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Date : 20070625

Dossier : A-252-06

Référence : 2007 CAF 247

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

ELIYAHU YOSHUA VEFFER

appelant

(demandeur)

 

et

 

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

intimé

(défendeur)

 

et

 

CANADIENS POUR JÉRUSALEM

 

intervenante

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 8 mai 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 juin 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT  :                                                                                        DE LA COUR

 


 

Date : 20070625

Dossier : A-252-06

Référence : 2007 CAF 247

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

ELIYAHU YOSHUA VEFFER

appelant

(demandeur)

 

et

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

intimé

(défendeur)

 

et

 

CANADIANS FOR JERUSALEM

intervenant

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

 

INTRODUCTION

[1]               Le présent appel concerne la constitutionnalité de la politique de Passeport Canada qui interdit aux citoyens canadiens nés à Jérusalem d’indiquer, comme les autres citoyens sont autorisés à le faire, un pays de naissance dans leur passeport. La question en litige est la suivante : cette politique porte-t-elle atteinte à l’alinéa 2a) ou au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »)? Dans l’affirmative, cette atteinte est-elle justifiée au sens de l’article premier de la Charte?

 

[2]               L’appelant, M. Eliyahu Yoshua Veffer, est un citoyen canadien juif né à Jérusalem, qui a demandé que le ministre des Affaires étrangères (le « ministre ») fasse inscrire « Jérusalem (Israël) » comme lieu de naissance dans son passeport canadien. Le ministre a refusé cette demande et a plutôt délivré à M. Veffer un passeport canadien indiquant seulement « Jérusalem » comme lieu de naissance. M. Veffer a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du Ministre devant la Cour fédérale au motif que la politique de Passeport Canada violait les droits que lui garantit la Charte. Sa demande a été rejetée dans le jugement daté du 1er mai 2006 : (2006) 269 D.L.R. (4th) 552, 2006 CF 540. Il a interjeté appel de ce jugement.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, nous sommes d’avis que l’appel doit être rejeté.

 

CONTEXTE

Le statut juridique de Jérusalem

[4]               Nul ne conteste que Jérusalem revêt une importance historique et religieuse énorme pour les juifs, les musulmans et les chrétiens du monde entier, et c’est peut-être à cause de cela que le statut juridique de cette ville demeure aujourd’hui matière à vive controverse. Aux fins du présent appel, il suffit de dire que les Nations Unies sont d’avis, et ce depuis l’adoption de la résolution no 181 en 1947, que Jérusalem ne se situe pas légalement dans le territoire d’un État quelconque. En d’autres termes, selon les Nations Unies, il s’agit d’un territoire non souverain. (Les détails relatifs à la façon dont les Nations Unies ont adopté cette position, et pourquoi, sont exposés dans les motifs du jugement visé par le présent appel, et il n’est pas nécessaire de les rappeler ici.)

 

[5]               Conformément à la position des Nations Unies, juridiquement, le Canada ne reconnaît pas qu’une partie quelconque de Jérusalem fait partie du territoire de l’État d’Israël, même si Israël contrôle la partie Ouest de Jérusalem depuis le début des années 1950, et la partie Est de cette ville depuis la guerre de 1967. Cependant, la pratique diplomatique du Canada consiste à reconnaître le contrôle de fait qu’exerce Israël sur la partie Ouest de Jérusalem, mais non sur la partie Est (voir l’affidavit de Michael D. Bell, en date du 22 mars 2005, au paragraphe 26).

 

La politique de Passeport Canada concernant le lieu de naissance

[6]               Un passeport est un document officiel canadien qui établit l’identité et la nationalité du titulaire afin de faciliter ses déplacements hors du Canada. Chaque passeport canadien est délivré selon la forme que prescrit le ministre, il est délivré au nom du ministre agissant au nom de la Couronne et il demeure en tout temps la propriété de cette dernière (voir le Décret sur les passeports canadiens, TR /81-86, aux articles 2 et 3).

 

[7]               Passeport Canada (l’ancien Bureau des passeports) est une section du ministère des Affaires étrangères qui est chargée par le ministre de la délivrance, du refus, de la révocation, de la retenue et de l’utilisation des passeports canadiens. Pour l’exécution de sa mission, Passeport Canada a adopté plusieurs lignes directrices, pratiques et politiques concernant la délivrance des passeports. Le présent appel a trait à la politique qu’applique Passeport Canada au sujet de la manière d’indiquer le lieu de naissance du demandeur dans son passeport canadien.

 

[8]               Avant 1976, Passeport Canada avait pour pratique d’accepter comme pays de naissance celui qu’indiquait le requérant. Cette pratique a été modifiée, a-t-on expliqué, parce que [traduction] « certaines personnes, pour des raisons censément politiques » insistaient pour que l’on inscrive leur lieu de naissance dans leur passeport canadien [traduction] « sous une forme autre que celle qui est reconnue sur le plan international ». La nouvelle politique a été instituée en 1976; celle-ci a été [traduction] « conçue pour exclure tout message politique dans des passeports » (voir l’affidavit de Nicholas Charles Wise en date du 24 mars 2005, au paragraphe 11). Aux termes de cette politique, il a été créé une liste de désignations correctes des pays de naissance à l’intention des employés de Passeport Canada qui examinaient les demandes de passeport. Selon une note de service des Affaires étrangères datée du 29 avril 1976, la politique relative au pays de naissance visait à répondre à [traduction] « des éléments plutôt bruyants des milieux nationalistes croates qui s’opposent à ce que l’on n’indique pas la Croatie comme leur pays de naissance dans leur passeport ».

 

[9]               La politique actuelle de Passeport Canada est la suivante. La mention du lieu de naissance du requérant dans son passeport est facultative. Il peut décider de faire inscrire à la fois le nom de la ville et du pays, uniquement le nom de la ville ou celui du pays, ou sinon d’omettre entièrement cette information. Si le lieu de naissance du requérant est « un territoire sur lequel la souveraineté n’est pas encore reconnue en droit international ou par le gouvernement du Canada, on inscrit le nom demandé par le requérant » (du moins, dans la mesure où le pays qu’il choisit se trouve dans la liste des désignations correctes de pays que Passeport Canada a établie). Le lieu de naissance que choisit le requérant « ne constitue, de la part du gouvernement du Canada, ni une reconnaissance officielle d’un pays ni un appui à quelque faction que ce soit lorsque la souveraineté sur le territoire mentionné n’est pas encore reconnue en droit international » (voir la politique de Passeport Canada, au chapitre 420, Lieu de naissance).

