ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 avril 2008.
Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 7 avril 2008.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE DESJARDINS
Date : 20080407
Dossier : A-465-07
Référence : 2008 CAF 133
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE NOËL
LE JUGE NADON
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
CHRISTINE BEAULIEU
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 7 avril 2008)
[1] Il s’agit de déterminer en l’espèce si le juge-arbitre et le conseil arbitral pouvaient conclure que, compte tenu de toutes les circonstances, la défenderesse était fondée à quitter volontairement son emploi d’étudiante chez Alimentation de la Mitis afin d’entreprendre un stage obligatoire dans le but de compléter son diplôme en secrétariat.
[2] Le demandeur plaide qu’en confirmant la décision du conseil arbitral le juge-arbitre a, dans un premier temps, erré en droit en omettant de se prononcer sur une question qui lui avait été soumise, soit l’excès de compétence du conseil arbitral. Le conseil arbitral a en effet statué sur l’admissibilité de la défenderesse à recevoir des prestations à la fin de son stage alors qu’aucune période de prestation n’avait été établie à ce moment‑là et que cette question ne lui avait pas été soumise.
[3] Le demandeur plaide, dans un deuxième temps, que le juge-arbitre a erré en fait et en droit quant à l’application de la notion de « sans justification » pour quitter volontairement un emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, (la Loi).
[4] La défenderesse a travaillé à temps partiel chez Alimentation de la Mitis du 24 avril 2005 au 29 janvier 2006 alors qu’elle poursuivait ses études. Dans le cadre de son cours d’études, elle devait suivre un stage à l’Université du Québec à Rimouski du 2 au 23 février 2006 afin d’obtenir son diplôme.
[5] La défenderesse demanda à son employeur de modifier ses heures de travail pour lui permettre de suivre ce stage mais celui-ci refusa au motif qu’elle demandait de s’absenter durant les périodes d’achalandage.
[6] La défenderesse quitta son emploi pour poursuivre son stage. Elle ne put par la suite obtenir un emploi dans le domaine du secrétariat. Elle présenta une demande d’assurance-chômage le 7 avril 2006. Une période de prestation fut établie à son profit le 26 mars 2006. La défenderesse obtint finalement un emploi dans un marché public à Notre-Dame-des-Prairies à partir du 29 mai 2006.
[7] Le 16 mai 2006, la Commission avisa la défenderesse qu’elle était inadmissible à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 26 mars 2006 parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi le 29 janvier 2006 « sans justification ». La Commission ajoutait que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.
[8] Le conseil arbitral accueillit l’appel de la défenderesse au motif, entre autres, que son stage était obligatoire pour l’obtention de son diplôme en secrétariat, que son emploi correspondait à un emploi d’étudiant, qu’elle avait tenté d’harmoniser son horaire de travail avec son stage obligatoire en négociant avec son employeur mais que celui-ci avait été inflexible et ne lui avait laissé d’autre choix que celui de quitter son emploi. Le conseil arbitral rendit la prestataire éligible aux prestations après la fin de son stage.
[9] Le juge-arbitre rejeta l’appel de la Commission au motif qu’il s’agissait d’une question de fait et qu’il n’était pas autorisé à intervenir (CUB 68840).
[10] Nous sommes d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.
[11] La défenderesse n’a pas porté en appel devant le conseil arbitral la date d’admissibilité des prestations, soit celle du 26 mars 2006. La seule question devant le conseil arbitral était l’éligibilité de la défenderesse à l’égard des prestations. Le conseil arbitral et, par conséquent, le juge-arbitre n’avaient pas juridiction pour modifier la date déterminée par la Commission.
[12] Le juge-arbitre et le conseil arbitral ont de plus erré en fait et en droit quant à l’interprétation et l’application de la notion de « sans justification » pour quitter volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi. Ces articles disposent :
[13] Il suffit de rappeler la jurisprudence de notre Cour applicable en l’espèce. Dans Canada (Procureure générale) c. Martel, [1994] A.C.F. no 1458 (C.A.F.) (QL), A-1691-92, une affaire dont les faits sont semblables à celle-ci, j’écrivais au nom de la Cour (par. 12) :
L'employé qui quitte volontairement son emploi aux fins de suivre un cours de formation qui n'est pas autorisé par la Commission a certes, sur le plan personnel, un excellent motif pour agir. Mais il nous paraît contraire aux principes mêmes qui sont à la base du système d'assurance-chômage que cet employé puisse faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision.
[14] La jurisprudence qui a suivi n’a pas dévié (Canada (Procureur général) c. Traynor, [1995] A.C.F. no 836 (C.A.F.) (QL); Canada (Procureur général) c. Barnett, [1996] A.C.F. no 1289 (C.A.F.) (QL); Canada (Procureure générale) c. Bois, 2001 CAF 175, [2001] A.C.F. no 878 (C.A.F.) (QL); Canada c. Wall, 2002 CAF 283, [2002] A.C.F. no 1024 (C.A.F.) (QL);
Canada (Procureur général) c. Shaw, 2002 CAF 325; Canada (Procureure générale) c. Lessard, 2002 CAF 469, [2002] A.C.F. no 1655 (C.A.F.) (QL); Canada (Procureur général) c. Connell, 2003 CAF 144, [2003] A.C.F. no 1147 (C.A.F.) (QL); Canada (Procureur général) c. Bédard, 2004 CAF 21, [2004] A.C.F. no 270 (C.A.F.) (QL); Canada (Procureur général) c. Caron, 2007 CAF 204, [2007] A.C.F. no 754 (C.A.F.) (QL)).
[15] Le juge-arbitre a erré en confirmant la décision du conseil arbitral.
[16] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et l’affaire sera retournée au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour qu’il la décide de nouveau en tenant pour acquis que la défenderesse doit être exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi « sans justification ».
[17] Il n’y aura pas de frais compte tenu de ce que la défenderesse n’a offert aucune contestation.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-465-07
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. CHRISTINE BEAULIEU
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 avril 2008
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE NOËL
LE JUGE NADON
PRONONCÉS À L’AUDIENCE : LA JUGE DESJARDINS
COMPARUTION :
POUR LE DEMANDEUR
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AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR
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