Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20071105

Dossier : A-402-06

Référence : 2007 CAF 308

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LA JUGE TRUDEL 

 

ENTRE :

HOWARD P. KNOPF

appelant

et

LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                        LE JUGE LINDEN

 


Date : 20071105

Dossier : A-402-06

Référence : 2007 CAF 308

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LA JUGE TRUDEL 

 

ENTRE :

HOWARD P. KNOPF

appelant

et

LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté de la décision de la juge Layden-Stevenson de la Cour fédérale (2006 CF 808) par laquelle elle a rejeté le recours que l’appelant avait formé en vertu de la partie X de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 31 (la Loi).

 

Les faits

[2]               Le 20 avril 2004, l’appelant s’est présenté devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur le patrimoine canadien à titre d’avocat spécialisé afin de témoigner sur des questions relatives à la réforme du droit d’auteur, à la ratification du traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et à la copie privée.

 

[3]               Avant de se présenter devant le Comité, il avait envoyé quatre documents au greffier du Comité et il lui avait demandé de les diffuser aux membres. Le greffier a reçu les documents et en a fait des copies. Cependant, les membres du Comité ont décidé de ne pas les diffuser parce qu’ils n’étaient qu’en langue anglaise.

 

[4]               Cette décision était conforme à la règle de procédure qui avait été adoptée auparavant par le Comité, selon laquelle des documents ne peuvent être diffusés à ses membres que lorsqu’ils sont disponibles dans les deux langues officielles (procès-verbal des travaux du Comité, le

24 février 2004). Le Comité a confirmé cette règle lors de sa réunion d’organisation pour la 1re session de la 38e législature le 18 octobre 2004.

 

[5]               L’appelant est d’avis que le témoin qui dépose devant un comité parlementaire a le droit de présenter dans l’une ou l’autre des langues officielles des documents destinés à être diffusés immédiatement aux membres de ce comité dans le cadre de son témoignage.  Selon l’appelant, lorsque le témoin se présente devant le Comité :

[TRADUCTION] […] Il me semble qu’il est plus important que le Comité soit informé que tout soit bilingue […].

 

 

[6]               Le 11 novembre 2004, l’appelant a porté plainte auprès du commissaire aux langues officielles en vertu de l’article 58 de la Loi.  Il a répété sa déclaration antérieure : [TRADUCTION] « J’ai le droit de demander aux membres de lire mes documents dans la langue de mon choix.  Je préfère qu’ils ne soient pas lus par certains membres plutôt qu’ils soient mal ou inexactement traduits ». Par sa lettre du 1er mars 2005, le commissaire a rejeté sa plainte.

 

[7]               L’appelant a donc formé un recours en vertu de la partie X de la Loi et il a allégué avoir subi une atteinte à ses droits linguistiques garantis par la Loi, la Charte des droits et libertés (la Charte) et la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[8]               La juge Layden-Stevenson a rejeté le recours sans adjuger de dépens.  Elle a soigneusement passé en revue les faits et la thèse des parties.  Elle a tranché le différend en statuant sur les questions suivantes :

a)      Y a-t-il eu atteinte aux droits linguistiques de M. Knopf?

b)      Le privilège parlementaire était-il applicable aux travaux du Comité?

 

 

 

[9]               Le Comité a bien respecté le droit de M. Knopf de s’adresser à ses membres dans la langue de son choix. La juge de première instance a correctement conclu que le Comité, lorsqu’il avait décidé de ne pas diffuser les documents envoyés par l’appelant, n’avait pas porté atteinte aux droits linguistiques de M. Knopf énoncés dans l’article 4 de la Loi. 

 

[10]           Il n’est donc pas nécessaire de se pencher sur la question du privilège parlementaire. Par conséquent, mon résumé du jugement rendu par la juge de première instance et des observations des parties de même que mon analyse du droit pertinent, ne porteront que sur cette question précise.

 

[11]           À ce stade, il est utile de reproduire les dispositions légales pertinentes :

Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., ch. 3, réimprimé aux L.R.C. 1985, app. II,

no 5, article 133:

133. Dans les chambres du parlement du Canada et les chambres de la législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de ces chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire; et dans toute plaidoirie ou pièce de procédure par-devant les tribunaux ou émanant des tribunaux du Canada qui seront établis sous l'autorité de la présente loi, et par-devant tous les tribunaux ou émanant des tribunaux de Québec, il pourra être fait également usage, à faculté, de l'une ou de l'autre de ces langues.

