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Date : 20071212

Dossier : A-309-03

Référence : 2007 CAF 397

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SNC LAVALIN INC.

appelante

et

LE MINISTRE DE LA COOPÉRATION INTERNALE

et LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

intimés

et

 

LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

 

intervenant

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2007

Jugement prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                       LA JUGE SHARLOW

 


 

Date : 20071212

Dossier : A-309-03

Référence : 2007 CAF 397

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

SNC LAVALIN INC.

appelante

et

LE MINISTRE DE LA COOPÉRATION INTERNALE

et LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

intimés

et

 

LE COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA

 

intervenant

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2007)

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s’agit de l’appel du jugement (2003 CFPI 681), en date du 30 mai 2003, par lequel le juge Gibson a rejeté le recours présenté par la société SNC Lavalin Inc. (SNC) aux termes de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1.

 

[2]               Un recours présenté aux termes de l’article 44 soulève des questions mixtes de fait et de droit. La norme en matière d’appel est celle de l’erreur manifeste et dominante, à moins qu’une erreur de principe n’ait été commise, auquel cas la norme est celle de la décision correcte (Janssen‑Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 252 au paragraphe 5; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 27 et 28).

 

[3]               Dans son appel, SNC invoque une erreur de droit. Nous estimons toutefois qu’à l’exception de ce qui concerne l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information, l’appel porte essentiellement sur l’appréciation par le juge Gibson des éléments de preuve et du poids qu’il leur a accordé. La norme de contrôle applicable est donc celle de l’erreur manifeste et dominante, sauf dans le cas des questions relatives à l’article 19.

 

[4]               Le recours présenté aux termes de l’article 44 qui fait l’objet du présent appel découle d’un avis envoyé à SNC selon lequel celle‑ci était un tiers ayant un intérêt dans la décision des ministres intimés de divulguer certains documents en réponse à une demande d’accès à l’information. Les ministres agissaient par l’intermédiaire du coordonnateur de l’accès à l’information de l’Agence canadienne de développement international (ACDI). La demande d’information portait sur des documents de travail préparés par des vérificateurs concernant un certain projet auquel participaient SNC et l’ACDI.

 

[5]               Les seuls éléments encore contestés concernent quatre déclarations qui se trouvent dans le procès-verbal d’une réunion à laquelle ont assisté des employés de SNC et des représentants de l’ACDI. À l’appui de sa prétention selon laquelle ces quatre éléments ne devraient pas être divulgués, SNC invoque les alinéas 20(1)b) et c) et l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information. Tout élément visé par une de ces dispositions ne peut être divulgué.

 

L’alinéa 20(1)b)

[6]               Le juge Gibson a estimé que les éléments contestés n’étaient pas des « renseignements de nature confidentielle » au sens de l’alinéa 20(1)b). Dans la décision qui fait autorité au sujet de l’alinéa 20(1)b), Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194, le juge MacKay propose d’examiner trois questions pour décider si des renseignements sont « de nature confidentielle ». Voici ces trois questions (à la page 210, paragraphe 42) :

 

[…] la question de savoir si un renseignement est de nature confidentielle dépend de son contenu, de son objet et des circonstances entourant sa préparation et sa communication, c’est-à‑dire :

a)                  le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;

b)                  les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;

c)                  les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

 

[7]               Le juge Gibson n’a pas expressément cité les questions exposées dans Air Atonabee, mais ses motifs indiquent clairement que les réponses à la deuxième et à la troisième question sont négatives. Cette conclusion ne peut être modifiée en l’absence d’erreur manifeste et dominante. La seule preuve portant sur ce point figure dans l’affidavit présenté par SNC, dans lequel le souscripteur du document déclare qu’à son avis tous les participants à la réunion avaient l’intention de préserver la confidentialité des éléments contestés et qu’il serait dans l’intérêt public de préserver la confidentialité de ces renseignements de façon à favoriser la franchise et la transparence dans les communications entre SNC et l’ACDI. Cette preuve n’a pas été contredite. Il y a toutefois lieu de se demander si elle est suffisante. Il semble ressortir des motifs du juge Gibson qu’il n’était pas convaincu qu’elle l’était. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que cette conclusion comporte une erreur manifeste et dominante.

 

[8]               SNC fait référence aux observations du juge Gibson selon lesquelles il n’existait pas de preuve établissant que SNC avait fait savoir à l’ACDI qu’elle souhaitait préserver la confidentialité de ces renseignements ou qu’il existait une entente mutuelle ou une pratique reconnue voulant que ces renseignements soient traités comme des renseignements confidentiels. SNC soutient que le juge Gibson a commis une erreur de droit en concluant qu’en l’absence d’une telle preuve, le recours présenté aux termes de l’article 44 sur le fondement de l’alinéa 20(1)b) ne pouvait être accueilli.

 

[9]               À notre avis, cet argument se fonde sur une mauvaise interprétation des motifs du juge Gibson. Nous n’admettons pas qu’il ait modifié ou qu’il ait eu l’intention de modifier les principes applicables à l’examen d’un recours présenté aux termes de l’article 44 sur le fondement de l’alinéa 20(1)b), résumés dans Air Atonabee. Il a simplement formulé quelques commentaires sur l’absence de certains éléments de preuve, comme il avait le droit de le faire. Ces commentaires constituent une partie importante de ses motifs et ne contiennent aucune erreur de droit.

