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Date : 20070417

Dossier : A-47-07

Référence : 2007 CAF 156

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

W & M WIRE & METAL PRODUCTS LTD. et

921410 ONTARIO LTD., faisant affaire sous la raison sociale THE DISPLAY BANK

appelantes

et

RACHALEX HOLDINGS INC. et TYRONE NAGTHALL

intimés

 

 

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 17 avril 2007

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

 


Date : 20070417

Dossier : A-47-07

Référence : 2007 CAF 156

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

W & M WIRE & METAL PRODUCTS LTD. et

921410 ONTARIO LTD., faisant affaire sous la raison sociale THE DISPLAY BANK

appelantes

et

RACHALEX HOLDINGS INC. et TYRONE NAGTHALL

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               On me demande de trancher d’urgence une requête en suspension d’instance présentée en vertu de l’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales et des articles 3, 369 et 401 et des paragraphes 35(2), 53(1) et 53(2) des Règles des Cours fédérales. Je vais faire un bref rappel des faits à l’origine de la présente requête. Je vais ensuite aborder la question du préjudice irréparable et celle de la prépondérance des inconvénients qui, à mon humble avis, militent en faveur du rejet de la requête.


FAITS ET PROCÉDURES À L’ORIGINE DE LA REQUÊTE EN SUSPENSION D’INSTANCE

 

[2]               Les appelantes, W & M Wire & Metal Products Ltd., ont présenté une requête en vue d’obtenir la suspension de l’instruction de la requête en jugement sommaire qui devait avoir lieu devant la Cour fédérale le 24 avril 2004. La date de l’audience avait été fixée par directive verbale donnée par le juge en chef Lutfy. Les appelantes demandent la suspension de l’instruction en attendant que soit tranché l’appel interjeté d’une décision rendue par le juge Hugessen de la Cour fédérale agissant à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

 

[3]               La décision du juge Hugessen a été rendue le 12 janvier 2007 en réponse à une requête présentée par les appelantes en vue de présenter, sous forme d’affidavit et de pièces jointes à celui‑ci en tant que rapport d’expert, des éléments de preuve portant sur la question du jugement sommaire.

 

[4]               Le juge Hugessen a dit être d’avis que les éléments de preuve proposés n’étaient pas pertinents. Au paragraphe 1 de ses motifs d’ordonnance, il a écrit ce qui suit :

 

Elle porte principalement sur des allégations d’évidence et d’inutilité du brevet en litige, questions qui n’ont été ni soulevées dans la défense, ni plaidées. Il est également question de produire un grand nombre d’exemples d’antériorités dont aucune n’a été plaidée.

 

 

[5]               La requête introduite par les appelantes en vue de déposer de nouveaux éléments de preuve lors de l’instruction de la requête en jugement sommaire a été présentée à un moment où « les questions qui étaient en litige tant dans l’action que dans la requête en jugement sommaire avaient été réunies » (voir le paragraphe 2 des motifs de l’ordonnance). En outre, les deux parties avaient déposé des mémoires exposant les faits et le droit en préparation de l’instruction de la requête en jugement sommaire.

 

[6]               Au paragraphe 3 de ses motifs, le juge a ajouté ce qui suit :

 

Si la Cour accueille la présente requête, il s’ensuivra de longs délais additionnels causés principalement par la nécessité de modifier les plaidoiries et la tenue éventuelle d’autres interrogatoires préalables et de contre‑interrogatoires sur les affidavits. Toutes ces démarches causeraient, selon moi, un préjudice au demandeur, préjudice qui ne pourrait pas être compensé adéquatement par des dépens.

 

[7]               Je crois qu’il convient que je donne d’autres renseignements pour mieux situer dans son contexte l’ordonnance par laquelle le juge Hugessen a enjoint à l’administrateur judiciaire de prévoir une journée pour l’instruction de la requête en jugement sommaire.