 

Les lois du parlement du Canada et de la législature de Québec devront être imprimées et publiées dans ces deux langues.

133. Either the English or the French Language may be used by any Person in the Debates of the Houses of the Parliament of Canada and of the Houses of the Legislature of Quebec; and both those Languages shall be used in the respective Records and Journals of those Houses; and either of those Languages may be used by any Person or in any Pleading or Process in or issuing from any Court of Canada established under this Act, and in or from all or any of the Courts of Quebec.

 

 

 

 

 

The Acts of the Parliament of Canada and of the Legislature of Quebec shall be printed and published in both those Languages.

 

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982 (R.-U.), paragraphes 17(1) et 20(1) :

17. (1) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats et travaux du Parlement.

 

17. (1) Everyone has the right to use English or French in any debates and other proceedings of Parliament.

 

20. (1) Le public a, au Canada, droit à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services; il a le même droit à l'égard de tout autre bureau de ces institutions là où, selon le cas :

 

a) l'emploi du français ou de l'anglais fait l'objet d'une demande importante;

 

 

b) l'emploi du français et de l'anglais se justifie par la vocation du bureau.

 

 

 

 

 

20. (1) Any member of the public in Canada has the right to communicate with, and to receive available services from, any head or central office of an institution of

the Parliament or government of Canada in English or French, and has the same right with respect to any other office of any such institution where

 

(a)  there is a significant demand for communications with and services from that office in such language; or 

 

(b)  due to the nature of the office, it is reasonable that communications with and services from that office be available in both English and French. 

 

 

Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 31, paragraphe 4(1) et article 25:

 

4. (1) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Parlement; chacun a le droit d’employer l’une ou l’autre dans les débats et travaux du Parlement.

 

4. (1) English and French are the official languages of Parliament, and everyone has the right to use either of those languages in any debates and other proceedings of Parliament.

25. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que, tant au Canada qu’à l’étranger, les services offerts au public par des tiers pour leur compte le soient, et à ce qu’il puisse communiquer avec ceux-ci, dans l’une ou l’autre des langues officielles dans le cas où, offrant elles-mêmes les services, elles seraient tenues, au titre de la présente partie, à une telle obligation.

25. Every federal institution has the duty to ensure that, where services are provided or made available by another person or organization on its behalf, any member of the public in Canada or elsewhere can communicate with and obtain those services from that person or organization in either official language in any case where those services, if provided by the institution, would be required under this Part to be provided in either official language.

 

 

 

 

 

 

Le jugement de la Cour fédérale

[12]           La juge qui a statué sur la demande est d’avis que le paragraphe 4(1) de la Loi protège le droit de toute personne d’employer la langue officielle de son choix. Il n’impose pas de conditions de forme aux échanges entre cette personne et le Comité:

[39] [M.] Knopf avait le droit de s'adresser au Comité dans la langue officielle de son choix. Ce droit a été respecté. La demande formulée par [M.] Knopf pour que ses documents soient distribués n'entre pas dans le cadre du droit consacré au paragraphe 4(1) de la Loi. En fait, il s'en prend à la façon dont le Comité exerce ses activités. Il conteste la procédure adoptée par le Comité en ce qui concerne la distribution des documents. Il ne s'agit pas, à mon avis, d'une question de droits linguistiques.

 

 

[13]           S’appuyant sur l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, elle ajoute que « [d]ans le cas des débats et travaux parlementaires, le mot “usage” prévu à l'article 133 confère à M. Knopf le droit de s'exprimer dans la langue officielle de son choix »; elle conclut donc que le choix de M. Knopf de s’adresser au Comité de la Chambre en anglais ou en français a été respecté.

 

La position des parties au présent appel en ce qui concerne la question des droits linguistiques

[14]           L’appelant soutient que la juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu à l’absence d’atteinte à la Loi, à la Charte et à la Loi constitutionnelle de 1867.  Il déclare, contrairement à ce qu’a affirmé la Cour fédérale, que sa demande n’est pas fondée sur sa déception due au fait que le Comité n’a pas suffisamment pris en compte ses observations. Il dit qu’est en jeu un droit linguistique, non pas un droit politique.

 

[15]           Il fait valoir qu’il est erroné de restreindre la portée du terme « employer », au paragraphe 4(1) de la Loi, aux déclarations orales au détriment du droit du témoin de présenter, dans l’une ou l’autre langue officielle, des observations écrites ou des documents écrits qui se rattachent à l’ensemble de sa déposition.

