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Date : 20071212

Dossier : A-26-06

Référence : 2007 CAF 391

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ROSE THOMPSON

défenderesse

 

 

Audience tenue à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le 6 décembre 2007

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LA JUGE DESJARDINS

LA JUGE TRUDEL

 

 


 

Date : 20071212

Dossier : A-26-06

Référence : 2007 CAF 391

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ROSE THOMPSON

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                     Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 9 décembre 2005, par laquelle le juge-arbitre Goulard a rejeté l’appel interjeté par la Commission de l’assurance‑emploi (la Commission) contre une décision du conseil arbitral (le conseil) sur le fondement que la défenderesse a quitté son emploi pour un motif valable en raison de la nécessité de suivre son conjoint de fait. Le procureur général du Canada soutient que la défenderesse ne vivait pas dans une union de fait et qu’elle n’avait donc pas droit à des prestations.

 

LES FAITS PERTINENTS

[2]                     La défenderesse a travaillé à Moncton, au Nouveau-Brunswick, du 28 février 2003 au 9 septembre 2004, date à laquelle elle a quitté son emploi pour déménager, le 12 septembre 2004, à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) pour suivre son conjoint.

 

[3]                     La demanderesse a alors demandé des prestations d’assurance-emploi et une date de demande initiale a été fixée. Dans sa demande de prestations, la demanderesse déclarait qu’elle avait quitté son emploi pour accompagner son conjoint de fait et emménager avec lui pour commencer une vie commune. Elle a ajouté que son partenaire et elle n’avaient pas vécu en union de fait avant son déménagement et qu’ils n’étaient pas mariés.

 

[4]                     Par conséquent, se fondant sur le sous‑alinéa 29c)(ii) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), la Commission a conclu que la défenderesse avait quitté son emploi sans justification.

 

[5]                     La défenderesse a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil. Devant le conseil, elle a expliqué que l’union de fait avait commencé environ 10 à 11 mois plus tôt au Nouveau-Brunswick. Elle a ajouté que l’entreprise de son conjoint de fait était située à l’Î.-P.-É, mais qu’il passait les fins de semaine avec elle, au Nouveau-Brunswick.

 

[6]                     Le conseil a estimé que le témoignage de la défenderesse lui avait permis de mieux comprendre la situation qui était décrite dans sa demande de prestations. Il a conclu (CUB 64918, p. 2) :

Dans le présent cas, le conseil estime que Mme Thompson avait une « justification » de quitter son emploi pour accompagner son conjoint de fait à l’Î.-P.-É. Par conséquent, il considère que l’appelante ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

 

[7]                     La Commission a interjeté appel devant le juge-arbitre, qui a confirmé la décision du conseil. La Cour est maintenant saisie de cette décision.

 

LA DÉCISION DU JUGE-ARBITRE

[8]               Le juge-arbitre a reconnu que la défenderesse avait « précisé » la nature de sa relation dans le témoignage qu’elle avait livré au conseil. Elle avait déclaré initialement à la Commission qu’elle n’avait pas vécu en union de fait avant de déménager dans l’Î.-P.-É. mais elle a expliqué au conseil, ce que le juge-arbitre accepté, qu’elle cohabitait avec son conjoint depuis 10 à 11 mois lorsqu’elle a déménagé. Plus précisément, son conjoint se déplaçait pour être avec elle pendant les fins de semaine chaque fois que son travail lui permettait de le faire. Bref, ils vivaient ensemble chaque fois qu’ils le pouvaient.

 

[9]               Le juge-arbitre a conclu sur ce point de la façon suivante (Motifs, p. 6) :

Je ne peux conclure que la décision du conseil en l’espèce est incompatible avec la preuve portée à la connaissance du conseil. Le conseil aurait pu tirer une conclusion différente, mais il ne l’a pas fait. Il a accepté la déclaration de la prestataire voulant que la relation entre les deux conjoints existait depuis plusieurs mois et qu’ils cohabitaient chaque fois que la distance qui les séparait le leur permettait. De l’avis du conseil, la relation entre les deux conjoints était suffisamment bien établie pour que la prestataire soit fondée à déménager et qu’elle ait droit à des prestations.

