Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20070614

Dossier : A-160-06

Référence : 2007 CAF 240

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

appelante

et

 

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 14 juin 2007.

Jugement rendu à l’audience à Calgary (Alberta), le 14 juin 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

 

Y A SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE DÉCARY

 

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                          LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20070614

Dossier : A-160-06

Référence : 2007 CAF 240

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

appelante

et

 

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Calgary (Alberta), le 14 juin 2007)

LE JUGE PELLETIER (concourants)

[1]        Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard d’une décision de l’Office des transports du Canada (l’Office), qui a statué que certains montants perçus par l’appelante, Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (CP), à titre d’amendes pour non-exécution dans le cadre de ses ententes avec certains expéditeurs de grains n’étaient pas des amendes pour non-exécution au sens de la Loi sur les transports au Canada (la Loi) et constituaient en fait une récupération des contributions versées par l’appelante au Fonds de développement industriel (FDI).

 

[2]        Compte tenu de ses conclusions, l’Office a estimé que les montants ne devaient pas être inclus dans les revenus de l’appelante aux fins du calcul du plafond de revenu prévu à l’article 151 de la Loi, mais qu’ils devaient plutôt être [traduction] « déduits du compte de capital de chacune des installations assujetties aux pénalités contractuelles ». Cela a eu pour effet de réduire les montants qui pouvaient être déduits des revenus de l’appelante à titre d’amortissement raisonnable de ses contributions au FDI.

 

[3]        L’appelante conteste cette décision au motif que les montants en question sont bel et bien des amendes pour non-exécution et que l’Office n’a pas compétence pour majorer ses revenus en révisant des montants qui ont déjà été acceptés comme des contributions raisonnables au FDI.

 

[4]        Aux fins de la présente analyse, nous sommes prêts à accepter que la norme de contrôle à  appliquer à la décision de l’Office est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[5]        L’Office a conclu que les montants en question n’étaient pas des amendes pour non-exécution parce qu’ils ne se rapportaient pas au mouvement du grain de l’Ouest. L’Office a adopté le raisonnement suivant : puisque la définition de « mouvement du grain » figurant dans la Loi fait mention du transport réel du grain par une compagnie de chemin de fer régie, un montant payé en raison du non-mouvement du grain ne peut pas se rapporter au mouvement du grain. Or, soit dit avec déférence, une amende pour non-exécution est liée au défaut d’exécuter une obligation. Si cette obligation est celle d’expédier du grain et suppose donc le transport réel du grain par une compagnie de chemin de fer, alors une amende pour non-exécution de cette obligation implique nécessairement le défaut de déplacer effectivement du grain. L’Office a agi de manière déraisonnable lorsqu’il a refusé de considérer les paiements en question comme des amendes pour non-exécution au motif qu’ils n’étaient pas en fait liés au mouvement du grain.

 

[6]        Si l’Office avait qualifié les montants en cause d’amendes pour non-exécution, ces montants auraient été exclus du calcul du plafond de revenu de l’appelante en vertu de l’alinéa 150(3)b). Puisque l’Office a décidé que ces montants ne se rapportaient pas au mouvement du grain, ils ont été exclus du calcul du revenu, de sorte que l’appelante ne s’en porte pas plus mal. Le véritable enjeu est la « récupération » de ces montants dans le calcul des contributions de l’appelante au FDI.

 

[7]        Les montants en cause ont été payés aux termes de deux groupes de contrats. Dans le premier groupe, les expéditeurs ont convenu d’une sanction pécuniaire d’un montant prédéterminé s’ils ne parvenaient pas à expédier les quantités spécifiées de grain au cours d’une campagne agricole. Dans le deuxième groupe de contrats, l’expéditeur acceptait de payer une amende correspondant à un pourcentage du montant que l’appelante aurait versé à titre de contribution pour la construction de certains ouvrages liés aux installations de l’expéditeur. Le pourcentage à payer variait en fonction de l’importance du manque à gagner. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y avait aucun montant à payer tant que l’expéditeur satisfaisait aux exigences en matière de quantités.

 

[8]        L’Office a conclu qu’il y avait un lien direct entre les montants payables et les contributions versées au FDI par l’appelante, et que les montants reçus constituaient donc une récupération des  contributions au FDI. Cette conclusion est déraisonnable pour plusieurs raisons. D’abord, le lien entre les paiements et les contributions versées apparaissait seulement dans l’un des deux groupes de contrats. Les paiements effectués en vertu des contrats de ce groupe ne constituaient qu’une faible proportion des montants totaux que l’appelante recevait à ce chapitre. Il était déraisonnable de la part de l’Office de qualifier l’ensemble des paiements en fonction du mode de calcul d’une faible proportion de ceux-ci. Deuxièmement, les paiements ne devenaient exigibles que lorsque l’expéditeur manquait à ses obligations contractuelles, de sorte qu’il était tout à fait possible pour l’expéditeur d’éviter complètement le paiement de ces montants. En d’autres termes, rien ne garantissait que des paiements seraient faits, ce qui est incompatible avec la notion de recouvrement des coûts par voie de récupération. Enfin, le seul lien entre les paiements et les contributions au FDI résidait dans le calcul du montant de l’amende exigible. Il y avait d’autres moyens d’établir ce montant, comme le montre clairement l’autre groupe de contrats.

