Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20081014

Dossiers : A-40-08

A-41-08

 

Référence : 2008 CAF 304

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE RYER

Dossier A-40-08

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

AMARJIT AUJLA

intimé

 

 

Dossier A-41-08

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

HARJINDER AUJLA

intimé

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 septembre 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2008

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE RYER

Y A SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE DÉCARY

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                          LE JUGE BLAIS


 

Date : 20081014

Dossiers : A-40-08

A-41-08

 

Référence : 2008 CAF 304

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE RYER

 

Dossier A-40-08

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

 

et

 

AMARJIT AUJLA

intimé

 

 

Dossier A-41-08

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

 

et

 

HARJINDER AUJLA

intimé

 

 


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

[1]               La Cour est saisie de deux appels (A-40-08 et A-41-08) visant la décision par laquelle le juge Bowie (le juge de la Cour de l’impôt) de la Cour canadienne de l’impôt (2007 CCI 764) a, le 21 décembre 2007, accueilli les appels interjetés par MM. Amarjit et Harjinder Aujla. Les appels, qui ont été entendus sur preuve commune, avaient été interjetés à l’encontre de cotisations établies à l’égard de MM. Aujla en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la LTA), pour des montants que devait Aujla Construction Ltd. (la société) en taxe sur les produits et services (TPS), en intérêts et en pénalités au moment où elle a été radiée du registre des sociétés en vertu de la Company Act, R.S.B.C. (1996), ch. 62, en raison de son défaut de produire des rapports annuels.

 

[2]               Les administrateurs de la société qui fait défaut de payer certains montants précisés au paragraphe 323(1) de la LTA sont solidairement tenus, avec la société, de payer ces montants ainsi que les intérêts et pénalités afférents. Le paragraphe 323(4) de la LTA permet au ministre d’établir une cotisation à l’égard des administrateurs pour le montant qui leur a été imposé en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA. Le paragraphe 323(5) de la LTA précise que l’établissement de la cotisation prévue au paragraphe 323(4) de la LTA pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

[3]               La question en litige dans le présent appel est de savoir si le délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA empêche le ministre d’établir, en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA, une cotisation à l’égard des frères Aujla pour le montant de 162 331,92 $ relativement au défaut de la société de remettre la TPS et les intérêts et pénalités afférents pour un montant analogue ou plus élevé au cours des périodes de déclaration qui ont pris fin avant la dissolution de la société, comme le prévoit l’article 257 de la Company Act, en raison du défaut de la société de produire les rapports annuels exigés.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[4]               La disposition pertinente de la LTA est l’article 323. Les dispositions applicables de la Company Act sont les articles 1, 257, 262 et 263. Ces dispositions sont reproduites à l’annexe A.

 

CONTEXTE

[5]               L’appel interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt a été instruit sur la base d’un exposé conjoint des faits, reproduit dans les motifs du juge de la Cour de l’impôt. Bien que les faits ne soient pas litigieux, il est utile de les examiner brièvement.

 

[6]               Dans un avis de cotisation daté du 20 mars 1998, le ministre a établi à 197 995,75 $ le montant de la TPS, des pénalités et des intérêts dus par la société. Environ un an après la date de la cotisation, le 5 mars 1999, la société a été dissoute en vertu de l’article 257 de la Company Act en raison de son défaut de produire des rapports annuels.

 

[7]               En vue de percevoir la somme due, le ministre a, le 20 février 2003, demandé en vertu du paragraphe 262(1) de la Company Act que l’inscription de la société soit rétablie au registre.

 

[8]               Le 20 février 2003, soit environ cinq ans après l’établissement de la cotisation visant la société, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a ordonné que l’inscription de la société soit rétablie au registre des sociétés pour une période de deux ans (l’ordonnance de la Cour). Le dossier ne renferme aucune explication quant à la raison pour laquelle le ministre a attendu environ cinq ans avant d’entreprendre des démarches en vue de recouvrer le montant dû par la société.

 

[9]               Voici le texte de l’ordonnance de la Cour :

[traduction]

 

LA COUR ORDONNE que la société Aujla Construction Ltd. soit réinscrite au registre des sociétés pour une période n’excédant pas deux ans, à partir de la date de dépôt d’une copie certifiée conforme de la présente ordonnance auprès du registrateur des sociétés, afin de permettre au ministre du Revenu national d’établir et de recouvrer le montant dû en taxe sur les produits et services par Aujla Construction Ltd. au Receveur général du Canada.

 

LA COUR ORDONNE EN OUTRE que la société Aujla Construction Ltd. soit réputée avoir continué d’exister comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre et elle n’avait jamais été dissoute, sous réserve des droits qui peuvent avoir été acquis avant la date de la réinscription d’Aujla Construction Ltd. au registre des sociétés.

 

 

[10]           À la suite de l’ordonnance de la Cour, le registrateur des sociétés de la Colombie‑Britannique a délivré un certificat qui, le 6 mars 2003, a eu pour effet de réinscrire pour une période deux ans la société au registre des sociétés sous le régime de la Company Act.

 

[11]           À la suite de la réinscription de la société au registre, le ministre a, en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA, pris des mesures de recouvrement contre les frères Aujla au moyen d’avis de cotisation établis à l’égard de tiers datés du 4 septembre 2003 dans lesquels le ministre les tenait responsables du fait d’autrui jusqu’à concurrence du montant établi contre la société parce qu’ils étaient ses administrateurs au moment où la dette était née. Voici le texte de la disposition applicable :

323(1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

323(1) If a corporation fails to remit an amount of net tax as required under subsection 228(2) or (2.3) or to pay an amount as required under section 230.1 that was paid to, or was applied to the liability of, the corporation as a net tax refund, the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit or pay, as the case may be, the amount are jointly and severally, or solitarily, liable, together with the corporation, to pay the amount and any interest on, or penalties relating to, the amount.

 

 

[12]           Les frères Aujla se sont opposés à ces cotisations au motif qu’ils avaient cessé d’être des administrateurs de la société à la date de sa dissolution, en mars 1999, et que le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 323(5), qui avait expiré le 4 mars 2001, empêchait le ministre d’établir les cotisations en question. Voici le texte de cette disposition :

323(5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

323(5) An assessment under subsection (4) of any amount payable by a person who is a director of a corporation shall not be made more than two years after the person last ceased to be a director of the corporation.

 

 

[13]           Le ministre a invoqué deux motifs pour justifier les cotisations. Il a d’abord expliqué que la société avait été dissoute en raison de son défaut de produire des rapports annuels et que, comme ils n’avaient jamais officiellement remis leur démission, les frères Aujla n’avaient jamais cessé d’être administrateurs. Le ministre a ensuite expliqué que comme l’ordonnance de la Cour avait eu pour effet de rétablir rétroactivement l’existence de la société comme s’il n’y avait pas eu de dissolution, l’ordonnance de la Cour devait de la même façon avoir réintégré rétroactivement les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs. Dans un cas comme dans l’autre, le ministre a conclu que le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 323(5) n’était pas en jeu. Les cotisations ont en conséquence été confirmées et les frères Aujla ont interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[14]           Le juge de la Cour de l’impôt a estimé que les frères Aujla avaient cessé d’être des administrateurs de la société au moment de la dissolution de celle-ci, le 5 mars 1999, parce qu’une société qui a été dissoute ne peut pas avoir d’administrateurs.

 

[15]           Le juge de la Cour de l’impôt a ensuite examiné l’effet de l’ordonnance de la Cour et a conclu qu’elle n’avait pas pour effet de réintégrer rétroactivement les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs, contrairement à ce que soutenait Sa Majesté.

 

[16]           Le juge de la Cour de l’impôt a cité les paragraphes 262(1) et 262(2) et l’article 263 de la Company Act, qui sont ainsi libellés :

[traduction]

 

Rétablissement de l’inscription

 

262    (1)     Si une société a été dissoute, ou si l’inscription d’une société extraprovinciale a été annulée conformément à la présente loi ou une loi antérieure sur les sociétés par actions, le tribunal, s’il est convaincu qu’il est juste que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, au plus tard dix ans après la date de dissolution ou d’annulation, à la demande du liquidateur, d’un membre ou d’un créancier de la société ou de la société extraprovinciale, ou de toute autre personne intéressée, peut ordonner que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, suivant les modalités que le tribunal estime appropriées.

 

          (2)     Si une société ou une société extraprovinciale est réinscrite au registre en vertu du paragraphe (1), elle est réputée avoir continué d’exister, ou l’inscription de la société extraprovinciale est réputée ne pas avoir été annulée, et des instances peuvent être intentées comme si la société n’avait pas été annulée.

 

Pouvoirs du tribunal

 

263    Dans le cas d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 262, le tribunal peut donner des directives et prendre les mesures qu’il estime appropriées pour rétablir, dans la mesure du possible, la société ou la société extraprovinciale, ou toute autre personne, dans la position qu’elle aurait occupée s’il n’y avait pas eu dissolution de la société ou annulation de l’inscription de la société extraprovinciale, mais, à moins que le tribunal n’en décide autrement, l’ordonnance est rendue sous réserve des droits acquis avant la date à laquelle la société ou la société extraprovinciale est réinscrite au registre.

 

Aux paragraphes 13 et 14 de ses motifs, le juge de la Cour de l’impôt a écrit :

[13]   Le paragraphe 262(1) permet au tribunal de rendre une ordonnance rétablissant l’inscription de la société au registre [traduction] « suivant les modalités que le tribunal estime appropriées ». L’article 263 confère au tribunal le pouvoir de [traduction] « donner des directives et de prendre les mesures qu’il estime appropriées pour rétablir, dans la mesure du possible, la société [...], ou toute autre personne, dans la position qu’elle aurait occupée s’il n’y avait pas eu dissolution de la société [...] ». [Souligné dans les motifs.]

