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Date : 20080411

Dossier : A-199-07

Référence : 2008 CAF 132

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

ÉQUIPE DE SKI CAPITALE NATIONALE OUTAOUAIS

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et JEAN BÉLANGER

 

intimés

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario) le 9 avril 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 11 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                              LE JUGE RYER


 

Date : 20080411

Dossier : A-199-07

Référence : 2008 CAF 132

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

ÉQUIPE DE SKI CAPITALE NATIONALE OUTAOUAIS

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et JEAN BÉLANGER

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Question à trancher

 

[1]               La Cour statue sur l’appel d’un jugement par lequel la juge Campbell de la Cour canadienne de l’impôt (la juge) a confirmé la décision par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a estimé que l’intimé Jean Bélanger exerçait un emploi assurable pour l’appelante aux termes d’un contrat de louage de services au cours de la période comprise entre le 1er septembre 2004 et le 13 décembre 2005, au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. C-23.

 

[2]               La juge a également confirmé la décision du ministre suivant laquelle M. Bélanger exerçait un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada.

 

[3]               L’appel dont nous sommes saisis porte sur ces deux conclusions de droit tirées par la juge. L’appelante affirme que l’intimé Jean Bélanger était un entrepreneur et que, conséquemment, le contrat qui existait entre les parties était de la nature d’un contrat d’entreprise.

 

Analyse des moyens d’appel

 

[4]               L’appelante affirme que la juge a commis une erreur de droit en examinant d’abord la réalité de la relation entre les parties en se fondant sur les faits au lieu de commencer par vérifier si l’intention des parties était compatible avec cette réalité. J’estime que ce grief est mal fondé.

 

[5]               Plus souvent qu’autrement, les parties ne déclarent pas leur intention par écrit et cette intention doit être établie. Lorsque cette intention est déclarée mais qu’elle est controversée comme c’est le cas en l’espèce, le caractère juridique présumé des rapports contractuels des parties et l’authenticité du contrat sont remis en question. Il est alors tout à fait légitime et à vrai dire nécessaire d’examiner l’ensemble des faits pour découvrir les rapports juridiques auxquels ces faits correspondent. C’est précisément ce que la juge a fait en l’espèce.

 

[6]               Au paragraphe 40 de ses motifs de jugement, la juge reconnaît qu’il existe des opinions contradictoires au sujet de la nature des rapports entre les parties. C’est dans ce contexte qu’elle affirme que [traduction] « les tribunaux doivent évaluer tous les faits pertinents pour déterminer s’ils correspondent à l’intention déclarée initialement par les parties ».

 

[7]               Au paragraphe 17 de son mémoire et à l’audience qui s’est déroulée devant nous, l’appelante a soutenu que la juge aurait dû commencer son analyse des rapports qui existaient entre les parties en présumant que M. Bélanger était un entrepreneur.

 

[8]               On crée de la confusion et on induit en erreur lorsque, s’agissant de l’intention des parties au contrat, on invoque l’existence d’une présomption parce qu’on force ainsi le ministre à réfuter cette présomption. À vrai dire, cette méthode va à l’encontre de l’économie de la loi et du système en matière d’assurabilité d’un emploi.

 

[9]               De fait, l’évaluation que le ministre fait de l’ensemble des rapports juridiques qui existent entre les parties à un contrat repose sur les hypothèses de fait que le ministre établit. Les faits présumés sont tenus pour avérés tant qu’ils n’ont pas été réfutés : voir Le Livreur Plus Inc. c. Ministre du Revenu national et Laganière, 2004 CAF 68, au paragraphe 12. C’est à la partie adverse ─ l’employeur ou l’employé selon le cas ─  qu’il incombe de réfuter les hypothèses et la présomption de véracité qui s’applique aux faits tenus pour avérés : idem, Dupuis c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2003 CAF 335, au paragraphe 4.

 

[10]           Dans le cas qui nous occupe, le ministre n’a pas fait d’exception à cette règle. Il a présumé un certain nombre de faits qui l’ont amené à conclure qu’il existait dans le cas de M. Bélanger une relation employeur-employé. Il a présumé que les parties étaient liées par ce type de rapports. Il incombait à l’appelante de réfuter cette présomption.