 

[10]           La politique de Passeport Canada explique que le lieu de naissance est « un des éléments d’information qui aident à identifier [le titulaire du passeport]. Pour la majorité des voyageurs, [cela] évite des questions supplémentaires aux points d’entrée et de sortie ». Le requérant qui souhaite ne pas indiquer son lieu de naissance est tenu de signer la déclaration intitulée « Demande de passeport canadien sans lieu de naissance », et on l’informe d’entrer en contact avec les représentants des pays où il entend se rendre afin de vérifier si l’omission du lieu de naissance dans son passeport lui causera des difficultés.

 

[11]           Il existe une politique spéciale au sujet de personnes nées à Jérusalem : « [c]ompte tenu de la situation politique actuelle, Jérusalem doit être mise seule ». Autrement dit, si le requérant est né à Jérusalem, le lieu de naissance doit être soit omis, soit inscrit sous la mention « Jérusalem » sans plus, non suivie du code de pays. Une exception est prévue pour les cas où le requérant est né à Jérusalem avant le 14 mai 1948, car jusqu’alors Jérusalem faisait partie du territoire sous mandat du Royaume-Uni connu sous le nom de « Palestine ». Dans ce cas, le mot « Palestine » peut être inscrit à la place de Jérusalem dans le passeport canadien si le requérant en fait la demande (voir le bulletin no 1 du JWS, émis en janvier 2002).

 

[12]           En raison du retentissement du dépôt, par M. Veffer, de la présente demande de contrôle judiciaire, Passeport Canada a effectué une recherche de tous les passeports canadiens valides dans lesquels Jérusalem est indiquée comme lieu de naissance. Fait surprenant, il a appris que 146 passeports contenaient une erreur dans la mention du lieu de naissance. Deux de ces passeports étaient presque échus, 131 comportaient comme lieu de naissance « Jérusalem, ISR » et 15 portaient la mention « Jérusalem, JOR ». Un avis de rappel a été lancé au sujet de ces passeports canadiens et des modifications ont été apportées au système informatique de délivrance des passeports afin d’éviter à l’avenir la commission d’erreurs semblables.

 

LES FAITS

[13]           Cela établi, voyons les faits du présent appel. M. Veffer, aujourd’hui âgé de 19 ans, est né le 12 décembre 1987 dans un hôpital situé dans la partie Ouest de Jérusalem. Il a en fin de compte acquis la citoyenneté canadienne, car son certificat commémoratif de citoyenneté canadienne lui a été délivré à l’époque où il vivait à Jérusalem (le certificat ne comporte aucune date de délivrance). À l’heure actuelle, M. Veffer vit à Toronto (Ontario).

 

[14]           M. Veffer a demandé un passeport canadien à l’ambassade du Canada à Tel Aviv (Israël). Sur le formulaire de demande, il a indiqué que son lieu de naissance était « Jérusalem (Israël) »; toutefois, conformément à la politique en vigueur, il a reçu le 25 juin 2004 un passeport canadien dans lequel le lieu de naissance inscrit était « Jérusalem » seule, sans aucune mention de pays précise, contrairement à ce qu’il avait demandé.

 

[15]           Dans une lettre adressée au ministère des Affaires étrangères, l’ancien avocat de M. Veffer a donc demandé que le passeport de son client soit modifié afin d’y mentionner Israël comme pays de naissance. Le ministre a refusé d’accéder à cette demande dans la lettre datée du 21 décembre 2004, citant comme motif la politique de Passeport Canada concernant Jérusalem. Le 26 janvier 2005, M. Veffer a présenté devant la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[16]           Avant l’audition de la demande, une société à but non lucratif appelée « Canadiens pour Jérusalem », qui souhaitait intervenir dans l’instance, a présenté une demande en ce sens à la Cour fédérale. Le 29 août 2005, Canadiens pour Jérusalem a obtenu l’autorisation d’intervenir en qualité de partie désignée dans l’instance afin d’aider la Cour en présentant des observations sur l’importance historique de Jérusalem pour divers groupes et sur les questions de droit international soulevées par le statut de Jérusalem. Cet ordonnance a été entérinée par la Cour d’appel fédérale le 9 août 2006.

 

LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[17]           Dans le jugement daté du 1er mai 2006, le juge de première instance a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Veffer. Il a dit qu’il n’y avait pas eu d’atteinte aux droits de M. Veffer en matière de liberté de religion au sens de l’alinéa 2a) de la Charte parce que le passeport de M. Veffer ne limitait aucunement son droit de croire sincèrement que Jérusalem est la capitale d’Israël, de professer ouvertement cette croyance, ainsi que de l’enseigner et de la propager personnellement (paragraphe 23). Il a expliqué que la politique des passeports n’est « ni un élément de coercition ni un élément de contrainte » (paragraphe 24). En outre, il a déclaré que M. Veffer n’avait pas le droit, au sens de l’alinéa 2a) de la Charte, d’obliger le ministre à déférer à sa croyance dans le passeport, qui est la propriété de l’État et qui constitue une communication entre États (paragraphe 24).

 

[18]           Le juge a de plus dit qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit à l’égalité que garantissait l’article 15 de la Charte à M. Veffer. Tout en convenant avec ce dernier que la politique de Passeport Canada faisait une distinction officielle entre M. Veffer et d’autres personnes selon le lieu de naissance, ce qui constitue un motif analogue, il a dit ne pas être convaincu que cette distinction était assimilable à de la discrimination. Le juge s’est dit d’avis que la nature du droit touché de M. Veffer était minime, car il lui était toujours possible de voyager sans aucune restriction. En outre, indépendamment de la valeur que l’on pouvait rattacher au droit de pouvoir indiquer dans son passeport le pays dans lequel on était né, « il n’y a pas de lien évident, d’un point de vue objectif, avec la dignité ou la religion de l’intéressé » (paragraphe 46). De plus, le juge des requêtes a expliqué ceci (au paragraphe 49) :

La politique qui sous-tend le passeport a été adoptée pour des raisons d’ordre géopolitique, et non pour cibler un groupe quelconque. Ce n’est pas non plus l’effet qu’elle a. Il n’y a tout simplement rien dans la politique ou dans le passeport délivré en vertu de cette dernière que l’on peut interpréter comme ayant pour effet de stéréotyper des caractéristiques personnelles ou de groupe. Même en faisant un très gros effort d’imagination on ne peut interpréter la politique ou un passeport comme une décision, un énoncé, voire une observation sur la capacité du titulaire du passeport d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain. En bref, rien dans la politique ou dans le passeport délivré en vertu de cette dernière ne peut être lié de manière objective à la dignité du demandeur.