[14]   Il résulte de l’ordonnance et du rétablissement de l’inscription de la société au registre, aux termes du paragraphe 262(2), que la société est réputée avoir continué d’exister et que les instances qui auraient pu être intentées s’il n’y avait pas eu dissolution peuvent être intentées par la suite. Il est intéressant de noter que l’ordonnance ne comporte aucune mesure, comme elle aurait pu le faire, pour rétablir les administrateurs dans la position qu’ils auraient occupée si la société n’avait pas été dissoute. Les termes employés dans l’ordonnance n’ajoutent rien aux effets qui découlent automatiquement du libellé de la Company Act du simple fait du rétablissement de l’inscription.

 

[17]           Le juge de la Cour de l’impôt a fait observer que, comme les frères Aujla n’avaient vraisemblablement pas reçu d’avis de la demande de réinscription au registre de la société, rien ne permettait de penser que Sa Majesté avait informé la Cour suprême de la Colombie‑Britannique que l’ordonnance qu’elle réclamait servirait à établir une cotisation visant les frères Aujla en raison du fait qu’ils étaient administrateurs de la société au moment où la dette de celle-ci avait pris naissance.

 

[18]           Le juge de la Cour de l’impôt a par ailleurs tenu les propos suivants au sujet du paragraphe 262(1) et de l’article 263 de la Company Act, au paragraphe 16 de ses motifs :

[16] Les mots qui n’ont pas été dits dans la loi et dans l’ordonnance sont tout aussi importants que ceux qui l’ont été. On me demande, de fait, de conclure que, par déduction nécessaire, la disposition déterminative du paragraphe 262(2) prévoit non seulement que la société est réputée avoir continué d’exister au moment où elle n’existait pas en réalité, mais aussi que les administrateurs sont réputés avoir été administrateurs au moment où ils ne l’étaient pas en réalité. Il existe à juste titre une présomption à l’encontre de l’extension, par interprétation, de la portée d’une loi rétroactive : voir Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., aux pages 511 à 517, et les arrêts et la jurisprudence cités dans ces passages. Dans la présente affaire, il existe un motif additionnel de ne pas étendre la portée de la disposition déterminative au‑delà de la société, à savoir aux administrateurs. L’assemblée législative de la Colombie‑Britannique, en adoptant l’article 263, a conféré au tribunal chargé d’entendre la demande de rétablissement de l’inscription le pouvoir discrétionnaire de décider si d’« autres personnes » seront rétroactivement touchées par l’ordonnance de rétablissement de l’inscription ou si elles pourront tirer avantage de la disposition de protection des droits acquis énoncée dans l’article. L’absence dans l’ordonnance d’une mesure rétablissant les administrateurs dans la position alléguée par l’intimée et la présence dans l’ordonnance d’une disposition de protection des droits acquis indiquent qu’il était voulu que les administrateurs ne soient pas, en fait, réputés avoir été administrateurs durant la période où la société était radiée. [Non souligné dans l’original.]

 

[19]           Tenant compte du fait que la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait refusé d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de décider que d’« autres personnes » seraient rétroactivement touchées par l’ordonnance de la Cour, et tenant également compte du principe appuyant une interprétation plus étroite en matière de rétroactivité des lois, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que l’ordonnance de la Cour ne prévoyait pas implicitement que les frères Aujla étaient rétroactivement réintégrés dans leurs fonctions d’administrateurs. Il a en conséquence accueilli l’appel.

 

QUESTIONS À TRANCHER

[20]           Dans son appel, Sa Majesté a repris les arguments qu’elle avait formulés devant la Cour canadienne de l’impôt à l’appui de sa prétention selon laquelle le délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA ne s’appliquait pas aux cotisations qui avaient été établies relativement aux frères Aujla. Sa Majesté a d’abord soutenu que les frères Aujla n’avaient jamais cessé d’être des administrateurs de la société parce qu’ils n’avaient pas démissionné de leurs postes d’administrateurs et que la dissolution de la société était la conséquence de sa radiation en vertu de l’article 257 de la Company Act. À titre subsidiaire, Sa Majesté a fait valoir que, si les frères Aujla avaient cessé d’être des administrateurs de la société par suite de sa dissolution, l’ordonnance de la Cour, qui a rétabli l’inscription de la société au registre et indiqué qu’elle était réputée avoir continué d’exister, avait eu pour effet de réintégrer les frères Aujla dans leurs fonctions comme si la dissolution de la société n’avait jamais eu lieu et qu’ils n’avaient jamais cessé d’être des administrateurs.

 

[21]           Sa Majesté a ajouté un troisième argument. Elle a affirmé qu’en concluant que les frères Aujla n’avaient pas été réintégrés rétroactivement dans leurs fonctions d’administrateurs, le juge de la Cour de l’impôt a implicitement conclu qu’ils avaient été réintégrés prospectivement dans ces postes pour la période de deux ans qui avait commencé le jour du prononcé de l’ordonnance de la Cour. Suivant Sa Majesté, il s’ensuit que, le 4 septembre 2003, il n’était pas possible de s’opposer aux cotisations établies contre les frères Aujla en invoquant le délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA parce qu’au moment où les cotisations en question avaient été établies, les frères Aujla occupaient effectivement des postes d’administrateurs de la société, ayant été réintégrés dans leurs fonctions d’administrateurs à la date de l’ordonnance de la Cour. À cet égard, Sa Majesté affirme qu’il est sans importance que les mandats d’administrateurs des frères Aujla aient été interrompus entre le 5 mars 1999, date de la dissolution de la société, et le 6 mars 2003, date de sa réinscription au registre.

 

[22]           Les frères Aujla ne sont pas d’accord avec les prétentions de Sa Majesté et ils font valoir leur propre argumentation. Ils soutiennent que, même si l’ordonnance de la Cour avait pour effet de les réintégrer dans leurs fonctions d’administrateurs à la date de la réinscription de la société au registre, les mots « sous réserve de » à l’article 263 de la Company Act et l’ordonnance de la Cour doivent être interprétés de manière à protéger leur droit d’invoquer le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 323(5) de la LTA pour s’opposer aux cotisations qui ont été établies à leur égard.

 

ANALYSE

Application du droit commercial provincial

[23]           Les deux parties affirment qu’il faut entreprendre l’analyse de l’application de l’article 323 de la LTA à la lumière des dispositions provinciales applicables en matière de droit des sociétés, citant à l’appui l’arrêt de notre Cour Kalef c. R., [1996] 2 C.T.C. 1 (C.A.F.). Dans cet arrêt, le juge McDonald a souscrit au raisonnement du juge MacKay dans la décision Perri (J.F.) c. M.R.N., [1995] 2 C.T.C. 196 (C.F.), suivant lequel les principes qui s’appliquent à la question de savoir si un administrateur a cessé d’occuper son poste sont régis par les règles de droit provinciales applicables et que la réponse à cette question peut varier d’une province à l’autre. Plus précisément, à la page 5, le juge McDonald a écrit :

Je souscris au raisonnement du juge MacKay. Bien qu’il puisse être loisible au législateur fédéral de s’écarter expressément des principes du droit des compagnies pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, je ne crois pas que l’on doive lui imputer une telle intention.

 

 

[24]           À mon avis, les dispositions de la LTA n’offrent aucune piste qui permettrait de savoir si les frères Aujla ont cessé d’être des administrateurs de la société par suite de la dissolution de cette dernière le 5 mars 1999 ou si leur mandat a pris fin lors de la dissolution, et si l’ordonnance de la Cour a eu pour effet de les réintégrer dans leurs fonctions d’administrateurs et ce, rétroactivement ou prospectivement. Ces questions doivent être abordées du point de vue des règles de droit commercial applicables, en l’occurrence celles de la Colombie-Britannique.

 

[25]           Ainsi que les tribunaux l’ont reconnu dans les décisions Perri et Kalef, les règles de droit commercial sous-jacentes peuvent varier d’une province à l’autre et, en conséquence, leur application risque d’entraîner des conséquences fiscales différentes selon la province concernée. Pour cette raison, je suis d’avis que la jurisprudence applicable pour interpréter les règles de droit commercial des provinces autres que la Colombie-Britannique est d’une utilité limitée. Qui plus est, eu égard aux circonstances de l’espèce, c’est la Company Act – et non la loi qui lui a succédé ou qui l’a précédée – dont il faut tenir compte. Pour cette raison, il convient de faire preuve de prudence, même lorsque l’on examine la législation et la jurisprudence de la Colombie‑Britannique.

 

Les frères Aujla ont-ils jamais cessé d’être des administrateurs de la société?

[26]           La thèse de Sa Majesté, suivant laquelle les frères Aujla n’ont pas cessé d’être des administrateurs de la société lorsque celle-ci a été dissoute le 5 mars 1999, parce que la dissolution a eu lieu involontairement, conformément au paragraphe 257(3) de la Company Act, ne peut être acceptée. Aucun précédent n’a été cité à l’appui de cette prétention. D’ailleurs, la jurisprudence qui nous a été soumise va dans le sens contraire (voir R. c. Gill (1989), 40 B.C.L.R. (2d) 360, à la page 367 (Cour de comté de la C.-B.); voir également Shaw c. Hyde, [1921] 61 D.L.R. 666, à la page 670 (Cour de comté de la C.‑B.).

 

L’ordonnance de la Cour a-t-elle eu pour effet de réintégrer rétroactivement les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs?

