Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20080527

Dossier : A-558-07

Référence : 2008 CAF 148

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de madame la juge Trudel

 

ENTRE :

DBC MARINE SAFETY SYSTEMS LTD.

appelante

et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

et

 LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario) le 27 mai 2008

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :         LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20080527

Dossier : A-558-07

Référence : 2008 CAF 148

 

En présence de madame la juge Trudel

 

ENTRE :

DBC MARINE SAFETY SYSTEMS LTD.

appelante

et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE TRUDEL

[1]               L’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC) demande l’autorisation d’intervenir dans le présent appel d’une décision du juge Mosley de la Cour fédérale (2007 CF 1142). L’appelante, qui a déjà demandé qu’une date soit déterminée pour l’audience, consent à la requête.   L’intimé demande que la requête en autorisation d’intervenir soit rejetée.

 

[2]               Le juge Mosley a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelante relativement à la décision du commissaire aux brevets qui a délivré un avis déclarant abandonnée une demande de brevet ('846 ) pour défaut de répondre dans le délai prescrit à une demande formulée par l’examinateur. L’avis a été expédié après l’expiration du délai de rétablissement.

 

[3]               Il semble qu’un examinateur de brevets ait envoyé à l’agent de l’appelante une lettre contenant deux demandes.

 

[4]               Le juge de première instance a conclu que l’agent de l’appelante avait négligé l’une des demandes et, tout en reconnaissant que le Bureau des brevets a commis une erreur en ne suivant pas sa pratique normale de fournir un avis de « courtoisie » en temps opportun, il a conclu que la demande était abandonnée par l’application de la loi, que le commissaire n’avait aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard, et que la Cour n’était pas en mesure d’offrir une réparation.

 

[5]               Dans son avis d’appel, déposé le 5 décembre 2007, l’appelante soulève trois motifs d’appel, dont deux exigent une interprétation de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets et de la Règle 29 des Règles sur les brevets. Le dernier motif d’appel porte sur l’équité procédurale de la pratique actuelle du Bureau des brevets.

 

[6]               Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

 

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4

73. (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

(a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire;

(b) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6);

(c) de payer, dans le délai réglementaire, les taxes visées à l’article 27.1;

(d) de présenter la requête visée au paragraphe 35(1) ou de payer la taxe réglementaire dans le délai réglementaire;

(e) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 35(2);

(f) de payer les taxes réglementaires mentionnées dans l’avis d’acceptation de la demande de brevet dans les six mois suivant celui-ci.

 

(2) Elle est aussi considérée comme abandonnée dans les circonstances réglementaires.

 

(3) Elle peut être rétablie si le demandeur :

 

(a) présente au commissaire, dans le délai réglementaire, une requête à cet effet;

(b) prend les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon; et

(c) paie les taxes réglementaires avant l’expiration de la période réglementaire

 

(4) La demande abandonnée au titre de l’alinéa (1)f) et rétablie par la suite est sujette à modification et à nouvel examen.

 

 

(5) La demande rétablie conserve sa date de dépôt.

[Je souligne]

73. (1) An application for a patent in Canada shall be deemed to be abandoned if the applicant does not:

(a) reply in good faith to any requisition made by an examiner in connection with an examination, within six months after the requisition is made or within any shorter period established by the Commissioner;

(b) comply with a notice given pursuant to subsection 27(6);

(c) pay the fees payable under section 27.1, within the time provided by the regulations;

(d) make a request for examination or pay the prescribed fee under subsection 35(1) within the time provided by the regulations;

(e) comply with a notice given under subsection 35(2); or

(f) pay the prescribed fees stated to be payable in a notice of allowance of patent within six months after the date of the notice.

 

(2) An application shall also be deemed to be abandoned in any other circumstances that are prescribed.

 

(3) An application deemed to be abandoned under this section shall be reinstated if the applicant:

(a) makes a request for reinstatement to the Commissioner within the prescribed period;

(b) takes the action that should have been taken in order to avoid the abandonment; and

(c) pays the prescribed fee before the expiration of the prescribed period.

 

(4) An application that has been abandoned pursuant to paragraph (1)(f) and reinstated is subject to amendment and further examination.

 

(5) An application that is reinstated retains its original filing date.