 

[19]           Ayant conclu qu’il n’y avait pas eu d’atteinte à l’alinéa 2a) ou à l’article 15 de la Charte, le juge de première instance s’est abstenu de procéder à une analyse fondée sur l’article premier.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]           Le présent appel soulève quatre questions :

 

A.     Existe-t-il une question susceptible de recours judiciaire?

 

B.     Le juge de première instance a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu d’atteinte aux droits relatifs à la liberté de religion que l’alinéa 2a) de la Charte garantit?

 

C.     Le juge de première instance a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu d’atteinte au droit à l’égalité que le paragraphe 15(1) de la Charte garantit?

 

D.     S'il y a eu violation de la Charte, s'agit-il d'une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique au sens de l'article premier de la Charte?

 

ANALYSE

A. Existe-t-il une question susceptible de recours judiciaire?

[21]           À titre préliminaire, l’intervenante soutient que la politique de Passeport Canada concernant Jérusalem n’est pas susceptible de contrôle judiciaire, car elle est fondée sur le statut juridique de ce territoire. Elle soutient que ce statut est fondamentalement une question de droit international, donc non susceptible de recours judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. Le for compétent pour trancher cette question serait le Conseil de sécurité des Nations Unies, la Cour internationale de justice ou un organisme international semblable. Il ne semble pas que l’on ait soulevé cette question devant le juge de première instance.

 

[22]           À notre avis, cet argument est mal fondé, et ce, pour deux raisons. Premièrement, M. Veffer ne demande pas à la Cour de se prononcer sur le statut juridique de Jérusalem, ou d’intervenir dans les choix que fait le Canada au sujet de Jérusalem dans sa politique étrangère. La doctrine des différends de nature politique n’est donc pas en cause. Comme l’a expliqué la juge Wilson dans l’arrêt Operation Dismantle Inc. c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 441, la doctrine concerne le rôle approprié des tribunaux en tant que for permettant de résoudre des différends de nature morale ou politique (paragraphes 38 et 52). Aucun différend de ce genre ne se pose en l’espèce.

 

[23]           Deuxièmement, il n’y a aucun doute que la politique de Passeport Canada est susceptible d’examen au regard de la Charte, même si la délivrance des passeports est une prérogative royale. Comme l’a dit le juge Laskin dans la décision Black c. Chrétien et al. (2001), 54 O.R. (3d) 215, au paragraphe 46 :

[traduction] Aux termes de l’alinéa 32(1)a), la Charte s’applique au législateur fédéral et au gouvernement du Canada pour toutes les compétences fédérales. La prérogative de la Couronne relève de la compétence fédérale. C’est donc dire que lorsqu’une personne prétend que l’exercice d’une prérogative de la Couronne viole les droits garantis par la Charte, le tribunal est tenu de trancher.

 

[24]           Nous sommes donc d’avis que cet argument est dénué de fondement.

 

B.     Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu d’atteinte aux droits concernant la liberté de religion que l’alinéa 2a) de la Charte garantit?

 

[25]           Selon l’alinéa 2a) de la Charte :

Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;

[…]

Everyone has the following fundamental freedoms :

(a) freedom of conscience and religion;

 

[26]           Dans l’arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, le juge en chef Dickson a défini comme suit le droit de liberté religieuse dont jouissent les personnes (aux paragraphes 94 et 95) :

Une société vraiment libre peut accepter une grande diversité de croyances, de goûts, de visées, de coutumes et de normes de conduite. Une société libre vise à assurer à tous l’égalité quant à la jouissance des libertés fondamentales et j’affirme cela sans m’appuyer sur l’art. 15 de la Charte. La liberté doit sûrement reposer sur le respect de la dignité et des droits inviolables de l’être humain. Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela.

La liberté peut se caractériser essentiellement par l’absence de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par l’État ou par la volonté d’autrui à une conduite que, sans cela, elle n’aurait pas choisi d’adopter, cette personne n’agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu’elle est vraiment libre. L’un des objectifs importants de la Charte est de protéger, dans des limites raisonnables, contre la coercition et la contrainte. La coercition comprend non seulement la contrainte flagrante exercée, par exemple, sous forme d’ordres directs d’agir ou de s’abstenir d’agir sous peine de sanction, mais également les formes indirectes de contrôle qui permettent de déterminer ou de restreindre les possibilités d’action d’autrui. La liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les moeurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Le juge en chef Dickson s’est exprimé dans le même sens dans l’arrêt R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, à la page 759 :

L’alinéa 2a) a pour objet d’assurer que la société ne s’ingérera pas dans les croyances intimes profondes qui régissent la perception qu’on a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent. Ces croyances, à leur tour, régissent notre comportement et nos pratiques. La Constitution ne protège les particuliers et les groupes que dans la mesure où des croyances ou un comportement d’ordre religieux pourraient être raisonnablement ou véritablement menacés. Pour qu’un fardeau ou un coût imposé par l’État soit interdit par l’al. 2a), il doit être susceptible de porter atteinte à une croyance ou pratique religieuse. Bref, l’action législative ou administrative qui accroît le coût de la pratique ou de quelque autre manifestation des croyances religieuses n’est pas interdite si le fardeau ainsi imposé est négligeable ou insignifiant: voir à ce sujet l’arrêt R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, le juge Wilson, à la p. 314.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]           En résumé, la liberté de religion englobe le droit de choisir ses croyances religieuses, ainsi que celui de mettre en pratique ou d’enseigner ces croyances et de les professer ouvertement. Elle est caractérisée par l’absence de coercition, de contrainte ou d’entrave, directe ou indirecte, à l’égard des « croyances intimes profondes » des personnes. Cela ne veut pas dire que la liberté de religion exclut toute forme d’intervention de l’État, ou que celui-ci est tenu de prendre des mesures actives pour souscrire aux croyances religieuses des personnes. Par conséquent, comme il est dit dans l’arrêt Edwards Books, la liberté de religion ne protège personne contre les restrictions imposées à la pratique d’une religion qui sont « négligeables » ou « insignifiantes ». Elle ne protège les croyances religieuses que dans la mesure où celles-ci peuvent être « raisonnablement ou véritablement menacé[e]s ».

 

[29]           Dans le présent appel, M. Veffer soutient que la politique de Passeport Canada, de même que la décision du ministre de refuser sa demande concernant la mention dans son passeport de la mention « Jérusalem (Israël) » comme lieu de naissance, violent sa liberté de religion. Dans son affidavit, établi sous serment le 23 février 2005, il explique sa position d’une manière des plus éloquentes :

[traduction]

Je suis fier d’être né à Jérusalem, en Israël. Ma religion m’enseigne que Jérusalem est la capitale d’Israël. Cela fait partie intégrante de ma croyance religieuse et de mon identité personnelle.