 

[27]           Sa Majesté affirme ensuite que, même si la dissolution de la société s’est traduite par la cessation des mandats d’administrateurs des frères Aujla le 5 mars 1999, l’ordonnance de la Cour a eu pour effet de les réintégrer rétroactivement dans leurs fonctions de sorte qu’en droit, ils n’ont jamais cessé d’occuper leurs postes d’administrateurs. En conséquence, suivant Sa Majesté, le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 323(5) de la LTA n’a jamais commencé à courir et il n’empêchait donc pas l’établissement d’une cotisation à l’endroit des frères Aujla le 4 septembre 2003, parce qu’ils étaient des administrateurs de la société à cette date.

 

[28]            Les frères Aujla affirment que leur réintégration rétroactive dans leurs fonctions d’administrateurs est injuste étant donné qu’elle les prive de l’avantage du délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA. Ils soulignent que les cotisations ont été établies à leur endroit environ cinq ans après la cotisation visant la société et que le ministre a tardé à faire valoir ses droits. Ils citent l’arrêt Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94 de la Cour suprême du Canada, et en particulier les paragraphes 19 et 20 de la décision du juge Major :

L’argument de l’appelante que les justifications des délais de prescription militent contre leur application au recouvrement de créances fiscales ne peut être retenu. Les dispositions en matière de prescription reposent sur les justifications qui peuvent être décrites comme étant la certitude, la preuve et la diligence : voir M. (K.), précité, p. 29. Pour ce qui est de la certitude, après un certain temps, un individu « devrait être raisonnablement certain qu’il ne sera plus redevable de ses anciennes obligations » : M. (K.), précité, p. 29. En ce qui concerne la preuve, il faut écarter les réclamations fondées sur des éléments de preuve périmés. Enfin, quant à la diligence, les demandeurs sont encouragés « [à] agi[r] avec diligence et [à] ne “[pas] tarde[r] [. . .] à faire valoir leurs droits” » : M. (K.), précité, p. 30.

 

Chacune des justifications invoquées à l’appui de l’argument selon lequel le recouvrement de créances fiscales n’est pas assujetti au délai de prescription se trouvent, en fait, être exactement en sens contraire et sont directement applicables au recouvrement par le ministre de créances fiscales.  Si, pendant une longue période, le ministre ne fait aucun effort pour recouvrer une créance fiscale, le contribuable peut, un moment donné, raisonnablement en venir à penser ne plus être redevable de cette obligation, et gérer ses affaires en conséquence.  En outre, un délai de prescription incite le ministre à agir avec diligence dans le recouvrement des créances fiscales. Vu les répercussions importantes que celui‑ci a sur la sécurité financière des citoyens canadiens, le fait pour le ministère de tarder à exercer ses droits en matière de recouvrement est contraire à l’intérêt public.  Il est évident que les justifications de l’existence de délais de prescription s’appliquent au recouvrement des créances fiscales.

 

[29]           À mon avis, l’argument des frères Aujla n’est pas dénué de fondement, compte du fait que Sa Majesté n’a offert aucune explication pour justifier son retard à tenter de recouvrer les sommes dues par la société et qu’elle n’a vraisemblablement pas informé les frères Aujla de l’existence de la demande visant à faire réinscrire la société au registre, alors que Sa Majesté savait pertinemment que les frères Aujla étaient susceptibles d’être touchés par la réinscription. J’estime toutefois que ces arguments se rapportent davantage à la question de savoir si la capacité des frères Aujla d’invoquer le délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA est un droit substantiel qui doit être préservé en raison des mots « sous réserve de » contenus à l’article 263 de la Company Act et de l’ordonnance de la Cour.

 

[30]           La question, à cette étape-ci, est donc celle de savoir si l’ordonnance de la Cour a eu pour effet de réintégrer rétroactivement les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs. À mon avis, la réponse à cette question dépend de l’interprétation que l’on donne au paragraphe 262(2) et à l’article 263 de la Company Act. Il vaut la peine de citer à nouveau ces dispositions :

[traduction]

 

262  (2)     Si une société ou une société extraprovinciale est réinscrite au registre en vertu du paragraphe (1), elle est réputée avoir continué d’exister, ou l’inscription de la société extraprovinciale est réputée ne pas avoir été annulée, et des instances peuvent être intentées comme si la société n’avait pas été annulée.

 

263 Dans le cas d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 262, le tribunal peut donner des directives et prendre les mesures qu’il estime appropriées pour rétablir, dans la mesure du possible, la société ou la société extraprovinciale, ou toute autre personne, dans la position qu’elle aurait occupée s’il n’y avait pas eu dissolution de la société ou annulation de l’inscription de la société extraprovinciale, mais, à moins que le tribunal n’en décide autrement, l’ordonnance est rendue sous réserve des droits acquis avant la date à laquelle la société ou la société extraprovinciale est réinscrite au registre.

 

[31]           Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que la disposition déterminative du paragraphe 262(2) de la Company Act n’avait pas pour effet de réintégrer rétroactivement les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs. Il a conclu que le pouvoir permettant d’obtenir un tel résultat était effectivement prévu à l’article 263 de la Company Act, mais que la Cour suprême de la Colombie-Britannique n’avait pas exercé ce pouvoir lorsqu’elle avait rendu son ordonnance, étant donné qu’on ne trouvait dans cette ordonnance aucune allusion à une telle réintégration et qu’il était inacceptable de conclure à une telle réintégration de manière implicite.

 

[32]           Le juge de la Cour de l’impôt a fait observer que l’argument de Sa Majesté suivant lequel il fallait considérer que les frères Aujla avaient été implicitement réintégrés dans leurs postes d’administrateurs était incompatible avec le fait qu’ils n’avaient pas été avisés de la demande présentée par Sa Majesté en vue de faire réinscrire la société au registre. Il a étayé sa conclusion en rappelant la présomption à l’encontre de l’extension, par interprétation, de la portée d’une loi rétroactive, citant, à cet égard Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto, Butterworths, 1994, aux pages 511 à 517.

 

[33]           À mon avis, c’est à bon droit que le juge de la Cour de l’impôt a conclu que les frères Aujla ne pouvaient être réintégrés rétroactivement dans leurs fonctions d’administrateurs que si l’ordonnance de la Cour le prévoyait expressément.

 

[34]           En plus des motifs donnés par le juge de la Cour de l’impôt, je trouve un appui pour sa conclusion dans l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique Natural Nectar Prod. Can. Ltd. c. Theodor, [1990] 5 W.W.R. 590. Dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique interprétait le paragraphe 286(2) et l’article 287 de la Company Act, R.S.B.C. 1979, ch. 59 (l’ancienne Company Act). Le paragraphe 286(2) de l’ancienne Company Act est en grande partie semblable au paragraphe 262(2) de la Company Act actuelle et l’article 287 de l’ancienne Company Act est identique à l’article 263 de la Company Act actuelle.

 

[35]           La question centrale en litige dans cette affaire était celle de savoir si la disposition déterminative du paragraphe 286(2) de l’ancienne Company Act avait pour effet de rétablir rétroactivement l’existence en tant que personne morale de la société en question, comme le prétendait l’intimé. Comme il s’agit d’une décision qui émane de la plus haute juridiction de la Colombie‑Britannique et qui porte directement sur la question soumise à la Cour dans le présent appel, il vaut la peine de reproduire l’extrait pertinent de cet arrêt. Aux pages 594 et 595, le juge Hinkson a écrit ce qui suit :

[traduction]

 

En l’espèce, l’ordonnance rétablissant l’inscription de la société au registre des sociétés le 27 février 1989 prévoyait ce qui suit :

 

LA COUR ORDONNE que la société Natural Nectar Products Canada Ltd. soit réinscrite au registre des sociétés à partir de la date de dépôt d’une copie certifiée conforme de la présente ordonnance auprès du registrateur des sociétés et que la société soit réputée avoir continué d’exister, sous réserve des droits qui peuvent avoir été acquis avant la date de la réinscription de la société au registre des sociétés.

 

En rédigeant le projet d’ordonnance, l’avocat de l’intimé a, après les mots « continué d’exister » inséré les mots « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre », mais le juge n’a pas inclus ces mots dans son ordonnance. À mon avis, il lui aurait été loisible de le faire s’il l’avait jugé à propos eu égard aux circonstances. Il aurait alors exercé un pouvoir que lui confère l’article 287. Mais il ne l’a pas fait.

 

L’avocat de l’intimé a invoqué la disposition déterminative de l’article 286 pour signaler que, dans les décisions suivantes, il avait été jugé que les lois qui renferment des dispositions déterminatives ont un effet rétroactif : A.G.B.C. c. Royal Bank of Can., [1937] R.C.S. 459, [1937] 3 D.L.R. 393; Culchoe Nu Lodge (1980) Ltd. c. Cando Contr. Ltd. (1986), 73 A.R. 342 (M.C.); Montreal Trust Co. c. Boy Scouts of Can. (Edmonton Region) Foundation, [1978] 5 W.W.R. 123, 3 E.T.R. 1, 88 D.L.R. (3d) 99 (C.S.C.-B.); Home Mtge. Ltd. c. Robertson, [1988] 4 W.W.R. 260, 68 Sask. R. 274 (Q.B.); et Zangelo Invt. Ltd. c. Glasford State Inc. (1987), 59 O.R. (2d) 510, 38 D.L.R. (4th) 395; confirmé par 63 O.R. (2d) 510, 49 D.L.R. (4th) 320 (C.A.).

 

Chacune de ces affaires portait sur des articles qui étaient différents des dispositions actuelles des articles 286 et 287 de la Company Act.