 

[16]           Enfin, l’appelant conteste les conclusions de la juge de première instance sur les dépens. Invoquant le paragraphe 81(2) de la Loi, il fait valoir qu’[TRADUCTION]  « il y a un important principe en jeu en l’occurrence sur lequel les tribunaux ne se sont pas prononcés, qui est au cœur de la démocratie parlementaire dans une société bilingue ».

 

[17]           Il demande donc à la Cour d’appel a) d’infirmer le jugement de première instance; b) de déclarer que le Comité a porté atteinte à ses droits linguistiques, énoncés dans les articles 16 et 17 de la Charte et dans l’article 4 de la Loi; c) de déclarer que les membres du grand public ont le droit, lorsqu’ils se présentent devant un comité de la Chambre des communes, de présenter les documents pertinents dans l’une ou l’autre des langues officielles pour diffusion immédiate aux membres de ce comité; d) de déclarer que tous les comités parlementaires, conformément à la Loi et à la Charte, autoriseront la diffusion à leurs membres des documents pertinents dans l’une ou l’autre langue officielle, sans qu’il soit nécessaire de les faire traduire au préalable.

 

[18]           En ce qui concerne les dépens, l’appelant demande à la Cour : a) de ne pas rendre d’ordonnance quant aux dépens entre lui et le président de la Chambre des communes; b) de rendre une ordonnance contre le procureur général du Canada en vertu du paragraphe 81(2) de la Loi ou, subsidiairement, de ne pas adjuger les dépens dans la présente affaire.

 

[19]           Le président de la Chambre des communes fait valoir que la Cour n’a pas compétence pour statuer sur les droits de l’appelant qui relèvent de la Charte ou pour statuer sur les décisions, rapports ou travaux du Comité. Son mémoire des faits et du droit porte surtout sur la question du privilège parlementaire; comme je l’ai signalé, il n’est pas nécessaire de se pencher sur cette question.

 

[20]           De toute manière, il convient, et il appuie en cela la position du commissaire aux langues officielles et du procureur général, qu’il n’y a pas eu atteinte aux droits de l’appelant garantis par la Loi et la Charte. Le président de la Chambre des communes demande le rejet de l’appel, sans adjudication des dépens.

 

[21]           Le procureur général prétend que l’interprétation téléologique de la Loi confirme la validité du jugement rendu en première instance. En l’espèce, il demande le rejet de l’appel avec dépens devant la Cour d’appel.

 

Analyse

[22]           Aux termes de la partie X de la Loi, la personne qui a saisi le commissaire d’une plainte au sujet de droits ou d’obligations visés par l’article 4 peut former un recours devant la Cour fédérale (paragraphe 77(1)).

 

 

 

[23]           Le paragraphe 77(4) se lit comme suit :

77. 4) Le tribunal peut, s’il estime qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu’il estime convenable et juste eut égard aux circonstances.

77. (4) Where, in proceedings under subsection (1), the Court concludes that a federal institution has failed to comply with this Act, the Court may grant such remedy as it considers appropriate and just in the circumstances

 

 

[24]           La Chambre des communes est une « institution fédérale » : article 3 de la Loi; nul doute que la Cour fédérale a compétence pour connaître de l’appel de M. Knopf concernant son allégation selon laquelle on aurait porté atteinte à ses droits linguistiques.

 

[25]           Je vais maintenant me pencher sur les arguments de l’appelant. Je conclus qu’il n’a pas établi que la juge a commis une erreur en première instance lorsqu’elle a apprécié la preuve. Pour l’essentiel, l’exposé conjoint des faits relate tous les faits de l’affaire. Les faits supplémentaires résultent des affidavits de l’appelant et du président, qui n’ont pas été contestés.

 

[26]           L’appelant conteste la conclusion de la juge Layden-Stevenson selon laquelle il faisait essentiellement grief au Comité de n’avoir pas suffisamment pris en compte sa déposition et que sa demande soulevait une question politique, plutôt que linguistique.

 

[27]           Certains éléments de preuve au dossier justifient cette conclusion. L’appelant a exprimé sans équivoque, tant dans sa plainte adressée au commissaire aux langues officielles que dans son affidavit, sa déception de ce que le Comité n’avait pas accepté sa déposition.

 

[28]           Au cours des débats, l’appelant a demandé avec insistance à la Cour d’examiner ses prétentions dans un esprit prospectif, de sorte que, à l’avenir, les témoins qui se présenteraient devant un comité parlementaire puissent exiger la diffusion de documents écrits ou publiés dans l’une des langues officielles.