[ Emphasis added]

 

Règles sur les brevets, DORS/96-423

29. (1) Lorsque l’examinateur chargé de l’examen d’une demande conformément à l’article 35 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 a des motifs raisonnables de croire qu’une demande de brevet visant la même invention a été déposée dans tout pays ou pour tout pays, au nom du demandeur ou d’une autre personne se réclamant d’un inventeur désigné dans la demande examinée, il peut exiger que le demandeur lui fournisse les renseignements suivants et des copies des documents connexes :

 

(a) toute antériorité citée à l’égard de ces demandes;

(b) les numéros des demandes, les dates de dépôt et les numéros des brevets s’ils ont été octroyés;

(c) les détails relatifs aux conflits, oppositions, réexamens ou procédures analogues;

(d) si le document n’est ni en français ni en anglais, une traduction en français ou en anglais de tout ou partie du document.

(2) Lorsque l’examinateur chargé de l’examen d’une demande conformément à l’article 35 de la Loi ou de la Loi dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 a des motifs raisonnables de croire qu’une invention mentionnée dans la demande faisait l’objet, avant la date du dépôt de la demande, d’une publication ou était brevetée, il peut exiger que le demandeur précise la première publication ou le brevet se rapportant à cette invention.

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas aux renseignements et documents qui ne sont pas à la disposition du demandeur ou qui ne sont pas connus de lui, dans la mesure où il donne les motifs pour lesquels ils ne le sont pas.

 

 

[Je souligne]

29. (1) Where an examiner examining an application in accordance with section 35 of the Act or the Act as it read immediately before October 1, 1989 has reasonable grounds to believe that an application for a patent describing the same invention has been filed, in or for any country, on behalf of the applicant or on behalf of any other person claiming under an inventor named in the application being examined, the examiner may requisition from the applicant any of the following information and a copy of any related document:

(a) an identification of any prior art cited in respect of the applications;

(b) the application numbers, filing dates and, if granted, the patent numbers;

(c) particulars of conflict, opposition, re-examination or similar proceedings; and

(d) where a document is not in either English or French, a translation of the document, or a part of the document, into English or French.

(2) Where an examiner examining an application in accordance with section 35 of the Act or the Act as it read immediately before October 1, 1989 has reasonable grounds to believe that an invention disclosed in the application was, before the filing date of the application, published or the subject of a patent, the examiner may requisition the applicant to identify the first publication of or patent for that invention.                     

(3) Subsections (1) and (2) do not apply to any information or document that is not available or known to the applicant, provided that the applicant states the reasons why the information or document is not available or known.

 

[Emphasis added]

 

[7]               Dans son avis d’appel, le premier motif d’appel de l’appelante est que le juge de première instance a commis une erreur en décidant que de répondre « de bonne foi à une demande dans le cadre d’un acte de l’office comprenant deux demandes n’équivaut pas à répondre de bonne foi aux deux demandes » (au paragraphe 31 des motifs du jugement). C’est dans ce contexte que l’appelante suggère que l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets doit être interprété d’une telle sorte qu’il ne renvoie pas à la demande officielle d’accomplir un devoir, mais au document qui contient les demandes (au paragraphe 56 du mémoire des faits et du droit de l’appelante).

 

[8]               Le deuxième motif d’appel repose sur la conclusion du juge Mosley selon laquelle le Commissaire aux brevets « ne possède aucune compétence inhérente de remédier aux erreurs commises par inadvertance ou par omission du genre de celle qui a été commise en l’espèce » (au paragraphe 28 des motifs du jugement).

 

[9]               Enfin, l’appelante soulève un dernier motif d’appel concernant l’équité procédurale.

 

[10]           Le 25 mars 2008, l’appelante a déposé son mémoire des faits et du droit. Dans ce mémorandum, elle s’en tient dans ses arguments aux deux premiers motifs d’appel.

 

[11]           Le 23 avril 2008, l’IPIC a déposé sa requête en autorisation d’intervenir. Il [traduction] « propose de s’adresser à la Cour selon la vaste perspective de la profession des brevets au Canada » (au paragraphe 5 des observations écrites de l’IPIC sur la requête). L’IPIC est une association professionnelle à laquelle adhèrent les agents des brevets, les agents de marques de commerce, et les avocats spécialisés en propriété intellectuelle dans tous les secteurs du droit de la propriété intellectuelle. Selon l’IPIC, l’Institut compte 1 700 membres.

 

[12]           Afin d’obtenir gain de cause, l’IPIC doit démontrer en quoi sa participation à l’instance aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance (Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. lignes aériennes Canadien International ltée, [2000] A.C.F. no 220 (C.A.F.) (QL) au paragraphe 9, [S.C.F.P.]). Dans S.C.P.F., au paragraphe 8 de ses motifs, le juge Noël a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer si une requête en intervention doit être accueillie :

 

a.       La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

b.      Y a-t‑il une question qui relève de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

c.       S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

d.      La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

e.       L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

f.        La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans l’intervention?