 

[9]        La qualification des montants en question par l’Office comme de la récupération est donc déraisonnable et elle doit être écartée. L’Office n’avait donc aucune raison de modifier le régime d’amortissement en place quant aux contributions de l’appelante au FDI. En conséquence, nous n’avons pas à décider si l’Office a le droit de s’immiscer dans le fonctionnement du régime d’amortissement prévu au paragraphe 150(5) ni, le cas échéant, dans quelles circonstances.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 


LE JUGE SEXTON

 

 

[10]           Je suis d’accord avec les motifs du jugement lus par le juge Pelletier, mais j’aimerais franchir un pas de plus.

 

[11]           L’Office des transports du Canada (l’Office) a statué que les sommes payées par les manutentionnaires de grain ne sont pas des amendes pour non-exécution parce qu’elles ne se rapportent pas au mouvement du grain. L’Office a dit que le grain dont il est question ici n’avait pas été déplacé dans les faits.

 

[12]           Je ne suis pas d’accord avec les motifs de l’Office. Bien que le grain en question n’ait pas été déplacé dans les faits, les amendes étaient néanmoins liées à l’obligation des manutentionnaires de grain de fournir certaines quantités de grain dont le transport serait assuré par la société Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (CP). À mon avis, le terme « mouvement » comporte l’obligation de fournir ces quantités de grain pour que CP en assure le transport.

 

[13]           Cet avis est étayé par la décision de la Cour dans Canadien Pacifique c. Office national

des transports (1992), 151 N.R. 16. Cette affaire soulevait la question de savoir si les frais d’entreposage devaient être inclus dans les taux applicables au mouvement du grain. L’Office national des transports a statué dans ce cas que « mouvement » signifiait un mouvement entre deux points et qu’il fallait qu’il y ait un mouvement réel, de sorte que les frais d’entreposage ne pouvaient pas être inclus dans les taux. Le juge Hugessen a trouvé cette interprétation trop restrictive. Il était d’avis que le « mouvement » visait tout le processus ou toute la série d’actions par lesquels le grain est transporté de son point d’origine à sa destination. Il a écrit :

           

[30]      À mon avis, le grain ne cesse pas d’être en mouvement au sens de la LTGO simplement parce qu’il est assujetti à des arrêts temporaires en un point ou en des points situés entre celui où il est chargé sur les wagons et celui où il est livré, une fois rendu à destination. Le « mouvement », au sens du transport, vise tout le processus ou toute la série d’actions par lesquels le grain est transporté du point d’origine au point de destination et ne prend fin qu’au moment où les wagons sont placés de façon à pouvoir être déchargés. Laisser entendre que le « mouvement » pourrait prendre fin, ou même être suspendu, en un point ou en des points autres dans le processus donnerait lieu à des distinctions factices et inutiles; cela saperait également le but clair de la LTGO, à savoir établir un seul taux légal subventionné pour le grain transporté vers l’est ou vers l’ouest entre les praires et le port.

 

[14]           Par analogie, je trouve que l’interprétation du terme « mouvement » donnée par l’Office est incompatible avec l’interprétation du juge Hugessen dans la mesure où l’Office interprète le « mouvement » comme excluant le « non-mouvement ». Il ressort clairement des motifs du juge Hugessen que le mouvement comprend l’obligation de livrer le grain et ne se limite pas à son sens le plus simple qui est un « déplacement ».

 

[15]           À mon avis, l’alinéa 150(3)b) a une portée assez large pour inclure, dans l’expression « amendes pour non-exécution », les amendes se rapportant de façon générale à l’obligation, pour les expéditeurs de grain, de fournir du grain à des fins de mouvement.

 

[16]           J’estime donc que la conclusion de l’Office à cet égard était déraisonnable en l’espèce et que les paiements faits à CP doivent être considérés comme des amendes pour non-exécution relatives au mouvement du grain au sens de l’alinéa 150(3)b) de la Loi sur les transports au Canada.

 

[17]           Je ferais droit à l’appel sans frais, j’annulerais la partie de la décision no 755-R-2005 qui traite, aux paragraphes 63 à 81, du [traduction] « traitement des montants payés par une société céréalière pour avoir omis de respecter ses engagements en matière de quantités prévus dans les contrats relatifs au Fonds de développement industriel », et je renverrais l’affaire à l’Office des transports du Canada pour qu’elle soit réexaminée en conformité avec les présents motifs.

 

 

 

 

 

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a

 

« Je souscris aux présents motifs.

     R. Décary, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-160-06

 

INTITULÉ :                                                                           CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

c.

Office des transports du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Calgary (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 14 juin 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :                                       LE JUGE SEXTON

Y A SOUSCRIT :                                                                   LE JUGE DÉCARY

MOTIFS CONCOURANTS :                                               LE JUGE PELLETIER

 

COMPARUTIONS :

 

Glen H. Poelman

Karl R. Seidenz

POUR L’APPELANTE

 

 

Ron Ashley

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Macleod Dixon LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’APPELANTE

 

 

Office des transports du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.