 

[29]           Je ne me propose pas d’élargir le débat et de me pencher sur des problèmes théoriques, comme lorsque des documents ont été refusés par le greffier d’un comité, ou que le témoin s’est exprimé autrement que verbalement.  L’espèce ne le requiert pas, et il n’y a pas lieu non plus d’examiner les privilèges parlementaires dont jouissent les comités de la Chambre des communes.

 

[30]           En l’espèce, l’appelant a déposé devant le Comité en anglais, la langue de son choix, et a fait référence à ses documents écrits, comme le révèle la transcription partielle déposée à l’appui de son affidavit. Il avait envoyé ces documents avant sa déposition, ils ont été reçus par le greffier du Comité et copie en a été faite. Ils n’ont tout simplement pas été diffusés. La présidente du Comité a expliqué la procédure à l’appelant en ces termes :

[TRADUCTION] Je suis consciente du fait que vous ne connaissez peut-être pas notre politique. Le Comité s’instruit dans les deux langues officielles. Cela ne veut donc pas dire que nous ne verrons pas le document.  Nous le verrons dans les deux langues officielles. Nous ne nous interdisons pas de le lire parce qu’il est unilingue. Nous nous instruisons dans les deux.

 

 

[31]           Comme cela a été mentionné plus haut, l’appelant soutient que, en utilisant le terme « s’exprimer » (« speak » dans la version anglaise du jugement – plus littéralement « parler »), la juge Layden-Stevenson a restreint la portée du terme « employer » dans le paragraphe 4(1) de la Loi et donc le champ d’application de la législation aux seules déclarations verbales. Il prétend que la législation donne aussi le droit au témoin de présenter, dans l’une ou l’autre langue officielle, des observations par écrit ou des documents écrits qui se rattachent intégralement à sa déposition.

 

[32]           Une lecture attentive du jugement rendu en première instance infirme l’interprétation de l’appelant.  Ce jugement de même que la jurisprudence et la doctrine citées par la juge ne permettent pas de penser qu’elle envisageait une restriction de ce genre.

 

[33]           Pour être juste, il faut lire la conclusion de la juge Layden-Stevenson dans son intégralité. Elle s’est exprimée en ces termes :

[36] […] [En résumé, les personnes ont le choix de s’adresser à la Chambre en anglais ou en français].  Dans le cas des débats et travaux parlementaires, le mot « usage » prévu à l'article 133 confère à [M.] Knopf le droit de s'exprimer [« speak » dans la version anglaise] dans la langue officielle de son choix.           [Non souligné dans l’original.]

 

 

[34]           Le verbe anglais « speak » vise plus que l’expression orale. Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., en donne la définition suivante :

[TRADUCTION] […] 2. transitif a prononcer (des mots). b faire connaître ou communiquer (une opinion, la vérité, etc.) de cette manière. 3 intransitif a […] tenir une conversation (lui a parlé pendant une heure, leur a parlé au sujet de leur travail). b mentionner dans un écrit etc. (en parle dans son roman). c […] exprimer les sentiments (d’une autre personne, etc.) verbalement ou par écrit (il parle pour notre génération). 4 intransitif a  s’adresser à; converser avec (une personne etc.) […] .

 

 

[35]           La juge Layden-Stevenson n’a pas limité pas le terme « speak » à l’expression orale. Elle a plutôt dit que le paragraphe 4(1) de la Loi donne à l’appelant le droit de s’adresser à la Chambre dans la langue de son choix. Elle était d’avis que la demande de l’appelant de faire diffuser ses documents n’était pas visée par cette disposition. Je suis d’accord avec elle pour les motifs suivants.

 

[36]           La règle est bien établie que les droits linguistiques doivent faire l’objet d’une interprétation large et libérale (Doucet-Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3; R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768).

 

[37]           Il faut ainsi s’inspirer de la nature et des objets plus généraux de la Charte et de la Loi, des origines historiques des notions consacrées par ces textes, de la formulation du droit en question et des conséquences à tirer du contexte, notamment des autres parties de la Charte ou de la Loi. (R. c. Big M Drug Mart Ltd, [1985] 1 R.C.S. 295, à la page 344; Renvoi sur la Motor Vehicle Act (Colombie‑Britannique), [1985] 2 R.C.S. 486, aux pages 499 et 500; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2006 Student ed. (Toronto, Carswell, 2006), à la page 770; Henry Brun &

Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4e éd. (Cowansville, Qc : Yvons Blais, 2002), à la page 929).