 

[11]           Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt, lorsqu’il est saisi de l’appel d’une décision du ministre, consiste à vérifier l'existence et l'exactitude de l’ensemble des faits ainsi que l'appréciation que le ministre en a fait et, au terme de cet exercice, à décider si la décision du ministre paraît toujours raisonnable (ibidem, au paragraphe 13). On ne peut reprocher à la juge d’avoir procédé de la sorte dans le cas qui nous occupe et, comme elle l’a expliqué, en citant les propos de notre Cour dans l’arrêt Combined Insurance Company of America c. M.R.N. et Drapeau, 2007 CAF 60, au paragraphe 35 : « Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire ».

 

[12]           L’appelante affirme aussi que la juge a commis une erreur de droit en axant son analyse sur les quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553. Elle soutient que sa situation est semblable à celle dont il était question dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet c. Ministre du Revenu national, 2006 CAF 87 (RWB), dans laquelle notre Cour a considéré comme des entrepreneurs indépendants les danseurs du Royal Winnipeg Ballet, malgré le contrôle étroit exercé par la troupe de ballet sur ses danseurs. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

 

[13]           Dans l’affaire RWB, les parties avaient conclu un accord cadre qui définissait leur statut et leurs rapports juridiques. Suivant le témoignage non contredit des parties, celles‑ci s’étaient entendues sur le fait que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et non des employés. À la différence de la présente espèce, il n’y avait pas de litige entre les parties au sujet de la nature de leurs rapports.

 

[14]           De plus, la notion de contrôle présentait un aspect différent dans l’affaire RWB. Ce contrôle était exigé par « la présentation d’une série de ballets pendant une saison de spectacles bien planifiée » (ibidem, au paragraphe 66). En d’autres termes, le contrôle visait à orchestrer un spectacle chorégraphique. Ce n’est pas le cas de M. Bélanger.

 

[15]           L’appelante invoque comme quatrième moyen d’appel le fait que la juge a ignoré certains éléments de preuve qui, à son avis, aurait fait pencher la balance de sorte qu’on n’aurait pas émis de doutes au sujet des rapports contractuels qui existaient entre les parties.

 

[16]           Il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations spécifiques formulées par l’appelante à cet égard soit parce qu’elles portent sur des questions qui, pour la plupart, ont déjà été abordées par la juge, soit parce qu’elles ne sont pas suffisamment importantes pour infirmer la conclusion qu’elle a tirée.

 

[17]           L’appelante soutient enfin qu’elle est un organisme sans but lucratif et qu’elle n’est pas une entreprise comme telle. Elle affirme qu’elle n’est qu’un cadre qui offre aux athlètes la possibilité de se qualifier en vue de faire partie d’une équipe nationale. Même si c’est peut-être ainsi que l’appelante se perçoit, il n’en demeure pas moins qu’elle est dotée de la personnalité morale et que, légalement, elle peut être un employeur au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. C’est bien ce que le ministre a conclu et c’est ce que la juge a confirmé.

 

[18]           Après une analyse minutieuse de la décision contestée et des observations orales et écrites des parties, je suis convaincu que la juge a correctement établi les faits et les règles de droit applicables en la matière. Je suis également convaincu qu’elle n’a pas commis d’erreur justifiant notre intervention lorsqu’elle a appliqué ces règles de droit aux faits de l’espèce.

 

[19]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter l’appel, le tout sans frais. Comme l’appelante n’a pas réclamé de dépens pour le cas où elle obtiendrait gain de cause dans son appel, j’estime en toute justice qu’elle ne devrait pas non plus être condamnée à les payer si elle succombe.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je souscris à ces motifs. »

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a.

 

« Je souscris à ces motifs. »

            C. Michael Ryer, j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-199-07

 

 

INTITULÉ :                                                   ÉQUIPE DE SKI CAPITALE NATIONALE OUTAOUAIS c.

                                                                        LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et JEAN BELANGER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 9 AVRIL 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE PELLETIER

                                                                        LE JUGE RYER

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 AVRIL 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Catherine Coulter

POUR L’APPELANTE

 

Geneviève Léveillé

Catherine Letellier de St-Just

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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