 

J’ai l’impression que le gouvernement du Canada, en ne me permettant pas d’avoir Israël dans mon passeport, même si j’y suis né, m’empêche d’exprimer mon identité en tant que membre du peuple juif; j’ai l’impression que le gouvernement rejette et nie ma croyance religieuse en l’importance de Jérusalem pour la religion juive. Quand je constate que d’autres personnes sont autorisées à avoir dans leur passeport la ville et le pays de leur naissance mais pas moi, j’ai l’impression d’être victime de discrimination dans une affaire qui me touche profondément. En ne m’autorisant pas à indiquer dans mon passeport que je suis né à Jérusalem (Israël), le gouvernement canadien me prive de la vérité de mon identité.

 

[30]           Dans l’arrêt Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, la Cour suprême du Canada a exposé l’approche à suivre pour décider si le demandeur a subi une atteinte aux droits garantis par l’alinéa 2a) de la Charte. Le juge Iacobucci, auteur de la décision des juges majoritaires, s’est exprimé en ces termes (aux paragraphes 56 et 57) :

Par conséquent, à la première étape de l’analyse de la liberté de religion, la personne qui présente un argument fondé sur cette liberté doit démontrer (1) qu’elle possède une pratique ou une croyance qui est liée à la religion et requiert une conduite particulière, soit parce qu’elle est objectivement ou subjectivement obligatoire ou coutumière, soit parce que, subjectivement, elle crée de façon générale un lien personnel avec le divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle, que cette pratique ou croyance soit ou non requise par un dogme religieux officiel ou conforme à la position de représentants religieux; (2) que sa croyance est sincère. Ce n’est qu’une fois cette démonstration faite que la liberté de religion entre en jeu.

 

Dès que l’intéressé a démontré, suivant les étapes que je viens de décrire, que sa liberté de religion était en jeu, le tribunal doit déterminer si l’entrave à l’exercice de ce droit est suffisante pour constituer une atteinte à la liberté de religion garantie par la Charte québécoise (ou la Charte canadienne).

 

[31]           En l’espèce, la croyance religieuse à l’égard de laquelle il y aurait atteinte selon M. Veffer est le fait que Jérusalem est la capitale d’Israël. Il ressort de l’arrêt Anselem que la Cour ne doit pas se prononcer sur la validité de la croyance religieuse de M. Veffer, mais qu’elle doit se borner à statuer sur la sincérité de la croyance (arrêt Anselem, aux paragraphes 50 et 51). Le juge de première instance n’a pas mis en doute la sincérité de la croyance religieuse de M. Veffer, et la crédibilité de ce dernier n’est pas en cause dans le présent appel. Par conséquent, les deux premières conditions du critère de la liberté de religion sont remplies.

 

[32]           Néanmoins, nous ne sommes pas convaincus que l’entrave à l’exercice des droits de M. Veffer est suffisante pour constituer une atteinte à sa liberté de religion au sens de l’alinéa 2a) de la Charte. Voici quelques exemples d’entrave à la liberté de religion tirés de la jurisprudence : des règlements qui empêchaient des juifs orthodoxes d’aménager des souccahs sur les balcons de l’immeuble dont ils étaient copropriétaires (Anselem); l’autorisation, par le gouvernement, d’une transfusion sanguine à un enfant dont les parents faisaient partie des Témoins de Jehovah (Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315); la décision d’une commission scolaire d’empêcher un garçon sikh de porter son kirpan à l’école (Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6); une loi provinciale qui obligeait les frères huttériens à se faire photographier en vue d’obtenir un permis de conduire (R. c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2007 ABCA 160). Dans toutes les décisions qui précèdent, une mesure gouvernementale ou une loi entravait dans une large mesure les pratiques religieuses des demandeurs.

 

[33]           Lorsque l’on compare la plainte de M. Veffer aux affaires qui précèdent, il est des plus évidents qu’il n’y a pas de violation de la liberté de religion en l’espèce. Le juge de première instance a conclu avec raison que la politique de Passeport Canada ne menace, n’entrave ou ne limite aucunement la capacité de M. Veffer de croire que Jérusalem est la capitale d’Israël, de professer cette croyance ouvertement et publiquement, ainsi que de l’enseigner et de la propager. En outre, on ne saurait dire que cette politique nuit à son identité religieuse, ou impose une expression d’identité religieuse qui n’est pas véridique dans le cas de M. Veffer. À notre avis, l’effet que peut avoir la politique de Passeport Canada sur le droit à la liberté de religion de M. Veffer est négligeable, et ce n’est pas contraire à la Charte : nul fardeau considérable a été imposé.

 

[34]           M. Veffer soutient que la préservation de son identité est un droit humain fondamental. Il cite à l’appui de cet argument le paragraphe 8(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’Organisation des Nations Unies [1992] Can. T.S. no 3 (la « Convention »); en voici le texte : « Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ». Selon nous, l’argument de M. Veffer est le suivant : le droit de préserver son identité englobe celui de contraindre l’État à refléter cette identité dans les pièces d’identité qu’il délivre. En l’espèce, est-il soutenu, le fait que le ministre refuse de reconnaître un élément fondamental de son identité religieuse dans une pièce d’identité prive M. Veffer de sa « vraie identité », ce qui, dit-il, constitue une atteinte au droit qu’il a de préserver son identité et, par conséquent, ses droits de liberté de religion au sens de l’alinéa 2a) de la Charte.

 

[35]           Nous ne pouvons pas souscrire à cet argument. Le droit canadien ne reconnaît à personne le droit général de maintien de son identité, qu’il s’agisse de la common law ou de textes législatifs. Bien que le Canada soit signataire de la Convention, il n’a pas consacré les droits qui sont mentionnés au paragraphe 8(1) par un texte législatif. Ce que M. Veffer demande à toutes fins pratiques, c’est le droit de faire état ou de diffuser ses croyances religieuses et son origine nationale dans un document gouvernemental. Nous sommes d’accord avec le juge de première instance que l’alinéa 2a) de la Charte n’implique aucun droit de ce genre.

[36]           Pour ces motifs, nous rejetterions ce moyen d’appel.

 

  1. Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu d’atteinte au droit à l’égalité que le paragraphe 15(1) de la Charte garantit?

 

[37]           Voici le texte du paragraphe 15(1) de la Charte :

La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

[38]           M. Veffer soutient que l’on porte atteinte au droit à l’égalité garanti par le paragraphe 15(1) de la Charte parce qu’on l’a privé du « même bénéfice de la loi ». Plus précisément, on l’avait privé de la possibilité, que la politique de Passeport Canada accorde à d’autres, de faire inscrire son pays de naissance dans son passeport canadien. Il soutient que cela est fondé sur son identité juive (un motif énuméré) et son lieu de naissance (un motif analogue).