 

[8]               Les intimés dans la présente requête, Rachalex Holdings Inc. et Tyrone Nagthall, qui sont les demandeurs devant la Cour fédérale, ont déposé devant la Cour fédérale le 22 juillet 2004 une déclaration par laquelle ils réclament les mesures suivantes : 1) un jugement déclarant que les appelantes ont contrefait leur brevet canadien; 2) des injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes, des dommages‑intérêts ou la remise des profits; 3) une ordonnance enjoignant aux appelantes de leur remettre les articles contestés, ainsi que les outils et la machinerie ayant servi à contrefaire le brevet.

 

[9]               Le 4 octobre 2004, les appelantes ont signifié une défense qui était libellée en termes généraux et à la suite de laquelle les intimés ont présenté, avec succès, une requête en précisions. L’avocat qui occupait alors pour les appelantes a choisi de fournir des précisions générales mais de n’aborder que quelques‑unes des questions soulevées dans la déclaration.

 

[10]           Les précisions ont été communiquées le 14 janvier 2005. La procédure écrite a été close avec la signification de la réponse des intimés le 27 janvier 2005. Les intimés ont ensuite déposé et signifié leur avis de requête en jugement sommaire ainsi qu’un affidavit à l’appui.

 

[11]           Le 12 juillet 2006, lors d’une conférence de gestion de l’instance, le juge Hugessen a rendu une ordonnance arrêtant définitivement l’échéancier du dépôt des mémoires exposant les faits et le droit et fixant la date de l’instruction de la requête au 1er novembre 2006.

 

[12]           Une fois toutes les procédures terminées et peu de temps avant la date prévue pour l’instruction de la requête en jugement sommaire, l’avocat des appelantes a cessé d’occuper pour celles‑ci au motif qu’il n’arrivait pas à obtenir des instructions de ses clientes et que ses comptes étaient en souffrance : voir le dossier des intimés, à la page 2, paragraphe 12 de l’affidavit de Lori‑Anne Deborba. L’ordonnance autorisant l’avocat à cesser d’occuper a été rendue le 24 octobre 2006.

 

[13]           Le nouvel avocat des appelantes a été désigné le 17 novembre 2006. Il a déposé et signifié, le 5 janvier 2007, sa requête en autorisation de déposer des éléments complémentaires en liaison avec la requête en jugement sommaire. C’est cette requête que le juge Hugessen a rejetée le 12 janvier 2007. Un avis d’appel de cette décision a été déposé le 19 janvier 2007. Cet appel est en instance devant la Cour.

 

POUVOIR DE LA COUR D’ACCORDER UNE SUSPENSION EN PAREIL CAS

 

[14]           L’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

 

[15]           La Cour peut accorder une suspension lorsque l’instance prévue rendrait l’appel théorique ou que l’appelant se verrait nier son droit d’appel, ce qui lui causerait de ce fait un préjudice irréparable : Bining c. Canada, 2003 CAF 286; Bisaillon c. Canada, [1999] A.C.F. no 898, aux paragraphes 29 et 33.

 

[16]           Ce qui m’amène à l’allégation de préjudice irréparable des appelantes.

 

OPPORTUNITÉ D’ACCORDER UNE SUSPENSION

 

Préjudice irréparable

 

[17]           Je ne suis pas convaincu que les appelantes subiront un préjudice, et encore moins un préjudice irréparable, si la suspension est refusée. Les appelantes font essentiellement valoir que le préjudice qu’elles subiront est que leur appel en instance deviendra théorique et qu’elles se verront nier leur droit d’appel.

 

[18]           Le préjudice allégué par les appelantes est, dans le meilleur des cas, fondé sur des conjectures. Il ne se produira que si la Cour fédérale accueille la requête en jugement sommaire des intimés. Je ne puis conjecturer et présumer que la requête en jugement sommaire sera effectivement accueillie et, sur le fondement d’une telle hypothèse, retarder davantage le déroulement de l’instance introduite devant la Cour fédérale. La requête en jugement sommaire a été introduite il y a déjà plus de quatorze mois. Les intimés ont le droit de faire trancher leurs prétentions.

