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Date : 20080611

Dossiers : A-405-07

A-406-07

A-407-07

 

Référence : 2008 CAF 205

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

A-405-07

ENTRE :

PROVIGO INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

A-406-07

ENTRE :

TEMBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

A-407-07

ENTRE :

CASCADES INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 5 juin 2008.

Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le 11 juin 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE TRUDEL

 


 

Date : 20080611

Dossiers : A-405-07

A-406-07

A-407-07

Référence : 2008 CAF 205

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

A-405-07

ENTRE :

PROVIGO INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

A-406-07

ENTRE :

TEMBEC INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

A-407-07

ENTRE :

CASCADES INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit de trois appels à l’encontre de décisions rendues par la juge Lamarre-Proulx de la Cour canadienne de l’impôt (la juge de la CCI), rejetant, pour les mêmes motifs, les appels de Provigo Inc. (Provigo), Tembec Inc. (Tembec), et Cascades Inc. (Cascades) (les appelantes), à l’encontre de cotisations établies par le Ministre du Revenu national (le Ministre) à l’égard de l’année d’imposition 1997 (Tembec et Cascades) et 1998 (Provigo). Ces décisions ont pour effet de refuser les déductions réclamées par chacune des appelantes en vertu de l’alinéa 20(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch. 1 (la Loi) à titre de frais de financement.

 

[2]               Bien que les conventions d’emprunt qui sous-tendent les trois appels ne soient pas identiques, elles reflètent toutes un privilège de conversion lequel fut exercé par les prêteurs après l’émission du titre (en l’occurrence des débentures et des billets), à un moment où les actions convertibles avaient une valeur supérieure à la valeur mentionnée aux actes d’emprunt. D’un commun accord, les parties soumettent que les appels soulèvent la même question de droit, à savoir : la déduction permise par l’alinéa 20(1)f) de la Loi se limite-t-elle à un escompte ponctuel dont la valeur doit être établie lors de l’émission du titre? Le cas échéant, les appels ne sauraient réussir puisque l’escompte réclamé par les appelantes est fonction de l’évolution de la valeur des actions convertibles après l’émission des titres.

 

[3]               La juge de la CCI, se fondant sur la décision de la Cour suprême dans Cie pétrolière Impériale ltée c. Canada; Inco ltée c. Canada, 2006 CSC 46, [2006] 2 R.C.S. 447 [Pétrolière Impériale], en est venue à la conclusion que la déduction permise par l’alinéa 20(1)f) se limitait à un escompte dont la valeur devait être établie lors de l’émission du titre. Elle a donc rejeté les appels.

 

[4]               Au soutien de leurs appels, les appelantes insistent sur le fait que leur situation se distingue de celle sur laquelle s’était penchée la Cour suprême. Elles précisent que les titres émis pour financer leurs opérations étaient convertibles en actions selon les termes mêmes de l’acte d’emprunt alors que dans Pétrolière Impériale, la variation du montant du remboursement était extrinsèque à l’acte d’emprunt. Il s’agissait en l’occurrence d’une variation résultant du taux de change, l’emprunt ayant été fait en dollars américains. Selon les appelantes, l’alinéa 20(1)f) permet la déduction d’un escompte éventuel pour autant que son mode de calcul soit prévu par l’acte d’emprunt.

 

[5]               C’est à bon droit, selon moi, que la juge de la CCI a conclu que l’affaire Pétrolière Impériale réglait le sort des trois appels malgré la distinction que soulèvent les appelantes.

 

[6]               Il est vrai que dans Pétrolière Impériale la déduction réclamée en tant qu’escompte en vertu de l’alinéa 20(1)f) (i.e., les pertes reliées à la fluctuation du dollar canadien par rapport à la monnaie d’emprunt) ne découlait pas de l’acte d’emprunt comme tel. Cependant, le raisonnement du juge LeBel (exprimant l’opinion de la majorité des juges) pour refuser la déduction réclamée transcende cette distinction. Après avoir cité l’alinéa 20(1)f), le juge LeBel identifie la question en litige en ces termes (Pétrolière Impériale, para. 15) :

Correctement interprétée, la déduction prévue dans cette disposition se limite-t-elle à l’escompte initial d’émission?  Doit-on la considérer comme englobant un plus large éventail de frais de financement, dont les pertes sur change? […]

 

[Je souligne.]