 

[39]           Pour décider s’il y a eu atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte, la Cour suprême a relevé, dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, au paragraphe 88, trois conditions qu’il est nécessaire de remplir. Ces conditions ont été résumées récemment par la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429, au paragraphe 17 :

Pour établir une violation du par. 15(1), la demanderesse doit, selon la norme de preuve en matière civile, démontrer que (1) par son objet ou ses effets, la règle de droit contestée la traite différemment d’autrui, (2) ce traitement différent est fondé sur un ou plusieurs motifs énumérés ou analogues, et (3) l’objet ou les effets de la règle de droit sont discriminatoires en ce que celle‑ci porte atteinte à la dignité humaine ou traite certaines personnes comme si elles étaient moins dignes d’être reconnues pour l’un ou l’autre des motifs énumérés ou analogues.

 

[40]           Récemment, dans l’arrêt Auton c. Colombie-Britannique [2004] 3 R.C.S. 657, la juge en chef McLachlin fait valoir qu’: « [i]l n’y a pas d’énoncé type des éléments à établir à l’appui d’une demande fondée sur le par. 15(1)… Il importe de s’assurer du respect de toutes les exigences du par. 15(1) au regard des faits de l’espèce » (au paragraphe 23). En outre, quel que soit le cadre utilisé, il faudrait éviter de recourir à une approche par trop légaliste. Le tribunal doit se pencher sur « la situation réelle » et vérifier s’il y a eu traitement discriminatoire au regard de l’objet du paragraphe 15(1) (au paragraphe 25).

 

Le bénéfice de la loi

[41]           Avant de se pencher sur la question de savoir si les trois conditions requises pour établir l’existence d’une discrimination sont présentes en l’espèce, il est nécessaire de répondre à une question préliminaire : la politique de Passeport Canada qui est en cause confère-t-elle généralement un « bénéfice de la loi » au sens du paragraphe 15(1) de la Charte? La question qui se pose ici n’est pas de savoir si la politique de Passeport Canada est une « loi », car il est bien établi que, aux fins de l’article 15, les lois comprennent les politiques gouvernementales (voir l’arrêt McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229, au paragraphe 49). Il est plutôt question de savoir si la politique de Passeport Canada confère à d’autres un « bénéfice » qu’elle refuse à M. Veffer. À notre avis, ce n’est pas le cas, et voici pourquoi.

[42]           Le sens du terme « bénéfice » n’a pas été étudié par les tribunaux dans le contexte de l’article 15 de la Charte. En fait, la garantie du « même bénéfice de la loi » est une création relativement nouvelle. Avant que la Charte soit adoptée en 1982, l’alinéa 1b) de la Déclaration canadienne des droits ne garantissait que « le droit de l’individu à l’égalité devant la loi et à la protection de la loi ». On pensait, vu la décision de la Cour suprême dans l’affaire Bliss c. Canada (Procureur général), [1979] 1 R.C.S. 183, que la garantie d’égalité était censée s’appliquer aux fardeaux imposés par des dispositions législatives, et non à des bénéfices conférés. En insérant les mots « même bénéfice de la loi » au paragraphe 15(1) de la Charte, le législateur fédéral a manifestement créé une garantie d’égalité plus large et plus complète. La garantie du « même bénéfice de la loi » a depuis permis à des plaideurs de contester avec succès des choses importantes telles que le refus de régimes de prestations d’assurance-emploi et de prestations de retraite, la prestation de traitements médicaux, ainsi que d’autres régimes d’avantages législatifs.

 

[43]           Dans des affaires récentes, comme Auton et Gosselin, la Cour suprême a indiqué de manière assez imprécise que le paragraphe 15(1) garantit un « traitement égal », ce qui pourrait donner à penser qu’il suffit au demandeur de prouver l’existence d’une distinction pour faire jouer la garantie d’égalité. Cependant, ce n’est pas n’importe quelle différence de traitement qui suffit pour faire jouer le paragraphe 15(1). L’intéressé dit avoir été traité de telle sorte qu’il a été privé de la « même protection » ou du « même bénéfice de la loi ». Ces expressions doivent avoir un sens certain dans notre Charte, et le demandeur qui entend faire une allégation sérieuse de discrimination doit impérativement faire la preuve que le traitement qui aurait été infligé est visé par la garantie d’égalité, c’est-à-dire qu’il a été privé de la même protection et du même bénéfice de la loi.

 

[44]           Qu’est-ce donc qu’un « bénéfice » au sens du paragraphe 15(1) de la Charte? Il est utile, pour se prononcer sur cette condition préliminaire, d’examiner la manière dont l’on conçoit certaines autres libertés fondamentales de la Charte. Comme nous l’avons déjà vu, le droit à la liberté de religion et de conscience garanti par l’alinéa 2a) de la Charte ne vise que les mesures gouvernementales qui entravent la pratique ou l’observation de croyances religieuses importantes.

 

[45]           Dans cette optique, il ressort de la jurisprudence que l’article 7 de la Charte n’entre en jeu que si le demandeur peut montrer que les agissements du gouvernement portent sérieusement atteinte « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Autrement dit, ce ne sont pas toutes les privations de la liberté ou de la sécurité d’une personne qui fait jouer l’article 7 de la Charte, car on pourrait dire que presque n’importe quelle mesure législative restreint les individus d’une façon ou d’une autre. Le terme « liberté » a été défini, aux fins de l’article 7, comme le fait d’être libre de toute restriction physique, ainsi que des contraintes ou des interdictions de l’État qui ont une incidence sur des choix importants et fondamentaux (voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 49). De la même façon, l’expression « sécurité de la personne » désigne le fait d’être libre des atteintes de l’État à l’intégrité corporelle et des tensions psychologiques graves causées par l’État (Blencoe, au paragraphe 55). La notion de droit à la « vie » n’a pas fait l’objet d’analyses poussées, mais elle englobe certainement le droit d’être à l’abri d’un risque de décès, et à l’abri de délais d’attente excessifs pour recevoir des traitements médicaux dans un régime public de soins de santé (voir Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791).

 

[46]           Dans le même ordre d’idées, la garantie du « même bénéfice de la loi » que consacre le paragraphe 15(1) de la Charte doit s’entendre des bénéfices qui, objectivement, ont une incidence importante sur les personnes touchées. À notre avis, cette condition préliminaire n’est pas remplie en l’espèce.