 

À mon avis, la disposition déterminative de l’article 286 a été insérée pour éviter le problème qui se présenterait sinon lorsqu’une société a été radiée du registre et qu’elle est par la suite réinscrite au registre. Ainsi que le lord juge Jenkins l’a fait observer dans l’arrêt Tymans, à la page 622 :

Des difficultés par ailleurs évidentes portant notamment sur la constitution en personne morale, la qualité de membre et le capital-actions surgiraient et, si la société reconstituée reprenait vie sous la forme d’une entité juridique distincte de celle de la société dissoute, les prétentions formulées par la société reconstituée ou contre elle relativement aux opérations réalisées avant sa dissolution seraient irrecevables.

 

La raison d’être de l’insertion de la disposition déterminative était d’éviter ces problèmes, ainsi que toute idée que la réinscription de la société au registre n’a pas eu pour effet de la faire revivre.

 

Suivant ce raisonnement, je ne conclus cependant pas que l’on doive donner un effet rétroactif à l’article 286. Cet effet ne peut être attribué à l’ordonnance réinscrivant la société au registre que si le tribunal donne, en vertu de l’article 287, des directives appropriées en vue de remettre la société « dans la même position, autant que possible, que celle dans laquelle elle se trouverait si elle n’avait pas été dissoute […] »

 

À mon avis, tel aurait été l’effet de l’ordonnance réinscrivant la société au registre si on avait trouvé les mots « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre » dans l’ordonnance.

 

Si l’on interprète l’ordonnance en fonction de son libellé final, force est d’admettre, à mon avis, qu’elle n’a pas pour effet de remettre la société dans la même position, autant que possible, que celle dans laquelle elle se trouverait si elle n’avait pas été dissoute. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[36]           J’estime qu’il ressort clairement de ce passage que la disposition déterminative du paragraphe 286(2) de l’ancienne Company Act et, par voie de conséquence, le paragraphe 262(2) de la Company Act, n’ont pas pour effet de rétablir rétroactivement l’existence de la société qui a été réinscrite. On ne peut parvenir à ce résultat qu’en insérant des dispositions expresses en ce sens dans le texte de l’ordonnance conformément à l’exercice du pouvoir contenu à l’article 287 de l’ancienne Company Act ou, subséquemment, conformément à l’article 263 de la Company Act. Ainsi, l’ordonnance portant réinscription au registre qui ne renferme pas les mots requis aura pour effet de faire revivre la société en question pour l’avenir et non pour le passé.

 

[37]           Appliquant le raisonnement suivi dans l’arrêt Natural Nectar à la question qui nous occupe, j’estime que l’article 263 de la Company Act habilite la Cour suprême de la Colombie‑Britannique à ordonner la réintégration rétroactive dans leurs fonctions des administrateurs qui étaient en poste au moment de la dissolution de la société en question, étant donné que chaque personne qui était administrateur à cette époque répondrait alors à la définition de l’expression « toute autre personne » employée à l’article 263 de la Company Act. J’estime toutefois aussi que, comme il est nécessaire que l’ordonnance de rétablissement de l’inscription contienne des termes explicites pour obtenir une réinscription rétroactive de la société lorsqu’on exerce un des pouvoirs conférés par l’article 263 de la Company Act (ainsi que la Cour l’a conclu dans Natural Nectar), il doit s’ensuivre que la réintégration rétroactive des administrateurs dans les postes qu’ils occupaient à la date de la dissolution de la société exige aussi l’inclusion d’un texte explicite en ce sens dans l’ordonnance de rétablissement conformément au pouvoir conféré par la disposition législative en question.

 

[38]           Eu égard aux faits de l’espèce, l’ordonnance de la Cour déclarait que la société était réputée avoir continué d’exister « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre ». À mon avis, l’emploi de ces mots témoigne de l’exercice spécifique du pouvoir conféré à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en vertu de l’article 263 de la Company Act en vue de rétablir rétroactivement l’existence de la société en tant que personne morale. Toutefois, l’ordonnance de la Cour ne renferme pas la moindre mention de la réintégration, rétroactive ou non, des frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs, comme elle aurait certainement pu le faire. Je suis par conséquent d’avis que l’ordonnance de la Cour n’a pas eu cet effet et que les frères Aujla n’ont pas été réintégrés dans leurs fonctions d’administrateurs de la société aux termes de l’ordonnance de la Cour.

 

[39]           Je tiens à répéter que cette conclusion repose sur les dispositions particulières de la Company Act qui étaient en vigueur au moment des cotisations établies au sujet des frères Aujla, étant donné que ces dispositions ont été interprétées dans les décisions applicables. Il est évident que les règles de droit relatives aux sociétés ont évolué avec le temps en Colombie‑Britannique (voir l’arrêt A.-G. B.C. c. Royal Bk. et al., [1937] 3 D.L.R. 393 (C.S.C.), dans lequel la Cour s’est penchée sur la réinscription au registre d’une société qui avait été radiée du registre conformément à la Companies Act, R.S.B.C., 1924, ch. 38). Aux termes des dispositions applicables de cette loi, la réinscription avait un effet rétroactif qui ne dépendait pas de l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire. Ces dispositions différaient singulièrement des dispositions correspondantes de l’ancienne Company Act interprétées dans Natural Nectar et de celles de la Company Act qui sont à l’examen dans le présent appel. On peut donc constater que, même sur le territoire d’une même province, les dispositions législatives applicables portant sur les sociétés peuvent changer avec le temps, de sorte que les incidences fiscales de faits ou d’opérations semblables peuvent être différentes selon les dispositions précises de la loi sur les sociétés qui s’appliquent au moment des faits ou des opérations en cause.

 

[40]           Je tiens à ajouter que le fait de faire revivre rétroactivement une société sans réintégrer rétroactivement dans leurs fonctions les administrateurs qui étaient en poste au moment de sa dissolution pourrait sembler problématique, en ce sens que, sans administrateurs, la société ne pourrait vraisemblablement pas fonctionner. Eu égard aux circonstances de l’espèce, cette préoccupation éventuelle ne se pose pas étant donné qu’on ne trouve au dossier aucun indice permettant de penser que la société a entrepris ou qu’elle souhaitait entreprendre des activités après la date de sa dissolution, le 5 mars 1999. Si les actionnaires de la société avaient jugé utile pour la société de se livrer à des activités après sa réinscription au registre, ils auraient pu adopter une résolution prévoyant l’élection d’administrateurs. Je m’empresse d’ajouter qu’il ne s’agit pas d’un cas dans lequel la personne qui occupait le poste d’administrateur avant la dissolution de la société, au sens du paragraphe 257(3) de la Company Act, a continué à agir comme si elle était demeurée administrateur malgré la dissolution. Dans ces conditions, je signale qu’aux termes de la définition du terme « administrateur » (director) que l’on trouve à l’article 1 de la Company Act, [traduction] « est assimilé à un administrateur toute personne, indépendamment du nom sous lequel elle est désignée, qui exécute les fonctions d’un administrateur ». Ainsi, si une telle société était reconstituée rétroactivement et qu’une personne qui en était un administrateur immédiatement avant sa dissolution continuait à exécuter les fonctions d’un administrateur de la société en question au cours de la période suivant la dissolution, les agissements de cette personne pourraient être suffisants pour faire en sorte qu’elle réponde à la définition du terme « administrateur » à l’article 1 de la Company Act. Eu égard aux circonstances de l’espèce, ces considérations sont théoriques étant donné que rien ne permet de penser que les frères Aujla ont, après le 5 mars 1999, accompli quelque acte que ce soit qui serait susceptible de leur permettre de répondre à la définition d’administrateur prévue à l’article 1 de la Company Act ou encore que l’on ait accompli ou envisagé d’accomplir quelque acte que ce soit au nom de la société.

 

L’ordonnance de la Cour a-t-elle eu pour effet de réintégrer prospectivement les frères Aujla dans leurs postes d’administrateurs?

 

[41]           En ce qui concerne l’argument final de Sa Majesté suivant lequel le juge de la Cour de l’impôt a implicitement conclu que les frères Aujla avaient été réintégrés dans leurs fonctions d’administrateurs de la société à la date de l’ordonnance de la Cour, je suis d’avis que le juge de la Cour de l’impôt n’a pas tiré cette conclusion. Cet argument est par conséquent rejeté.

 

Conclusion

 

[42]           En résumé, je conclus que les frères Aujla ont cessé d’être des administrateurs de la société le 5 mars 1999, date de la dissolution de la société, et que l’ordonnance de la Cour n’a pas eu pour effet de les réintégrer (rétroactivement ou autrement) dans leurs fonctions d’administrateurs. Il s’ensuit donc qu’ils ont le droit de s’opposer aux cotisations établies à leur endroit le 4 septembre 2003 étant donné que ces cotisations ont été établies après l’expiration, en mars 2001, du délai de prescription prévu au paragraphe 323(5) de la LTA. Il s’ensuit également qu’il n’est pas nécessaire que j’examine les incidences des mots « sous réserve de » à l’article 263 de la Company Act et de l’ordonnance de la Cour.

 

DISPOSITIF

 

[43]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis de rejeter les appels et de n’accorder qu’un seul mémoire de dépens. J’ordonnerais également qu’une copie des présents motifs soit versée dans chacun des dossiers de la Cour, soit les dossiers A‑40‑08 et A‑41‑08.

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

Robert Décary, j.c.a. »

 

 

 


LE JUGE BLAIS (motifs dissidents)

 

 

 

INTRODUCTION

 

[44]           La Cour est saisie de l’appel d’un jugement (2007 CCI 64) rendu par le juge Bowie de la Cour canadienne de l’impôt le 21 décembre 2007.