 

[10]           Nous concluons que le juge Gibson n’a pas commis d’erreur susceptible de révision lorsqu’il a rejeté le recours présenté par SNC aux termes de l’article 44 dans la mesure où le fondement de ce recours était l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès à l’information.

 

L’alinéa 20(1)c)

[11]           Air Atonabee est également l’arrêt qui fait autorité sur l’alinéa 20(1)c). Le juge MacKay a expliqué cette disposition de la façon suivante, à la page 210 (au paragraphe 34, renvois omis) :

En plus des cas où les critères énoncés dans d’autres paragraphes qui s’appliquent, l’alinéa 20(1)c) prévoit deux cas où les renseignements sont soustraits à l’obligation de communication, lorsque l’une ou l’autre des situations suivantes se présente :

1)

 

lorsque la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers;

 

2)

 

lorsque la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de nuire à la compétitivité d’un tiers.

 

 

Ces deux dernières situations exigent un risque vraisemblable de préjudice probable […] et des hypothèses ou une simple possibilité de préjudice ne peuvent satisfaire à ce critère […]

 

[12]           SNC soutient que la preuve qu’elle a présentée à l’appui de sa position fondée sur l’alinéa 20(1)c) est suffisante pour établir un risque vraisemblable de préjudice probable. Cette preuve, à savoir l’affidavit mentionné ci‑dessus, contient l’opinion du souscripteur du document au sujet du préjudice qui résulterait, à son avis, de la divulgation des éléments contestés. Le juge Gibson a conclu que cette preuve était trop hypothétique pour répondre aux critères de l’alinéa 20(1)c). Nous estimons que le juge Gibson n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante lorsqu’il a tiré cette conclusion. Nous concluons que le juge Gibson n’a pas commis d’erreur susceptible de révision lorsqu’il a rejeté la demande présentée par SNC aux termes de l’article 44 dans la mesure où celle‑ci était fondée sur l’alinéa 20(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information.

 

L’article 19

[13]           Le juge Gibson a rejeté la partie de la demande qui était fondée sur l’article 19 pour le motif que, selon les principes d’interprétation législative, l’article 19 ne peut être invoqué dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 44. Malgré le fait qu’il a tiré cette conclusion au sujet de la portée de l’article 44, les motifs du juge Gibson n’indiquent pas clairement s’il a examiné le bien‑fondé du recours présenté par SNC dans la mesure où il reposait sur l’article 19. Aux fins du présent appel, nous allons tenir pour acquis qu’il n’en a pas examiné le bien-fondé du recours.

 

[14]           Le juge Gibson n’a pas eu l’avantage de prendre connaissance de l’arrêt de la Cour suprême du Canada H.J. Heinz Co. of Canada Ltd. c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441. Il a été décidé dans cette affaire qu’il était possible d’invoquer l’article 19 dans un recours fondé sur l’article 44. La Cour est saisie de la question de savoir si les renseignements contestés constituent des renseignements personnels au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. SNC soutient que c’est le cas. Les ministres et l’intervenant, le commissaire à l’information, font valoir que les éléments contestés ne sont pas visés par la définition à cause de l’exemption découlant de l’alinéa k) de la définition, qui est rédigé comme suit :

 

k) un individu qui, au titre d’un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale et portant sur la nature de la prestation, notamment les conditions du contrat, le nom de l’individu ainsi que les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de la prestation […].

(k) information about an individual who is or was performing services under contract for a government institution that relates to the services performed, including the terms of the contract, the name of the individual and the opinions or views of the individual given in the course of the performance of those services […].

 

[15]           Compte tenu de notre examen des éléments contestés dans leur contexte, nous sommes d’accord avec les ministres et avec le commissaire à l’information sur ce point.

 

[16]           SNC soutient également que les éléments contestés permettent d’identifier certains autres individus et qu’aucune des exemptions prévues ne s’applique à ces personnes. Les ministres soutiennent que les termes utilisés dans les éléments contestés sont de nature trop générale pour autoriser une telle interprétation. Là encore, nous sommes d’accord avec les ministres.

 

[17]           Nous concluons qu’il y a lieu de rejeter le recours fondé sur l’article 44 dans la mesure où il repose sur l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information.

 

Conclusion

[18]           Le présent appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                               A-309-03

 

INTITULÉ :                                                              SNC LAVALIN INC.

                                                                                   c.

                                                                                   LE MINISTRE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                       OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                      LE 12 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                     LES JUGES DESJARDINS, SHARLOW ET TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                 LA JUGE SHARLOW

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martha Healey

POUR L’APPELANTE

 

Christopher Rupar

 

Daniel Brunet

Patricia Boyd

POUR LES INTIMÉS

 

POUR L’INTERVENANT

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Bureau du commissaire à l’information du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

POUR L’INTERVENANT

 

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