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Date : 20071127

Dossier : A-130-07

Référence : 2007 CAF 374

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

LE GOUVERNEUR EN CONSEIL,
LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                             LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20071127

Dossier : A-130-07

Référence : 2007 CAF 374

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

et

LE GOUVERNEUR EN CONSEIL,
LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE SEXTON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Apotex Inc. (Apotex) à l’encontre d’une ordonnance du juge Shore (juge des requêtes), qui a accueilli la requête des intimés visant à obtenir la radiation de l’avis de demande d’Apotex et rejeté l’instance au motif qu’Apotex n’avait pas la qualité pour introduire la demande de contrôle judiciaire.

 

[2]               Apotex demande à la Cour de se prononcer sur la validité d’une récente modification à l’article C.08.044.1 du  Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, apportée par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (Règlement sur la protection des données) (nouveau Règlement sur la protection des données). Les intimés soutiennent essentiellement que le contrôle judiciaire demandé par Apotex est prématuré : la demande d’Apotex devrait être radiée puisqu’Apotex n’est pas présentement touchée par le nouveau Règlement sur la protection des données même si elle le sera certes dans un avenir prévisible.

 

[3]               Le présent appel porte sur la question de savoir quand les tribunaux doivent trancher les questions préliminaires dans une requête en radiation, ainsi que sur les considérations à prendre en compte dans l’examen de la question de la qualité pour agir dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire principalement fondée sur la validité d’une disposition. Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel.

 

 

Contexte

[4]               Apotex est une compagnie qui fabrique et distribue des médicaments génériques. Elle conteste le nouveau Règlement sur la protection des données entré en vigueur récemment, lequel a été publié le 18 octobre 2006. Dans son avis de demande produit moins d’un mois plus tard, Apotex a soutenu que le nouveau Règlement sur la protection des données ne peut être pris en application de la loi habilitante  (paragraphe 30(3) de la Loi sur les aliments et drogues, L.R. 1985, ch. F-27), et que dans la mesure où le Nouveau Règlement sur la protection des données est ultra vires, la loi habilitante l’est aussi. 

[5]               La disposition essentielle du nouveau Règlement sur la protection des données est le paragraphe C.08.004.1(3), qui est ainsi libellé (je souligne) :

(3) Lorsque le fabricant demande la délivrance d'un avis de conformité pour une drogue nouvelle sur la base d'une comparaison directe ou indirecte entre celle-ci et la drogue innovante :

 

a) le fabricant ne peut déposer pour cette drogue nouvelle de présentation de drogue nouvelle, de présentation abrégée de drogue nouvelle ou de supplément à l'une de ces présentations avant l'expiration d'un délai de six ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l'innovateur pour la drogue innovante;

 

 

b) le ministre ne peut approuver une telle présentation ou un tel supplément et ne peut délivrer d'avis de conformité pour cette nouvelle drogue avant l'expiration d'un délai de huit ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré à l'innovateur pour la drogue innovante.

 

(3) If a manufacturer seeks a notice of compliance for a new drug on the basis of a direct or indirect comparison between the new drug and an innovative drug,

 

 

(a) the manufacturer may not file a new drug submission, a supplement to a new drug submission, an abbreviated new drug submission or a supplement to an abbreviated new drug submission in respect of the new drug before the end of a period of six years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug; and

 

(b) the Minister shall not approve that submission or supplement and shall not issue a notice of compliance in respect of the new drug before the end of a period of eight years after the day on which the first notice of compliance was issued to the innovator in respect of the innovative drug.

 

[6]               Le nouveau Règlement sur la protection des données a deux effets évidents : (1) une interdiction de six ans pour le dépôt d’une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré pour la drogue de l’innovateur; et (2) une interdiction de huit ans pour la délivrance d’un avis de conformité pour un médicament générique suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré pour la drogue innovante.

 

[7]               Apotex est le plus important fabricant de médicaments génériques au Canada. Comme la plupart des fabricants de produits génériques, Apotex conçoit et commercialise des produits qui sont bioéquivalents aux produits dont Santé Canada a déjà reconnu l’innocuité et l’efficacité. Dans un affidavit de son président, M. Bernard Sherman, Apotex a présenté des éléments de preuve selon lesquels le nouveau Règlement sur la protection des données [Traduction] « touche directement la façon, le moment et la mesure dont Apotex et d’autres fabricants de médicaments génériques doivent procéder pour obtenir l’approbation du ministère de la Santé pour la commercialisation de leurs médicaments ainsi que la façon de procéder et le moment pour le faire ». De plus, M. Sherman a indiqué que [Traduction] « ce règlement retardera considérablement la commercialisation des médicaments génériques d’Apotex donnant lieu à un manque à gagner et à des dépenses de développement des médicaments plus importantes ».