 

[13]           La Cour a le pouvoir inhérent d’autoriser l’intervention (Chemin de fer Canadien Pacifique c. Boutique Jacob inc., 2006 CAF 426 au paragraphe 21). Il n’est pas nécessaire que l’intervenant proposé réponde à tous les facteurs.

 

[14]           Toutefois, l’IPIC soutient qu’il répond à tous les critères et propose de soumettre trois observations dont il affirme qu’elles sont [traduction] « différentes de celles présentées par les parties ». Les voici.

 

1.      Les termes « manque de répondre à toute demande » qui se trouvent à l’alinéa 73(1)a) sont ambigus et peuvent donner lieu à différentes interprétations qui signifieraient que le « demandeur n’a même pas répondu à une demande, ou que le demandeur n’a pas répondu à toutes les demandes ».

 

2.      En vertu de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, le silence peut bien constituer une réponse « de bonne foi » à une demande.

 

3.      Un demandeur a le droit légitime de s’attendre à un avis du Bureau des brevets à temps pour rétablir la demande en vertu du paragraphe 73(3) de la Loi lorsque le Bureau des brevets examine la demande à abandonner en raison de l’absence d’une réponse de bonne foi, et donc n’autorise pas de délivrer le brevet (à la page 44 du dossier de requête).

 

[15]           L’intimé soutient que la requête devrait être refusée, et ajoute que l’intérêt de l’IPIC est jurisprudentiel et indirect. Il n’y a pas d’intérêt public.

 

[16]           Après avoir examiné les facteurs mentionnés dans S.C.P.F., précitée, je ne vois pas en quoi la participation de l’IPIC à l’appel aidera notre Cour à déterminer les questions pertinentes. L’interprétation de la Loi est bien dans le domaine d’expertise de la Cour.

 

[17]           Je suis d’accord avec l’intimé que l’effet de la décision de la Cour sera simple et étroit : la demande de brevet  '846 présentée par l’appelante sera rétablie ou ne le sera pas. On ne peut pas dire que ce résultat aura une incidence directe sur l’IPIC ou ses membres. L’IPIC porte un intérêt aux objectifs du régime des brevets, et le fait d’atteindre certains de ces objectifs peut être influencé par l’interprétation juridique appliquée en l’espèce. Toutefois, cela ne constitue pas « un intérêt public véritable », comme il a été conclu dans Benoît c. Canada, 2001 CAF 71.

 

[18]           La présente espèce fournit un moyen raisonnable et efficace de soumettre la question en litige à la Cour (S.C.P.F., Ibid.).

 

[19]           Les motifs de l’appel, tel qu’ils sont indiqués par l’appelante dans son avis d’appel et tels qu’ils sont discutés dans son mémoire des faits et du droit, recouvrent certainement les deux premières observations de l’IPIC, à savoir, l’interprétation de l’alinéa 73(1)a) de la Loi.

 

[20]           Pour ce qui est de la troisième observation proposée par l’IPIC, son intérêt est dans [traduction] « l’adjudication de la loi et de la procédure applicables qui auront une incidence sur les demandes de brevet en attente et à l’avenir au Canada » (au paragraphe 5 de ses observations écrites, page 44 du dossier de requête).

 

[21]           Sur ce dernier point, je relève que l’appelante a déjà soulevé l’importance du présent appel pour la profession juridique qui pratique dans le domaine du droit des brevets. Elle indique, au paragraphe 20 de son mémoire des faits et du droit :

20. […] En outre, si la logique du juge de première instance est acceptée, il y a un risque véritable qu’un très grand nombre de brevets que le commissaire a autorisés à délivrer avant 2004 soient assujettis à des litiges et risquent d’être considérés comme invalides.

 

[22]           Par conséquent, je conclus que l’intervention de l’IPIC ne servira pas mieux l’intérêt de la justice. La Cour peut entendre l’affaire et statuer sur le fond sans son intervention.

 

[23]           Pour ces motifs, la requête en autorisation d’intervenir doit être rejetée avec dépens adjugés en faveur des intimés.

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-558-07

 

INTITULÉ :                                                                           DBC Marine Safety Systems Ltd.

                                                                                                c. le Commissaire aux brevets et

Le Procureur général du Canada

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE TRUDEL

 

DATE DU JUGEMENT :                                                     20080527

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me Robert H.C. MacFarlane

POUR L’INTERVENANT PROPOSÉ IPIC

 

John H. Sims, C.R.

POUR LINTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin & Parr

POUR L’INTERVENANT PROPOSÉ IPIC

 

John H. Sims, C.R.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LINTIMÉ

 

 

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