel pour la Commission scolaire de la fin août 2002 à la fin juin 2003, considérant que vers la fin juin 2003, la Commission scolaire leur a fait des offres de travail pour l'année scolaire 2003-2004, offres qu'elles ont acceptées dans les jours suivants, et considérant que les demanderesses, tout comme les autres enseignantes de la Commission scolaire, n'avaient pas à travailler durant les mois de juillet et août 2003, je ne puis voir comment il soit possible de conclure qu'il y a eu rupture dans la relation de travail entre les demanderesses et la Commission scolaire.

[50]            La réalité est donc la suivante, à savoir que les demanderesses ont enseigné, sans interruption, dans les écoles de la Commission scolaire durant le cours des années 2002-2003 et 2003-2004. La situation factuelle démontre, hors de tout doute, que la relation des demanderesses avec leur employeur n'a pas pris fin. Par conséquent, il n'y a pas eu rupture dans la continuité de leur emploi auprès de la Commission scolaire.

[51]            Quant à l'argument des demanderesses selon lequel il ne pouvait y avoir de continuité dans leur emploi puisque les offres d'emploi qu'elles avaient reçues de la Commission scolaire à la fin juin 2003 n'étaient que des offres verbales et qu'elles avaient été formulées par des personnes non-autorisées légalement à les embaucher, je suis d'avis que cet argument est sans mérite. En premier lieu, comme je le mentionnais précédemment au paragraphe 44 de mes motifs, il ne faut pas oublier que le but de l'exercice n'est pas d'interpréter les dispositions contractuelles afin d'établir les droits respectifs de l'employeur et de ses employés, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d'assurance-emploi parce qu'il est, de fait, en période de chômage. En second lieu, je suis d'accord avec le défendeur que cet argument est tout à fait théorique, considérant que, de fait, les demanderesses ont accepté les offres faites par la Commission scolaire et qu'elles ont repris leur travail le 27 août 2004, même si leurs contrats n'ont été signés qu'à l'automne 2004.

[52]            Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

« M. Nadon »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

            Gilles Létourneau j.c.a. »

« Je suis d'accord.

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-172-05

(CONTRÔLE JUDICIAIRE D,UNE DÉCISION DU JUGE R.J. MARIN, JUGE-ARBITRE, RENDUE LE 18 FÉVRIER 2005, No DU DOSSIER CUB 60672)

INTITULÉ :                                                                            CÉLINE BAZINET ET AL. c.

                                                                                                P.G.C.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 10 janvier 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 11 mai 2006

COMPARUTIONS :

Me Gaétan Lévesque                                                                 Pour les demanderesses

Me Carole Bureau                                                                     Pour le défendeur

Me Antoine Lippé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rivest Schmidt                                                                           Pour les demanderesses

Montréal (Québec)

John H. Sims c.r.                                                                       Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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