CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
ENTRE :
et
EMMANUEL SIMARD & FILS (1983) INC.
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2006.
Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2006.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EN CHEF RICHARD
Dossier : A-447-05
Référence : 2006 CAF 293
CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
RAYDAN MANUFACTURING LTD.
appelante
et
EMMANUEL SIMARD & FILS (1983) INC.
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2006)
LE JUGE EN CHEF RICHARD
[1] Il s’agit d’un appel d’une ordonnance datée du 12 juillet 2005 (2005 CF 973) par laquelle le juge Simon Noël de la Cour fédérale a refusé d’adjuger les dépens à l’appelante (la défenderesse) après avoir rejeté l’action en contrefaçon de brevet intentée par l’intimée et a accueilli en partie la demande reconventionnelle dans laquelle l’appelante alléguait l’invalidité du brevet. La principale question en litige dans le présent appel est celle de savoir si le juge de première instance a exercé correctement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales lorsqu’il a refusé d’adjuger les dépens à l’appelante pour le motif qu’il s’agissait d’une affaire où il y avait eu « succès partiels ».
[2] À notre avis, l’issue du présent appel est régie par les arrêts de la Cour d’appel dans Gorse c. Upwardor Corp. (1992), 140 N.R. 295 (C.A.F.) et, plus récemment, dans Illinois Tool Works Inc. c. Cobra Anchors Co., (2003) 312 N.R. 184 (C.A.F.), 2003 CAF 358, où la Cour a statué que le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance, en ce qui concerne l’adjudication des dépens, doit être exercé de manière judiciaire compte tenu des principes et facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales. Dans ces arrêts, la Cour a en outre statué que, pour avoir droit à ses dépens, le défendeur, dans une affaire de contrefaçon de brevet, n’a pas à avoir gain de cause à l’égard tant du moyen de défense fondé sur la non‑contrefaçon que du moyen de défense fondé sur l’invalidité. Le défendeur qui a gain de cause dans l’action principale en contrefaçon de brevet a droit aux dépens.
[3] En l’espèce, l’intimée a poursuivi l’appelante pour contrefaçon de brevet. L’appelante a invoqué un moyen de défense à deux volets, le premier étant que ses produits ne contrefaisaient pas le brevet de l’intimée et le second, que le brevet de l’intimée était de toute façon invalide en vertu de l’article 59 de la Loi sur les brevets. L’appelante a également présenté une demande reconventionnelle contre l’intimée en vertu de l’article 60 de la Loi sur les brevets, en reprenant chacun des moyens de défense allégués. Le juge de première instance, qui avait conclu que le produit de l’appelante ne contrefaisait pas le brevet, a rejeté l’action et a accueilli la demande reconventionnelle, mais uniquement dans la mesure où l’intimée avait admis l’invalidité à l’égard d’une revendication précise du brevet. Le juge de première instance a ensuite refusé d’adjuger les dépens pour le motif qu’il y avait eu « succès partiels ». Le juge a expliqué son refus au paragraphe 83 :
Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejetterai l’action et j’accueillerai la demande reconventionnelle en partie seulement, en raison de l’aveu relatif à la revendication 9. Plus précisément, la revendication 7 est valide quant à l’interprétation qui est exposée de façon détaillée dans les motifs ci‑dessus. La revendication 9, conformément aux aveux, est invalidée. Aucuns dépens ne seront adjugés, étant donné les succès partiels qui indiquent que le résultat pour chaque partie est justifié par la conclusion (voir Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. c. Kingsland Maritime Corp. (1981), 126 D.L.R. (3d) 332, au par. 26 (C.A.F.); voir aussi R.B. c. Children's Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315, aux par. 155‑156).
[Non souligné dans l’original.]
[4] Nous sommes d’avis qu’en refusant d’adjuger les dépens à l’appelante, le juge de première instance n’a pas exercé correctement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 400(1) des Règles. Le paragraphe 400(3) énumère de nombreux facteurs qui justifieraient l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire pour refuser les dépens à la partie qui a gain de cause, mais nous ne voyons rien, dans les motifs du juge de première instance ou dans les faits, qui justifie un tel résultat.
[5] La demande reconventionnelle a été accueillie en partie seulement, mais cela ne constituait pas en soi une raison de refuser d’adjuger les dépens à l’appelante. Toute l’instance a été menée comme une action unique et la demande reconventionnelle faisait partie intégrante de la défense à l’action principale. Rien n’indique que la contestation de la validité ait été vexatoire, illégitime ou par ailleurs inappropriée. Le juge de première instance n’a pas tenu compte du résultat final de l’instance, comme l’exige le paragraphe 400(3) des Règles, lorsqu’il a conclu qu’il y avait eu « succès partiels ».
[6] L’intimée a soutenu que la Cour devrait faire une distinction entre l’invalidité soulevée comme moyen de défense en vertu de l’article 59 de la Loi sur les brevets et l’invalidité soulevée en tant que demande reconventionnelle en vertu de l’article 60 de la Loi sur les brevets. Selon l’argument de l’intimée, l’invalidité fondée sur l’article 60 a une incidence plus importante en ce sens qu’elle donne lieu à une déclaration in rem dont toute personne peut se prévaloir.
[7] Au point de vue des dépens, cette distinction ne correspond pas à la réalité dans une affaire de brevet. Une fois que l’invalidité est invoquée, que ce soit comme moyen de défense ou par voie de demande reconventionnelle, le juge de première instance est tenu d’examiner la question. Les questions en litige sont les mêmes dans les deux cas, la seule différence concernant les conséquences pour le demandeur. Ces conséquences ne justifient pas le refus d’adjuger les dépens au défendeur qui a gain de cause.
[8] Pour ces motifs, l’appel sera accueilli avec dépens. La décision que le juge de première instance a rendue le 12 juillet 2005 au sujet des dépens sera annulée et, rendant la décision la décision qu’il aurait dû rendre, la Cour rejette l’action avec dépens. La question des dépens sera renvoyée au juge de première instance pour qu’il en détermine le montant conformément aux Règles des Cours fédérales. Les parties auront la possibilité d’exposer les facteurs pertinents quant au montant des dépens et, notamment, de soumettre des offres de règlement.
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-447-05
APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE NOËL EN DATE DU 12 JUILLET 2005, DOSSIER T‑574‑99
INTITULÉ : RAYDAN MANUFACTURING LTD.
c.
EMMANUEL SIMARD & FILS (1983) INC.
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 5 SEPTEMBRE 2006
MOTIFS DU JUGEMENT (LE JUGE EN CHEF RICHARD ET LES
DE LA COUR : JUGES LÉTOURNEAU ET PELLETIER)
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LE JUGE EN CHEF RICHARD
COMPARUTIONS :
Irene Bridger |
POUR L’APPELANTE |
Bob Sotiriadis |
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bennett Jones LLP Calgary (Alberta) |
POUR L’APPELANTE |
Léger Robic Richard Montréal (Québec)
|
POUR L’INTIMÉE
|