 

[45]           De façon générale, le débat porte sur la question de savoir si Amarjit Aujla et Harjinder Aujla (les frères Aujla) peuvent être tenus personnellement responsables, en tant qu’administrateurs d’une société qui a récemment été réinscrite au registre, Aujla Construction Ltd. (la société), d’un montant de 197 995,75 $ en taxes dues en vertu de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[46]           Plus précisément, le débat porte sur la question de savoir si l’on peut obliger les frères Aujla à répondre personnellement de cette dette en tant qu’administrateurs malgré le fait que leur nom ne figure pas dans l’ordonnance de février 2003 (l’ordonnance de la Cour) par laquelle la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a réinscrit la société au registre des sociétés.

 

[47]           Je m’en remets à l’exposé des faits du juge de la Cour de l’impôt et à celui de mon collègue au lieu de relater à nouveau les faits.

 

[48]           J’ai eu l’avantage de prendre connaissance des motifs rédigés par mon collègue, mais je dois, en toute déférence, me dissocier de la décision qu’il propose.

 

ANALYSE

[49]           Pour définir les obligations auxquelles les frères Aujla pourraient éventuellement être tenus, il faut tenir compte de l’ordonnance de la Cour, de la Loi sur la taxe d’accise fédérale, ainsi que de la Company Act de la Colombie-Britannique.

 

[50]           L’ordonnance de la Cour porte :

[traduction]

 

LA COUR ORDONNE que la société Aujla Construction Ltd. soit réinscrite au registre des sociétés pour une période n’excédant pas deux ans, à partir de la date de dépôt d’une copie certifiée conforme de la présente ordonnance auprès du registrateur des sociétés, afin de permettre au ministre du Revenu national d’établir et de recouvrer le montant dû en taxe sur les produits et services par Aujla Construction Ltd. au Receveur général du Canada.

 

LA COUR ORDONNE EN OUTRE que la société Aujla Construction Ltd. soit réputée avoir continué d’exister comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre et elle n’avait jamais été dissoute, sous réserve des droits qui peuvent avoir été acquis avant la date de la réinscription d’Aujla Construction Ltd. au registre des sociétés.

 

[51]           Le pouvoir de réinscrire une société au registre des sociétés en vertu d’une ordonnance judiciaire se trouve aux articles 262 et 263 de la Company Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C., 1996 ch. 62 :

[traduction]

 

262(1) Si une société a été dissoute, ou si l’inscription d’une société extraprovinciale a été annulée, conformément à la présente loi ou une loi antérieure sur les sociétés par actions, le tribunal, s’il est convaincu qu’il est juste que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, au plus tard dix ans après la date de dissolution ou d’annulation, à la demande du liquidateur, d’un membre ou d’un créancier de la société ou de la société extraprovinciale, ou de toute autre personne intéressée, peut ordonner que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, suivant les modalités que le tribunal estime appropriées.

 

(2) Si une société ou une société extraprovinciale est réinscrite au registre en vertu du paragraphe (1), elle est réputée avoir continué d’exister, ou l’inscription de la société extraprovinciale est réputée ne pas avoir été annulée, et des instances peuvent être intentées comme si la société n’avait pas été annulée.

 

(3) Le tribunal peut rendre, conformément au paragraphe (1), une ordonnance rétablissant l’inscription au registre d’une société ou d’une société extraprovinciale pour une période déterminée, et, après l’expiration de cette période, le registrateur doit aussitôt radier la société du registre, ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, annuler son inscription. […]

 

et

 

263 Dans le cas d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 262, le tribunal peut donner des directives et prendre les mesures qu’il estime appropriées pour rétablir, dans la mesure du possible, la société ou la société extraprovinciale, ou toute autre personne, dans la position qu’elle aurait occupée s’il n’y avait pas eu dissolution de la société ou annulation de l’inscription de la société extraprovinciale, mais, à moins que le tribunal n’en décide autrement, l’ordonnance est rendue sous réserve des droits acquis avant la date à laquelle la société ou la société extraprovinciale est réinscrite au registre. [Non souligné dans l’original.]

 

[52]           Le délai de prescription applicable aux faits de l’espèce se trouve aux paragraphes 323(4) et 323(5) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, dont voici le texte :

323.   (4) Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l’avis de cotisation applicable.

 

(5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur. [Non souligné dans l’original.]

 

323.   (4) The Minister may assess any person for any amount payable by the person under this section and, where the Minister sends a notice of assessment, sections 296 to 311 apply, with such modifications as the circumstances require.

 

(5) An assessment under subsection   (4) of any amount payable by a person who is a director of a corporation shall not be made more than two years after the person last ceased to be a director of the corporation. (emphasis added)

 

[53]           Lorsqu’on examine l’éventuelle responsabilité des frères Aujla, le plus grand obstacle est le délai de prescription. Comme la loi précise bien que l’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur « se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur », il faut nécessairement conclure que les frères Aujla : a) soit sont demeurés administrateurs au cours de la période durant laquelle la société a été radiée du registre; b) soit ont été réintégrés dans leurs fonctions d’administrateurs lorsque la société a été réinscrite au registre, de sorte qu’ils n’ont pas encore « cessé pour la dernière fois » d’être administrateurs.

 

[54]           Toute autre considération portant sur les cinq ans que le ministre a laissés s’écouler avant d’entreprendre des démarches pour recouvrer le montant dû par la société n’est pas pertinente en l’espèce. Selon l’article 262 de la Company Act, le protonotaire a le pouvoir discrétionnaire de réinscrire la société au registre à la condition que la réinscription soit juste et qu’elle ait lieu dans les dix ans suivant la dissolution de la société. Du fait qu’une ordonnance de réinscription a été prononcée, il est évident que le protonotaire a jugé que l’ordonnance était juste. Cette ordonnance n’a pas été portée en appel. Il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, de tenir compte du temps que le ministre a laissé s’écouler ou d’examiner toute allégation portant que le ministre a tardé à faire valoir ses droits.

 

Les frères Aujla ont-ils continué à occuper leurs postes d’administrateurs malgré la dissolution?

 

[55]           Si les frères Aujla avaient continué d’exercer leurs fonctions d’administrateurs malgré la dissolution de la société, ils n’auraient jamais « cessé » d’être des administrateurs et le délai de prescription du paragraphe 323(5) de la Loi sur la taxe d’accise n’aurait pas commencé à courir.

 

[56]           Les parties conviennent qu’il faut se tourner vers les dispositions législatives provinciales applicables pour savoir si une personne a cessé ou non d’être un administrateur. Dans le cas des frères Aujla, Sa Majesté soutient qu’aux termes de la Company Act de la Colombie‑Britannique, les administrateurs ne cessent d’occuper leur poste que conformément aux dispositions prévues à l’article 130 ou lorsque la société est dissoute volontairement.

 

[57]           De toute évidence, l’article 130 de la Company Act de la Colombie-Britannique n’a aucune incidence sur le mandat des frères Aujla comme administrateurs. L’article 130 dispose en effet :

[traduction]

 

130(1) Le mandat d’un administrateur prend fin à l’expiration de la période pour laquelle il a été nommé conformément aux statuts constitutifs ou lorsque :

 

a) il meurt ou démissionne; 

b) il est démis de ses fonctions conformément au paragraphe (3);

c) il n’est pas habilité en vertu de l’article 114;

d) il est démis de ses fonctions conformément à l’acte ou aux statuts constitutifs.

 

(2) La démission d’un administrateur prend effet à la date de réception au siège social de la société d’un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

(3) Par dérogation à toute disposition de l’acte ou des statuts constitutifs, la société peut, par résolution spéciale, destituer un administrateur avant l’expiration de son mandat et désigner une autre personne à sa place, par voie de résolution ordinaire.

 

 

[58]           Se fondant sur la décision de la Cour de comté de la Colombie‑Britannique R c. Gill, [1989] B.C.J. No. 2225, 40 B.C.L.R. (2d) 360 (Gill), Sa Majesté a tenté de faire valoir que le mandat de l’administrateur prenait fin au moment de la dissolution de la société, mais uniquement lorsque cette dissolution est volontaire. En fait, la seule chose que le tribunal a indiqué, dans la décision Gill, c’est que : [traduction] « une société dissoute est une société défunte qui a entraîné dans sa mort ses dirigeants et administrateurs ».

 

[59]           Il n’y a pas de jurisprudence qui appuie l’argument que, lorsqu’une société est dissoute involontairement, ses administrateurs ne cessent pas d’être des administrateurs. Ainsi, avant le prononcé de l’ordonnance de la Cour réinscrivant la société au registre, la société avait cessé d’exister et l’on était dans l’incertitude quant au statut légal des frères Aujla en tant qu’administrateurs.

 

La responsabilité des frères Aujla a-t-elle survécu à la dissolution?

[60]           La société a été radiée du registre conformément à l’alinéa 257(1)a) et aux paragraphes 257(3) et 257(4) de la Company Act de la Colombie-Britannique :

[traduction]

 

257(1) Le registrateur envoie par courrier à la société ou à la société extraprovinciale une lettre recommandée l’avisant de son défaut ou des réserves qu’il a à son sujet et des pouvoirs qu’il a en vertu du paragraphe (3) dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) la société ou la société extraprovinciale a omis pendant deux ans de produire auprès du registrateur le rapport annuel ou toute autre déclaration, tout autre avis ou tout autre document devant être produit aux termes de la présente loi;

 

[…]

 

257(3) Le registrateur peut faire paraître dans la Gazette un avis indiquant qu’en tout temps après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la date de publication de l’avis, en l’absence d’opposition justifiée, la société sera radiée du registre et dissoute ou la société extraprovinciale verra son inscription annulée si, dans un délai d’un mois après l’envoi par courrier de la lettre visée au paragraphe (1) ou (2), le registrateur n’a pas reçu de réponse :

 

a) soit indiquant qu’il est ou a été remédié au manquement ou qu’il y a eu autrement règlement à la satisfaction du registrateur;

 

b) soit avisant le registrateur que la société extraprovinciale continue d’exercer ses activités commerciales en Colombie‑Britannique.