 

[19]           De surcroît, même si la Cour fédérale accueillait la requête, le préjudice qui, selon les appelantes, leur serait causé ne serait pas irréparable, en supposant même qu’il y en ait un. Les appelantes peuvent interjeter appel de toute décision défavorable qui sera rendue en réponse à leur requête en jugement sommaire; elles peuvent également soumettre à la Cour l’appel interjeté de la décision par laquelle le juge Hugessen a rejeté leur requête visant à être autorisées à présenter des éléments de preuve complémentaires. Contrairement à l’avocat des appelantes, je ne crois pas que leur appel deviendra nécessairement théorique si l’instruction de la requête en jugement sommaire est autorisée.

 

[20]           D’ailleurs, si la requête en jugement sommaire est rejetée, l’appel de la décision du juge Hugessen suivra son cours. Si la requête en jugement sommaire est accueillie, les appelantes pourront interjeter appel de cette décision, auquel cas on assistera à l’un des deux scénarios suivants. Si la Cour confirme la décision par laquelle le juge Hugessen a refusé la présentation d’éléments de preuve complémentaires, les appelantes devront alors décider si elles veulent poursuivre leur appel de la décision relative au jugement sommaire. Si, au contraire, la Cour conclut que les éléments de preuve complémentaires auraient dû être admis dans le cadre de la requête en jugement sommaire, les appelantes disposeront alors d’un moyen de plus au soutien de leur appel de la décision relative à la requête en jugement sommaire.

 

Prépondérance des inconvénients

 

[21]           Il n’est pas nécessaire que j’aborde ce facteur compte tenu de la conclusion à laquelle j’en arrive sur la question du préjudice irréparable. Je tiens cependant à dire ceci.

 

[22]           Les appelantes ont eu amplement la possibilité et le temps de préparer une défense pleine et entière au sujet de la question à trancher et de la requête en jugement sommaire. Insatisfaites de ce qu’elles avaient fait jusqu’ici, elles ont cherché à améliorer leur position en tentant de déposer des éléments supplémentaires. Le juge responsable de la gestion de l’instance a conclu, ainsi que je l’ai déjà mentionné, que les intimés subiraient un préjudice qui ne pourrait être compensé adéquatement par des dépens si l’instruction de la requête en jugement sommaire était davantage retardée.

 

[23]           Je ne suis pas saisi de l’appel de la décision du juge responsable de la gestion de l’instance. Toutefois, je puis aisément constater le préjudice supplémentaire que subiraient les intimés si l’instruction de la requête en jugement sommaire était suspendue. Il est incontestable qu’un délai de plus de quatorze mois en ce qui concerne l’instruction d’une requête en jugement sommaire cause un préjudice au requérant qui s’est conformé aux règles et qui cherche à faire trancher sa demande. Un tel délai ne contribue certainement pas à améliorer l’image de l’administration de la justice. Je ne crois pas que la prépondérance des inconvénients justifie d’imposer un préjudice supplémentaire qui porterait atteinte à l’administration de la justice alors que le préjudice invoqué par les appelantes est hypothétique et n’est pas irréparable. En d’autre termes, dans ces conditions, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de retarder davantage l’instruction de la requête en jugement sommaire.

 

CONCLUSION

 

[24]           Pour ces motifs, je vais rejeter avec dépens la demande présentée par les appelantes en vue de suspendre l’instruction de la requête en jugement sommaire prévue pour le 24 avril 2007.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                             A-47-07

 

INTITULÉ :                                                           W & M Wire & Metal Products Ltd.

                                                                                c.

                                                                                921410 Ontario Ltd. faisant affaire sous la

                                                                                raison sociale The Display Bank

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                      LE JUGE LÉTOURNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                          le 17 avril 2007

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Ellis Fabian                                                               POUR LES APPELANTES

 

Robert B. Storey

Christine M. Pallotta

Christopher G. Tortorice                                           POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ellis Fabian

Avocat

Toronto (Ontario)                                                     POUR LES APPELANTES

 

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)                                                     POUR LES INTIMÉS

 

 

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