 

[8]               Dans sa décision qui est l’objet du présent appel, le juge des requêtes a d’abord analysé la question de savoir si Apotex avait la qualité requise pour pouvoir introduire la demande, et a ensuite examiné la question de savoir si la demande devait être radiée. Le juge des requêtes est arrivé à la conclusion qu’Apotex n’était pas directement touchée par le nouveau Règlement sur la protection des données et n’avait pas non plus la qualité pour agir dans l’intérêt public. Il convient de signaler la suggestion du juge des requêtes quant à la façon dont Apotex pourrait obtenir la qualité, aux paragraphes 25 et 27 de sa décision (souligné dans l’original) :

Rien ne permet de penser que le Règlement sur la protection des données a été appliqué de manière à imposer effectivement une restriction à Apotex – ou à tout autre fabricant de médicaments cherchant à obtenir un avis de conformité. Comme dans les affaires précitées, la possibilité qu’Apotex puisse à un moment donné dans l’avenir être touchée par le Règlement ne lui confère pas présentement la qualité pour agir.

 

[…]

 

Un jour, un cas répondant aux conditions prescrites se présentera sous l’une ou l’autre des deux formes suivantes, compte tenu surtout de l’esprit procédurier qui règne dans cette industrie. Un fabricant de médicaments génériques réclamera un avis de conformité pour sa version d’un médicament déterminé fabriqué par un innovateur, et le ministre prendra une décision qui aura pour effet de mettre en œuvre le Règlement sur la protection des données. Dans la première hypothèse, le ministre pourrait refuser d’accepter ou d’approuver la demande ou refuser de délivrer un avis de conformité. Le fabricant de médicaments génériques pourrait alors introduire une demande de contrôle judiciaire en invoquant des moyens légitimes (y compris, s’il le juge opportun, ceux qui sont invoqués en l’espèce). Dans cette demande, la demanderesse désignerait comme défendeur le fabricant innovateur du médicament auquel le médicament générique est comparé. Dans la seconde hypothèse, le ministre pourrait accepter la demande, l’approuver et délivrer un avis de conformité. Le fabricant du médicament innovateur pourrait alors introduire une demande de contrôle judiciaire en invoquant des moyens appropriés. Dans cette demande, le demandeur désignerait comme défendeur le fabricant du médicament générique faisant l’objet de l’avis de conformité.

 

 

[9]               Il est à noter dans la décision de l’instance inférieure le bref renvoi à la décision L’Association canadienne du médicament générique c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CF 154, une affaire portant aussi sur la validité du nouveau Règlement sur la protection des données, dans laquelle le juge Harrington a refusé d’accueillir une requête en radiation visant l’Association canadienne du médicament générique et a aussi accordé l’autorisation d’intervenir aux Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Dans cette décision, le juge Harrington a refusé en fin de compte de statuer sur la qualité pour agir, préférant reporter l’examen de cette question au moment où la demande de contrôle judiciaire sera entendue au fond. Il a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 26 :

À mon avis, l’Association a soulevé des questions sérieuses. Il ne m’apparaît pas évident qu’elle n’a pas la qualité pour agir par elle‑même ou pour représenter, sans formalisme, une catégorie de parties, ou que l’intérêt public milite contre le fait de lui accorder la qualité pour agir. Par conséquent, je rejette la requête, sans préjudice du droit qu’ont les défendeurs de présenter les mêmes points lorsque la demande de contrôle judiciaire sera entendue au fond.

 

 

[10]           Le juge des requêtes a fait allusion à la décision du juge Harrington, mais sans en examiner les motifs. L’appel de la décision du juge Harrington est instruit en même temps que la présente affaire. 

 

Questions en litige

[11]           Avant d’aborder les questions en litige, il convient de souligner qu’il s’agit avant tout de l’appel d’une requête en radiation. Ce n’est pas un appel d’une décision préliminaire sur une question de droit.  Par conséquent, le présent appel ne soulève réellement qu’une seule question :  est-il évident et manifeste que la demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance de succès?

 

[12]           Ceci étant dit, cette question peut être divisée en quatre points :

·        Quelle est la norme de contrôle? 

·        Quel est le critère applicable en matière de requête en radiation?

·        Était-il manifeste et évident qu’Apotex n’était pas « directement touchée » par le nouveau Règlement?

·        Était-il manifeste et évident qu’Apotex n’avait la qualité pour agir dans l’intérêt public?