 

[38]           Le paragraphe 4(1) de la Loi reprend le droit qui a d’abord été consacré par l’article 133 de la Loi constitutionnelle et proclamé à nouveau par le paragraphe 17(1) de la Charte. Aux termes de ces trois dispositions, toute personne qui participe aux travaux parlementaires a le droit d’« employer » (« to use ») l’anglais ou le français. Le paragraphe 4(1) de la Loi et le

paragraphe 17(1) de la Charte créent un régime d'unilinguisme au choix de l'intéressé, qui ne peut être contraint par le Parlement à s’exprimer, oralement ou par écrit, dans une langue autre que celle qu’il choisit (voir MacDonald c. Ville de Montréal, [1986] 1 R.C.S. 460, au paragraphe 60).

 

[39]           Cependant, dans d’autres dispositions relatives aux droits linguistiques, comme le paragraphe 20(1) de la Charte et l’article 25 de la Loi, le législateur a opté pour le terme « communiquer » (« to communicate »). Je suis d’avis que cela était délibéré.

 

[40]            Le terme « communiquer » suppose une interaction, des actions bilatérales entre les parties. Le verbe « employer » n’englobe pas une telle interaction. Ce droit est unilatéral: on a le droit de s’adresser à la Chambre des communes dans la langue officielle de son choix. En l’espèce, M. Knopf a fait connaître son opinion sur des sujets précis intéressant le Comité et il a déposé ses documents. Là s’arrête le droit qu’il peut invoquer en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi.

 

[41]           À mon sens, le paragraphe 4(1) de la Loi n’oblige pas le Comité à diffuser à ses membres des documents dans une des langues officielles. Selon le paragraphe 4(1) de la Loi, l’appelant a seulement le droit de s’adresser au Comité dans la langue de son choix. Lorsque ce droit a été exercé, cette disposition n’oblige pas le Comité à agir de telle ou telle manière relativement aux renseignements qui lui ont été présentés verbalement ou par écrit.

 

[42]           La juge Layden-Stevenson a correctement conclu que la diffusion de documents n’était pas visée par le paragraphe 4(1) de la Loi. Le droit d’employer la langue officielle de son choix ne comprend pas le droit d’imposer au Comité la diffusion immédiate et la lecture de documents déposés par le témoin à l’appui de sa déposition. C’est bien évidemment au Comité qu’il revient de décider quoi faire des renseignements présentés par le témoin, et à quel moment. Je conclus donc qu’il n’y a pas eu atteinte aux droits linguistiques de l’appelant.

 

[43]           Aux termes de l’article 81 de la Loi, la Cour fédérale, qui est le « tribunal » au sens de l’article 76 de la même partie de la Loi, peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, accorder les dépens à l’auteur du recours. La Cour fédérale peut exercer son pouvoir discrétionnaire même si l’auteur du recours est débouté, dans les cas où elle estime que l’objet du recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la Loi (voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1999] A.C.F. no 522 (C.A.), au paragraphe 36; Bellemarre c. Canada (P.g.), 2004 CAF 31, aux paragraphes 11 à 15 – autorisation refusée, [2004] C.S.C.R. no 379).

 

[44]           La juge Layden-Stevenson a exercé son pouvoir discrétionnaire et l’appelant n’a pas convaincu la Cour qu’elle devait intervenir.

 

[45]           Le procureur général demande les dépens à la suite de l’appel, conformément à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106.

 

 

[46]           Je propose de rejeter l’appel sans dépens en ce qui concerne le président et avec dépens contre le procureur général.

                                                                                                               « Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

     Robert Décary j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     A.M. Linden j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-402-06

 

APPEL INTERJETÉ DE L’ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE (LA JUGE LAYDEN-STEVENSON) EN DATE DU 26 JUIN 2006 DANS LE DOSSIER NUMÉRO T-770-05.

 

INTITULÉ :                                                                           HOWARD P. KNOPF c. LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DES COMMUNES ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 4 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE DÉCARY

                                                                                                LE JUGE LINDEN

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 5 NOVEMBRE 2007

 

COMPARUTIONS  :

 

Howard P. Knopf

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Steven R. Chaplin

Melanie J. Mortensen

POUR L’INTIMÉ

le président de la Chambre des communes

 

Alain Préfontaine

Agnieszka Zagorska

POUR L’INTIMÉ

le procureur général du Canada

 

 

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chambre des communes

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

le président de la Chambre des communes

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

le procureur général du Canada

 

 

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