 

[47]           M. Veffer soutient que le « bénéfice » conféré à d’autres, et non pas à lui, est la capacité de faire état d’un aspect important de son identité religieuse dans une pièce d’identité gouvernementale. Bien que M. Veffer puisse croire sincèrement que cela équivaut au déni d’un « bénéfice » qui est conféré à d’autres, nous ne sommes pas convaincus que c’est le cas. Comme nous l’avons déjà dit, le passeport a pour objet d’identifier le titulaire comme citoyen canadien et de faciliter ses déplacements vers d’autres pays. Dans le cas présent, M. Veffer a obtenu un passeport, ce passeport l’identifie en tant que citoyen canadien et il n’y a aucune preuve que l’absence d’un nom de pays à côté de « Jérusalem » l’empêche de quelque manière de voyager. Nul ne soutient non plus que l’ajout d’un nom de pays augmentera sa capacité de voyager ou d’être identifié comme citoyen canadien.

 

[48]           Nous soulignons que la garantie d’égalité est l’une des valeurs les plus fondamentales que protège la Charte, et il ne faut pas prendre à la légère les allégations de discrimination de la part du gouvernement à l’égard de qui que ce soit. Il ne convient pas non plus d’invoquer le paragraphe 15(1) simplement parce que l’intéressé est insatisfait du traitement différent que lui fait subir la politique gouvernementale. À notre avis, on banaliserait la garantie d’égalité si l’on s’en servait pour la banaliser dans tous les cas où l’intéressé se sent subjectivement contrarié ou offensé par une loi qui le touche différemment par rapport à d’autres. Pour faire jouer l’article 15 de la Charte, le demandeur doit donc prouver qu’on l’a privé d’un important « bénéfice de la loi ». Ce que M. Veffer n’a pas fait.

 

L’application du critère de l’arrêt Law

[49]           Cela dit, même si M. Veffer s’est vu privé d’un « bénéfice » que la politique de Passeport Canada confère à d’autres personnes, nous sommes d’avis que ce dernier n’a pas été victime de discrimination au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. Plus précisément, nous ne sommes pas convaincus qu’une personne raisonnable conclurait que cette politique prive M. Veffer de sa dignité humaine fondamentale. Dans les trois paragraphes qui suivent, nous effectuerons l’analyse en trois étapes définie dans l’arrêt Law.

 

Le groupe de comparaison

[50]           Comme chacune des trois analyses effectuées dans l’arrêt Law s’appuie sur une comparaison avec un autre groupe pertinent, il est nécessaire de déterminer tout d’abord le groupe de personnes auquel on peut comparer M. Veffer (Auton, au paragraphe 48). Dans l’arrêt Hodge c. Canada, [2004] 3 R.C.S. 357, le juge Binnie a expliqué que le groupe de comparaison approprié est « celui qui reflète les caractéristiques du demandeur […] qui sont pertinentes quant au bénéfice ou à l’avantage recherché, sauf que la définition dans la loi prévoit une caractéristique personnelle qui contrevient à la Charte ou omet une caractéristique personnelle d’une manière qui contrevient à la Charte » (paragraphe 65).

 

[51]           En l’espèce, M. Veffer soutient que tous les citoyens canadiens nés à l’extérieur de Jérusalem constituent le groupe de comparaison approprié, car tous les autres citoyens canadiens sont autorisés à faire mentionner dans leur passeport la ville et le pays où ils sont nés. Le juge des requête a souscrit à ce groupe choisi, et nous en faisons autant.

 

[52]           Bien que l’on puisse soutenir que le groupe de comparaison se compose uniquement des autres citoyens nés dans des territoires dont la souveraineté est contestée, ce groupe serait artificiellement restreint. En fait, lorsque l’on examine les effets concrets de la politique de Passeport Canada, ce ne sont que les citoyens canadiens nés à Jérusalem après le 14 mai 1948 qui ne sont pas autorisés à indiquer leur pays de naissance. Dans l’arrêt Auton, la Cour suprême a souligné que le groupe de comparaison doit refléter à la fois l’avantage recherché et « l’univers des personnes susceptibles d’[y] avoir droit » ainsi que le motif de discrimination allégué (paragraphe 53; voir aussi Hodge, aux paragraphes 25 et 31). En l’espèce, l’« univers des personnes susceptibles d’avoir [le] droit » d’indiquer leur pays de naissance dans leur passeport est constitué par tous les autres citoyens canadiens.

 

Y a-t-il eu une différence de traitement?

[53]           Maintenant que l’on a conclu que le groupe de comparaison en l’espèce est constitué par les autres citoyens canadiens, il convient de franchir la première étape du critère de l’arrêt Law : la politique de Passeport Canada a-t-elle pour objet ou pour effet d’imposer une différence de traitement entre M. Veffer et les autres citoyens canadiens? À notre avis, oui. La politique de Passeport Canada traite les Canadiens nés à Jérusalem différemment de ceux qui sont nés ailleurs, relativement à leur lieu de naissance. Les citoyens canadiens nés à Jérusalem après le 14 mai 1948 ne peuvent pas demander que l’on précise leur pays de naissance dans leur passeport, contrairement aux citoyens canadiens nés dans tous les autres pays, y compris tous les autres territoires contestés.

 

[54]           M. Veffer soutient que, en plus d’imposer une différence de traitement fondée sur le lieu de naissance, la politique de Passeport Canada omet de prendre en compte sa situation déjà désavantagée en tant que juif né à Jérusalem. À son avis, bien que l’exception de Jérusalem s’applique de manière égale à toutes les personnes nées à cet endroit, elle a sur lui et sur les autres Canadiens juifs un effet défavorable parce que seuls les juifs soutiennent, par croyance religieuse, que Jérusalem est un élément central d’Israël. Par conséquent, dit-il, ce sont les Canadiens juifs nés à Jérusalem qui sont défavorisés d’une façon particulière par la politique qui interdit de délivrer un passeport dans lequel le lieu de naissance indiqué est « Jérusalem (Israël) ».

 

[55]           Même si, à l’instar du juge de première instance, nous ne doutons pas de la sincérité des croyances religieuses de M. Veffer, il nous est impossible de souscrire à l’argument selon lequel les Canadiens juifs nés à Jérusalem sont défavorablement touchés par la politique de Passeport Canada, en comparaison avec tous les autres Canadiens nés à Jérusalem. Nul ne conteste que Jérusalem a une importance religieuse pour chacune des trois religions monothéistes qui y ont leur siège. La présente Cour n’est pas le lieu où l’on peut débattre de l’importance religieuse relative de Jérusalem pour chacune de ces religions. Il suffit de dire, pour les besoins de l’espèce, qu’il nous est impossible de déclarer au vu du dossier qu’il y a une différence de traitement supplémentaire entre les citoyens canadiens juifs et non juifs qui sont nés à Jérusalem après le 14 mai 1948.