 

(4) En tout temps après le délai d’un mois suivant la publication de l’avis visé au paragraphe (3), le registrateur, en l’absence d’opposition justifiée, peut radier la société du registre, celle‑ci étant dissoute dès sa radiation, ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, annuler son inscription.

  

 

[61]           Sa Majesté soutient que les administrateurs demeurent responsables lorsque la société a été dissoute pour des raisons d’ordre administratif conformément à l’article 257. Sa Majesté fonde son argument sur l’article 260 de la Company Act :

[traduction]

 

260 La responsabilité de tout administrateur, dirigeant, liquidateur ou membre d’une société radiée du registre, ou d’une société extraprovinciale dont l’inscription a été annulée, en vertu des articles 256, 257, 259 ou 319, est maintenue et peut être invoquée comme si la société n’avait pas été radiée du registre ou comme si l’inscription de la société extraprovinciale n’avait pas été annulée.

 

[62]           Il semblerait donc que les frères Aujla étaient toujours responsables malgré le fait que la société avait été radiée du registre. Cette position est confirmée par les décisions Canadian Sports Specialist Inc. c. Phillipon (1990), 66 D.L.R. (4th) 188, et Whittier Wood Products c. Vernon-Jarvis, [2003] B.C.J. No. 675 (Whittier), qui appuient l’idée que :

[traduction] […] l’administrateur qui a manqué à ses obligations fiduciaires est personnellement responsable des actes en question pendant la période au cours de laquelle la société a été radiée du registre.

 

 

[63]           Dans l’affaire Whittier, une société avait été radiée du registre en vertu de l’article 257 de la Company Act pour défaut d’avoir produit ses rapports annuels pendant deux années. Malgré la dissolution de la société, l’administrateur avait continué à exploiter l’entreprise en commandant et en recevant des marchandises, mais avait refusé de les payer. Le juge Yee, de la Cour provinciale, a déclaré l’administrateur responsable, en vertu de l’article 260 de la Company Act de la Colombie‑Britannique, en raison de son défaut de respecter les obligations fiduciaires qui lui incombaient en tant qu’administrateur. Bien que le juge Yee ait imposé cette responsabilité en partie en raison du fait que l’administrateur avait continué à agir comme si la société n’avait pas été dissoute, il vaut la peine de signaler que le libellé de l’article 260 n’exige pas que l’administrateur continue à se comporter comme un administrateur de la société dissoute pour voir sa responsabilité engagée.

 

[64]           Eu égard aux circonstances de la présente affaire, les frères Aujla se sont également vus attribuer des obligations fiduciaires. Par l’intermédiaire de la société, ils avaient perçu des taxes qui étaient censées être remises au gouvernement. Ils détenaient ces sommes en tant que fiduciaires. Leur défaut de remettre les taxes au gouvernement constituait un manquement à leurs obligations de fiduciaires.

 

[65]           Par conséquent, l’article 260 peut être invoqué pour faire valoir que la responsabilité des frères Aujla pour les actes négligents commis avant la dissolution de la société peut être maintenue. La jurisprudence actuelle ne reconnaît toutefois pas que l’article 260 permet d’une certaine manière à la Cour de conclure que les administrateurs n’ont pas cessé d’être des administrateurs après la dissolution administrative de la société. La différence qui nous intéresse est que, même si la responsabilité pour négligence continuait à exister, il faut quand même conclure que les frères Aujla n’ont pas cessé d’occuper leurs postes d’administrateurs puisque le délai de prescription prévu par la Loi sur la taxe d’accise ne s’applique pas. Comme l’article 260 n’appuie pas la conclusion de Sa Majesté suivant laquelle les frères Aujla ont continué d’être des administrateurs de la société après la dissolution de cette dernière, on demeure dans l’incertitude quant au statut légal des frères Aujla comme administrateurs.

 

[66]           En revanche, pour que les frères Aujla puissent se prévaloir du délai de prescription prévu à l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, ils devaient nécessairement démontrer qu’ils n’étaient pas des administrateurs au sens des lois de la Colombie‑Britannique. À défaut de preuve démontrant que les frères Aujla ont cessé d’être des administrateurs, ils demeurent responsables aux termes de l’article 260 de la Company Act. Comme les frères Aujla n’ont pas cessé d’occuper leurs postes d’administrateurs au sens de l’article 130 de la Company Act et qu’ils ne sont pas touchés par une règle de common law les dégageant de leurs fonctions d’administrateurs, leur responsabilité est régie et maintenue par l’article 260 de la Company Act.

 

L’ordonnance de la Cour a-t-elle eu pour effet de réintégrer les frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs?

 

[67]           Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que l’ordonnance de la Cour n’avait pas pour effet de réintégrer les frères Aujla dans leurs postes d’administrateurs de la société lorsque celle-ci avait été réinscrite au registre des sociétés.

 

[68]           Sa Majesté soutient que la décision Natural Nectar Products Canada Ltd. c. Theodor (B.C.C.A), [1990] B.C.J. No. 1342 (Natural Nectar) appuie la conclusion que, lorsqu’une société a été réinscrite au registre avec les mots « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre », cette société se retrouve « dans la même position, autant que possible, que celle dans laquelle elle se trouverait si elle n’avait pas été dissoute » et que, par conséquent, ses administrateurs sont également réintégrés dans leurs fonctions.

 

[69]           Dans les motifs qu’il a rédigés en l’espèce, mon collègue examine lui aussi la décision Natural Nectar mais il parvient à une conclusion différente. Mon collègue fait valoir que, tout comme l’ordonnance doit inclure les mots « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre » pour avoir un effet rétroactif selon la décision Natural Nectar, l’ordonnance doit aussi inclure des termes déclarant expressément que les administrateurs sont réintégrés dans leurs fonctions pour que ceux-ci reprennent leurs postes d’administrateurs.

 

[70]           Or, cette conclusion crée une grande difficulté sur le plan conceptuel. Si une société est réinscrite au registre sans qu’il soit clair que le mandat de ses derniers administrateurs connus se poursuit ou que les administrateurs qui étaient en poste au moment de sa dissolution sont effectivement réintégrés dans leurs fonctions, la société n’est rien de plus qu’un nom sur un registre. Sans actifs ou sans administrateurs, toute réclamation devient sans objet et il n’y a personne pour contester les actes qui ont vraisemblablement motivé l’ordonnance rétablissant l’inscription. Bref, toute réclamation dirigée contre la société est irrecevable.

 

[71]           La difficulté ainsi créée ressemble à celle qu’a constatée le lord juge Jenkins dans l’arrêt Tymans, Ltd. c. Craven, [1952] 1 All E.R. 613. Le lord juge Jenkins explique ce qui suit :

[traduction] des difficultés évidentes portant notamment sur la constitution en personne morale, la qualité de membre et le capital‑actions surgiraient et, si la société reconstituée reprenait vie sous la forme d’une entité juridique distincte de celle de la société dissoute, les prétentions formulées par la société reconstituée ou contre elle relativement aux opérations réalisées avant sa dissolution seraient irrecevables. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[72]           Dans l’arrêt Natural Nectar, le juge Hinkson reprend à son compte les réserves formulées par le lord juge Jenkins et signale que ce genre de difficulté permet de comprendre pourquoi le législateur a autorisé la disposition déterminative rétroactive à l’article 263 de la Company Act et pourquoi ce type de disposition devrait être inséré dans toute ordonnance judiciaire visant à avoir pour effet de réinscrire rétroactivement une société au registre. Le juge Hinkson a conclu :

[traduction]

 

Suivant ce raisonnement, je ne conclus cependant pas que l’on doit donner un effet rétroactif à l’article 286 [maintenant l’article 262]. Cet effet ne peut être attribué à l’ordonnance réinscrivant la société au registre que si le tribunal donne, en vertu de l’article 287, des directives appropriées en vue de remettre la société « dans la même position, autant que possible, que celle dans laquelle elle se trouverait si elle n’avait pas été dissoute […] »

 

À mon avis, tel aurait été l’effet de l’ordonnance réinscrivant la société au registre si on avait trouvé les mots « comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre » dans l’ordonnance.

 

 

[73]           Bien qu’une disposition déterminative rétroactive ait été employée dans l’ordonnance de la Cour en litige par le truchement de la clause [traduction] « la société [est] réputée avoir continué d’exister comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre », mon collègue soutient que ce libellé n’est pas suffisant pour réintégrer les administrateurs dans leurs fonctions et qu’il aurait fallu insérer une disposition déterminative supplémentaire portant exclusivement sur les administrateurs pour obtenir l’effet désiré.

 

[74]           Il découle de ce raisonnement qu’il faut insérer une disposition supplémentaire pour combattre la présomption que le mandat des frères Aujla en tant qu’administrateurs a cessé au moment de la dissolution, malgré la mention explicite que l’on trouve dans la disposition rétroactive actuelle suivant laquelle la dissolution n’a pas eu lieu étant donné que la société [traduction] « est réputée avoir continué d’exister comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre ». Cette entorse à la logique s’explique par le fait que la dissolution est présumée avoir provoqué l’expiration du mandat des frères Aujla comme administrateurs, mais l’on prétend maintenant que l’annulation rétroactive de la dissolution est insuffisante pour défaire la cessation du mandat des frères Aujla comme administrateurs.