 

LA POSITION DES PARTIES EN APPEL

[10]                 Invoquant diverses décisions, le demandeur soutient que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé que la défenderesse avait démontré l’existence d’une union de fait pendant la période pertinente et que le juge-arbitre avait commis une erreur semblable en refusant d’intervenir. D’après le demandeur, le fait que la défenderesse ait vécu avec son conjoint pendant les fins de semaine, chaque fois que le travail de celui‑ci lui permettait de la rejoindre, ne suffit pas à établir l’existence d’une union de fait.

 

[11]                 De son côté, la défenderesse soutient qu’elle cohabitait avec son conjoint avant de demander des prestations, comme l’a admis le conseil et l’a confirmé le juge‑arbitre. Même si les conjoints n’ont vécu ensemble que de façon intermittente pendant cette période de 10 à 11 mois, cet élément suffit à établir une union de fait.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[12]                 Aux termes du sous-alinéa 29c)(ii) de la Loi, le prestataire est fondé à quitter son emploi pour accompagner son conjoint de fait vers un autre lieu de résidence. Il s’agit donc de savoir si la défenderesse avait établi l’existence d’une union de fait avant de quitter son emploi et de déménager dans l’Î.-P.-É. pour être avec son conjoint.

 

[13]                 Dans la présente affaire, il n’est pas nécessaire de décider si les fins de semaine que la défenderesse a passées avec son conjoint avant qu’elle ne quitte son emploi suffisent en droit pour établir l’existence d’une union de fait.

 

[14]                 Depuis 2000, la Loi définit l’expression « conjoint de fait » de la façon suivante (Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, 2000 L.C. ch. 2, article 106, entrée en vigueur le 31 juillet 2000 (TR/2000-76)) :

« conjoint de fait »
"common-law partner"

« conjoint de fait » La personne qui vit avec la prestataire dans une relation conjugale depuis au moins un an.

"common-law partner"
« conjoint de fait »

"common-law partner" , in relation to a claimant, means a person who is cohabiting with the claimant in a conjugal relationship, having so cohabited for a period of at least one year;

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[15]                 Ni le juge-arbitre ni le conseil n’ont examiné cette disposition et les décisions sur lesquelles ils se fondent sont toutes antérieures à cette modification. En l’espèce, il n’est pas possible d’affirmer que la défenderesse a vécu dans une relation conjugale « depuis au moins un an ». La défenderesse a déclaré sur ce point que « sa relation de concubinage avait débuté 10 à 11 mois plus tôt » (CUB 64918, p. 2), témoignage qui a été accepté par le conseil et par le juge‑arbitre.

 

[16]                 En toute déférence, j’estime qu’il y a lieu d’interpréter littéralement le témoignage de la défenderesse. Le fait que la relation ait débuté « 10 à 11 mois plus tôt » ne permet pas de conclure que la relation durait « depuis au moins un an ».

 

[17]                 Il en résulte que le conjoint de la défenderesse n’était pas un conjoint de fait au sens de la Loi au moment où elle a quitté son emploi pour le rejoindre et qu’il n’est par conséquent pas possible d’affirmer qu’il existait alors une union de fait.

 

[18]                 Pour ces motifs, je ferais droit à la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais l’affaire au juge-arbitre en chef ou à une personne désignée par lui pour qu’une nouvelle décision soit rendue sur le fondement que la défenderesse a quitté son emploi sans justification.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord

     Alice Desjardins, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-26-06

 

INTITULÉ :                                                   LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                        et

                                                                        ROSE THOMPSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             CHARLOTTETOWN (Î.-P.-É.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 6 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE DESJARDINS

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 12 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Korinda McLaine

POUR LE DEMANDEUR

 

Rose Thompson

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Halifax (N.-É.)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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