 

Les motifs analogues

[56]           La seconde étape exposée dans l’arrêt Law exige du demandeur qu’il établisse que la différence de traitement dont il se plaint est fondée sur un ou plusieurs motifs analogues ou énumérés. En l’espèce, les parties conviennent que le « lieu de naissance » est un motif analogue à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte. Le lieu de naissance répond aux critères qu’a énumérés la Cour suprême dans l’arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), [1999] 2 R.C.S. 203, au paragraphe 13, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une caractéristique immuable et que l’on ne peut pas modifier par un acte volontaire.

 

La différence de traitement a-t-elle un effet discriminatoire?

[57]           La troisième - et plus importante - étape exposée dans l’arrêt Law consiste à examiner si la différence de traitement que crée la politique de Passeport Canada est de nature discriminatoire. Il faut dire que la conclusion portant qu’une conduite gouvernementale ou une loi est discriminatoire est une affaire sérieuse, qu’il convient de ne pas de prendre à la légère. Une conclusion de discrimination comporte d’importantes connotations négatives, et oblige le gouvernement à justifier ses actes au regard de l’article premier de la Charte, ce qui est une tâche difficile et coûteuse.

 

[58]           En faisant l’appréciation à ce stade, il est important de souligner que les distinctions que crée une loi ne sont pas toutes discriminatoires. Ce ne sont que les différences de traitement qui violent « la dignité humaine essentielle » en imposant des désavantages, des stéréotypes et des préjugés politiques ou sociaux qui violent les garanties d’égalité de l’article 15 de la Charte (Law, au paragraphe 51). La Cour suprême a défini l’expression « dignité humaine » au paragraphe 53 de l’arrêt Law :

La dignité humaine signifie qu’une personne ou un groupe ressent du respect et de l’estime de soi. Elle relève de l’intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. Elle est rehaussée par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous‑jacent à leurs différences. La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. Au sens de la garantie d’égalité, la dignité humaine n’a rien à voir avec le statut ou la position d’une personne dans la société en soi, mais elle a plutôt trait à la façon dont il est raisonnable qu’une personne se sente face à une loi donnée. La loi traite‑t-elle la personne injustement, si on tient compte de l’ensemble des circonstances concernant les personnes touchées et exclues par la loi?

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[59]           Plus récemment, la Cour suprême a fait les observations suivantes au paragraphe 20 de l’arrêt Gosselin :

L’aspect de la dignité humaine visée par le par. 15(1) est le droit de chaque personne de participer pleinement à la société et d’être traitée comme un membre égal de la société, indépendamment des caractéristiques personnelles non pertinentes ou des caractéristiques attribuées à une personne en raison de son appartenance à un groupe particulier sans égard à sa situation réelle.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[60]           Pour décider si la différence de traitement en l’espèce est discriminatoire, il est nécessaire d’aborder la question sous un angle objectif, en tenant compte des caractéristiques et des circonstances particulières du demandeur. La question qu’il faut poser est la suivante : la politique de Passeport Canada porte-t-elle raisonnablement atteinte à la dignité humaine du citoyen canadien né à Jérusalem après le 14 mai 1948 aux yeux de la personne objective et bien informée des circonstances de M. Veffer, dotée d’attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle de M. Veffer (Law, aux paragraphes 59 et 60)?

 

[61]           Pour répondre à cette question, l’arrêt Law préconise la prise en considération de quatre facteurs contextuels : 1) le désavantage préexistant; 2) le rapport entre les motifs de discrimination et les caractéristiques ou la situation personnelles du demandeur; 3) l’existence d’un objet ou d’un effet d’amélioration; 4) la nature du droit touché. Cette énumération n’est pas exhaustive, pas plus qu’il n’est nécessaire qu’ils soient tous présents pour corroborer une conclusion de discrimination (voir Trociuk c. Colombie-Britannique (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 835, au paragraphe 20). Examinons chacun de ces facteurs à tour de rôle.

 

[62]           1) Le désavantage préexistant. Nul ne conteste que M. Veffer, en tant que membre de la communauté juive de Jérusalem, fait partie d’un groupe qui a été persécuté et désavantagé par le passé. Cela ne veut pas dire que les autres personnes nées à Jérusalem ne sont pas non plus victimes d’un désavantage préexistant, comme le sont sans aucun doute de nombreuses personnes. Cependant, ce qui importe en l’espèce, c’est qu’il ne ressort pas de la preuve que les stéréotypes, les préjugés et la vulnérabilité dont les juifs ont été victimes par le passé sont imputables à leur lieu de naissance. Par conséquent, ce facteur milite contre une conclusion de discrimination.

 

[63]           Cela dit, nous n’écartons pas la possibilité que des personnes nées à Jérusalem, qu’elles soient musulmanes, chrétiennes ou juives, et quelles que soient leur opinion sur le statut de Jérusalem, soient désavantagées en raison de leur lieu de naissance parce que l’on ne reconnaît pas leurs revendications de souveraineté à l’échelon international. Aucune preuve n’a toutefois été produite à cet égard.

 

[64]           2) Le rapport. Il ressort de la preuve que Jérusalem, selon le droit international, est un territoire qui n’est pas reconnu comme souverain à l’échelon international. Par ailleurs, les personnes nées à Jérusalem ou dans les environs ont des convictions solides et contradictoires quant au statut juridique de ce territoire. Cela tient sans aucun doute au fait que Jérusalem est une ville qui revêt une importance historique et religieuse énorme pour les juifs, les chrétiens et les musulmans. La politique de Passeport Canada au sujet de Jérusalem vise simplement la conformité au droit international, en reconnaissant les circonstances et les sensibilités uniques de toutes les personnes qui y vivent. Il ne s’agit pas, comme le laisse entendre M. Veffer, de [traduction] « cibler un groupe » ou du produit d’une décision arbitraire ou stéréotypée.

 

[65]           Cependant, la politique de Passeport Canada va plus loin. Il s’agit, de la part du gouvernement canadien, de répondre à la directive suivante de l’ancien secrétaire général Kofi Annan, dans une allocution prononcée dans le cadre d’une réunion internationale portant sur la question de la Palestine, le 8 mars 2005 :

Depuis longtemps, la grande majorité des Israéliens et des Palestiniens n’a pas de désir plus cher que de mener une vie normale, dans la paix et la sécurité. Nous avons tous aujourd’hui le sentiment qu’enfin ce rêve redevient accessible. J’exhorte donc à la fois les parties et la communauté internationale à s’abstenir de commettre tout acte qui entraverait la reprise des négociations et la mise en œuvre de la feuille de route, ou qui pourrait compromettre le règlement des questions relatives au statut final.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

La situation politique qui règne actuellement au Proche-Orient n’est peut-être pas la même qu’à l’époque où cette allocation a été prononcée, mais l’importance de l’objectif de neutralité et de non-ingérence n’a pas changé.