 

[7]               Plus loin, le juge LeBel reformule la question en ces termes (Pétrolière Impériale, para. 32) :

[…]. Plus particulièrement, il s’agit de déterminer si la déduction prévue à l’al. f) s’applique uniquement à l’escompte initial d’émission ou s’il s’agit plutôt d’une déduction plus large qui s’applique plus généralement au coût en capital de l’emprunt.

 

[Je souline.]

 

Les juges minoritaires partagent cette même vision de la question à être décidée comme en fait foi le passage suivant (Pétrolière Impériale, le juge Binnie, para. 74) :

[…]. Je conviens avec lui qu’« il s’agit de déterminer si la déduction prévue à l’al. f) s’applique uniquement à l’escompte initial d’émission ou s’il s’agit plutôt d’une déduction plus large qui s’applique plus généralement au coût en capital de l’emprunt » […].

 

 

[8]               L’analyse qui s’ensuit, tant celle de la majorité que celle de la minorité, est fonction de la question ainsi posée. L’essentiel du raisonnement du juge LeBel pour refuser la déduction réclamée se retrouve au paragraphe 66 de ses motifs. Selon le juge LeBel la déduction permise par l’alinéa 20(1)f) se limite à la « dépense ponctuelle » que représente l’escompte calculé lors de l’émission du titre. Ce disant, il écarte toute déduction qui reflèterait « l’appréciation ou la dépréciation du principal au fil du temps » et « qui ne peut être établie qu’au moment du remboursement » (idem). L’effet de ce raisonnement est non équivoque; la déduction des coûts de financement prévue à l’alinéa 20(1)f) se limite à l’escompte monétaire accordé lors de l’émission du titre.

 

[9]               Au-delà de cet obstacle, je m’interroge sur cet autre aspect de la thèse des appelantes selon lequel la différence entre la valeur des actions au moment de l’émission du titre et leur valeur au moment de la conversion constituerait un coût de financement. À première vue, l’émission d’actions par les appelantes à même leur capital action à un prix moindre que leur valeur réelle dilue l’avoir des actionnaires sans qu’une dépense ait été encourue par qui que ce soit.

 

[10]           Il n’est cependant pas nécessaire d’apporter une réponse définitive à cette question puisque les appelantes reconnaissent que, dans le cas en l’espèce, aucun escompte ne fut accordé au moment de l’émission du titre, et que la déduction qu’elles réclament est fonction de « l’appréciation du principal au fil du temps ». La décision de la Cour suprême dans Pétrolière Impériale écarte donc la possibilité que les appelantes puissent avoir droit à ce genre de déduction.

 

[11]           Je rejetterais les appels avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a

 

« Je suis d’accord,

          Gilles Létourneau j.c.a. »

 

« Je suis d’accord,

          Johanne Trudel j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :                                                                          A-405-07, A-406-07, A-407-07,

 

(APPEL DE DÉCISIONS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DE MADAME LA JUGE LOUISE LAMARRE PROULX, DU 11 JUILLET 2007, N° DE DOSSIERS 2003-4340(IT)G, 2003-3999(IT)G et 2004-1916(IT)G, NO DE RÉFÉRENCE 2007CCI395.

 

INTITULÉ :                                                                           A-405-07

                                                                                                Provigo Inc. c. Sa Majesté la Reine

A-406-07

Tembec Inc. c. Sa Majesté la Reine

A-407-07

Cascades Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 5 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge Létourneau

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 11 juin 2008

 

COMPARUTIONS :

Wilfrid Lefebvre

POUR LES APPELANTES

 

Natalie Goulard

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

 

POUR LES APPELANTES

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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