 

[75]           Le fait qu’on se retrouve au bout du compte avec une société qui est réinscrite au registre mais qui n’a plus d’administrateurs va par ailleurs à l’encontre de l’article 108 de la Company Act de la Colombie‑Britannique, suivant lequel une société doit compter au moins un administrateur. Aux termes de l’article 108, les frères Aujla doivent être présumés avoir été réintégrés dans leurs fonctions en même temps que la société a été réinscrite au registre étant donné qu’aucun autre administrateur n’a jamais été associé à cette société. Ainsi, bien qu’elle ne fasse aucune mention explicite de la réintégration des administrateurs, l’ordonnance de la Cour doit néanmoins avoir pour effet de réintégrer les frères Aujla dans leurs fonctions étant donné qu’ils n’ont jamais cessé d’occuper leur poste au sens de l’une quelconque des dispositions de la Company Act de la Colombie-Britannique. La dissolution qui aurait mis fin à leur mandat en tant qu’administrateurs est présumée n’avoir jamais eu lieu et une société ne peut exister sans administrateurs.

 

[76]           Ma conclusion s’inscrit dans le droit fil du raisonnement du juge O’Connor, de la Cour canadienne de l’impôt, dans la décision Glass c. Canada, [1997] A.C.I. no 1020, au paragraphe 16 :

[12]  Du fait de l’ordonnance de réinscription, la compagnie était réputée avoir continué d’exister. En outre, en vertu de l’article 284 de la Loi de la C.‑B. [maintenant l’article 260], la responsabilité de l’administration a été maintenue. En conséquence, l’appelant ne peut se prévaloir du délai de prescription prévu […]

 

 

[77]           L’interprétation suivant laquelle les administrateurs sont réintégrés dans leurs fonctions dès que la société est réinscrite au registre est également appuyée par la décision Cadorette c. Canada, [2008] CCI 416, [2008] A.C.I. no 316, dans laquelle le juge Favreau, de la Cour canadienne de l’impôt, a statué que :

[…] l’appelant doit être considéré comme n’ayant jamais perdu son statut d’administrateur entre le moment où l’immatriculation de la société a été radiée d’office et le moment où le registraire des entreprises a révoqué la radiation de l’immatriculation de la société.

 

Cette jurisprudence a toutefois une valeur probante limitée, car elle porte sur le statut des administrateurs selon le droit des sociétés du Québec. Or, toutes les parties au présent appel conviennent que les règles de droit applicables à la détermination du statut des frères Aujla en tant qu’administrateurs sont exclusivement celles que l’on trouve dans la Company Act de la province de la Colombie‑Britannique.

 

Les mots « sous réserve de » à l’article 263 s’appliquent-ils aux administrateurs?

[78]           Les mots « sous réserve de » que l’on trouve à l’article 263 de la Company Act exigent que l’ordonnance de la Cour ne porte pas atteinte aux [traduction] « droits acquis avant la date à laquelle la société ou la société extraprovinciale est réinscrite au registre ». Toutefois, comme les frères Aujla n’ont jamais cessé d’être des administrateurs de la société, ils n’ont jamais acquis de droits et l’ordonnance de la Cour n’a pas pour effet de porter atteinte aux droits en question.

 

[79]           Qui plus est, cette disposition est censée s’appliquer aux tiers qui ont acquis des droits depuis la dissolution, ce qui est confirmé par la décision Re : Montreal Trust société and Boys Scouts of Canada Foundation et al., 88 D.L.R. (3d) 99, au paragraphe 18, où le juge Ruttan écrit :

[traduction]

 

En l’espèce, je conclus que l’article 189 de la loi et l’ordonnance rendue en application de cet article créent une présomption irréfragable suivant laquelle la société a continué d’exister, de sorte que non seulement les droits qui existaient antérieurement mais aussi ceux qui ont été acquis dans l’intervalle pouvaient rétroactivement faire partie des actifs de la société.

 

Cette présomption « irréfragable » n’entre pas en conflit avec la protection accordée aux tiers par l’article 189 [maintenant l’article 262] de la Loi :

 

[…] sous réserve des droits acquis avant la date à laquelle la société est réinscrite au registre […]

 

Les droits visés sont ceux que les tiers ont acquis dans leurs rapports avec la société au cours de la période comprise entre la dissolution et la réinscription.

 

[80]           Alors que l’article 263 évoque, de façon générale, les « droits des parties », l’article 260 indique explicitement que la responsabilité de [traduction] « tout administrateur, dirigeant, liquidateur ou membre d’une société radiée du registre » est maintenue. Compte tenu de cette disposition précise, le libellé général « sous réserve des droits des parties » doit être interprété comme s’appliquant à d’autres personnes que celles qui sont énumérées à l’article 260.

 

Argument d’ordre public relatif au délai de prescription

[81]           Il y a un argument d’ordre public qui milite contre la réintégration des frères Aujla dans leurs fonctions d’administrateurs étant donné qu’ils ne se considèrent probablement plus comme des administrateurs de la société et qu’ils ont organisé leurs affaires personnelles depuis de nombreuses années en croyant qu’ils ne seraient pas tenus responsables.

 

[82]           Il ne faut cependant pas aller jusqu’à récompenser les frères Aujla pour leur négligence. En tant qu’administrateurs de la société, ils ont perçu de l’argent sous forme de taxes qu’ils devaient remettre au gouvernement. La société a par la suite été dissoute en vertu d’une décision administrative du registrateur en raison du défaut des frères Aujla de déposer des rapports annuels. La radiation administrative de la société du registre et la dissolution involontaire subséquente de la société constituent une pénalité imposée en raison de la négligence des frères Aujla.

 

[83]           Les frères Aujla n’auraient pas eu le droit de réclamer la dissolution volontaire de la société sans se conformer à l’article 268 de la Company Act de la Colombie‑Britannique. L’article 268 exige que les administrateurs de la société confirment que la société sera en mesure de payer ses dettes peu de temps après sa dissolution. En voici le texte :

[traduction]

 

268 (1) Si la société fait l’objet d’une proposition de dissolution volontaire, la majorité des administrateurs doivent, avant de convoquer une assemblée générale à cette fin, souscrire un affidavit dans lequel ils déclarent qu’après vérification complète des affaires de la société, ils sont d’avis que celle-ci sera en mesure de payer intégralement ses dettes dans le délai ne dépassant pas douze mois suivant le début de la dissolution qui est précisé dans l’affidavit.

 

(2) L’affidavit visé au paragraphe (1) doit :

 

a) être souscrit dans les cinq semaines précédant la date à laquelle les membres ont adopté la résolution relative à la dissolution volontaire de la société;

 

b) contenir l’état le plus récent possible de l’actif et du passif de la société.

 

(3) Une copie de l’affidavit doit :

 

a) être déposée auprès du registrateur avant l’assemblée;

 

b) être présentée lors de l’assemblée au cours de laquelle la résolution portant sur la dissolution volontaire de la société doit être proposée.

 

(4) Commet une infraction tout administrateur d’une société qui souscrit un affidavit conformément au présent article sans avoir de motifs raisonnables de penser que la société sera en mesure de payer ses dettes intégralement dans le délai précisé dans l’affidavit.

 

(5) Si une société est dissoute conformément à une résolution adoptée dans les cinq semaines de l’affidavit sans que ses dettes soient payées intégralement ou sans qu’il y soit pourvu dans le délai précisé dans l’affidavit, il est présumé, à moins que le contraire ne soit démontré, que le déclarant n’avait pas de motifs raisonnables d’exprimer cet avis.

 

(6) Le présent article ne s’applique pas à une dissolution entreprise avant le 1er octobre 1973.

 

[84]           Advenant le cas où les administrateurs manquent à leur obligation d’administrateurs ou à celles que l’article 268 leur impose, le tribunal peut prendre les mesures suivantes en vertu de l’article 290 :

290 En cas de dissolution d’une société, le tribunal peut :

[…]

 

i) sur demande présentée par l’une des personnes mentionnées au paragraphe 271(1), examiner la conduite de toute personne qui a participé à la création ou au développement de la société ou celle de tout directeur, dirigeant, séquestre, administrateur séquestre, liquidateur ou membre de la société, ancien ou actuel, lorsqu’il semble que cette personne a, relativement à la société, détourné ou retenu des sommes ou des biens, ou en est devenue responsable ou comptable, ou commis un abus de confiance, et lui ordonner de rembourser ou de restituer en tout ou en partie ces sommes ou ces biens, avec intérêt au taux que le tribunal juge approprié, ou de verser à l’actif de la société, en dédommagement du tort causé par ce détournement, cette retenue ou cet abus de confiance, les sommes d’argent que le tribunal juge appropriées et ce, même si la conduite reprochée rend la personne passible de poursuites.

 

[…]

 

[85]           Les frères Aujla n’ont pas dissous volontairement leur société. Celle‑ci a été dissoute involontairement en raison du défaut des frères Aujla de déposer des rapports annuels. La société a par ailleurs omis de remettre au gouvernement les taxes qu’elle lui devait. Conclure que les frères Aujla ne sont plus responsables des obligations auxquelles ils se sont soustraits en permettant que la société dont ils faisaient partie soit radiée du registre reviendrait à leur permettre de profiter de la négligence dont ils se sont rendus coupables comme administrateurs alors que les articles 268 et suivants de la Company Act ne permettent pas aux administrateurs responsables qui liquident comme il se doit leur société d’agir de la sorte.

 

[86]           Avant la dissolution de la société, les frères Aujla auraient pu remettre leur démission comme administrateurs. Le registrateur était tenu, aux termes du paragraphe 257(1), de faire parvenir aux administrateurs de la société une lettre les informant de leur défaut de déposer les rapports annuels. Un mois après la mise à la poste de la lettre, le registrateur était tenu, aux termes du paragraphe 257(3), de publier dans la Gazette un avis de son intention de radier la société du registre des sociétés. Un mois après la publication de l’avis, le registrateur pouvait radier la société du registre. Les frères Aujla n’ont, en aucun temps au cours de ces délais, remis leur démission de la société. Leur inaction les empêche de se prévaloir du délai de prescription de deux ans prévu à l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise.