 

[66]           La politique de Passeport Canada résulte également de la sensibilité politique qui entoure le statut de Jérusalem, sur les plans national et international. Par le passé, le Canada a créé ou proposé des politiques que certains ont perçues comme révélatrices d’un parti pris dans le différend. Par exemple, en 1979, le gouvernement canadien annonça que l’ambassade du Canada à Tel Aviv (Israël) serait transférée à Jérusalem, ce qui suscita une énorme controverse, tant au pays qu’à l’étranger. Celle-ci donna lieu à une étude, menée par le très honorable Robert L. Stanfield, sur l’étendue des relations qu’entretenait le Canada avec les pays du Proche‑Orient et de l’Afrique du Nord et, plus précisément, sur la question de l’emplacement de l’ambassade du Canada en Israël. À la suite de la publication du rapport Stanfield, qui se prononça contre le déplacement de l’ambassade, le gouvernement canadien retira l’annonce qu’il avait faite antérieurement (voir l’affidavit de Michael D. Bell, aux paragraphes 31 et 32). Bien sûr, le présent appel n’a rien à voir avec l’emplacement de l’ambassade du Canada en Israël.

 

[67]           En résumé, nous sommes d’avis que la politique de Passeport Canada reflète les circonstances véritablement singulières de Jérusalem, et qu’elle respecte la dignité humaine de toutes les personnes qui sont nées dans cette ville et qui y vivent. Nous convenons donc, avec le juge de première instance, qu’il y a un certain rapport entre la politique de Passeport Canada et les circonstances particulières des personnes nées à Jérusalem.

 

[68]           3) L’objet d’amélioration. Nul ne soutient que la politique de Passeport Canada comporte un objet ou un effet d’amélioration.

 

[69]           4) La nature du droit touché. M. Veffer soutient que le droit touché est la capacité d’exprimer son identité dans une pièce d’identité émanant du gouvernement. Ce droit, ajoute-t-il, a pour lui une importance fondamentale parce qu’il lui permet d’exprimer ses croyances politiques et religieuses subjectives sur ce qu’il a le sentiment d’être.

 

[70]           À notre avis, bien qu’il soit important pour M. Veffer, le droit touché dont il est question en l’espèce a une importance objective mineure. Il s’agit simplement du droit d’indiquer dans son passeport le pays où l’on est né. Ce droit est de nature déclarative, et n’a aucun effet défavorable prouvé sur la capacité du titulaire du passeport d’être identifié en qualité de citoyen canadien et de se déplacer vers d’autres pays, les deux raisons pour lesquelles le passeport est délivré. M. Veffer a peut-être bien le sentiment que le droit de déclarer son pays de naissance revêt une importance fondamentale, mais nous sommes d’avis que la personne raisonnable se trouvant dans sa position ne serait pas d’accord. M. Veffer conserve toujours la liberté d’exprimer sa foi et ses opinions subjectives sur le statut de Jérusalem; il lui est tout simplement impossible de le faire dans son passeport canadien. Il a peut-être aussi le choix, parce qu’il est né en Israël, d’obtenir un passeport israélien qui peut fort bien indiquer que son lieu de naissance est « Jérusalem (Israël) ».

 

Conclusion au sujet de la discrimination

[71]           L’application des facteurs contextuels aux circonstances de l’espèce, lorsqu’ils sont combinés, montre que M. Veffer n’a pas été victime de discrimination, en ce sens qu’il n’y a pas eu d’atteinte à sa dignité humaine. Rien dans la preuve n’indique que M. Veffer, ou les personnes ayant des caractéristiques et des circonstances analogues, souffrent présentement ou historiquement d’un désavantage simplement à cause de leur lieu de naissance. En outre, il y a un rapport entre la politique de Passeport Canada et les circonstances spéciales concernant Jérusalem, et les citoyens canadiens nés dans ce lieu. Non seulement la politique de Passeport Canada reflète-t-elle le statut de Jérusalem en droit international, elle tient compte aussi de la situation fort délicate des personnes nées dans ce territoire et du caractère politiquement délicat qui entoure ce conflit sur le plan international. Le troisième facteur - l’objet d’amélioration - n’est d’aucune utilité dans le présent appel. Enfin, la nature du droit touché de M. Veffer n’est, selon nous, que minime. Le fait que le pays de naissance n’est pas imprimé dans son passeport n’a aucune incidence sur sa capacité de voyager, ou sur le fait d’être pleinement reconnu en tant que citoyen canadien.

 

[72]           Nous sommes donc d’avis que la personne raisonnable se trouvant dans la situation de M. Veffer considérerait le statut spécial de Jérusalem selon le droit international, et qu’elle ne serait pas offensée par la politique actuellement en vigueur de Passeport Canada, et par les passeports canadiens délivrés en vertu de cette politique, d’une manière qui porte atteinte à la dignité humaine. Il n’y a pas de discrimination en l’espèce.

 

CONCLUSION

[73]           En l’absence de violation à première vue de la Charte, il n’est nul besoin de se pencher sur le quatrième motif d’appel, soit la question de savoir si une atteinte quelconque à la Charte est justifiée par l’article premier.

 

[74]           Nous sommes d’avis de rejeter l’appel mais, compte tenu de toutes les circonstances, sans dépens.

 

 

« J. Richard »

Juge en chef

 

 

« A.M. Linden »

j.c.a.

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-252-06

 

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE VON FICKENSTEIN DU 1er MAI 2006, N° DU DOSSIER T-149-05)

 

 

INTITULÉ :                                                                           ELIYAHU YOSHUA VEFFER

                                                                                                - et –

                                                                                                LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

                                                                                                - et –

                                                                                                CANADIENS POUR JÉRUSALEM

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 8 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                                  

DE LA COUR :                                                                      Le juge en chef Richard, le juge Linden, le juge Ryer

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 25 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

POUR L’APPELANT/

(DEMANDEUR)

 

Sharlene-Telles Langdom

Omas Siddiqui

 

James Kafieh

 

POUR L’INTIMÉ/

(DÉFENDEUR)

 

POUR L’INTERVENANTE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Winnipeg (Manitoba)

POUR L’APPELANT/

(DEMANDEUR)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

James Kafieh

Almonte (Ontario)

POUR L’INTIMÉ/

(DÉFENDEUR)

 

POUR L’INTERVENANTE

 

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