[13]           Il n’est pas toujours indiqué de se prononcer sur une requête en radiation dans le cadre d’une décision exécutoire sur la question de la qualité pour agir, surtout quand la requête vise à radier une demande de contrôle judiciaire. Le juge devrait plutôt exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il est indiqué dans les circonstances de rendre une décision sur la qualité pour agir ou de régler la question en même temps que l’on statue sur le fond de la cause. Le juge Evans (maintenant juge en chef) a examiné brièvement les considérations dont un juge devrait tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.) (Sierra Club), au paragraphe 25 (je souligne) :

À mon avis, ce n'est que dans les cas les plus évidents qu'un tribunal devrait accepter de mettre fin à une demande de contrôle judiciaire à l'étape d'une requête préliminaire en radiation pour défaut de qualité pour agir. En effet, à ce moment-là, il est possible que le tribunal ne dispose pas de tous les faits pertinents et ne bénéficie pas d'une argumentation juridique complète sur le cadre législatif dans lequel s'inscrit la mesure administrative en question. Si la solidité de la cause du demandeur, ainsi que d'autres facteurs, sont pertinents au moyen fondé sur la reconnaissance discrétionnaire de la qualité pour agir, il peut arriver que le tribunal ne puisse pas rendre une décision totalement éclairée justifiant le refus de reconnaître la qualité pour agir.

 

Je suis d’accord avec le juge Evans que ce pouvoir doit être exercé avec modération. Ceci est confirmé par le principe selon lequel les demandes de contrôle judiciaire sont censées être tranchées sommairement, et qu’il convient d’éviter les requêtes interlocutoires. C’est effectivement, comme on le verra plus loin, la raison pour laquelle le critère applicable à la requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire est que la demande n’ait « aucune chance d’être accueillie ».

 

[14]           Par conséquent, je conclus que le juge des requêtes a commis une erreur en commençant son analyse par une décision préliminaire sur la qualité pour agir. Il a omis d’exercer expressément son pouvoir discrétionnaire de rendre une décision préliminaire sur la qualité pour agir, tel que prévu dans Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, 33 D.L.R. (4th) 321, au paragraphe 16, et dans Sierra Club, précité, au paragraphe 26. Si un juge n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire d’examiner une question de droit préliminaire dès le début, toutes les questions juridiques examinées dans le cadre d’une requête en radiation doivent être soumises au critère applicable à la requête en radiation. Ainsi, sauf exercice manifeste du pouvoir discrétionnaire judiciaire, il est erroné de rendre une décision définitive sur la qualité pour agir et ensuite décider de la requête. Au contraire, la norme juridique pour accueillir une requête en radiation doit guider l’examen de l’ensemble des questions juridiques.

 

Analyse

1)         Quelle est la norme de contrôle?

[15]           Les intimés soulignent avec raison que la décision d’accueillir ou de rejeter une requête en radiation est une décision de nature discrétionnaire. Une décision discrétionnaire en première instance appelle habituellement une certaine retenue de la part de la cour d’appel. Toutefois, la cour d’appel sera libre de substituer l’exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui exercé par le juge de première instance si elle conclut clairement que le juge de première instance n’a pas accordé suffisamment d’importance à des facteurs pertinents ou s’est fondé sur un mauvais principe de droit : Elders Grain Co. c. Ralph Misener (The), 2005 CAF 139, au paragraphe 13. Notre Cour peut aussi annuler la décision discrétionnaire de l’instance inférieure lorsqu’elle est convaincue que le juge a mal apprécié les faits, ou encore qu’une injustice évidente serait autrement causée :  Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50, 38 C.P.R. (4th) 1, au paragraphe 9.

 

2)         Quel est le critère applicable en matière de requête en radiation? 

[16]           Une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire est un outil très exceptionnel et ne devrait être accueillie que si la demande de contrôle judiciaire est si manifestement irrégulière qu’elle n’a aucune chance de succès : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.); Bouchard c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1999) 187 D.L.R. (4th) 314, 255 N.R. 183 (C.A.F.), au paragraphe 12; Syntex (U.S.A.) L.L.C. c. Canada (Ministre de la Santé), 2002 CAF 289, 292 N.R. 147, 20 C.P.R. (4th) 29, au paragraphe 5; Scheuneman c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 194, au paragraphe 7. Dans le cadre d’une action (contrairement à une demande), le critère applicable à une requête en radiation, tel que la Cour suprême du Canada l’a exposé en matière de jugement sommaire dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, 74 D.L.R. (4th) 321, consiste à se demander s’il est « manifeste et évident » que les plaidoiries ne révèlent aucune cause raisonnable d’action. Sans me prononcer sur la pertinence d’appliquer à la radiation d’une demande le même critère qu’à la radiation d’une action, j’estime utile de reprendre la formulation de la décision Hunt c. Carey pour définir les questions juridiques devant être examinées en l’espèce.

 

3)         Était-il manifeste et évident qu’Apotex n’était pas « directement touchée » par le nouveau Règlement? 