 

CONCLUSION

[87]           Les frères Aujla n’ont pas régulièrement dissous leur société et ils n’ont jamais démissionné comme administrateurs. La société a été radiée, a été par la suite réinscrite au registre et a été [traduction] « réputée avoir continué d’exister comme si sa dénomination sociale n’avait jamais été radiée du registre et elle n’avait jamais été dissoute ». En conséquence, les frères Aujla ont continué d’occuper leurs postes d’administrateurs de la société et leur responsabilité demeure la même comme le prévoient l’article 260 de la Company Act de la Colombie‑Britannique et le paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[88]           Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de n’accorder qu’un seul mémoire de dépens.

 

[89]           J’ordonnerais également qu’une copie des présents motifs soit versée dans chacun des dossiers de la Cour, soit les dossiers A‑40‑08 et A‑41‑08.

 

« Pierre Blais »

j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


ANNEXE A

 

Dispositions législatives applicables

 

Article 323 de la Loi sur la taxe d’accise

 

323.(1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

 (2) L’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

[…]

 (4) Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l’avis de cotisation applicable.

 

 (5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

323.(1) If a corporation fails to remit an amount of net tax as required under subsection 228(2) or (2.3) or to pay an amount as required under section 230.1 that was paid to, or was applied to the liability of, the corporation as a net tax refund, the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit or pay, as the case may be, the amount are jointly and severally, or solidarily, liable, together with the corporation, to pay the amount and any interest on, or penalties relating to, the amount.

 (2) A director of a corporation is not liable under subsection (1) unless

(a) a certificate for the amount of the corporation’s liability referred to in that subsection has been registered in the Federal Court under section 316 and execution for that amount has been returned unsatisfied in whole or in part;

(b) the corporation has commenced liquidation or dissolution proceedings or has been dissolved and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in subsection (1) has been proved within six months after the earlier of the date of commencement of the proceedings and the date of dissolution; or

(c) the corporation has made an assignment or a bankruptcy order has been made against it under the Bankruptcy and Insolvency Act and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in subsection (1) has been proved within six months after the date of the assignment or bankruptcy order.

. . .

 (4) The Minister may assess any person for any amount payable by the person under this section and, where the Minister sends a notice of assessment, sections 296 to 311 apply, with such modifications as the circumstances require.

 

 

 (5) An assessment under subsection (4) of any amount payable by a person who is a director of a corporation shall not be made more than two years after the person last ceased to be a director of the corporation.

 

 

 

Company Act de la Colombie-Britannique

 

[traduction]

 

Article 1

 

            Définitions

           

            1(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

            « administrateur » Est assimilé à un administrateur toute personne, indépendamment du nom sous lequel elle est désignée, qui exécute les fonctions d’un administrateur.

 

 

Article 257

           

            Radiation

 

257(1)     Le registrateur envoie par courrier à la société ou à la société extraprovinciale une lettre recommandée l’avisant de son défaut ou des réserves qu’il a à son sujet et des pouvoirs qu’il a en vertu du paragraphe (3) dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a)      la société ou la société extraprovinciale a omis pendant deux ans de produire auprès du registrateur le rapport annuel ou toute autre déclaration, tout autre avis ou tout autre document devant être produit aux termes de la présente loi;

 

b)      le registrateur a des motifs raisonnables de croire qu’une société extraprovinciale a cessé d’exercer ses activités en Colombie-Britannique;

 

c)      la société ou la société extraprovinciale a omis, dans les dix jours suivant son défaut de payer l’amende, de payer toute amende à laquelle elle a été condamnée en vertu de la présente loi;

 

d)      la société ou la société extraprovinciale a fait défaut de se conformer à l’ordre donné par le registrateur en vertu de l’article 18;

 

e)      une société déclarante a fait défaut de se conformer à l’article 139;

 

f)       la société ou la société extraprovinciale a omis de se conformer à une des exigences de l’alinéa 338(3)b) dans les 60 jours de la mise à la poste à la société ou à la société extraprovinciale de la lettre recommandée visée au paragraphe 338(4).

 

 

(2)     En cas de dissolution de la société ou de la société extraprovinciale, le registrateur envoie par courrier à la société une lettre recommandée dans laquelle il demande si un liquidateur agit au nom de la société, si celle-ci a fait l’objet d’une liquidation totale, ou l’avisant de son défaut de déposer des déclarations ou de ce que le registrateur croit ou des pouvoirs qu’il a en vertu du paragraphe (3) dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a)      le registrateur a des motifs raisonnables de croire qu’aucun liquidateur n’agit au nom de la société ou que celle-ci n’a pas fait l’objet d’une liquidation totale;

 

b)      les déclarations que le liquidateur doit déposer ne l’ont pas été pendant trois mois consécutifs.

 

 

(3)     Le registrateur peut faire paraître dans la Gazette un avis indiquant qu’en tout temps après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la date de publication de l’avis, en l’absence d’opposition justifiée, la société sera radiée du registre et dissoute ou la société extraprovinciale verra son inscription annulée si, dans un délai d’un mois après l’envoi par courrier de la lettre visée au paragraphe (1) ou (2), le registrateur n’a pas reçu de réponse :

 

a)    soit indiquant qu’il est ou a été remédié au manquement ou qu’il y a eu autrement règlement à la satisfaction du registrateur;

 

b)     soit avisant le registrateur que la société extraprovinciale continue   d’exercer ses activités commerciales en Colombie‑Britannique.

 

(4)     En tout temps après le délai d’un mois suivant la publication de l’avis visé au paragraphe (3), le registrateur, en l’absence d’opposition justifiée, peut radier la société du registre, celle‑ci étant dissoute dès sa radiation, ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, annuler son inscription.

(5)     La lettre postée conformément au présent article peut être adressée au siège social de la société ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, à son établissement principal en Colombie-Britannique.

 

 

Article 262

 

                Réinscription au registre

 

 

                262  (1)   Si une société a été dissoute, ou si l’inscription d’une société extraprovinciale a été annulée, conformément à la présente loi ou une loi antérieure sur les sociétés par actions, le tribunal, s’il est convaincu qu’il est juste que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, au plus tard dix ans après la date de dissolution ou d’annulation, à la demande du liquidateur, d’un membre ou d’un créancier de la société ou de la société extraprovinciale, ou de toute autre personne intéressée, peut ordonner que la société ou la société extraprovinciale soit réinscrite au registre, suivant les modalités que le tribunal estime appropriées.

 

(2)     Si une société ou une société extraprovinciale est réinscrite au registre en vertu du paragraphe (1), elle est réputée avoir continué d’exister, ou l’inscription de la société extraprovinciale est réputée ne pas avoir été annulée, et des instances peuvent être intentées comme si la société n’avait pas été annulée.

 

(3)     Le tribunal peut rendre, conformément au paragraphe (1), une ordonnance rétablissant l’inscription au registre d’une société ou d’une société extraprovinciale pour une période déterminée, et, après l’expiration de cette période, le registrateur doit aussitôt radier la société du registre, ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, annuler son inscription.

 

(4)     Le tribunal ne peut rendre d’ordonnance en vertu du présent article :

                              

a)     dans tous les cas :

 

(i)       à moins qu’un avis de la demande prévu au paragraphe (1) et une copie de tout document déposé à l’appui aient été envoyés au registrateur et que celui-ci y ait consenti;

 

(ii)     jusqu’à une semaine après la publication de la demande, un avis de la demande a été publié dans un numéro de la Gazette et un avis a été envoyé par la poste à la dernière adresse connue au siège social de la société ou, dans le cas d’une société extraprovinciale, à son établissement principal en Colombie-Britannique;

 

b)      dans le cas d’une société ou d’une société extraprovinciale qui, au moment de l’annulation de l’inscription ou de la dissolution, avait le pouvoir d’exercer ses activités comme un club sans le consentement du ministre;

 

c)     dans le cas d’une société ou d’une société extraprovinciale qui, au moment de l’annulation de l’inscription ou de la dissolution, était une société déclarante au sens de la présente loi ou de la Securities Act sans le consentement de la British Columbia Securities Commission.

 

 

Article 263

 

            Pouvoirs du tribunal

 

263          Dans le cas d’une ordonnance rendue en vertu de l’article 262, le tribunal peut donner des directives et prendre les mesures qu’il estime appropriées pour rétablir, dans la mesure du possible, la société ou la société extraprovinciale, ou toute autre personne, dans la position qu’elle aurait occupée s’il n’y avait pas eu dissolution de la société ou annulation de l’inscription de la société extraprovinciale, mais, à moins que le tribunal n’en décide autrement, l’ordonnance est rendue sous réserve des droits acquis avant la date à laquelle la société ou la société extraprovinciale est réinscrite au registre.

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                                          A-40-08 et A-41-08

 

(APPELS D’UN JUGEMENT DU JUGE BOWIE, DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT (2007 CCI 764), EN DATE DU 21 DÉCEMBRE 2007)

 

INTITULÉS :                                                 Sa Majesté la Reine c. Amarjit Aujla

                                                                        Sa Majesté la Reine c. Harjinder Aujla

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 18 SEPTEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y A SOUSCRIT :                                           LE JUGE DÉCARY

 

MOTIFS DISSIDENTS :                              LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 14 OCTOBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce Senkpiel

Lynn Burch

POUR L’APPELANTE

 

 

David R. Davies

Natasha Reid

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Thorsteinssons s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

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