Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080108

Dossier : A-21-07

 

Référence : 2008 CAF 10

 

Toronto (Ontario), le 8 janvier 2008

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE SEXTON  

                        LE JUGE PELLETIER        

                                   

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

EASWARAKUMAR MURUGAIAH

intimé

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 janvier 2008.

Jugement prononcé à l’audience à Toronto (Ontario), le 8 janvier 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LE JUGE SEXTON

 


 

Date : 20080108

Dossier : A-21-07

 

Référence : 2008 CAF 10

 

Toronto (Ontario), le 8 janvier 2008

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE SEXTON  

                        LE JUGE PELLETIER        

                                   

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

EASWARAKUMAR MURUGAIAH

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 8 janvier 2008)

 

LE JUGE SEXTON

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le juge‑arbitre R.C. Stevenson (le juge-arbitre) a rejeté l’appel interjeté d’une décision par laquelle le conseil arbitral (le conseil) avait estimé que M. Murugaiah (l’intimé) avait quitté son emploi pour un motif valable et qu’il n’était donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.


LES FAITS

[2]               L’intimé a suivi un cours à temps plein pendant un an et demi à Montréal et obtenu un diplôme en électromécanique en vue d’améliorer ses compétences, ce qui devait vraisemblablement lui permettre de travailler comme mécanicien et électricien spécialisé en systèmes automatisés. Alors qu’il exerçait deux emplois, en l’occurrence celui de monteur de meubles et d’ouvrier d’entrepôt non spécialisé, il a cherché à obtenir un emploi dans ce domaine à Montréal. Les employeurs lui ont toutefois dit qu’il devait parler couramment français en raison de la nature technique de ce poste. L’intimé a expliqué qu’apprendre le français ne constituerait pas une solution raisonnable pour lui en raison des difficultés liées à l’apprentissage de cette langue, tant en raison de son âge (quarante-sept ans) que de ses problèmes de prononciation du français. L’intimé a quitté ses deux emplois pour déménager à Toronto pour se chercher un travail qui correspondrait davantage à la formation qu’il venait de recevoir. La Commission a estimé que l’intimé avait quitté volontairement son emploi sans motif valable.

 

[3]               Saisi de l’appel de cette décision, le conseil arbitral a conclu ce qui suit :

[traduction] Il ressort de tout ce qui précède que quitter son emploi pour aller s’installer dans une province anglophone constituait la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire. Le conseil estime que le prestataire était fondé de quitter son emploi et de déménager.

 

Le juge-arbitre a rejeté l’appel de la Commission.

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[4]               Le juge-arbitre n’a pas précisé la norme de contrôle applicable en l’espèce, contrairement à ce qu’il aurait dû faire. La question en litige dans le cas qui nous occupe est une question mixte de fait et de droit : il s’agit de savoir si l’intimé était fondé ou non de quitter ses deux emplois. Dans l’arrêt Budhai, notre Cour a déclaré que la norme de contrôle applicable en pareil cas est celle de la décision raisonnable simpliciter (au paragraphe 47). Nous ne voyons aucune raison de nous écarter de l’analyse faite dans l’arrêt Budhai.

 

ANALYSE

[5]               Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) dispose dans les termes les plus nets que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

 

[6]               Les motifs valables de quitter un emploi sont énumérés à l’alinéa 29c) de la Loi :

c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

(i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,

(ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,

(iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,

(iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

(v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,

(vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,

(vii) modification importante de ses conditions de rémunération,

(viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,

(ix) modification importante des fonctions,

(x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,

(xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,

(xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,

(xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,

(xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

 

 

[7]               Malgré la foule d’exemples de motifs valables de quitter un emploi qui sont énumérés à l’alinéa 29c), la question principale demeure la même : le départ du prestataire constituait-il la seule solution raisonnable dans son cas?

 

[8]               Il est de jurisprudence constante que le fait de quitter son emploi pour améliorer sa situation sur le marché du travail ne constitue pas un motif valable au sens de l’alinéa 29c) et de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. L’arrêt rendu par notre Cour dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Traynor s’applique tout à fait au cas qui nous occupe. Dans cet arrêt, le juge Marceau a déclaré ce qui suit, au nom de la Cour :

Il m'apparaît clairement, dans les circonstances entourant ce cas, que le conseil arbitral ne pouvait qu'entériner la décision de la Commission excluant l'intimée du bénéfice de toutes les prestations auxquelles elle aurait eu droit, parce qu'elle avait délibérément et sans justification quitté le marché du travail. Le juge-arbitre a eu tort de contester le bien-fondé de cette conclusion qui peut sembler dure et regrettable à l'intimée, qui a décidé de quitter son travail dans le seul dessein d'améliorer sa situation sur le marché. Malheureusement, la lettre aussi bien que le fondement et l'objectif du programme d'assurance-chômage écartent, à mon point de vue, toute autre conclusion.

           

Canada (Procureur général) c. Traynor, [1995] A.C.F. 836 (CAF) (QL), au paragraphe 11.

 

Voir également Canada (P.G.) c. Sacrey, [2003] A.C.F. 1501 (CAF), au paragraphe 16.

 

 

[9]               Rien ne permet non plus de penser que le conseil arbitral a tenu compte de l’autre solution raisonnable la plus évidente qui s’offrait à l’intimé, en l’occurrence se chercher du travail à Toronto tout en continuant à travailler à Montréal au lieu de déménager tout de suite. On pourrait soutenir qu’il s’agissait de l’autre solution raisonnable la plus évidente dont disposait l’intimé par rapport à celle consistant à quitter volontairement son emploi.

 

[10]           Qui plus est, notre Cour a récemment statué que le caractère convenable d’un emploi ne saurait constituer un motif valable de quitter volontairement un emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi (Canada (Procureur général) c. Campeau, 2006 CAF 376, au paragraphe 20). Vu la jurisprudence sur ce point, il est indéniable que cette conclusion du conseil était déraisonnable.

 

[11]           Bien que nous soyons très sensibles aux arguments avancés par l’intimé, nous estimons que nous devons, pour les motifs exposés, faire droit à la demande de contrôle judiciaire et annuler la décision du juge-arbitre. L’affaire devra être renvoyée au juge-arbitre en chef ou à la personne qu’il désignera avec pour directive d’examiner l’appel de la décision du conseil arbitral en conformité avec les présents motifs.

 

« J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-21-07

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE LE 16 NOVEMBRE 2006 PAR LE JUGE STEVENSON, SIÉGEANT COMME JUGE‑ARBITRE, DANS LE DOSSIER CUB 67195

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. EASWARAKUMAR MURUGAIAH 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 8 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LES JUGES DESJARDINS, SEXTON ET PELLETIER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE SEXTON

 

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Edwards

POUR L’APPELANT

 

Easwarakumar Murugaiah

L’INTIMÉ (pour son propre compte)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR L’APPELANT

 

Easwarakumar Murugaiah

Scarborough (Ontario)

L’INTIMÉ (pour son propre compte)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.