[17]           Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, limite le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire aux personnes « directement touché[es] » par l’objet de la demande :

Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

[18]           Le juge des requêtes a conclu qu’en l’espèce Apotex n’était pas directement touchée par le nouveau Règlement. On peut lire ce qui suit au paragraphe 21 de ses motifs :

Le Règlement sur la protection des données impose des restrictions particulières à certains fabricants qui cherchent à obtenir un avis de conformité pour un nouveau médicament. Tant qu’il ne se présentera pas une situation dans laquelle un fabricant demande un avis de conformité et que le ministre donne suite à cette demande ou refuse d’y accéder, conformément au Règlement sur la protection des données, la « question » n’aura pas d’effet direct et personne ne sera directement touché. Tant que cette situation ne se présentera pas, la Cour ne sera pas régulièrement saisie de la question et le demandeur ne sera pas régulièrement constitué partie devant la Cour.

 

 

[19]           Cette affirmation ignore le libellé du Nouveau Règlement sur la protection des données ainsi que le contexte de la demande d’Apotex. D’abord, la façon dont Apotex pourrait demander un avis de conformité n’est pas claire. Pour obtenir un avis de conformité, le Règlement sur les avis de conformité exige qu’Apotex dépose notamment une présentation de drogue nouvelle (PDN) ou une PADN. Toutefois, le nouveau Règlement sur la protection des données interdit à Apotex de déposer une PDN ou une PADN avant l’expiration d’un délai de six ans suivant la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré pour la drogue innovante. De plus, le ministre n’a pas de pouvoir discrétionnaire lui permettant de délivrer un avis de conformité. Le nouveau Règlement prévoit que le ministre « ne peut délivrer » d’avis de conformité avant l’expiration d’un délai de huit ans après la délivrance de l’avis de conformité de l’innovateur.

 

[20]           Pour reprendre les termes de l’appelante, [traduction] « …Apotex fait actuellement l’objet d’une interdiction législative directe » (souligné dans l’original). De plus, les fabricants de médicaments génériques, dont Apotex, peuvent être moins enclins à développer des médicaments génériques s’ils savent que le ministre ne procèdera pas à une étude de comparaison à cause du nouveau Règlement. Cette situation a actuellement des répercussions, qui ne sont pas hypothétiques. Il n’était pas manifeste et évident que l’interdiction n’affectait pas les intérêts juridiques et commerciaux d’Apotex; je ne vois pas comment le juge des requêtes a pu arriver à une autre conclusion.  

 

[21]           De plus, il y a lieu de souligner qu’il s’agit de la contestation de la validité d’une disposition. En fait, il n’est pas certain qu’il soit nécessaire d’avoir un contexte factuel. Les contestations en matière de validité surviennent souvent dans un vide factuel. En l’espèce, la contestation concerne la prise d’un règlement en vertu d’une loi habilitante. La situation factuelle envisagée par le juge des requêtes n’aiderait en aucun cas à trancher des questions comme le pouvoir d’édicter un règlement ou les arguments fondés sur le fédéralisme en ce qui concerne la loi habilitante.

 

[22]           Sans statuer sur le fond de cette question, il nous semble qu’Apotex a un argument très solide pour ce qui est d’être « directement touchée » par le nouveau Règlement sur la protection des données, et donc, il n’est pas manifeste et évident que la demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance d’être accueillie. 

 

4)         Était-il manifeste et évident qu’Apotex n’avait pas la qualité pour agir dans l’intérêt public? 

[23]           Comme la conclusion qu’il n’était pas manifeste et évident qu’Apotex n’était pas directement touchée par le nouveau Règlement sur le protection des données suffit à trancher le présent appel, je n’ai pas à examiner cette question.

Conclusion

[24]           En conclusion, il n’était pas manifeste ni évident qu’Apotex n’était pas directement touchée par le nouveau Règlement sur la protection des données. Je souligne que dans son mémoire des faits et du droit, Apotex n’a pas demandé que la question de la qualité pour agir soit tranchée comme question préliminaire. Au contraire, Apotex voulait seulement le rétablissement de sa demande. J’accueillerais donc l’appel et renverrais l’affaire pour qu’elle soit tranchée par le juge qui entendra la demande, sous réserve du droit des intimés de soulever les mêmes points quand la demande de contrôle judiciaire sera entendue au fond. L’appelante a droit à ses dépens devant notre Cour et devant l’instance inférieure.

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a.

« Je suis d’accord

     Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     Johanne Trudel, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


 

 

 

 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER : A-130-07

 

APPEL D’UN JUGEMENT OU D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 22 NOVEMBRE 2006, DOSSIER Nº T-2047-06.

 

INTITULÉ :                              APOTEX INC. c. LE GOUVERNEUR EN CONSEIL, LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                                                  

                                                              

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 14 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Sexton

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Noël

                                                                                                La juge Trudel 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 27 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

M. Nando Deluca

M. Miles Hastie

POUR L’APPELANTE

 

 

M. F.B. Woyiwada
M. David Cowie

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.
Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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